ZO D'AXA :

Z* »'Axa

p*r SmUb.

Brève esquisse d'un aaarohiate de la "belle époque"

par Léo CAMPION

Zo d'AXA

Pamphlétaire-et littérateur français, de son nom véritable Alphonse Gallaùd. Né à Paris le 24 mai 1864. Mort & Marseille le 30 août 1930. « Dans les anthologies qui se préparent, parmi les rangs de nos plus purs écrivains, le nom de Zo d'Axa, grand vagabond, grand pamphlétaire, grand révolté s'inscrira en lettres flamboyantes » (Victor Méiic).

UN TEMPERAMENT. — Je hais lea oppresseurs parce que nul homme n'a le droit absolu de gouverner ou de commander

autrui. Mais si* de ce fait, je parais sentimentalement du côté des opprimés, je ne les estime que médiocrement parce qu'ils acceptent l'oppression. C'est pourquoi il me plaît d'évoqué* l'étrange et pittoresque figure de Zo d'Axa, et la vie tumultueuse de eet homme trop tôt eublié, et maintenant à peu près inconnu.

Il vécut et mourut hors la loi et les préjugés, hors les partis et leurs mou d'ordre, hors les masses suiveuses et disciplinées, hors du troupeau. Il lutta sans drapeau, sans doctrine, sans hiérarchie» sans étiquette, excommunié, magnifique, farouche, seul, lui-même. Selon la bonne vieille formule: « Ni dieu ni maître. »

D'aucuns prétendent Zo d'Axa descendant direct du célèbre

navigateur La Pérouse. Parisien il est insu d'une famille catholique, bourgeoise et fortunée* Il fut un mauvais élève et fit au lycée Chaptal des études peu brillantes. A 17 ans il est Saint-Cyrien, a 10, il s'engage dana les cuirassiers, entrant a l'armée pour se libérer du joug familial. Evidemment il ne supporte pas plus l'un que l'autre. Avide d'aventures il passe aux chasseurs d'Afrique. Mais l'armée est la même sous toutes les latitudes, il déserte. Notons en passant que s'il est ardent, le jeune Gal-laud n'est pas sectaire, son antimilitarisxne n'est pas borné, en désertant il enlève la jeune femme de son capitaine. -

Réfugié à Bruxelles il y débute dans le journalisme par quelques reportages que publient les Nouvelle* du Jour. Puis il fait la conquête de la jolie fille d'un pharmacien et l'emmène en Suisse. Apres la Suisse, l'Italie. Et c'est une belle Italienne, fille de professeur, qui succède à la belge progéniture d'apothicaire.' -Car ai le jeune Gallaud n'est pas sectaire, il est internationaliste. 1889. Amnistie, il rentre en France.

v l'EN-DEHORS. — En mai 1891 paraît le premier numéro de VEn~Dehorg> Cet hebdomadaire effarant et insolite porte en exergue l'explication de son titre: « Celui que rien n'enrôle et qu'une impulsive nature guide seule, ce hor*-la»loi, ce hor* d'école, cet isolé chercheur d'au-delà "ne se deasine-t*il pas dans ce mot: l'En-Deho»? »

L'article de fond « Branche de Mai * est relatif aaux événements de Fourmies. C'est signé d'un pseudonyme inconnu, claironnant et exotique: Zo d'Axa. Outre des militants anarchistes comme Charles Malato, Georges Darien, Félix Fénéon, Sébastien Faure, Arthur Byl qui finit dans la brocante au marché aux puces de Saint-Ouen, et Emile Henry qui, pour avoir jeté une bombe, finit sur l'échafaud, le lecteur sera sans doute étonné d'apprendre que, parmi les rédacteurs de VEn*Dehors% figuraient, groupés autour de Zo d'Axa, les futurs Immortels Georges Lecomte et Henri de Régnier, Lucien Descaves, Octave Mirbeau, Camille Mauclair, Pierre Veber, Tristan Bernard, Ajalbert et Epiile Verhaeren, entre autres.

Toutes les semaines Zo d'Axa s'en donne à coeur joie malgré les perquisitions, les poursuites, les saisies. Il est plein de verve native. Nature artiste et cinglante, c'est un révolté par tempérament. Pas un aigri par U misère et l'injustice. Il sait que les'grands mots provoquent de grands maux et que les grandes choses ne sont que d'aimables plaisanteries. Il fustige la société, « la grande coupable incitant à tous les crimes par respect pour les préjugés *, l'armée, « cette toujours cruelle bête sacrée aux

m: * » i vti'r y* ' - î» ^ > \3 t. »

4». — •

...... • • i%.

* • » . , •

- - . Vi/.-.v ■{ .•V l- ^S^T

... ..r

ZO D AXA A IA FIN pE SA VIE

LES CAHIERS DE CONTRE-COURANT

mille cornes acérée* faites de sabre* et de baïonnette» », la famille, la propriété, la morale, la religion, «. un parlement que nom estimons peu, nne justice que nous soupçonnons fort, et la foule liche et sans pensée ».

Il a des mots splendides: « Les lois qu'ils aiment ne les frapperont jamais ssses. » —• « Les reporters illettrés qui tra-▼aillent dans la chronique judiciaire ne sont certainement pas dea aigles, ils écrivent avec des plumes d'oie. » — « ~Jta magis* tratuie assise — un peu partout... ». Sur un assassinat près de la Bourse « ~.ne trouve-ton pas bien parisien que, près de rétablissement où l'on toIo pendant la journée, on assassine durant la nuit? » À propos d'avortement c ...je ne crois pas que •ce soit bien neuf d'affirmer qu'entre la sonde qui délivre et les noyades préservatrices de tfnjecteur il n'y * pas gr«nde différence. s Et encore « ...cependant les gens à cheval sur le code n'admettent qu'une chose c'est qu'on soit de même sur le bidet. On ne le* fera pas sortir de là: d'un côté c'est la cuvette et de l'autre la cour d'assise*. » Pub en conclusion i « Comme morale il faut que le verdict soit implacable. N'y a-t-il pas un mot d'ordre contre les vulgarisateurs? Ce crime-là est le pire de tous. On ne frappera jamais asses durement la femme faisant à très bon compte, pour des petites gens, ces avortements que le* personnes du monde payent fort cher à MM. les grands doc* teurs. » À propos dé deux capitaines dont l'un a pris la femme de l'autre: « Les deux officiers, anciens.camarades de promotion, avaient le même esprit de corp*. s '

S'adressant aux mineurs dont il appelait les concessions minières dea concessions à perpétuité: * Ou se rappelle que vous vives seulement lorsque le feu vous tue. Alors, en dilettante, on cause un peu de vous, on fait la fête, on fait l'aumône, et puis c'est tout. On ne veut pas vous connaître. Et je voudrais, moi, que par nos rue*, parisiennes, bordées de provocateurs, magasins^ un beau/jour* vous passiez en bandes. Vous nous deves une visite, faite*»là! s

Et voici une profession de foi:

* Il n'y a pu fAUohi... NI dHn parti ai (Titra groupe. Eiwiehors. Nom slloos, fc^WwA, aans la foi qui asm et qui «renfle. No» dégoûta de la société «'engendrent pas en nom d'immuables conviction*. Noos nous bat-toai pour la joie dea batailles et sans rére faveaiz meilleur. Que nous importent lea lendemains qui seront dans des siàcles! Que nous importent las pedtMtemx! Ces! ém-dMn do toutes les loi», de toutes les règles, de toutes les tbéoriea — mémo anarchistes — e*ek dès l'instant, dis tont de «rite, que bous Voulons nous laisser aller à nos pitiés, à nos empor* tenants» à nos douce»», à nos ragea, à nos instincts, arec l'orgueil d'être •aeat Bilan a »

PIONNIERS ET MILITANTS D'ÀVÀNT-GARDE

Bientôt VEn-Dehors est poursuivi pour un article intitulé « A qui la faute? » Condamnations. Entre temps Ravachol, Chaumartin, Simon, Dec a m p, Hamelin sont arrêtés. Conclusion: «c La société se débarrassait de ceux de ses membres assez corrompus pour la désirer meilleure et VEn-Dehors ouvre une souscription <r pour ne pas laisser mourir de faim des mioches dont la société frappe implacablement les pères parce qu'ils* sont des révoltés. Zo d'Axa récolte beaucoup d'argent qu'il distribue aux familles des détenus. On l'arrête sous l'inculpation d'association de malfaiteurs arguant que le fait de subventionner des personnes compromises constitue une complicité* A la prison de Masas il refuse de répondre aux interrogatoires et de signer quoi que ce soit. On le met au secret- Pas de visites. Pas même d'avocat. Après un mois de détention Zo d'Axa est mis en liberté provisoire, <t notre pauvre liberté, provisoire toujours ». Il reprend sa place à VEn-Dehorê, plus viraient que jamais, d Maras ne calme rien du tout, dit-il, il faut avoir le genre d'esprit d'un pot-de-vinier malhabile pour croire que In prison est l'argument décisif. » Peu après nouvelles poursuites. Zo d'Axa part en Angleterre.

ZO D'AXA EN EXIL. — A Londres il a la ce malchance de tomber au beau milieu d'un congrès de socialistes où il s'agit de parlementer, non d'agir », mais il y rencontre Malato, Matha, Louise Michel, Darien, Pouget, Luce, Meunier, Malatesta. Après trois mois, spleen. Il s'embarque pour la Hollande. Il est embauché sur un chaland qui le conduit à Mayence par le Rhin, puis gagne Milan où il assiste à un procès d'anarchistes. 11 écrit: * On répète que Milan est un petit Paris. Les magistrats milanais le prouvent, au moins sur un point, ils sont répugnants tout comme leurs confrères parisiens. La magistrature, du reste, n'est-elle, pas la même partout? Et peut-elle être autrement? C'est même sans doute la raison qui fait qu'à travers tous les pays le souvenir de la patrie vous reste: il remonte comme une nausée quand on voit la vilenie d'un juge. »

Résultat: Zo d'Axa est arrêté en pleine nuit, on lui passe les menottes et on veut le conduire à pied au commissariat. « En ce cas, expliquera* vous me porterez, et de force. » Il dira ensuite: « Mais aussi pouvais-je m'afficher en telle compagnie? Tous ces gens-là sentaient de loin la préfecture. Et si, sur le chemin, l'on avait croisé quelque noctambule je me serais plutôt mis à crier pour éviter la pire confusion, pour au moins me réhabiliter aux yeux du passant * : <* Je ne suis pas un policier, je suis le criminel! » En suite de quoi Zo d'Axa est expulsé d'Italie.

1*9

LES CAHIERS DE CONTBE^OURÀNT

A Trieite il t'embarque pour le Pirée avec dea déserteurs italiena. Il organise, arec eux, nue émeute à bord. « C'était de la graine de révoltés, dit-il, on s'entendait. » Le voilà en Grèce et l'Orient l'attire. Il veut aller à Constantinople. « C'est l'affaire de trente-six heures et de vingt-cinq drachmes — Dès que j'eus les vingt-cinq drachmes, je disposai des trente-six heures. » — « Constantinople où vaquent des milliers de chiens ignore encore les cas de rage. Le chien maigre de Galata n'a mordu personne, jamais. Et le pourquoi? U n'a ni muselière ni maître. »

/

Il passe les Dardanelles, Kavala, Mytilène, « jadis Les boa, devenue vertueuse en vieillissant, et c'est bien moins pittoresque », reste quelques jours k Smyrne, atteint Jaffa le 1* janvier 189.1. Arrêté en débarquant il est étroitement gardé à vue, en cellule, au consulat de France. D s'évade et se réfugie au consulat anglais, terre inviolable... qu'exceptionnellement on viole pour le reprendre. Ficelé comme un saucisson et mis aux fers sur lè pont à bord dn navire français la Gironde il est l'objet de la curiosité des passagers. Ils lui demandent: c Scélérat, qu'aves-vous fait? » Il répond: « J'ai coupé une vieille femme en treize morceaux et çà m'a donné la migraine! »

De retour à Paris Zo d'Axa tire dix-huit mois à Sainte-Pélagie. Comme politique. Ayant naturellement refusé de signer une demande en grâce. juillet 1894, libération. C'est le jour des funérailles nationales du président Sadi{ Carnot victime de l'anarchiste Caserio. Des agents en civil attendent a la porte de la prison. Zo d'Axa refuse de sortir. On l'expulse. Les autres le cueillent. Il est conduit au poste de police de la rue-Cuvier et mis au violon.

Zo d'Ax* s'en évade. Crii « Arrêtes-le », chasse à l'homme, c Arrêtes-le, c'est un anarchiste ! » Un bon citoyen se campe devant lui et l'arrête. D'Axa lui colle ion poing sut 11 £+*+

Corps

à corps. L'homme tombe. La foule se trompe. Zo d'Axa a la tête haute, le regard sûr et des manières de grand seigneur. Le bon citoyen,, lui, est mal vêtu. La foule prend le bon oitoyen pour l'anarchiste. » Ce n'est pas moi, hurle-t-il ! » La fouie le lynche.

. • r _ .

Les agents arrivent. Ils prennent le bon eitoyen lynché pour un complice qui a voulu favoriser la fuite de Zo d'Axa. U bon citoyen, après avoir été lynché, est conduit au po*te~. et passé à tabac. Zo d'Axa, intact, reste vingt-quatre heures au Dépôt. Le temps que l'on enterre Monsieur Carnot.

Libéré, Zo d'Axa publie « De Masas à Jérusalem » qu'il

190

PIONNIERS ET MUTANTS D'AVANT-GAHDE 191

a écrit en prison. Succès. critique s'incline devant U valeur littéraire de l'ouvrage. Georges Clemenceau* le sinistre Clemenceau qui, méprisant l'humanité s'y connaissait en honimea, écrit notamment: s De -Matas à Jérusalem est une belle leçon d'irrespect. > Voici un court extrait de la conclusion:

• A*#es longtemps nn s fait cheminer tes hommes en leur montras! ls conquête do ciel. Noua ne voulons même plu* attendre d'avoir conquit toute la terre. Chirun marebona pour notre joie.

a Et n'il reête des ge«u sur ls route, s'il est de* êtres que rien n'éveille, a'il se trouve dea e*etave*-aé*, dea pevplea indêerasuiblement avtlta* tant pis pour eux ! Comprendre c'est être i l'avant-garde. Et la 'joie est d'agir. Noua n'svons point le temps de marquer le pas: la vin est brève. Individuellement notw courons aux usant* qui nous appellent. Oo s parlé de dilettantisme. Il n'est pa* gratuit, celui-là, pa* platonique: noua payons...

m Et nons recommençons, a

\ '

Insouciant des louanges suscitées par son livre, indifférent aux

Morl-aux-Vaches

a «obu

« LA FEUILLE » A TOUT! OCCASION

éloges officiels, plusieurs de ses collaborateurs renégats, victime» de conversions qui rapportent un avenir assuré et sans gloire, criblé de dettes, son journal mort» Zo d'Axa se Utt.

Errant par l'Univers, il y promènera des ans durant sa bar* biche fauve et son regsrd ironique et clair. Et on oubliera Zo d'Axa.

« LA FEUILLE », A CHAQUE OCCASION. — 1898. L'affaire Dreyfus. La Franoe est en ébnllition. On est pour Dreyfus ou on est contre. Pas de milieu. Il n'est pas possible à Zo d'Axa de se taire. Lueide, il donne son avis: « Si ce monsieur ne fut pas traître, il fut capitaine. Passons, s Et Zo d'Axa publie Im Feuille « à chaque occasion ».

19* JLES CÀHmas DE CONTRE-COURANT

Il la rédige. Steinlen, Luoe, Anquetin, Willette, Herimutn* Paul, Léandre, Couturier l'illustrent. Chaque {où d'Axa a quelque chose à dire ! « Et les « feuille* » légères ou graves se suivent, se tiennent et se complètent selon le scénario formel de ls vie, chaque heure, cxprcisifcto p

Et il m souvent quelque chose à dire. Chaque c feuille a est un pavé dans la mare aux grenouilles. Dans Dix assassinat* pour un sou il souligne la bassesse de la foule sanguinaire. Dans En faux! il dénonce les faussaires de l'Etat-Major* Puis c'est: Arguments frappants, MorP-aux*Vaches9 Bombés nationales 9 La grive des Juifsf On détrousse au coin des lois, etc. Tous en prennent' pour leur grade, depuis les propriétaires jus-qu'aux anarchistes.

Parfois Zo d'Axa s'attendrit: Enfants martyrs, Biribi des gosses sont consacrés aux colonies pénitentiaires fin de siècle. Ça remue les tripes. Une campagne s'amorce. Les révélations des c feuilles » sont reprises par la grande presse. Mais si les abus des puissants sont souvent l'objet de ses attaques, d'autres fois la platitude moutonnière des masses indigne le pamphlétaire. Et il fustige « l'honnête ouvrier »:

c Nous manquerions à notre plaisir si» après «voir salué comme il coq-vient ls magistrature et Tannée» nous ne nous empressions de naos incliner devant le Peuple, avec tout le respect disponible.

€ Que les propriétaires soient chauvins, au nom de leurs maisons de rapport; que les financiers vantent l'année qui» moyennant solde, monte ls garde devant la Caisse ; que les bourgeois acclament le drapeau qui couvre leur marchandise — cela t'explique sans effort.

€ Même que certains demi-philosophes» geais de calme et ' de tradition» numismates on archéologue*, vieux poètes ou prostituées» ae prosternent devant la force —

e est encore compréhensible.

< Mais que les ilotes, les maltraités» le Prolétariat soit patriote, —«.pourquoi donc?

c Ces! l'avachissement indécrassablc de la masse des exploités qui crée l'ambition croissante — et logique des exploite»*.

. * Qu'il soit de la aune ou de l'usine» l'Honnête Ouvrier, cette brebis s donné ls gale m troupeau — Instruire le peuple 1 Que faudra-t-il doue? Sa misère ne W s rien appris. — La victime se fait eomplioe. Le malheureux parle du drapeau, aa frappe ls poitrine» âts sa casquette et crache en l'airi « Je suis un honnête ouvrier! Ça lui retombe toujours sur le ne*, s

L'honnête ouvrier n'a que ce qu'il mérite.

L'AMI m NIA ». — Mais le chef-d'oeuvre de Zo d'Axa c'est l'élection du candidat dé a la feuille a. Zo d'Axa fait de l'éleo» toralisme ! Il débute par quelques réservés:

c J'avais toujours cru que l'abstention était le langage mnst dont il #*a-

PIONNIERS ET MILITANTS D'AVANT-GARDE

193

Le Candidat de "la fenjlla"

KveTMKâiiim&aNHiiRM Zo d'Axa

10 CCKTMC*

la feuiUe

L'ANE NUL

\ LES CAHIERS DE CONTRE-COURANT

reuit de se servir pour indiquer son mépris des lois et de leurs labeur1. Voter bis diaais-je, c'est se rendre complice. On pd ss part des déci-slsns. On les ratifie pst avanoe. On est de ls bande et dn troupeau.

s Comment refuser de l'Incliner devant la Chose tégiléréc ai Ton accepte le principe ds ls loi brutale dn nombre? En ne votant pas, an contraire, il semble parfaitement logique de ne se «remettre jamais, de résister, de vivre en moite. On n'a pas signé an contrat.

s En ne votant pas on reste soi. On vit en homme que nul Tartempion ne doit se venter de représenter. On dédain* Tsrtalacrème. Alors seulement on est souverain, puisqu'on n'a pas biffé son droit, puisqu'on n's délégué personne. On est maître de ss pensée, conscient d'une action directe. On peut faite fi des parlotes. On évite ectte idiotie de s'affirmer contre . le parlementarisme et d'élire, su même instant, les membres du parlement. s

Il oontitrae par quelques observations, déclare qu'il avait tort, car l'étranger guette, le devoir des bons Français est d'élire un-. parlement digne d'eux* a La feuille » présente le candidat le plus qualifié pour ce faire: un a ne. a Un âne pas trop savant, un sage qui ne boit que de Peau et reculerait devant un pot . de vin. À cela près, le tjrpo accompli du député majoritard. »

*Zo d'Axa baptise ont fine Nul, parce qu'il lui comptera comme voix tous les bulletins blancs et nuls. Ce système lui donnant la certitude d'être élu* Nul aurait tort de ménager son £rane»parler. Son afficbe-programme, placardée sur les utyrs, pendant la campagne électorale, proclame notamment:

CITOYENS, ?

On vons trompe* On vous dit. que la dernière Chambre corapo aée <timbécilm et ds /ilote*, me représentait paa la majorité des taeeteurs» Cest tant

Uns Chambre de dépotés jocrisses et de députés truqueurs représente, su contraire, à merycitte, U$ il+eUun que vou$ êtes, fie protestes pas; une nation a les délégués qu'elle mérite.

Pmmrqmoi las sues a—s nommés?

Ls Chambre représente Pes*emble~.

Il tant des sots et des roublards, il faut un parlement de ganache* et de Robert Ksoaire pour personnifier à la lois tons les . retards professionnels et las prolétaires déprimés.

Et çè c'est •***/

Votes, électeurs! Votas 1 Ls parlement émane de voos. Une chose est pane qu'elle doit être, parce qu'elle ne peut être snir*» m sut Faites ta Chambre à votre Image. Le chien retourne a son vomissement, retournes à vos députes^.

CHERS ELECTEURS,

Votes pour aux! Votes pour moi!

Je suis la Bâte qui! faudrait è la Belle Démocratie.

194

PlONTVfF.RS ET MILITANTS D'AVANT-GARDE

la feuille

• i* t« (*i'AMê

« NUL » EST ELU

196 . % LES CAHIERS DE CONTRE-COURANT

. .. . * *

Le jour du scrutin Zo d'Axa parcourt Paria, de Montmartre au quartier Latin, promenant, juché sur un char, bariolé de ses manifestes, et traîné par des électeurs, l'Ane Blanc. La fouie manifeste bruyamment, enthousiaste ou scandalisée. Des femmes jettent des fleurs. On chante.

Cest un âne, un ine, un âne C'eat un âne qu'il nous faut!

Boulerard du Palais l'Ane Blanc est appréhendé par la police qui, sous les quolibets de la foule, se met en devoir de remorquer le char, «c Nul » est conduit à la fourrière, son char tiré par les « sergots ». Bagarre entre les partisans de l'Ane et les partisans de l'ordre. Zo d'Axa a le mot de la fin. Il abandonne l'âne en disant: « Cela n'a plus d'importance, c'est maintenant un candidat officiel! » Et dans « La feuille » intitulée: Il est-élu, il écrit:

c A propos des élection! de France les gazettes du monde entier ont, tans malice, rapproché les deux faits notoires de la journée. Dès te matin vers neuf heures M. Félix Fauve allait voter. Dan» l'après-midi, à trois heures, l'Ane Blanc était arrêté.

< J'ai lu ça dans trois cents journaux. L'Argtu et le Courrier de la Ptnm m'ont encombré de leurs coupures. Il y eu avait en anglais, en ralaque, en espagnol; toujours pourtant je comprenais. Chaque fois que je lisais Félix, j'étais sûr qu'on parlait de l'âne. ».

«

1900. L'AUBE D'UN SIECLE NOUVEAU. — D'Axa est las des répétitions. Il a dit tout ce qu'il avait à dire, c Les feuilles » auront été pour lui le dernier exutoire. Repris par la bougeotte il court à nouveau le vaste monde: les Amériques, du nord au sud, la Chine, le Japon, les Indes, l'Afrique. Il visite aux Etats-Unis la veuve de Breschi, l'anarchiste italien qui abattit Umberto Pr. Longtemps il vit en péniche, au hasard des fleuves et des canaux.

Finalement il échoue à Marseille. Et c'est dans la vieille cité phocéenne qu'il passe ses dernières années. On l'y rencontre flânant sur la Canebière ou parcourant à bicyclette la Corniche ensoleillée. Il est blasé. Partout il a trouvé les hommes aussi méprisables, aussi dupes, c caverneusement mauvais ». Pendant vingt ans il se tait.

Mais alors que des Jean Grave, des Hervé, qui le considéraient comme un dilettante et un fantaisiste, trahissent honteusement en 1914 la cause révolutionnaire, lui ne change pas. Il reste le même malgré le poil blanc et le silence. Ni la guerre de 1914-18, ni la dictature bolchevique n'obtiennent ses suffrages. Il est réfractaire à la défense du Droit et de la Civilisation comme au mirage mensonger de IU.RJS.3.

PIONNIERS ET MILITANTS D'AVANT-GAHDE

- Son échine demeure incursblement atteinte de -cette raideur maladive, chronique et rare qui l'empêche de ployer. En 1921 il eat de passage à Paris, par hasard. Une incartade journaliste que commise lui donne l'occasion, dans sa réponse, au cours d'un article dans le Journal du Peuple de faire le point. Sa plume n'est pas rouillée. Qu'on en juge:

a M.me taire ne suffirait pcut<tre pat à me préserver de l'honneur de figurer comme repenti. Le sâe»oe, un instant rompu, me sera léger Ion! k l'heure d'être modestement no. Les derniers ami* de rBmJhhort et de U f*uiUm connaissent le sens d'an p«né eue le présent n'entend pas renier Pendant un bon bout de chemin, contre le* laideurs du temps, nous avons réagi ensemble. On nous traitait d'anarchistes, l'étiquette importait peu. En somme il n'y a que deux partis; loups et chiens i jamais hostile*. Et pas seulement deux partis: deux instincts, deux façons de aentir. Oui j'écrirais pour le plaisir, le plaisir de dire ee que je pensais, au lait ce que je ressens toujours.

c Qu'est-ce donc vivre, si ce n'est passer, selon sa nature, un moment? J'aime le matin sar les routes proches ou lointaines, et sans stylo, sans autre ambition ni but que de comprendre la journée claire en dehors des mirages flottants^ en dehors ainsi que toujours, à des feuilles d'écriture près*

a Pal sur des paroles. C'est à peine si j'indique, rapide..* Du moins pas de faux-nes. Ça gêne. Au petit bonheur de naissance, privilège absurde et commode, la société capitaliste, avant les banqueroutes finales, me dis» pense quelque péctmé. J use des derniers sasignats aux promenades qui me plaisent encore. Et déplaire ne me déplaît pas.-

« Tant pis, et. rot pour qui soupçonne qu'une lueur de liberté modifie le fond de ma pensée. Elle en accentue les nuances»*.

« ...ta seule certitude c'est de Vivre et sans attendre. Vivons donc: action,. parole ou silence. Question d'heure, cas individu eL Et le moins sottement possible... i

POURQUOI J'AIME ZO D'AXA. — Il est mort à la fin août 1930 « se souciant peu des suffrages de la renommée, fort de la-seule estime de quelques rares amis s. Celui qui écrivit que s: l'évadé des galères sociales, qui ne monterait plus datas les bateaux pavoisés de la religion et de la patrie, ne s'embarquerait pas davantage sur les radeaux, sans biscuit, de la Méduse hum* nitaire s a tenu parole toute sa vie rebelle. Toujours il est resté irréductiblement pur» Content d'être lui-même. Coquet à marcher seul. Inadaptable.

Devant la société, devant toutea les sociétés, à toutes les époques, se sont dressés, se dressent, et se dresseront des hommes comme Zo d'Axa* Des individus forts dans la mesure où ils ne craignent pas* Des hommes de bonne volonté, qui agissent selon leur conscience, sans espoir ou avec leurs illusions* dans le doute ou avec la foi — seule la foi absolue ou le scepticisme absolu conduisent à l'héroïsme — par amour de la Vérité. Et quelle que soit LBUl Vérité.

LES CAHIERS DE CONTRE-COURANT

Et toujours la société iW défendue, se défend et se défendra. Et c'est bien son rôle. Elle ne peut admettre l'homme libre. Dédaigneux des étiquettes et des partis. Celui qui nfe marche pas ou ne marche qu'à bon escient. Sans autre justification que d'être ce qu'il est. Elle ne peut admettre que l'homme moyen. En paix avec lui-même à peu de frais, en vertu de la loi du moindre effort. Le partisan — au nom de semi-vérités de tout repos — d'un juste milieu. Que ce soit dans la façon de se vêtir, de penser ou d'aimer. Et quel que soit le conformisme qui découle de ce juste milieu.

Le conformisme peut être révolutionnaire, conservateur, dé* mocratique, fasciste, prolétarien. Il existe même une espèce de conformisme anarchiste inavoué qui est comme une sorte de conformisme de l'anticonformisme, constituant une belle con*. tradiction. Le non-conformiste ne méconnaît pas nécessairement l'orthographe et n'est pas forcément gaucher, hermaphrodite eu athée.

Dans sa tendance au juste milieu, la société emprisonne des détaillants comme les vagabonds, les contrebandiers, les voleurs et les assassins. Mais honore les grossistes comme les propriétaires, les commerçants, les banquiers et les généraux. Elle glorifie l'esprit de famille et condamne l'inceste. Ce n'est qu'une question de degré.

11 est illégal d'uriner contre tel mur et légal de bombarder telle ville ouverte. Il est permis d'avoir faim, mais interdit, sans argent, de satisfaire sa faim. On peut applaudir, mais il ne faut pas siffler. Et il faut aimer sa patrie, parce que la patrie aime ses enfants (comme Ugolin qui les mangeait).

Le nivellement. Voilà ce à quoi tend la société. C'est sa manière de se conserver en maintenint les humains en troupeau. Nivellement dans la famille et à l'école. Nivellement à la caserne, à l'hôpital et en prison. Nivellement à l'usine ou au bureau. Nivellement partout...

La Loi, la Morale, la Vertu, la Religion, la Famille, la Patrie, se résument en ce mot: Nivellementl Et gare à ceux qui né se laissent pas niveler. La résignation est érigée en vertu. Défense de ruer dans les rangs.

% •

Individu, la société se charge de te démontrer que tu as tort d'avoir raison. Je m'en voudrais d'accepter les obligations que l'Etat vent arbitrairement m'imposer en vertu d'un contrat social unilatéral, qui ne me fut pas soumis, et que je n'ai pas signé. N'ayant pas de mission historique à remplir je ne verrais nul inconvénient à oe que ceur à qui cette situation convient

198

•'en contentassent entre eu* — et s'il leur plaît d'être battu* î Maia le malheur est qu'ils veulent m*obliger à participer à leurs platitudes. À reconnaître l'Autorité civile et militaire. Ce qui' m'amène un tas d'inconvénients parce que je m'y refuse — et s'il me déplaît d'être'battu 1

Uno juste organisation sociale — basée sur la solidarité entre les humains, le respect de la liberté individuelle et une équitable répartition des biens (c'est-à-dire sur la seule base logiquement et humainement concevable) — est un non-sens. Parce que l'homme en troupeau est mauvais de par sa nature même, .qu'il aime ses chaînes, et qu'il y a peu de raisons qu'il change. Agnostique je n'ai besoin ni de nier ni d'eapérer pour faire ce que je crois juste.

Aussi je ne suis pas pour le régime social qui sera. Je suis contre le régime social qui est. Parce que le régime existant est mauvais et que j'ai tout lieu de croire que son successeur ne sera pas bon. Malgré le désir que j'aurais de me tromper et pour l'excellente raison que si je me trompais, le jour où mon erreur se démontrerait, il y aurait longtemps que je serais passé de vie a trépas.

Peu m'importent «c les lendemains qui seront dans .des siècles Je n'ai cure du Futur. « La Terre Promise sera celle où nous pourrirons... ».

Cet état d'esprit, provoqué par cet état de choses, m'incite m détester les bipèdes standardisés que sont la plupart des humains. Foin des esclaves que l'on appelle « monsieur », « signor », a tovarich », et qui firent gloire des coups de pied au cul qti'il6 reçoivent en disant « amen s et « merci s. Par cou-tre j'apprécic les non-conseilleurs qui pnt l'originalité d'être des payeurs. Je les apprécie a fortiori quand, sans espérance, ils agissent comme s'ils espéraient. Il suffit d'oser. Ce sont les faibles qui ont besoin d'espérer pour agir* les forts puisent leur force en eux-mêmes, sans foi illusoire en de lointaines hypothèses.

J'aime parmi eux ceux que leur nature intensive pousse impérieusement. Et qui sont courageux, ce qui est beau, désintéressés, ce qui est noble, et doués de conscience, ce qui est rare* Enfin je crois avoir la notion de la liberté et le sens de la subversion.

C'est pourquoi j'aime Zo d'Axa et ai estimé devoir remémorer son souvenir trop vite effacé en résumant en ces quelques pages la vie subversive de te libertaire qui jamais ne trahit, irrespectueux par nature et des lois et des préjugés.

El si je l'aime pour ton non-conformisme, son impertinence et sa claire et narquoise vision des choses, je lui sais gré d'avoir payé de sa personne, de n'avoir pas été un révolté de salon, on nietzschéen de bibliothèque, un surhomme douillet et confortable. Ce sceptique prit de la poésie et de la philosophie la meilleure part: il les mit en action. Pour lui l'action fut bien la sceur du rêve.

Je l'aime paroe que doué pour l'art de c marcher tout seul s, il eut l'altière volonté de vivre, parce qu'il fut asocial avec majesté. -

Et aussi pour son ironie. Me déplaisent les gens sérienx et les choses tristes. L'ironie est éternelle, comme ï'érotisme et la bêtise humaine. D sut bien la manier, lui qui connut cette suprême joie de la vie qui est de peroevoir le ridicule des choses. — làù Campion.

\ ■

b vu ta

LIBRAIRIE PUBLICO

3 ru Ttrnaax PARIS N

1  VOTEZ POUR MOI!