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Prix: 1 O Cent.
PARIS
AU BUREAU DE LA « RÉVOLTE »
140, RUE MOUFFETARD, 140
1893.
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Paris. '"Ai- Irop. IJanver!, 7 et 9, rue de* Fossés-:Saint-Jacques.
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Los astronomes comptent les siècles comme des nombres; pour eux, le dix-neuvième siècle a commencé en 1801 -et le vingtième commencera en 1901. Mais il n'en <*st pas ainsi pour celui qui observe l'humanité en historien* et qui cherche à se rendre compte des .grands mouvements et des grands changements survenus dans la vie des sociétés. Il est forcé de compter les siècles par les événe nients historiques et surtout par les révolutions qui, détruisant en peu d'années les préjugés et les institution? vieillies, donnent le mot d'ordre pour l'évolution à venir, jusqu'à ce qu'une autre révolution vienne jeter le poids ♦les soulèvements populaires dans la balance et ouvrir une ère nouvelle pour la marche en avant.
Il est cependant arrivé, par une cause ou par une autre, que depuis cinq cents ans le siècle historique ne diffère pas beaucoup, du moins en Europe» du» siècle astronomique; lar fin de chaque siècle est. marquée par une de ces grandes révolutions qui impriment un nouveau caractère au- développement, de l'humanité. C'est en 1789 que la Révolution éclata en France succédant, à celle de l'Amérique; de-1648 à 1688 la révolution se fit. en Angleterre; de 136? à 1u80 aux Pays-Bas; à la fin du quinzième siècle en Suisse; et à la fin du quatorzième siècle en Bohême. Tout porte à croire-que notre siècle ne fera pas exception à la règle: les astronomes n'auront pas encore enregistré l'arrivée du vinglième siècle que la révolution aura sans doute conclu le dix-neuvième et lancé les société civilisées dans une nouvelle direction.
Ernetîet, la période qui s'écoule entre deux grandes révolutions a toujours un caractère bien tranché et elle doit ce caractère à la nature de la révolution par laquelle elle a débuté.
Les peuples s'efforcent de réaliser dans leurs institutions l'héritage légué par celle-ci ; mais comme l'héritage est toujours incomplet et qu'il engendre des abus à son tour, de nouvelles idées surgissent. La société rajeunie, tout en achevant de démolir les institutions du passé, se butte à de nouveaux préjugés et privilèges. Elle lutte, elle fait des tentatives de soulèvement — tentatives pour la plupart avortées comme 1848 ou 1871, —et alors le mécontentement grandit, déborde: une nouvelle révolution devient nécessaire. Il faut une nouvelle affirmation des nouveax principes.
C'est, la marche de l'histoire. Tel le passé, tel le prisent. Aussi, un coup d'œil rétrospectif sur le temps qui s'est écoulé depuis la Grande Révolution, nous aidera à mieux comprendre, nous qui avons le bonheur de vivre à la veille d'une autre Grande Révolution, ce que nous •aurons à faire, les circonstances aidant, pour manifester notre volonté et détruire les institutions qui gênent la marche en avant.
Deux grands faits caractérisent le siècie écoulé depuis 1789. Tous deux, issus de la Révolution française, qui reprit pour son compte l'œuvre de la Révolution d'Angleterre, en l'élargissant et en la vivifiant de tout le progrès accompli depuis que la bourgeoisie anglaise avait décapilé son roi et transféré le pouvoir aux mains d'un Parlement. Ces deux grands faits sont l'abolition du servage et l'abolition du pouvoir absolu. — L'un, remplacé maintenant par le régime capitaliste, l'autre par le régime parlementaire.
L'abolition du servage et l'abolition du pouvoir absolu, conférant à l'individu des libertés personnelles que le serf et le sujet du roi n'auraient osé rêver, mais qui devaient en tin de compte amener le règne du Capital — voilà l'œuvre du dix-neuvième siècle.Commençant par la France en 4789, il lui a fallu cent ans pour conquérir l'Europe. Mais à peine est-elle achevée, à peine la vague venue de l'Occident a-t-elle touché la mer Noire et les frontières de l'Asie, que de nouvelles tendances, de nouvelles aspirations — l'aspiration au socialisme — se sont fait jour, et une révolution est déjà sur le point d'éclater pour donner satisfaction à ces tendances nouvelles, à cette soif de liberté et d'égalité pour tous.
L'œuvre d'affranchissement, commencée par les paysans français en 1789(ou plutôt en 1788 ), fut continuée en Espagne, en Italie, en Suisse, en Allemagne et en Autriche par les armées des sans-culottes. Malheureusement elle ne pénétra qu'à peine en Pologne et pas du tout en Russie.
C'en eût été fait du servage en Europe dès la première moitié du siècle, si la bourgeoisie française, arrivant au pouvoir en 1794 par dessus les cadavres des Anarchistes, desCordeliers et des Jacobins, n'avait arrêté l'impulsion révolutionnaire,rétabli la monarchie et livré laFrance à l'escamoteur impérial, le premier Napoléon. L'ex-général des sans-culottes s'empressa de rétablir les droits des seigneurs et de raffermir l'aristocratie. Mais l'élan avait été donnée et l'institution du servage avait reçu un coup mortel. On l'abolit en Italie et en Espagne, malgré le triomphe temporaire de la réaction. Grièvement atteint en Allemagne dès 1811, il disparut définitivement en 1&48; la Russie se vit forcée d'émanciper ses serfs en 1861, et la guerre de 1878 porta le coup de grâce au servage dans la péninsule des Balkans.
Le cycle est maintenant accompli. Le droit du seigneur sur la personne du paysan n'existe plus en Europe, même là où il en reste toujours le rachat des droits féodaux, — ce qui fait qu'en ce moment la Russie se trouve exactement dans la situation où se trouvait la France à la veille de la grande Révolution.
Les historiens négligent ce fait. Plongés dans les ques-lions politiques, ils nous parlent de tout au monde — science, religion, guerres, etc. — lorsqu'ils étudient le dix-neuvième siècle. Mais ils n'aperçoivent pas l'importance de l'abolition du servage, qui est cependant le trait essentiel de notre siècle. Les rivalités entre nations et les guerres qui en furent la conséquence, la politique de l'Allemagne, de la France et de l'Italie, dont on s'occupe tant, — tout cela dérive d'un grand Tait: l'abolition de la servitude personnelle et le développement du servage salarié qui l'a remplacé.
Le paysan français, en se révoltant, il y a cent ans, contre le seigneur qui l'envoyait battre les étangs pour empêcher les grenouilles de coasser pendant son sommeil, a affranchi les paysans de l'Europe. En brûlant la paperasse dans laquelle sa soumission était consignée, en incendiant les châteaux et en exécutant pendant quatre ans les seigneurs qui refusaient de reconnaître ses droits à Fhumanité, il a donné le branle à l'Europe, aujourd'hui délivrée partout de cette institution humiliante du servage.
D'autre part, l'abolition du pouvoir absolu a aussi mis cent, ans pour faire le tour de l'Europe. Attaqué dès 1688 en Angleterre et vaincu en France en 1789, le pouvoir royal de droit divin ne s'exerce plus aujourd'hui qu'en Russie et en Turquie; mais là aussi, il en est à sesder-nières convulsions. Il n'y a pas jusqu'aux petits Etats des Balkans qui n'aient leurs parlements: parlottes, sans doute, mais parlottes qui permettent aux bourgeois de gouverner les peuples, comme les rois les gouvernaient jadis.
Ainsi, sous ce rapport, la Révolution de 1789 a fiftit son œuvre. L'égalité devant la loi et le gouvernement représentatif, — ces deux principes qui passionnaient nos grands-pères, — l'Europe, sauf la Russie, les a dans ses codes. En théorie, la loi est égale pour tous, et tous ont le droit de participer au gouvernement.
Ce qu'il en est en réalité, nous ne le savons que Irop. Nous savons ce que vaut cette fameuse « égalité devant la loi », — formule servant à cacher la soumission du pauvre au riche, du travailleur au capitaliste. Et nous savons aussi ce que valent la loi elle-même et le gouvernement représentatif par lequel la bourgeoisie s'est emparée du pouvoir arraché à la Cour.
Aussi, quand on nous parle des grands principes de 1789 ou de 1793, — et nous avons eu récemment une avalanche de pareils discours — nous répondons que ces principes ont donné tout ce qu'ils pouvaient donner. Si la liberté n'existe pas, si l'égalité n'est encore qu'un rêve ef la fraternité qu'un mot, ce n'est pas que les deux principes fondamentaux de la Révolution n'aient reçu leur application complète. C'est parce que, seuls, ils ne suf lisent pas.
D'autres principes — des principes autrement féconds que ceux qui sont énoncés avec force phrases à effet dans les Déclarations des bourgeois — ont été proclamés par le peuple dans ses clubs révolutionnaires dès 1789. Ces principes-là, les bourgeois se gardent de les revendiquer, eux' qui f uren t les prem ier s à gui 1 loti ner les « anarc h i stes » ou les « fauteurs d'anarchie » qui s'en faisaient les porte-voix. Mais la guillotine n'a pas étoulTé ces principes. Ils vivent au sein des masses: ils ont mûri, ils ont pris corps depuis cent ans : on les reconnaît dans tout ce qui s'est fait dans le courant du siècle, et c'est de ces principes, maudits par les bourgeois et acclamés parles travailleurs, que nous allons parler. Nous les verrons s'annoncer, grandir, se développer et près de s'affirmer maintenant au grand jour, dans la rue, dans le tumulte de la révolution.
L'abolition du- servage et du pouvoir absolu des rois — telle a été l'œuvre accomplie par le siècle. Mais avec quelle lenteur, et combien de retours en arrière! Dès que la bourgeoisie arriva au pouvoir en France, dès qu'elle reçut carte blanche pour exploiter les travailleurs, sans entraves de la part de l'Etat et de l'aristocratie, elle s'empressa de faire la paix avec les nobles, qu'elle poursuivait impitoyablement en 1793.
Elle acclama un empereur pour arrêter le mouvement révolutionnaire qui demandait déjà l'égalité des fortunes, la mort des accapareurs et des agioteurs bourgeois — le socialisme enfin,déjà bien indiqué dans la conspiration de Babeuf.
Plus tard elle rappela les Bourbons, s'empressa de rendre une partie de leurs biens aux nobles émigrés, soutint le pouvoir royal contre la nation sous Charles X et sous Louis-Philippe, maintint le suffrage restreint jusqu'à ce qu'un aventurier couvert du nom de Napoléon rétablît le suffrage universel pour s'appuyer sur les masses. Et lorsque, à deux reprises, le peuple de Paris proclama la république, elle étouffa ses soulèvements dans le sang.
Elle n'accepta la république que lorsqu'elle fut sûre que la république, pas plus que la monarchie, ne toucherait à ses privilèges et combattrait les tendances socia-
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listes que le peuple «associait d'instinct au mot de république, aussi bien en 1848 qu'en 1793.
Quant aux autres nations européennes, il a fallu la révolution de 18*8 pour en finir
en Allemagne avec le servage et faire les premiers pas vers un gouvernement constitutionnel. Il a fallu de formidables soulèvements des paysans en Italie et en Russie pour que la servitude corporelle disparût. 11 a fallu une succession de luttes, il'émeutes, des listes de martyrs, des hécatombes de révoltés, pour que l'œuvre du siècle fût accomplie.
Mais on peut dire qu'il n'a pas failli à la tâche que la Révolution lui avait léguée. Le seigneur, — maître du sol •et des paysans par droit de naissance — a disparu. La bourgeoisie règne en Europe; et si en Russie les anciens possesseurs de serfs ont conquis un nouvel ascendant ■depuis l'avènement d'Alexandre 111, leur pouvoir ne peut être que de courte durée. En Russie, comme ailleurs, c'est le bourgeois qui gouverne, et l'autocrate Alexandre III est son premier serviteur. Il se croit souverain absolu, mais il n'ose faire un pas sans demander ce qu'en pensent les manufacturiers de Moscou et les barons de la haute finance.
Le suffrage est encore restreint en Belgique; le parlement n'est rien moins qu'omnipotent en Allemagne, et les naïfs peuvent encore se passionner pour obtenir le suffrage universel et la suprématie du parlement; mais, en Belgique le suffrage universel, comme en Allemagne la suprématie parlementaire,n'apporteraient aucun changement. Leurs gouvernements respectifs sont bien les représentants des intérêts bourgeois. Bismarck était plus fort que le Parlement, parce qu'ayant commencé sa car- . rière comme défenseur de l'aristocratie foncière, il avait
changé de place. Devenu la personnification des revendications de la bourgeoisie contre les prétentions des seigneurs* il devint le maître.
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Mais le dix-neuvième siècle a encore à son actif une-autre conquête qu'il faut mentionner. 11 a, le premier, reconnu les droits des nationalités; et ici encore, son œuvre est près de s'achever.
La Grèce, qui gémissait sous le joug des Turcs, est libre. L'Italie, naguère encore taillée en morceaux, est une : l'étranger ne foule plus son sol. La Hongrie est indépendante. Les Etats des Balkans ne sont plus dominés parles Turcs. Restent encore l'Irlande et la Pologne qui cherchent à conquérir leur indépendance, îa Finlande, toujours menacée par le caprice de l'empereur russe, et les petites nationalités slaves opprimées aujourd'hui sous la domination hongroise, comme les Hongrois l'étaient jadis sous la domination allemande, tandis que la Serbie et la Bulgarie sont des jouets aux mains des deux voisins: le cousin d'Autriche et le cousin de Russie.
Cette question des nationalités peut sembler futile aux travailleurs de l'Europe occidentale, qui heureusement ne savent pas ce que c'est que d'être dominé par l'étranger, de se voir contrarié dans ses habitudes, offusqué par la. morgue du soi-disant maître, par son caractère national <Mérent, son mépris pour la. race conquise. Mais pour ceux qui ont souffert de cette tyrannie, l'indépendance nationale prime tout le reste.
Le paysan s'unit avec le seigneur dans une haine commune, oubliant que son compatriote sera tout aussi dur que l'étranger dès qu'il sera maître à son tour. Peu importe : il liait l'étranger, parce que tout en lui, — sa manière de parler, de marcher, de traiter le peuple conquis — lui répugne. Dans une nation soumise à une autre,le progrès, la marche en avant, sont étouffés en germe. Voyez la Serbie : point de question sociale tant que le Turc gouvernait. Mais le Turc repoussé, la question sociale se dresse soudain. Parlez socialisme à l'Irlandais, il vous répondra: « Chassons d'abord l'Anglais! » Il a tort; certainement il a tort; mais la haine de race l'emporte sur le raisonnement.
Aussi l'histoire du dix-neuvième siècle est-elle un long martyrologe des patriotes cherchantàémanciper les peuples du joug étranger. Nous admirons aujourd'hui la jeunesse russe, nous nous extasions devant son dévouement, nous pleurons ses souffrances. Mais sachons que toutes ces souffrances sont peu de chose en comparaison de ce qui fut subi par les sociétés secrètes de la « jeune Hongrie », la « jeune Pologne », la « jeune Italie » surtout, — bur-gboeois et travailleurs unis dans une idée commune, l'émancipation de la patrie.
Voilà pour le passé. Passons à l'avenir.
•Ici, de vastes horizons s'ouvrent devant nous, — des horizons qui promettent à l'humanité la réalisation dises plus hautes aspirations, et sous ce rapporl l'œuvre du dix-neuvième siècle est immense, colossale. Aucun autre n'a préparé ce (jue la révolution prochaine promet à nos successeurs. Nous pouvons nous dire heureux de vivre dans ce si (Vie, à la veille de cette révolution.
Une réforme est. toujours un compromis avec le passé, elle se borne à le modifier plus ou moins; tandis qu'une révolution plante toujours un jalon pour l'avenir: si petit qu'il soit, le progrès accompli par la voie révolutionnaire est une promesse d'autres progrès. L'une se retourne en arrière, l'autre regarde en avant et dépasse son siècle. Toute l'histoire est là pour le prouver, et c'est précisément ce qui arriva lors de la Révolution de 1789-93.
Si bourgeoise (pie fût cette révolution quant à ses résultats, c'est elle qui féconda le germe du Communisme et de l'Anarchie au sein de la société moderne. Ceux qui veulent nous faire croire aujourd'hui que la Révolution n'avait d'autre but que d'abolir les derniers vestiges du féodalisme et de restreindre l'autorité royale, font preuve d'ignorance ou de mauvaise foi. Un peuple entier ne se soulève pas pour si peu de chose: il ne se met pas en révolte ouverte pendant quatre ans, avec le seul but d'abolir une institution moribonde ou de changer de gouvernement. Pour qu'une révolution aussi considérable que celle du siècle passé vienne à éclater, il faut qu'un flot d'idées nouvelles circule dans les masses, qu'un monde nouveau se dessine dans les esprits, basé sur des rapports nouveaux, une morale nouvelle, une vie nouvelle.
Qu'on relise, en elTet, les écrits de Diderot, de Rousseau, et même de ceux qui, comme Sievès et Brissot, devinrent plus tard les défenseurs jurés des droits acquis par la bourgeoisie, on verra qu'ils sont imbus de socialisme, ou plutôt de communisme; et on comprendra que le levier qui souleva le peuple français et lui donna l'énergie nécessaire pour lutter contre les conjurés du dehors et du dedans, fut une vision d'avenir communiste.
La formule même de Liberté, Egalité, Fraternité, qui n'était pas un vain mot à cette époque — on mourrait pour elle,— dit assez ce que le peuple français voyait dans la Révolution.
En effet, les idées des précurseurs de la Révolution pourraient encore aujourd'hui nous servir de programme. Diderot — dans ses œuvres du moins, sinon dans sa vie,
fut profondément anarchiste. Rousseau puisa sa force et son immense influence dans ses aspirations communistes. Si, malgré sa critique superbe des sociétés modernes, il échoua piteusement dans un idéal de république Suisse, ce fut lui qui nia le droit de s'approprier le moindre lopin du sol; ce fut lui qui osa dire qu'un gouvernement, quel qu'il soit, ne serait justifiable que s'il était composé d'anges, c'est-à-dire d'êtres qui n'existent pas. Et Sieyès lui-même, ce suppôt futur de la bourgeoisie, ne nia-t-il pas le droit de propriété? Brissot ne l'appela-t-il pas vol?— tandis Que toute une phalange d'écrivains môius connus propageaient un souffle de communisme dans des centaines de brochures.
Et ce fut précisément ce souffle de communisme qui anima les masses.
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La légende consacrée représente le U Juillet comme une révolte contre la tyrannie royale. Mais, on oublie de nous dire que le 12 juillet le peuple de Paris brûlait les octrois, que le 13 il commençait à piller les riches; et que si la bourgeoisie s'empressa de s'armer, elle le lit aussi bien contre les va-nus-pieds que contre le roi.
("est pour résister à ceux qu'on appelait « les brigands », qu'elle organisa sa milice dans les villes de province, sitôt après la prise de la Bastille : — « Les brigands viennent, armons-nous! » — tel fut le cri poussé d'un bout à l'autre de la France.
Or, qui étaient donc ces brigands auxquels les bourgeois livraient bataille et qu'ils pendaient souverainement? Les brigands c'étaient les socialistes et les anarchistes d'alors; -c'était la masse des va-nus-pieds des campagnes mar v,liant contre leurs seigneurs, nobles et bourgeois.
Et plus tard, ceux que Mignet désigne clans son histoire sOus le nom $ anarchistes — le mot est vieux, on le voit, — c'était encore le peuple, la masse, qui, devant les mesures anti-égalitaires, anti-communistes de la Constituante, de la Légis.ative et de la Convention, recommençait la Jacquerie dans les villes et les villages, proclamait la Commune, s'emparait des provisions, pendait les accapareurs, réquisitionnait les riches bourgeois et maintenait, l'état révolutionnaire.
* *
Ils étaient communistes, nos grands pères. Certainement leurs idées là-dessus étaient bien vagues. Ils n'avaient pas formulé les traits essentiels d'une société communiste,et ils se laissaient entraîner à des mesures égalitaires quant à la forme, mais portant en elles le germe desinégalités futures. Issus du servage, proclamant la liberté complète de l'individu, ils oubliaient le lien de solidarité qui doit unir les hommes libres entre eux. L'inspiration était confuse encore, mais son essence était communiste.
En abolissant les derniers vestiges du féodalisme, les paysans croyaient proclamer la nationalisation du sol, le droit de chacun à le cultiver, le devoir pour tous de s'assurer mutuellement la vie et le travail.
En abolissant les maîtrises et les jurandes, ainsi que les droits des villes sur les campagnes, les travailleurs affirmaient le droit à l'aisance pour quiconque travaille. La Commune qu'ils rêvaient, sans trouver de mot pour exprimer leur pensée, c'était la Commune des Egaux, unis dans un travail commun.
Le peuple, maître du sol, — le travailleur maître des outils, — et la Commune organisant elle-même son travail ei sa consommation, — telle fut, sans aucun doute, l'idée qui inspira les révolutionnaires de 1793. Conception vague, trop vague pour trouver des formes réelles, mais puissante néanmoins. On la retrouve fréquemment dans les discours des orateurs populaires de cette époque.
Et quand ils virent combien la réalité ressemblait peu à leurs rêves; quand ils s'aperçurent qu'on les avait leurrés, les prolétaires organisèrent des sociétés secrètes — sciemment communistes: telle, la société de Babceuf.
Mais, c'était trop tard; le dernier effort de la Révolution déjà mourante ne put aboutir.
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La grande Révolution légua son héritage à la postérité. La France tomba sous le talon d'un brigand. La terreur blanche vint ensuite, autrement cruelle que les journées sanglantes de 1793. Mais le champ était ensemencé, et à cinquante ans de distance, le communisme renaissant lançait le peuple français dans une nouvelle révolution — celle de 1848.
Et le communisme lit aussi le tour du monde. 11 chercha sa formule dans Robert Owen, Fourier, Saint-Simon, les révolutionnaires de 1818, les Congrès de l'Internationale. L'héritage de la Révolution grandit. Et le siècle qu'elle inaugura portera probablement dans l'histoire le nom 6e siècle du socialisme naissant.
Le ressort intime qui donna à nos grands pères la force de résister à la coalition des conjurés de l'intérieur et de l'extérieur fut certainement leur aspiration à l'égalité des 'conditions économiques. Et cet idéal se retrouve au fond de tous les mouvements, soit philosophiques, soit populaires, qui se sont produits depuis.
L'idée mûrit; elle sè précise; elle se complète enfin, pour trouver sa véritable expression — prévue dès longtemps, mais trop souvent oubliée,— celle du communisme anarchiste.
L'idéal des révoltés de 1789-93 était bien vague cependant. Le paysan ne voulait pas qu'on lui enlevât.Ia moitié de sa moisson: il n'admettait pas qu'un fainéant fût propriétaire du sol que lui, paysan, ne demandait, qu'à cultiver. Il voyait que les terres jadis possédées par toute la commune. passaient aux mains des seigneurs, et que la loi sanctionnait ce brigandage, — comme elle le sanctionne encore en Angleterre. 11 réclamait ces terres, sans se demander comment la Commune les répartirait quand elles redeviendraient propriété communale. Aussi, ne furent-elles reprises (en partie) que pour passer aux mains des bandes noires des bourgeois. Et tandis que les bourgeois campagnards s'enrichissaient, les prolétaires des campagnes restaient après la Révolution aussi pauvres qu'ils l'étaient auparavant.
D'autre part, les travailleurs des villes se révoltèrent contre l'espèce de féodalité bourgeoise qui les exploitait, mais aussi sans savoir ce qu'ils mettraient, à la place. Ce ne fut que plus tard, à mesure que la Révolution grandît, que l'on vit se dessiner chez eux un vague idéal de Commune communiste, obligée de pourvoir à la nourriture des travailleurs, leur procurant de l'ouvrage, abolissant les inégalités de fortune: Y égalité des fortunes devint le mot d'ordre des prolétaires urbains.
— Mais comment cette égalité des fortunes pourrait-elle se réaliser?
— « Eh bien ! On guillotinera les riches, on mettra des sans-culottes à la municipalité, à la Convention ! » Telle fut la réponse, la seule réponse que le peuple sût donner à cette époque. Et aujourd'hui, après cent ans, on trouve encore une secte de révolutionnaires jacobins qui empêchent le peuple d'étudier les mesures à prendre contre les exploiteurs, des gens qui veulent que le peuple guillotine toujours, tandis qu'eux, les malins, chercheront plus tard les solutions économiques.
Et on guillotinait en 1793. Riches et pauvres, nobles et laquais, reines et princesses, passèrent par la lunette patriotique. Mais, pour un aristocrate guillotiné, venaient dix bourgeois, aussi âpres, plus âpres encore à la curée, que le seigneur décapité.
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Et les bandes noires des bourgeois nouveau-venus pillaient la France.
Et l'agiotage créai! des richesses, devant lesquelles pâlissaient les fortunes des ci-devant riches. Les Rothschild y jetaient les fondements de leurs banques futures.
Le peuple épurait la Convention et la Commune par la guillotine; il portait Marat en triomphe et décapitait les Girondins. Mais sans autre résultat que de faire de la place, de laisser les coudées franches, à ceux que l'on nommait dès lors « les crapauds du marais » : ces farouches terroristes se transformaient en patriotes sous le Directoire, en sénateurs sous Bonaparte, et ils nous gouvernent encore sous le nom d'opportunistes, de libéraux, de radicaux.
* * •
Une fois la Révolution escamotée, puis vaincue, après le triomphe de la réaction et les représailles sanglantes de la terreur blanche, d'aucuns se mirent à étudier le problème légué au dix-neuvième siècle par la Révolution.
« L'égalité des conditions économiques » — tel avait été le testament de la Révolution mourante. Et l'instinct populaire voulant réaliser ce testament, trois générations se succédèrent dans cette recherche : Fouricr, Robert Owen, Saint-Simon, Cabet et tant d'autres ne firent que formuler les pensées qui occupaient alors tous les esprits en France et en Angleterre. Ils n'inventèrent rien, pas plus que les penseurs anarchistes de nos jours n'ont inventé les théories que nous développons aujourd'hui. Ils s'forcèrent de traduire l'idée populaire.
» *
L'idée mère qui les guida fut celle-ci : — « La Révolu-lion a certainement amélioré la situation du plus grand nombre. Cependant, elle a créé des conditions qui, nécessairement, ont ramené l'exploitation de l'homme par l'homme.
« Le génie humain, lancé dans une nouvelle voie par l'invention de la machine à vapeur, — machine qui met à son service des millions de travailleurs de fer multipliés à volonté. — a permis de centupler la production de tout ce qui est nécessaire à la vie.
« Cependant, la situation qui nous est faite par la Révolution permet à quelques bourgeois de profiter seuls du développement gigantesauede l'industrie. — Pourquoi?
« Parce que le sol reste aux mains de quelques-uns, au lieu d'appartenir à tous. Parce que le travailleur n'a pas de quoi vivre s'il ne vend pas son travail. Parce que l'ouvrier travaille pour un patron, et non pour la société tout entière.
« Il faut donc organiser le travail sociétaire. Et ce travail ne peut être organisé que si la société devient communiste. Le travail en commun, pour un but commun, garantira l'existence de chacun, permettra d'utiliser les progrès du machinisme dans l'intérêt de tous et de centupler notre production, chacun travaillant beaucoup moins qu'aujourd'hui.
« Sans cela, on aura beau guillotiner, on aura beau déposséder : tant que le sol et les instruments de production ne feront que changer de mains, l'exploitation de l'homme par l'homme restera toujours. »
Tel fut le point de départ de toutes les écoles communistes de la première moitié de ce siècle.
— Mais comment organiser le communisme? Comment le maintenir s'il parvenait, à se réaliser? Telle fut la question qui se dressait devant les penseurs et à laquelle chacun répondait à sa manière.
Toute l'histoire de l'Humanité est celle d'une lutte incessante entre les masses voulant s'organiser sur des principes d'égalité et de liberté, et les minorités qui cherchent à se faire tla vie agréable aux dépens du travail d'autrui. Les civilisations naissent et s'effondrent, les empires grandissent et disparaissent, les guerres ensanglantent le monde, — mais la cause en est toujours dans la lutte entre les majorité gouvernées et les minorités gouvernantes.
Cette lutte se poursuit, avec des caractères variant selon les lieux et les époques. Dans le monde antique, c'est en assurant leur domination sur d'autres nationalités que les Grecs et les Romains cherchent à conquérir le bien-être.
Plus tard, c'est par la réforme morale du Bouddhisme et du Christianisme que les peuples veulent marcher à l'égalité. Puis, revenant à l'idéal Grec, c'est dans l'enceinte fortifiée dclaCommuneque les populations urbaines cherchent, et réussissent jusqu'à un certain point, à se créer une vie de liberté et d'égalité. Mais leur idéal libertaire ne dépasse pas les murs de la cité; il repose sur l'asservissement des campagnes, et la Commune libre succombe.
Alors, c'est dans les bras de l'Eglise, souveraine et universelle, que se jettent les masses. L'Eglise prêche bien la fraternité et l'égalité — pourquoi ne les imposerait-elle
pas par son autorité spirituelle et temporelle ? Mais l'Eglise a surpris la confiance des pauvres; elle en profite pour - devenir à son tour le pire des exploiteurs. Alors, quinze cents ans après le Christianisme primitif, c'est au nom du Christianisme réformé que les masses marchent à leur affranchissement : — « A bas le clergé romain ! Que chacun, — un berger, un mineur illettré, un enfant même, — interprètent la Bible comme ils l'entendent, et ils l'interpréteront dans un sens communiste! » — « A bas les lois! » prêchent les anabaptistes qui, anarchistes d'alors, supportèrent tout le poids de la révolution. — « A bas les lois! Que la conscience de chaque homme soit le maître suprême dans une société communiste. » Et pendant plus de cent ans, l'Europe est en flammes : le paysan, le citadin s'émancipent et s'essaient au communisme agraire ou urbain. Mais ils sont écrasés par l'union des bourgeois et des princes, et il n'en reste qu'une Eglise réformée, un clergé protestant, aussi avide de richesses et de domination que ^le clergé romain, — et quelques communautés moraves, qui s'en vont exploiter les Grœnlandais et les nègres!
Enfin, perdant la foi dans les religions, les masses se donnent au souverain, au prince des princes, au roi absolu, à l'empereur. Peut-être mettra-t-il lin à l'oppression ! Mais le roi les trahit comme le prêtre. Devenu le seigneur des seigneurs, il décuple l'oppression au profit de ses tavoris et alliés; à la tyrannie seigneuriale il ajoute la tyrannie de l'Etat. Il ruine ses sujets, les livre aux nobles, puis aux bourgeois, avec lesquels il s'empresse de partager le pouvoir.
Tout a été essayé, et tout a échoué. C'est alors que renaît dans les esprits cette philosophie du dix-huitième siècle — germée dans les masses, énoncée par les penseurs anglais et français, essayée dans ses ébauches d'application par la France de 1793 — et qui, se développant depuis, s'élargis-sant, gagnant en profondeur, s'appelle aujourd'hui le communisme anarchiste.
Ses principes sont, bien simples: — Ne cherchez pas à baser votre bien-être et votre liberté sur la domination d'autrui;en maîtrisant les autres, vous ne serez jamais libre vous-mêmes. Augmentez vos forces productives en étudiant la nature: ses forces mises au service de l'homme sont mille fois supérieures à celles de toute l'espèce humaine. Affranchissez l'individu ; car, sans la liberté de l'individu, il n'est point de société libre. N'ayez confiance, pour vous émanciper, en aucune aide spirituelle ou temporelle : aidez-vous vous-mêmes. Et, pour y arriver, dé-barrassez-vous au plutôt de tous vos préjugés religieux et politiques. Soyez hommes libres, et ayez confiance en la nature de l'homme libre : ses plus grands vices lui viennent du pouvoir qu'il exerce sur ses semblables ou du pouvoir qu'il subit.
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On voit combien cette manière de concevoir les rapports humains diffère de toutes celles qui se sont affirmées clans les tentatives d'affranchissement précédentes. « Le Communisme est vieux » nous dit-on, et c'est vrai. Comme tendance, il a toujours existé; mais les procédés du Communisme moderne sont nouveaux.
Tout en nous instruisant de ce qu'il faut faire pour nous affranchir, le dix-huitième siècle nous en a aussi donné les moyens.
Tant que l'homme, par un travail assidu, parvenait à peine à produire de quoi vivre jusqu'à la prochaine récolte, et se trouvait dénué de tout, moyen d'existence si cette récolte venait à manquer, pouvait-il s'affranchir?
Celui qui n'a pas de pain en réserve devient fatalement. esclave de celui qui en a. Eh bien, la science — née d'hier, puisqu'elle compte un siècle à peine — nous apprend à décupler la production. Dix hommes armés de machines puissantes peuvent faire aujourd'hui plus de travail que n'en eussent pu faire deux cents. Dix hommes, surveillant les métiers mécaniques, font en une année assez de vêtements pour en couvrir cinq cents. Et mille hommes, secondés par les machines, peuvent bâtir en un an et meubler toute une petite cilé où logeraient vingt ou trente mille personnes.
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L'individu qui restait en proie aux terreurs de sa propre imagination pouvait-il s'affranchir? Tant que les merveilles de la Nature n'avaient d'autre effet sur son cerveau que d'éveiller en lui l'idée d'un Dieu méchant, cupide, prévaricateur comme ses maîtres; tant que ses craintes lui souillaient le servilisme devant quiconque saisissait un bâton pour l'en frapper, pourrait-il rêver la liberté? Eh bien,la science réduit ces terreurs à néant : il n'en restera rien lorsque les découvertes de notre siècle seront devenues le patrimoine de tous.
Etait-il possible de parler égalité et liberté tant que l'homme passait pour être éminemment vicieux, méchant et crapuleux par nature, ne s'abstenant du mal que par la crainte du diable et de l'enfer, du juge et du bourreau? tant que l'on atîirniait que les masses doivent être traitées à l'égal des animaux que l'on conduit à l'aiguillon, que l'on parque en troupeauxL'ascétisme des moines de l'Orient inventait toutes les tortures pour améliorer l'homme, pour l'empêcher d'être possédé par le mal, le diable. Nous en rions aujourd'hui,mais c'est toujours cette même conception, modernisée et assaisonnée de baragouin scientifique, qui fait dire aux doctes savants que sans gendarmes et sans goêles l'homme ne pourrait vivre en société.
Mais si la science officielle conclut encore en faveur du bourreau, du prêtre (positiviste ou autre) et au politicien, les faits même de la vie les condamnent. La philosophie du dix-huitième siècle n'avait rien épargné pour propager l'idée du gouvernement démocratique et de la loi souveraine, issue du suffrage universel. Mais notre siècle en a démontré l'inanité, il a démantelé cette dernière forteresse de l'autoritarisme, il a proclamé l'Anarchie.
D, à mesure que ces préjugés perdaient de leur pouvoir sur les esprits, le Communisme s'affirmait avec plus de puissance, accueilli par les penseurs aussi bien que par le peuple; si bien que son développement, depuis Fou-rier jusqu'à nos jours, — son élaboration théorique, ses essais pratiques, son inspiration prenant peu à peu racine dans la vie moderne, — sont aussi caractéristiques pour le dix-neuvième siècle que l'application de la vapeur et le développement soudain de l'industrie et des relations internationales.
Le Communisme a passé par les mêmes phases que les mouvements populaires des siècles écoulés. Il a commencé par se subordonner à l'idée religieuse, la Communauté devant être un monastère gouverné par ses prêtres. Plus tard, il prit la forme de communisme d'Etat. L'Icarie devait être régie par un gouvernement fort, plus puissant et plus méticuleux que les gouvernements actuels. La seule concession que le Communisme gouvernemental se déci-■dit à faire à l'esprit libertaire du siècle, c'était de subdiviser le territoire de l'Etat en proclamant l'Etat-Commune, soumise à l'Etat-Nation. Les possibilistes en sont encore à -cet idéal d'Etat-Commune, tandis que les quelques marxistes restés communistes se rattachent à l'Etat-Nation.
Et ce n'est que vers la fin du siècle, au sein de l'Internationale anarchiste, que le Communisme sans Dieu ni maître s'est affirmé. 11 est jeune encore. Mais, si l'on médite les phases de l'évolution que nous n'avons fait qu'indiquer, on verra à qui appartient l'avenir; on verra qui tourne le dos au progrès, et qui marche de l'avant; qui travaille contre l'évolution et qui agit dans le même sens.
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La civilisation qui naquit en Europe après la ctiutc des civilisations imprégnées du despotisme asiatique, a mis quinze cents ans pour se débarrasser des entraves que l'Orient lui avait laisseés.
Non seulement elle eut à repousser les invasions armées de l'Orient, à arrêter le flot des Huns, des Mongols, des Turcs et des Arabes qui envahissaient ses plaines et ses presqu'îles, elle eut aussi à combattre les conceptions politiques de l'Orient, sa philosophie, sa religion. El, dès qu'elle commença à s'en aflranchir, elle créa d'un bloc cette science moderne qui lui permit en un siècle de changer la face de monde, de centupler ses forces, de trouver la richesse dans le sol, de contempler l'univers sans crainte. Elle a brûlé les fétiches importés de l'Orient : Dieu, gouvernement, propriété privée, loi imposée, morale extérieure. La pensée affranchie ne les reconnaît plus.
Reste maintenant à les brûler en réalité, après les avoir brûlés en effigie. Reste à démolir cet échafaudage qui étouffait la pansée, qui empêche encore l'homme de marcher à la liberté. Et ce problème, l'histoire nous l'a imposé, nous hommes de la fin du dix-neuvième siècle.
Les siècles ont travaillé pour nous. Forts de leur expérience, nous pouvons, nous devons,nous montrera la hauteur de notre lâche historique.
Paris. — Irop. Panvert, 7 et 9, rue des Fossés-Saint-Jacques.