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Clàudo 8ERTHET

^Histoire dos Pouvros n'est pos •• longue à écriro : Jadis ilotes, hier sorts, aujourd'hui salariés, r^ï,toujours «seiaves.

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SUR LE

SOMMAIRE

Ce qné Monsieur Herriot n'a pat vu. f'V Quitte mois en Russie. ' =

; Au Cercle Polaire».1 L: Mourmansk, Harstadt, Dieppe.

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FACE

a 4 P L A N C H E

L'Étdf histoire,

8MMV

Celle brochure e»t nét d'un amour de la vérité, de cette çérité sortant mie du puits, qui analyse froidement, impartialement.

L'homme veut savoir : il est légitime et juste qu'il sache.

Hélas, pourtant l'inénarrable imbécillité du grand public, qui est manœuvré par de» politiciens habiles et sans scrupnles, par une presse offioielle et pourrie, publiant nouvelles et articles sur ordre de ses maîtres, ce pauvre populo, accepte sans réfléchir, tout ce qui lui est raconté, ^ans rien contrôler, ayant par son apathie perdu tout sens critique.

Cette masse amorphe est prête à hisser au pouvoir ces mêmes politiciens girouettes, osant se dire révolutionnaires {mais l'ont»ils jamais été) après toutes les pirouettes de polichinelle qu'ils ont faites depuis ces dernières années.

Revenant de Russie, on j'ai vécu là-bas plusieurs moi*, j'ai eu l'occasion de questionner ces pauvres gens d'une passivité bien connue ; j'ai vu les misères de ces matheurtux, vivant dans un pays inhospitalier oîi l'hiver dure 8 mois.

Plusieurs camarades m'ont demandé d'écrire tout ce que j'avais vut je l'ai fait sans aucune prétention littéraire,

Claude BERTHET

C&oC

PRÉFACE

Le bref récit que vous allez lire ne vient pas d'un maître de la plume. C'est celui d'un de ces milliers d'anonymes qui, toute une vie, hantent les meetings donnent un peu de pain aux proscrits, soutiennent de. leurs mai-grès deniers, gagnés péniblement, nos petites publications se trouvent aux premiers rangs les jours de révolte, pour aider à écrire dans la bataille. une page d'histoire. C'est un de ceux qui sont toujours à la peine pendant que d'autres, plus malins mais plutôt fourbes, tirent de l'aventure les profits et la gloire sans avoir rien risqué.

Tout cela, parce qu'un soirt au cours d'une lecture ou à l'audition d'an discours, ils ont trouvé la révélation de l'immense misère humaine et que, pour l'atténuer d'abordt la supprimer ensuite, ils se lancent, Davids de In pensée, contre, les Goliaths de la force; dans cette lutte, contrairement à la légende, ils succombent presque toujours pour être demeurés fidèles à la cause.

Victimes anonymes, l'oubli passe sur eux, mais leur effort n'est jamais stérile et contribue à l'évolution des sociétés humaines.

Il est rare que ces humbles hommes du peuple écrivent; ils ont conscience de ne pas savoir ciseler une phrase et craignent de paraître ridicules.

C'est bien dommage, car de nombreuses narrations malhabiles contiennent souvent beaucoup plus de substance que celles de légions de crétins diplômés, écrivant sur ordre à tant la ligne.

En 1917, y étais alors à peine adolescent, un éclair illumina l'espoir des révolutionnaires. L'ordre nouveau, fraternel, juste et égalitaire, si longtmps rêvé par des générations de penseurs généreux, allait-il surgir du pays de Tolstoï et de Bakouvrine ?

Sans réfléchir davantage, nous lançâmes notre jeunesse pour la défense de ce que nous pensions être la future société vraiment humaine. Nous n'étions pas nombreux alors, et ceux qui se déclaraient nos pires ennemis devaient, quelques années plus tard, lorsqu'il fut avéré que le nouveau régime était définitivement assis, faire une volte-face éclatante.

Nous dûmes alors reprendre nos critiques, car nous nous convainquions chaque jour que rien ne changeait profondément.

Vingt-huit ans ont passé. Alors qu'il se trouvait déporté à Kœnigsberg, au titre du S.T.O., Herthet s'est trouvé délivré par les soldats russes; pendant huit mois, il a bourlingué de villes en villages avant d'atteindre Mourmansk.

Il nous dit ce qu'il a vu. Le connaissant depuis vingt'ans 9 je le sais incapable de mentir.

Certes, il ne prétend pas faire une analyse du régime qu'il a observé bien superficiellement, mais, c'est honnêtement qu'il raconte ce que ses yeux ont enregistré. Nous savons, d'autre part, l'immense retard que ce pays avait sur les pays occidentaux.

Cependant, lorsqu'on voit ces villages misérables, peuplés de gens A moitié hébétés; ces femmes travaillant comme des bêtes et pleines de préjugés; ces enfants demandant du pain, et que Von constate que l'intellec-tualité bornée de ces populations admet la nécessité d'un passeport pour le moindre déplacement, se contente d'une note exclusive : l officielle et cela dans des régions épargnées par la guerre, on ne peut s'empêcher de sentir un serrement de cœur.

Est-ce là le progrès apporté par vingt-huit ans. de régime révolutionnaire? Est-ce qu'au nom d'intérêts supérieurs, on doit demeurer silencieux?.

Non lu. Il faut parler.

Fehnànd PLÀNCHK. "

Ce que Monsieur HERR10T n'a pas vu

('Armée Rouge esf une merveille a'ordre e* de discipline — E. HERRÎOT

« Les Journaux de Mai 1945 *

ses donnèrent Tordre de reprendre la route, sans boire ni manger; nous repartons, glissant sur la glace ou enfonçant dans la neige, franchissant rivières et fossés; nous marchions ainsi, dos courbé, songeant surtout à manger.

Les premiers jours, nous trouvions encore dans les fermes, poulets, dindes, veaux, etc.,., mais par la suite, plus rien ï Tout avait été pillé, brûlé, dévasté...

Je me souviens, après une longue étape, avoir fait une soupe de raves gelées, douce, écœurante; avoir essayé de faire cuire dans la braise des betteraves dont la peau était brûlée et] rintérieur demeurait cru.

Nous avions tous la dysenterie et maigrissions choque jour; à nos camarades trop malades, les Russes répondaient que rien n'était prévu pour nous.

Le soir, en arrivant à l'étape, après 25 ou 30 kilomètres de marche dans des conditions épouvantables, étendus sur la paille dans une écurie ou une grange, nous voyions arriver les soldats russes qui, mitraillette en main, cherchaient dans nos poches ou dans nos musettes, afin d'y découvrir quelque chose à leur goût; leur avidité était si grande que je vis l'un d'eux, savourer avec délices, un savon dentifrice qu'il avait découvert dan£ mon bagage, bien réduit. Puis on essayait de dormir, malgré les poux qui nous dévoraient et les cris dos femmes que Ton violait.

Ainsi se passa le mois de février; nous avancions toujours sans savoir où nous allions; les Russes qui nous guidaient ne le sachant pas non plus. Tout le long des routes et dans les champs des cadavres de soldats, de civils, hommes ou femmes, fillettes violées; il y en avait tant que nous n'y faisions même plus attention et ainsi qu'un troupeau, pâles, pouilleux, malades, nous arrivâmes le lér Mars à Goubinen non sans avoir abandonné en route, plusieurs camarades qui n'avaient pu suivre notre marche. . Nous restâmes un mois près de cette ville; là, après un interrogatoire par le G.P.U., Je dixième depuis notre départ, les autorités russes prescrivirent la séparation des civils et des militaires, des hommes et des femmes; beaucoup de femmes de prisonniers furent ainsi séparées de leurs maris; ces dernières furent emmenées : on ne devait plus les revoir.

Pendant un mois, nous logeâmes dans des maisons à demi écroulées. Plusieurs de nos camarades furent de nouveau pillés par les hommes de cette merveilleuse armée rouge, habillée n'importe comment, bottes allemandes, ceinturons français, vestes polonaises. Les soldats passent sur les routes, dans leurs voitures légères, attelées de petits chevaux; hommes à barbe blanche, gosses de quinze ans, femmes-orAciers au regard terrible, ayant subi une opération leur ôtant toute féminité, tout sens maternel ou simplement amoureux, tous le crâne bourré par une propagande intense, abêtis par Je tabac et par l'alcool. C'est ainsi que pendant des semaines, des mois, nous pûmes voir l'Armée Rouge, la vraie et non la légendaire armée des travailleurs chargée de la défense du paradis soviétique.

Des colonnes de Polonais passaient parfois, ne sachant où ils allaient. J'appris plus tard qu'ils étaient contraints de signer un contrat pour la Sibérie.

Puis, le grand jour arriva, du moins, nous le pensions ! Trois convois furent formés. Enfin, on prenait le train; on allait embarquer à Odessa, nous disait l'Ktat-major russe. Je fis partie du dernier convoi et nous quittâmes Goubinen le 28 Mars à 16 heures.

Les deux premiers convois partirent sans doute pour Odessa ? Le nôtre, en tout cas, ne prit pas le même chemin. Il monta vers le Nord, nous ne sûmes jamais pourquoi. C'est ainsi que nous eûmes, dans notre malchance, l'occasion de vivre plusieurs mois en Russie, entre Léningrad et Mourmansk; de voir de plus près la vie et les mœurs de ces pauvres gens encore plus esclaves qu'au Moyen-Age, puisque les progrès de la science se retournent contre eux.

Mais ceci fera l'objet d'un autre article : < Ce que j'ai vu en U.R.S.S. ou le fascisme rouge >.

— ■ m ... )_________

c I ) Que le lecteur ne voit pas là une attaque unilatérale contre l'Armée Rouge.

Nous aurons l'occasion de parler, au cours de prochains articles, des exaction commises par toutes les armées.

Le 28 Mars 1945, quand nous primes le train qui nous taisait quitter Goubinen à 16 heures, la joie se lisait sur tous les visages.

Nous quittions enfin ce pays où les événements nous avaient amenés, où nous avions souffert, particulièrement de Téloignement et du manque de nouvelles; de plus, au coûtas de ces dernières semaines, tous ces kilomètres parcourus inutilement, par fois le ventre vide, en circulant sur des routes encore bombardées par l'artillerie allemande, camouflée çù el là, dans les bois, le moral s'était trouvé déprimé. Nous savions les Russes à Berlin, mais les combats se poursuivaient néanmoins en I.ithua-nie.

Les glissades sur la glace, le heurt des cadavres recouverts de neige, étaient passés dans le domaine de l'oubli; nous prenions le train. La terrible vision de ces morts entassés, déchiquetés par les obus, de ces chars ayant sauté sur des mines et dont les occupants se trouvaient projetés a rentour en morceaux; celle plus ter rible encore, de ces corps brûles vifs: hommes noirs aux dents restées blanches, femmes aux robes relevées sur la tête, hachées de coups de poignard après avoir été violées, devaient laisser en nous un souvenir vivace.

Ainsi, nous partions sans un regret, sans même tourner un regard vers ce passé récent; à raison de 45 à 90 hommes, nous nous' entassons dans des wagons â bestiaux. Nous avions dû les décorer de branches de sapin et de drapeaux, après avoir entendu le petit aiscours d'un officier russe qui nous dît, en substance, d'obéir à notre gouvernement et à son grand chef, le Général de Gaulle. Le train s'ébranle à 16 heures, pendant que des camarades belges nous jouent le « Chant tlu Départ ».

Nous roulons droit vers PEsl et le lendemain matin, nous nous trouvons en Lithuanie; ce petit pays a beau-oup souffert de la guerre, et ses habitants, par dizaines de milliers, ont été tués sur place ou déportés en Sibérie. Quant aux Allemands, ils s'y signalèrent par des massacres de Juifs.

Nous passons à Kaunas, puis à Vil-no, mais notre surprise fut grande lorsque le 30, nous nous aperçûmes que nous roulions vers le Nord. Après la Lithuanie vallonnée, où la neige commençait à fondre, après avoir vu la débâcle des fleuves, nous trouvions la morne plaine russe où, seuls, des petits sapins et des bouleaux rabougris, tordus par le vent froid des hivers trop longs, poussent dans un sol maigre; nous continuons à rouler vers le Nord et ne savons que penser.

. 4 ___BUR LE CHEMIN DU RETOUR___

Quatre mois en Russie

Enfin, le 1er Avril à 5 heures, le train s'arrête dans les faubourgs de Leningrad. Nous descendons pour chercher l'eau nécessaire pour la toilette et la cuisine que nous préparons sur un foyer de fortune, entre quatre pierres auprès du wagon.

Les gossent viennent nous voir, envahissent tout, veulent faire du coin merce, demandent du pain, des briquets, des couteaux, etc., etc., contre des roubles ou du tabac; mais tout ce!a ne m'intéresse pas, nous sommes à Leningrad et je voudrais visiter la ville. Je demande donc si Ton peut sortir. Défense absolue! Le train'peut démarrer de suite. Ma curiosité est si grande que je me risque quand même à traverser les voies, sauter les palissades; je franchis un pont el après un parcours de quelques centaines de mètres, je me trouve dans une avenue de Léningrad. Des hauts-parleurs diffusent un peu partout des nouvelles ou de la propagande; des tramways « rouges » circulent ainsi que des autobus- Dans l'avenue, assez large, bordée de maisons neuves, se trouvent des boutiques auxquelles on accède par une porte donnant sur une cour, afin d'y faire la queue sans gêner la circulation. Mais, par crainte d'un départ intempestif du train et peu désireux de rester dans ce pays dont je connais à peine la langue, je retourne à mon wagon, n'ayant pour ainsi dire rien vu de l'ancienne capitale russe.

Pourtant, une visite de la. ville aurait pu être organisée, puisque nous n'avons quitté Léningrad qu'à 22 h. A mon sens, ç'aurait été de bonne propagande; mais, là comme ailleurs, on nous refusera toujours de sortir. Voir, comprendre, chercher à savoir; on sent que les dirigeants ont la crainte de ces étrangers trop curieux de connaître la vie du Husse dans ce pays si critiqué par les uns, loué comme un paradis par les autres.

Nous quittâmes donc Léningrad. poursuivant notre course vers le Nord où la température devenait de plus en plus basse; nous traversâmes des fleuves, des canaux entièrement gelés, nous retrouvâmes la steppe couverte de neige et roulâmes ainsi des jours et des nuits, ne voyaftt, à perte de vue, que des pins, des sapins, des bouleaux pleureurs à écorce blanche. De temps à autre, le train s'arrêtait dans de petites gares, voire en rase campagne. Nous vîmes de petits villages, composés de misérables ca banes en bois, qu'aucun chemin ne « desservait, habités par une population isolée de tout, venant nous proposer l'échange, contre du pain, de petites bouteilles de lait ou de groseilles rouges, conservées dans la glace. Le lait était mauvais et les groseilles amcres. Pauvres gens, au regard vague de ceux qui souffrent, usés par le travail, le froid, la faim aussi, sans nul doute.

Enfin, le 5 Avril, nous vîmes des montagnes. Il faisait très froid lorsque, le train s'arrêta à KANDAK-LACHA, port sur la Mer Blanche, une des villes les plus froides du monde, situé à l'intérieur du cercle polaire.

Après avoir nettoyé les wagons, nous montâmes en colonne, dans la neige, jusque sur un vaste plateau dominant la ville et sur lequel de grandes casernes avaient été construites. Une fois là, on nous fit laver dans des baquets en bois ou en tôle; ces derniers confectionnés avec des vieilles boites de conserves. On nous prit alors toutes nos affaires, tout ce que nous avions pu récupérer en Prusse pour nous couvrir; c'était soi-disant pour tout désinfecter et nos vêtements furent remplacés par l'uniforme du soldat russe : vêtement de toile, grosse capote et bonnet -en peluche de coton. Malgré nos déclamations, on ne. nous les rendit jamais.

Nous couchâmes sur des bas-flancs, sans couverture; presque tous tous saient et beaucoup durent être hospitalisés par suite de pneumonie contractée dans ces conditions peu humaines; d'autre part, de nombreux cas de dysenterie, attribuables à la nourriture qui nous était attribuée, se déclarèrent; millet cuit â l'eau, soupe de concombres ou de tomates vertes, seigle, avoine, pommes de lerre et conserves de * viande américaine ne pouvaient convenir aux déficients physiques que nous étions déjà et c'est pourtant ce régime que nous dûmes supporter pendant plu-sieurs mois.

Les casernes que nous habitions étaient construites sur l'emplacement d'un ancien cimetière dont les tombes se voyaient encore; entourées de barbelés sur deux mètres de haut, des soldats russes gardaient toutes les Issues du camp qu'il nous était interdit de quitter.

Pour seule distraction, un cinéma où des films de propagande étaient projetés; de plus, un orchestre formé de plusieurs camarades, tenta d'adoucir notre solitude. Malgré le danger, beaucoup d'entre nous passaient les barbelés et descendaient au bord de la mer.

Il fallait, pour cela, traverser une partie de la ville, composée de pauvres maisons en bois, sans aucune peinture, rendues rapidement noires par les intempéries; de plus, d'aspect maussade, tout y était humide et dé gageait des odeurs de moisissure.

Comment se rendre compte de la vie des pauvres gens qui les habitaient ? C'était assez difficile, car nous connaissions peu la langue et il ne fallait pas se faire prendre par les patrouilles d'officiers qui circulaient autour de ces habitations que bien souvent aucune rue ne desservait.

Ces maisons étaient, pour la plupart, construites sans alignement, et pour accéder à l'entrée, on enfonçait jusqu'aux chevilles dans la boue malodorante, le dégel commençant à la ramollir. Quelques cochons couraient, des truies promenaient leurs petits, autour de ces habitations, encore bien primitives. Beaucoup de petites chèvres couraient librement de tous côtés, mangeant tout ce qui se présentait, feuilles, écorces, etc. Quelques petits moutons noirs et de rares vaches,. le climat devenant trop dur pour ces bêtes. De petits jardins, entourés de palissades rustiques, empêchant l'intrusion des animaux, permettaient la culture des choux, des pommes de terre qui, plantés fin mai. devenaient consommables à partir d'août. Cette végétation rapide est dûe à l'insolation permanente dans la période du solstice d'été; en effet, du 10 Mai au 10 Août, nous n'avons pas vu ia nuit; pendant toute cette pé riode, la couche atmosphérique moins dense, plus pure que dans nos climats laisse passer, pendant 24 heures chaque jour, les rayons ultra-violets et autres, bienfaisants pour la végétation. En quelques jours, tout change, les bouleaux prennent des feuilles, les pins et les sapins bourgeonnent, l'herbe pousse entre les pierres, la mer redevient libre et la pêche commence; la boue des villes sèche un peu et les bicoques s'assainissent sous la chaude caresse du soleil qui rit sans arrêt sur toute cette misère;

A ce moment, les habitants quittent leurs bottes de feutre et leurs veates matelassées; enfants et femmes marchent souvent nu-pieds; aux question* que nous leur posons, ils ne savent que répondre, paraissant ac connaître que la propagande faite par la radio, par le journal; ils ignorent tout de l'extérieur, ne peuvent se déplacer, si peu que ce soit, sans permission, laisser passer, passeport intérieur, etc.. Encore faut-il avoir un motif sérieux pour obtenir ces papiers, qui ne sont délivrés qu'à titre onéreux.

Hon nombre d'habitants mangent, couchent, etc., dans les dépendances de t'usine ou de l'entreprise qui les occupent; il en résulte qu'au moment de la paye, après avoir déduit nourriture, logement, frais divers, il ne leur reste que quelques roubles. Il est donc facile de comprendre l'esclavage total dont cette population est victime; aucune liberté ne lui est accordée; obligés de vivre avec l'entreprise qui les occupe, les travailleurs se trouvent dans la nécessité de la suivre dans ses déplacements; ils ne peuvent réclamer sans se Irouver mis à l'index. Leur pensée est surtout orientée, par la propagande, dans le sens, qu'à l'étranger, en < pays capitaliste », la misère est plus grande; une jeune fille russe, Lida, n'a jamais voulu croire que des ouvriers français pouvaient avoir une voiture.

D'autre part, ils ne peuvent rece voir ni lettres, ni journaux, sous peine de poursuites; il leur est, par suite, interdit d'écrire el, de ce fait, nous-mêmes ne pûmes donner signe de vie à nos familles. Voilà ce qu'est le x Paradis Soviétique », ce qu'est la Liberté en tJ.R.S.S.

En Espagne, en Italie, en Allemagne, < pays fascistes les relations avec l'extérieur existaient normale ment, mais en U.R.S.S., c'est le fascisme intégral (le fascisme rouge) qui ne recule devant rien, pour lequel l'individu, soldat ou travailleur, ne compte pas; il doit marcher. Voilà ce qu'ont fait les bolcheviks: un régime plus atroce que celui des tsars qui sût tolérer le grand Tolstoï. Maintenant, sous le règne de Joseph 1er, tsar eurasiatiaque, aucune opposition, si petite soit-eJle, n'est permise.

Le peuple russe s'est, à diverses reprises, révolté contre la tyrannie des tsars, mais n'a jamais, et vous pouvez fouiller l'histoire, réclamé une dictature : car, c'est un peu comme si l'on proposait le choix entre la peste et le choléra.

Confirmant le récit de notre camarade SATAN AS, qui oient dt séjourner contre son gré dans cette « Patrie, des Travail-leurs * où quelques farouches communistes mériteraient d'être déportés pour goûter la Liberté à la sauce slave, sinon mongole, nous puisons chez notre confrère € Combat » (20-10-45), l'information suivante :

« Mille quatre cent soixante Alsaciens et Lorrains, enrôlés de force dans la Weltrmacht, sont arrivés hier à la gare du Nord, venant du camp de Tawbom% en Russie« où ils étaient groupés depuis de longs mot*. Leur voyage de retour a duré plus de sept semaines.

Tous sont maigres, hirsutes, tes yeux brillants de fatigue, mais aussi de joie. La plupart portent des capotes de l'ar-mèe américaine, mais quelques-uns ont encore ta tenue feldgrau et sur le bonnet de police ou la casquette allemande. ont épinglé la Croix de Lorraine ou la cocarde tricolore.

En attendant de monter dans les cars et les autobus qui les emmèneront vers le centre de Heuilty, où se dérouteront les rapides formalités avant le retour définitif dans leurs foyers, ils confient leurs impressions.

« Nous avons beaucoup souffert, sont-ils unanimes à déclarer et nombre de nos camarades qui n'ont pu supporter les privations et les rigueurs du climat. sont restés là'bas• »

L'un d'eux, un Lorrain, déclare : « Ja-/nais nous n'avons reçu de nouvelles des nôtres; jamais nous n'avons pu en envoyer. Si je. n'arrive pas avant la Toussaint, ce sera la deuxième messe des Morts nue mes parents feront dire pour le repos de mon âme. »

Nous nous garderons bien d'ajouter à cette information quoi que ce soit.

Mais que ceux qui ne trouvent que des injures ù opposer aux arguments de nature à ébranler l'édifice démagogue qu'ils ont construit à la faveur de variations sensationnelles et spectaculaire apprennent à 'acquérir Vesprit civique indispensable à la véritable expression de la Liberté.

Au Cercle Polaire

Le temps nous parut très long à Kandalakcha, pays froid et austère, où nous logions dans d'immenses casernes difficiles à chauffer. Le vent soufflait constamment sur le plateau dominant la ville et d'où nous découvrions la Mer Blanche prise par les glaces pendant huit mois de l'année. Nous couchions là sur des bas-flancs à deux ou trois étages; nous pouvions à peine y tenir assis et l'air devenait rapidement vicié en raison du grand nombre d'individus d'une part et de la fumée des cigarettes et des pipes, car le tabac ne manquait pas; c'était une des rares choses que l'on trouve couramment en Russie ; aussi n'est-il pas étonnant de voir tout le monde s'intoxiquer et il est fréquent de surprendre des enfants de quatre à cinq ans fumer des bouts de, cigarettes.

Dans les lavabos, où seulement quelques robinets fonctionnaient, il fallait faire queue pour obtenir un peu d'eau nécessaire à la toilette. Quant aux water-closets, le papier hygiénique faisait défaut et notre éton-nement provoquait des rires chez les Busses qui en ignoraient l'usage.

Cantonnés là, privés de toute nouvelle, enfermés dans un réseau de barbelés. nous ne pouvions écrire, ni obtenir la moindre information sérieuse. Le moral, déjà bien bas, ne pouvait guère s'améliorer par les bruits des fausses nouvelles qui circulaient constamment, surtout celles qui concernaient notre retour. O la longueur de ces interminables jours d'été ! Nous étions énervés par ce jour continuel qui rompait nos habitudes; n'ayant pas d'heure fixe pour le repos ou la nourriture, il nous arrivait de manger à 23 heures ou de prendre la douche à 2 heures, ou encore de dormir à midi pendant que nous nous surprenions à discuter debout ou à jouer aux caries à minuit.

Cette vie irrégulière mettait nos nerfs à l'épreuve et ne contribuait pas à améliorer notre santé, altérée par tant de soufrances. Cette diminution physique ne faisait qu'aggraver l'insociabilité de nos camarades et des disputes continuelles surgissaient pour des futilités et dégénéraient parfois en voie de faits.

Notre situation était bien plus mauvaise que celle que nous avions connue à la fin de notre séjour en Allemagne; là dans une relative liberté, nous pouvions sortir en ville, manger au restaurant, fréquenter le théâtre ou le cinéma. Tandis qu'ici, dans ce pays du fascisme intégral, où l'étranger est craint comme la peste, aucune diversion, ne nous était accordée. D'ailleurs qu'aurions-nous pu faire saos argent, dans un pays sans restaurants et où les cafés ne peuvent débiter que de la vodka et aux Russes exclusivement.

Nous atteignîmes ainsi la fin d'avril et nous eûmes une agréable surprise lorsque le 1" mai, les officiers français qui nous accompagnaient, nous firent part de leur intention de si gnaler notre présence au général Ca-troux, ambassadeur de France à Moscou. Une dépêche fut donc rédigée pour le prier à l'occasion de la « fête des travailleurs > d'être notre interprête auprès du c Maréchal Staline, Père des Peuples * pour le féliciter.

A deux reprises, l'état-majo^ russe refusa de transmettre cette dépêche sous divers prétextes. Ce n'est qu'à !a suite d'une troisième intervention que le principe fut enfin admis et le ; télégramme ne parvint à Moscou que le 20 mai. Comprenant la feinte, on nous télégraphia pour nous annoncer la visite prochaine du Consul.

En effet, nous le vîmes arriver au camp le 7 juin; la veille, une tempête de neige d'une rare violence s'était abattue sur la région et c'est dans une ville recouverte d'un immense tapis blanc qu'il débarqua du train. Les officiers russes l'attendaient à la gare avec des interprètes chargés de s'attacher à ses pas pendant son séjour près de nous. Jusque dans sa chambre où deux lits étaient installés afin de surveiller son sommeil même; il fallait éviter tout contact impur. Cette surveillance s'exerçait jusqu'à la douche et même chez le coiffeur.

Le lendemain de son arrivée, on nous réunit dans la salle du cinéma où, entouré naturellement des officiers et des interprètes russes, il nous fit un petit discours qu'il s'efforça devant une salle froide, de rendre aussi cordial que possible. En bon politicien, il flatta « ces pauvres prisonniers qui, enfin, étaient sortis sains et saufs des bagnes allemands après des années de souffrances puis il leur fit chanter La Marseillaise. Mais ce n'était pas là ce que nous attendions; nous désirions surtout connaître pourquoi nous nous trouvions là et ce que nous y attendions depuis de trop longues semaines, enfermés et dans une situation plus lamentable que celle des prisonniers. Il ne sut nous dire que ceci: « Mes amis, je vous donne nia parole d'honneur que ' vous reverrez la France. » C'est tout ce que nous avons pu obtenir. Revoir la France ! c'était notre plus ardent désir. Oui, mais quand ? Comment ? Nous n'en savions rien et nous ne pûmes obtenir plus de précision

Il partit le 9 juin en nous laissant un peu d'espoir, car son voyage décelait notre présence au cercle polaire; dans les hautes sphères on allait connaître notre impatience de rentrer chez nous; d'autre part, par la voie diplomatique, nos familles allaient recevoir4 de nos nouvelles. C'était déjà quelque chose et notre détresse nous parut plus légère.

Puis, les jours se passèrent sans changement appréciable; tantôt nous allions travailler dans une scierie située à cinq kilomètres du camp; nous nous y rendions à pied pour charger ou décharger des troncs d'arbres. Avec nous se trouvaieent des femmes russes occupées à ce travail pénible. Très sociales, fortes, courageuses, ces malheureuses,- habillées comme des chiffonnières de chez nous, travaillaient avec une conscience et un esprit d'équipe que l'on trouve rarement chez la femme française. A la porte de la scierie se trouvait une sentinelle avec son fusil, car, en Russie, tout ce qui est usine, entrepôt ou même simplement champ où poussent quelques légumes rares comme concombres, tomates vertes, etc..., est gardé jour et nuit, tant la grande pénurie rend le Russe pillard.

Tantôt nous allions dans les bois pour abattre et charger sur des camions américains des pins et des sapins; alors le trajet, de 25 à 30 «kilomètres, s'effectuait en camion où le mauvais état des routes et des ponts nous secouait plus fort que le toboggan à la foire; les efforts faits pour nous cramponner dans les virages ou pour éviter les cahots trop violents nous aiguisaient l'appétit, et notre gamelle de millet nous semblait bonne I cl meilleur notre pain noir, pâteux î et aigre. A la porte du réfectoire se 1 trouvait une nichée de pauvres gos-Jses qui nous faisaient, à la fois, rire et pitié, par leurs déguisements : de • tous petits avaient la grande veste de leur père qui pendait jusqu'à terre, de vieilles bottes beaucoup trop grandes pour eux. Ils restaient là, dans la neige, sous un vent glacial, tendant leurs petites mains pour obtenir soit un morceau de ce pain infect que la plupart d'entre nous ne pouvaient manger, soit un mégot, car, to.it petits qu'ils soient, ils fument et même ont déjà un goût prononcé pour la vodka.

Pauvres petits, je me souviendrai longtemps de vous, de vos têtes rondes aux pommettes saillantes, comme tous ceux de votre race, de vos pauvres yeux rougis par le froid et l'avitaminose, de votre voix plaintive qui murmurait « Kléba, pajahousta > (du ;pain s'il vous plait). Je suis surtout ému à la pensée qu'à 20 ans, sinon plutôt, vous serez enrôlés dans cette armée prolétarienne pour aller défendre, en principe, cette patrie qui ne peut vous nourrir, mais, en réalité, pour défendre ou accroître les privilèges et le prestige de vos maîtres.

Mourmansk - Harstade - Dieppe

Le 28 juin, nous prîmes le train en direction de Mourmansk. Le lendemain, nous arrivâmes à Kola et de là nous dûmes faire à pied les 12 kilomètres qui nous séparaient du petit centre de Konigstreuil; il faisait froid et la neige tombait sur la route qui montait à travers la colline. Ce petit village était composé de maisons en bois, où logeaient les ouvriers et ouvrières d'une briqueterie voisine, entourée de maisons en briques destinées aux officiers et à leurs familles;

t de nombreux marins, au repos, s'y » trouvaient également.

Nos repas furent composés exclusivement de millet cuit pendant notre séjour qui se prolongea jusqu'au 10 juillet; à cette date, nous partîmes à pied pour Mourmansk, distant d'une trentaine de kilomètres. Là, nous fûmes parqués dans un camp entouré de planches et de barbelés, avec un mirador à chacun des coins et naturellement défense de sortir. Nous couchions dans des baraques en bois, tombant de vétusté, sans fenêtre, sans eau. Des feuillées au milieu de la cour répandaient une odeûr pestilentille, en raison de la quantité de matières qui se répandaient autour sur une assez grande épaisseur. I^e sommeil n'était pas agréable dans ces locaux sur les bas-flancs desquels se mouvaient rats et punaises.

Aussi est-ce avec une joie sans mélange que nous accueillîmes le capitaine de corvette qui avait reçu la mission de nous embarquer. Le 28 juillet nous quittions donc, sans regret, cette « cabane a rats > pour rejoindre, à fi kilomètres de là, où un vieux bateau français dénommé « Au-got » venait d'accoster pour débarquer des prisonniers russes.

. Ce ne fut pas sans surprise que nous assistâmes à un traitement analogue à celui que nous subissions depuis 7 mois. Ces malheureux soldats, dépouillés de leurs affaires, furent conduis comme un troupeau de bétail dans les collines «voisinantes où ils couchaient sous la tente. Ce rigoureux traitement paraissait provenir du fait que Ton considérait le soldat russe prisonnier comme un déserteur en Allemagne. Les troupes russes maltraitaient donc et dépouillaient impunément les prisonniers qui rentraient d'une captivité qui aurait pu, dans certains cas, leur paraître plus légère si l'étranger que chez leurs compatriotes.

Notre tour d'embarquement arrivant, on nous fit subir une visite à la douane très sérieuse; quelques cama-raes qui avaient pu sauver jusque-là une montre ou une bague, durent de nouveau user de stratagèmes pour les dérober à la vue des douaniers oui n'eussent pas manquer de les confisquer.

Le 29, * L'Augot » allait jeter l'ancre au milieu de la rade où, pendant deux jours, des spécialistes réparèrent les chaudières où de nombreuses fuites auraient pu contrarier une navigation déjà difficile avec ce vieux raf-flot. De là» nous pouvions découvrir tout Mourmansk, deuxième port de la Russie: en briques sont construits les hôpitaux, les casernes et les habita-lions des fonctionnaire, tandis que pour le reste de la population, on ne voit que d'infecles cabanes en planches.

Enfin, le 31 à 10 heures, nous levions l'ancre et, avec une vitesse de croisière de 5 à 6 nœuds, nous gagnâmes le large. Quelques-uns d'entre nous furent incommodés par le mal de mer, bien que celle-ci ne fut pas bien mauvaise, mais c'était peu de chose à côté de ce que nous venions de subir. Le 2 août à 20 heures, nous doublions le Cap Nord, puis ce fut la suite interminable des profonds fjords de la Norvège avec ses mulll-turdes d'îles vertes qui étaient un enchantement des yeux. De petites maisons aux couleurs variées, posées ça et là comme des jouets, de petites barques de pêche blanches courant sur une mer calme; sur ce paysage merveilleux, dominé parfois par des hautes montagnes neigeuses, planaient de grands oiseaux de mer blancs et gris.

Le 4 août à 2 heures nous arrivâmes à Tromsoë. Un amphithéâtre de montagne encadre cette jolie ville dont nous quittons le hâvre le 6 à 14 heures. Toujours la succession, des ^fjords et des îles, par une mer calme, jusqu'au lendemain 7 août, où s'achève la première étape de notre randonnée maritime: Harstardt.

Là nous débarquons pour aller loger dans une vaste école de la ville, aménagée pour nous recevoir. Dans ce sile coquet et agréable, aux maisons aux couleurs fraîches et variées: rouges, vertes, blanches, nous nous sentions revivre. Les rues de cette ville étaient, comme chez nous, bordés de trottoirs où se dressaient des boutiques bien achalandées. Des hommes très propres et très corrects circulent à pied ou en vélo, des femmes grandes et minces, habillées de couleurs vives, ont quelque chose qui rappelle le chic parisien.

Nous courons à la poste pour expédier lettres et télégrammes qui rassureront nos familles et leur signaleront notre arrivée prochaine; nous vendons les cigarettes américaines qui nous ont été distribuées pour nous procurer, sans tickets parce que nous sommes français, gâteaux, boîtes de sardines, ainsi que des collections de cartes postales qui nous rappelleront ce merveilleux pays dont l'hospitalité nous est sensible.

Nous rencontrons beaucoup d'Aile-# jmaiids qui se promènent en ville, car, après les avoir désarmés, on les a cantonnés dans des camps d'où ils sortent comme ils veulent. Ils paraissent sensibles à notre détresse et nous donnent ce que nous désirons: souliers, bottes, pull-ower, cigarettes, etc... Des bals sont organisés en notre faveur, soit en plein air, soit dans de grandes salles; on nous offre des séances de cinéma dans une grande salle municipale. Nous ne pouvons nous empêcher de marquer le cç>ntraste entre la réception qui est est faite dans cette ville située sur le cercle polaire, à quelques centaines de kilomètres de celle qui nous a laissé de si fâcheux, souvenirs.

Dans la liberté, dans la joie, la vie parait ici plus douce et sans comparaison avec la façon misérable, encore toute primitive, dans un pays qualifié pompeusement « Patrie des travailleurs » par des partisans qui sont dupes ou complices d'une propagande menteuse. Nous sentons plus vivement les raisons des interdictions diverses qui sévisent là-bas; et, nous nous penchons sur le peuple russe qui, lui aussi, fait une révolution pour que d'habiles profiteurs les maintiennent dans le servage antique. Notre compassion pour les victimes ne fait que renforcer notre mépris pour les procédés hypocrites des maîtres qui vivent à leurs dépens.

Nous revivions ici, en Norvège, et le souvenir des jours mauvais passés en Allemagne, en Russie ensuite, s'estompait. Une nourriture abondante, fournie par les Allemands, avec vin et

fiain à discrétion; nous reprenions 'embonpoint que nos vicissitudes nous avaient fait perdre.

Les jours s'écoulaient rapidement dans ce bien-être relatif et nous attendions plus patiemment la suite de notre voyage.

Finalement, le 30 août à 21 heures, nous quittions cette petite ville aux vives couleurs et à la population si sympathique, à bord d'un nouveau bateau: le « Nord Kind La même nuit nous passions au large de Narvick, célèbre par son débarquement en 1940 qui permit de couper la route du fer à l'Allemagne. Pendant plusieurs joufs nous vîmes défiler les fjords si pittoresques, au milieu d'une mer calme que, dans leur folie, les hommes ont rendue si traitresse en la parsemant de mines flottantes. Pour atténuer le danger, nous étions escortés d'un convoyeur anglais chargé de draguer ces engins et de les faire sauter à distance respectable.

IJne courte escale de quelques heures à Christiansaud, au sud de la 'Norvège, pour embarquer quelques provisions nécessaires pour faire la route qui nous mènerait en Ecosse d'abord et, en longeant le littoral anglais, d'atteindre Dieppe où nous arrivions sans encombre le 6 septembre à 15 heures. Mais en raison des obstacles qui gisent à l'entrée du port, il nous fallut attendre la maré du jour pour entrer dans le port, soit le lendemain à midi.

C'est dans un enthousiasme difficile à dépeindre que nous débarquons dans cette ville fort touchée par la guerre. Sur les quais, une foule compacte crie sa joie de nous revoir: les femmes pleurent, les hommes chantent; dans leur émoi, c'est < La Marseillaise > qui leur vient aux lèvres. Ce bon peuple, si sensible, est encore trop empreint de cette éducation que l'on prodigue encore sur les bancs de la laïque et qui fausse tant de jugements.

Lorsque, vers les 3 heures, nous quittons le bateau, nous sommes entourés de femmes et d'enfants qui nous embrassent, nous portent nos bagages. Tout le monde pleure de joie. Devant ce spectacle qui nous est offert, comment ne pas songer à l'accueil des malheureux prisonniers russes que nous vîmes débarquer lors de notre départ de Mourmansk *? et qui, tristes et peureux, ressemblaient à des chiens battus fréquemment. C'est le cœur bien gros que ces souvenirs nous assaillent.

Un copieux repas nous est servi, dont nous garderons un joyeux souvenir, avant de prendre place dans le train qui, le 8 septembre à 2 heures, nous amènent à la gare Saint-Lazare.

Nous sommes conduits aussitôt à ta caserne de Reuilly où toute une longue journée se passe en paperasserie de toutes sortes.

C'est fini ! nous nous retrouvons libres.

Et maintenant, en écrivant ces lignes, dans la douce quiétude du foyer retrouvé, mes souvenirs vont à ces braves Norvégiens si heureux dans leurs îles, aux pauvres Russes qui ne connaissent de la liberté que celle de se laisser exploiter sans mot dire par la nouvelle caste de fonctionnaires qui s'est substituée à la noblesse tsariste, et parfois aussi je songe à ces femmes allemandes et polonaises, rencontrées sur les lieux de travail, si courageuses et si adroites, que la famine guette dans un monde où le pire des fléaux, auquel les peuples ont obéi une fois de plus, a causé tant de ravages matériels et moraux, ces derniers plus profonds peut-être que les premiers.

El. achevant ces lignes, est-il permis de formuler cet espoir que les hommes abandonnèrent si facilement en 1918. et de crier bien fort: Travailleurs d* tous les pays, unissez-vous contre In guerre el contre le fascisme, le noir comme le rouge !

La publication de ce qui précède nous a valu une nombreuse correspondance, qu'il serait fastidieux de reproduire; nous croyons bon, malgré tout, d'en publier quelques extraits.

Voici tout d'abord le passage d'une lettre de mon ami J. C, d'Angers, qui fit courageusement la route dans la neige et le froid, mangeant à peine, malgré une terrible dysenterie.

Arrivé en Russie à Kandaclachat, il fut hospitalisé pendant plusieurs mois sans résultats et dut rentrer en France par un bateau hôpital Anglais.

...puis ensuite Trondhjen dans les fjords, paysage unique et merveilleux. Làt escale pendant une journée el ensuite direction Ecosse; j'ai débarqué à Glasgow et suis resté 13 jours dans la ville que j'ai visitée; ensuite, j'ai pris le train et suis allé à Londres où je suis resté une semaine environ...

Donc, à Glasgow comme à Londres, non seulement il fut bien reçu, mais encore il eut toute liberté pour visiter les villes traversées, écrire, etc.; quelle différence avec la « patrie des travailleurs », où, enfermés dans les barbelés, nous ne pouvions ni écrire, ni sortir qu'accompagnés militairement, en marchant par trois.

Maintenant, c'est un camarade de Marseille, G. P. qui nous écrit en P. S. d'une de ses lettres : #

« L'article de « Satanas » est véridtque et vécu; un de mes bons amis, copain pacifiste de toujours, prisonnier depuis le début et « libéré » par les liasses, m'a raconté lors de son retour à Marseille, les mêmes horreurs qu'il a subis, comme tous ceux qui étaient avec lui, de la part de leurs libérateurs soviétiques...

Enfin, un autre camarade de l'Ile-sur-Sorgues, Yaucluse, nous écrit :

... Il g a des sujets sur lesquels la presse fait le silence; la synarchie, de même le mauvais traitement infligé aux Allemands (j'en ai vu de sque-lettiques); enfin, sur la fuçon dont nos prisonniers ont été accueillis par leurs « libérateurs * Husses; j'ai dans mon voisinage une jeune tfkrai-nienne, mariée avec un gars du pays, prisonnier avec elle; ses récit* confirment et dépassent tout ce que lu as fait imprimer dans « l'Insurgé Je comprends que des hommes qui, en Francet se disent courageux. n'osent soulever le coin du voile en ce qui concerne la terreur en Russie Soviétique; cela esl bien courageux d'avoir osé l'exprimer dans l'article < Sur le chemin du retour ».

i

Enfin notre ami Hem DAY de Bruxelles :

... les révélation* de Satanos viennent confirmer tout ce qu£ l'avais recueilli autour de moi à ce *ujet pnr de* pauvres bougres retenus du paradis rouge.

e» notre bon camarade chansonnier Charles d'Avrals, nousécrit :

... Bravo pour te 14 Chemin du Retour

Nous arrêtons là les citations écrites par les camarades sincères autant que désintéressés; la preuve est faite que la République des Soviets n'est que Ja continuation du gouvernement tsariste, elle poursuit ,l'oppression d'une façon, plus moderne des masses travailleuses à l'intérieur, et, à l'extérieur, sa politique impérialiste de toujours.

Nous avons reçu aussi des lettres de quelques pauvres « martelés de la faucille nous n'avons que faire des menaces de ces girouettes, nous avons encore présent à la mémoire, les fosses de Katyn près de Smolensk, les déportations en masse en Sibérie, où, plus près de nous, nous nous rappelons des chambres de tortures et du four crématoire de l'ambassade Russe rue de Grenelle, nous savons de quoi sont capables, et de quelles lâchetés sont pétris les pauvres dégénérés à la caboche vide; nous les plaignons, convaincus que nous sommes, que si l'homme disparait, l'idée reste, et cela malgré eux, et contre eux et leur profond sectarisme.

Claude BERTHET.

A PARAITRE PROCHAINEMENT

LE MARTYRE DE L'ENFANT I/autear n'enfoncera pas de porte ouverte; tout le monde sait qu'il y a une enfance malheureuse, maltraitée par des parents indignes, des enfants de l'Assistanc Publique, exploités par des êtres humains sans cœur et sans scrupuJes; il analyse très impartialement la vie que l'on fait subir à l'enfant, en général; dans sa famille, dans la société; à l'école, en un mot, dans un monde d'adultes, fait pour les adultes, qui semblent ignorer l'enfant, être sensible entre tous; ce dernier doit se plier devant les grands, il doit surtout obéir, ne rien dire, apprendre à mentir, à né pas questionner, suivre, en un mot, être l'enfant sage.

L'auteur termine en démontrant que les parents n'ont que des devoirs à remplir auprès de l'enfant qui, lui n'a que des droits, sur ceux qui, dans un moment de pur égoïsme, lui ont imposé la vie, dans une société aussi mal faite que barbare, et de plus, lui ont légué toutes leurs tares héréditaire* ou acquises.

CRITIQUES DES STERILISATIONS SEXUELLES Castration chirurgicale —1 Vasectomie — Vasollgature — Salpingcctomie Rayon Hœntgen on X — Castration chimique.

L'auteur commence par une analyse de la stérilisation sexuelle a travers jes âges; castration faite d'abord sur des prisonniers de guerre, poulies diminuer et leur enlever l'instinct combatif que tout homme porte en lui; puis il traite l'eunuchisme et les religions, puis la jalousie pourvoyeuse d'eunuques, gardiens de harems, les castrats de la chapelle sixtine, etc-..

Ce n'est qu'à la fin du siècle dernier que l'on pratiqua la stérilisation par sectionnement ou ligature du canal déférent chez l'homme ou des trompes de fallope chez la femme; on constata aussi l'influence des rayons X qui tuent les spermatozoïdes, la plus dangereuse, car les spermatozoïdes ne sont pas toujours tués et peuvent garder assez de vitalité pour féconder l'ovule et engendrer ainsi des êtres plus ou moins normaux; les médicaments, les boissons alcooliques, la mauvaise nourriture provoquent ce que l'on peut appeler une castration chimique, tjui est la plus répandue dans notre monde de plus en plus malade; l'auteur s'étend longuement sur ce dernier chapitre.

LE SADISME CHEZ LA FEMME L'auteur fait une analyse du caractère et du tempérament féminins, qu'il trouve très différent de celui de l'homme; il fait comprendre toutes les souffrances que la femme a à supporter, dans une société faite par les hommes et où l'homme a toujours raison en fin de compte. Par sa grande sexualité jamais pleinement satisfaite, la femme est donc l'éternelle refoulée; l'incompréhension de l'homme, trop souvent brutal, pas toujours maître de ses sens en face de la femme; bien moins fin que sa compagne, il la blesse souvent et la comprend mal; autoritaire par tempérament et par mauvaise éducation, il s'impose à la femme, qui ruse, ment, et souvent souffre en silence.

De tous ces refoulements naît un sadisme que chaque individu a plus ou moins en lui, chez la femme, être sensible, il se développe plus finement; l'exemple de vieilles filles confites en dévotion, celui plus typique de la « belle-inère » caractérisant la transformation de la femme, appelée ménopause ou transexualité, ceci aggrave encore son caractère qui devient souvent irascible et violent, se vengeant ainsi inconsciemment de toutes les souffrances que la vie et son éducation mal faite lui ont fait

SUblK DEGENERESCENCE PHYSIQUE DE L'ETRE HUMAIN

C'est peut-être aborder la question la plus grave, et celle qui laisse le grand public le plus indifférent, l'être humain est de plus en plus malade, les journaux, la T.S.F. annoncent par exemple que 350.000 enfants *dans le seul département de la Seine, portent des signes de dégénérescence ! ! ! Que sur 20.000 examinés, 2.000 sont scoliotiques ! ! ! Quelles sont les causes de tant de misères physiques ? C'est ce que l'auteur s'efforcera d'expliquer aussi clairement que possible; il démontrera que nous n'avons rien à attendre de la médecine et de ses soi-disant progrès, si cela était, il y aurait moins de docteurs, de pharmaciens, de dentistes, d'oculistes, etc... parce qu'il y aurait moins de malades; malheureusement, jamais l'humanité n'a autant souffert, et jamais le cancer et la tuberculose ne firent autant de victimes. Alors, que faire ? L'auteur tâchera de résoudre le problème faôon aussi c!nire que scientifique.

NOTE DE L'EDITEUR

Ce te£te a été publié dans le Journal ? VIN SU R G E " BOUS lu signature de

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Le camarade BERTHET, prépare quatre autres brochures dont vous avez pu lire l'analyse, qui sortiront à mesure du développement de ta propagande de nos amis et lorsque riousauronsles fonds disponibles.