luigi fabbri

G3

Qu'est-ce

que l'Anarchie?

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QU'EST-CE QUE L'ANARCHIE ?

Dans le vaste mouvement i>olitico->ocial actuel, les mots « Anarchie >» et « Anarchistes » ne sont plus, com-me il y a cinquante ans> une nouveauté ; ils ne signifient plus, pour les uns : les indulgents. quelque chose qui tient de l'extravagance el de la monomanie ; ou, !»our les autres, désordre et criminalité. S'il y a des personnes qui parlent encore de l'Anarchie avec ces idées préconçues, il s'agit ou d'êtres vivant éloignés de la vie moderne de pensée et d'action, ou d'ennemis ne reculant pas devant le mensonge et la calomnie pour combattre les idées adverses. L'opinign de ceux-ci ne «aurait donc être prise- en considération.

Nous nous adressons aux hommes de l*onne foi vivant la vie de- passion et de lutte, de travail et d'étude, parmi nous et autour de nous, dans monde actuel. Ces hommes n'ignorent pas que l'anarchisme est une doctrine sociale et, pour ceux qui l'acceptent, et veulent en réaliser les postulats, une foi de combat ; doctrine et foi que l'on peut juger erronées et même nuisibles, mais, en tous cas, dignes de respect au même titre que n'importe qu'elle autre doctrine ou foi sincèrement professée.

C'est à ces hommes que nous parlons. Et plus particulièrement à vous,, travailleurs manuels et intellectuels, à vous les jeunes d'âge et de cœur qui, avec Y: grand poète libertaire italien Pietrb Gori, pensez que : • Point ne fumes faits pour rirte cowmt brutes, mais pour rechercher certus et connaissances et qui vous êtes promis à vous-mêmes une vie de bataille pour le triomphe du juste et du vrai, en jurant de ne point déserter ce champ du devoir.

Sans doute « vous avex maintes /ois entendu causer des ennemis et des amis de l'Anarchie. Peut-être même se trouve-t-il des anarchistes parmi vos propres amis, parmi vos camarades d'usine et de bureau, parmi vos collègues ou vos voisins. Dans ce cas, si la calomnie ennemie ne vous a pas indisposé contre eux, peut-être ressentez-vous aussi quelque sympathie pour ces hommes qui, même s'ils ont tfc-s idées fausses, (selon vous montrent indubitablement un désintéressement supérieur aux autres pour défendre un idéal pour lequel ils savent se battre s'il le faut et même mourir.

Quelquefois aussi vous avez pris en mains quelques-uns de leurs journaux ou d# leurs livres ; mais, par hasard vous ne tûtes pas heureux dans le choix, parce que ceux-ci étaient destinés à des lecteurs possédant déjà les connaissances élémentaires de leur programme et que ceux-là, contraints par les nécessités de l'heure, traitaient des questions de critique et de polémique que vo«s 0e pouviez guère comprendre : d'autres encore se consacraient à développer des à-eûtés de la doctrine sans aucun intérêt pour vous qui en ignoriez les points essentiels.

Vous ne savez donc pas exactement ce que veulent les anarchistes. Quel que soit le viaafe qu'ils prennent à vos yeux, que vous soyez bien ou mal prévenus contre eux, vous ignorez tout de l'Anarchie.

C'est précisément à ceux qui ne savent pas ou qui savent trop imparfaitement, que nous voulons indiquer succinctement et dans ses lignes principales, quel est. en réalité, le programme d'action et de réalisation anarchistes.

Nos forces sont trop modestes et l'espace trop limité pour nous flatter d'y réussir d'une façon complète. Nous n'avons pas cette prétention. Mais si le peu que nous

dirons est dit avec assez de précision pour que l'idée anarchiste se présente nette et bien définie, et que votre esprit et votre cœur soient intéressés à la connaître mieux, à en approfondir les théories et les méthodes, nous considérerons avoir, en grande partie, accompli notre tâche.

Ceux que nous aurons réusai à entraîner vers ce superbe idéal d'amour et de justice, auront toujours la possibilité de s'informer plus amplement afin de compléter leur propre culture sur une question aussi intéressante en puisant pour cela dans les innombrables chefs-d'œuvre des nombreux penseurs libertaires. Et, par l'expérience des faits, au contact de leurs camarades de lutte et de travail, ils pourront fortifier leur conviction et leur conscience.

* «

Nous ne dirons rien de nouveau. Que les sceptiques et les amateurs de phrases, toujours à la recherche de paradoxes littéraires, jettent ces pages : elles ne sont pas pour eux.

Si, parmi les lecteurs honnêtes et sincères, il s'en trouve a qui la répétition des choses déjà connues paraisse superflue, qu'ils pensent que tout apostolat ds vérité ne peut que répéter, sous des formes diverses, la même vérité et cela jusqu'à ce que celle-ei ait triomphé du mensonge.

Et à ceux qui persistent à mentir pour défendre à l'aide de sophismes tout un monde de crimes et d'in» famies et qui s'étonnent de s'entendre opposer toujours les mêmes raisons, nous ne pouvons répondre qu'avec les paroles du philosophe grec : « Vous ww obstinez toujours dans les mêmes erreurs, nous vous répitons toujours les mêmes vérités. »

Anarchie, chacun le sait, est un mot qui» d'après son étymoiogie grecque, signifie sans gouvernement. Dans l'antiquité on dénommait « anarchiques » les intervalles de temps compris entre la cessation d'un pouvoir et la création d'un pouvoir nouveau. .

Et comme, depuis les temps les plus reculés, jusqu'en 1870 ou 1880, personne, ou presque, ne croyait possible ou souhaitable la vie sans gouvernement, et que la presque généralité craignait que sans gouvernement la société ne tombât dans le chaos le plus épouvantable, il en est dérivé l'usage, au sens figuré, du mot anarchie pour désigner par ce terme le désordre. îa confusion, etc., etc.

De temps à autres, à travers les siècles quelques penseurs isolés eurent l'intuition que peut-être les hommes se trouveraient mieux sans gouvernement. Des philosophes grecs, chinois, arabes en sont arrivés à cette conclusion. La légende chantée par les anciens poètes latins du temps saturnien représentant les hommes vivant libres, sans loi ni maître, est un indice que l'Âme humaine a toujours aspiré à la liberté, et qu'elle entrevoyait l'idéal sans croire à sa réalisation possible dans une société de gens libres et égaux.

Mais il ne s'agissait alors que de fables imaginatives. à fond religieux des poètes, ou bien de conceptions abstraites également très éloignées de la vie réelle.

Des tendances anarchistes se sont manifestées plus tard au cours des siècles dans les périodes plus révolutionnaires de l'histoire : par exemple parmi les hérétiques du Christianisme, parmi les utopistes de la Renaissance, parmi les avant-gardes extrêmes de la Réforme, parmi les minorités les plus Avancées de la Révolution française et des diverses révolutions nationales.

En outre, chaque fois que des penseurs et des poètes ont voulu imaginer une société parfaite ou tendant à la perfection, ils n'ont pu s'empêcher de la voir saa« maître ni gouvernement.

Ces idées et tendances, très vagues et imprécises, souvent mêlées à des extravagances inhumaines (comme la communauté des femmes) étaient jusqu'à la moitié du siècle dernier considérées comme fantaisies de

visionnaires, paradoxes en dehors de la réalité, rêves...

Cependant, peu de temps avant, au sein de la Révolution française, commençait à se préciser l'idée que le progrès consiste dans la continuelle élimination de l'autorité dans les rapports humains et que le but à atteindre doit être une société d'hommes libres vivant sans gouvernement Ce fut le penseur anglais Godvin qui, en 1793, développa le premier cette idée d'une manière claire et systématique.

Pendant les cinquante années suivantes, l'idée anarchiste fit des pas de géant, pas encore sous ce nom précis, mais dans son esprit qui prenait des formes déterminées et précises, à mesure qu'il se concrétisait.

Spécialement, Fourier (1829) développa la conception que l'homme ne pourrait se perfectionner que dans la pleine et entière jouissance de ses facultés, sans aucune espèce de coercition extérieure. Mais ce n'est qu'avec Proudhon — le père de l'Anarchie, comme le dit Kropotkine au procès de Lyon en 1882 — que la pensée anarchiste atteignit sa maturité et devint un programme de révolution sociale. Ce fut d'ailleurs Proudhon qui accepta, le premier, en 1840, le mot An-Arthie comme expression de sa pensée.

Au sein de la Première Internationale des travailleurs, l'idée anarchiste, de conception abstraite et polé-mique des penseurs, devint programme d'action, de revendication' et de révolution sociale d'une notable partie des masses travailleuses.

Les révolutions de 1848 et de 1871 furent, en quelque sorte, les expériences à travers lesquelles beaucoup de prolétaires constatèrent que les moyens autoritaires les éloignent au lieu de les rapprocher du but de liberté et d'égalité qu'ils veulent atteindre.

Avec Bakounine et ses amis et, plus spécialement, comme conséquence de la polémique qui s'engagea et se poursuivit avec le courant autoritaire représenté par Karl Marx au sein de l'Internationale, l'Anarchisme ne fut plus seulement une vague aspiration, un arrangement swial futur : mais bien une méthode île lutte, un jruide, un mouvement : c'est-à-dire « La conception li-l>ertaire de la révolution et du socialisme • (1872).

Bakounine mort (18761, les fédérations de l'Internationale nettement anarchiste (l'Espagnole, la Belge, la Jurassienne, l'Italienne) poursuivirent, dans les congrès et dans la presse, l'élaboration de l'idée anarchiste, et ceci à un tel point que, en 1887, la Fédération Italienne et, en 1880, la Fédération Jurassienne arrivèrent à la formulation du communisme anarchiste (Ma-latesta, Cafiero, Reclus, Kropotkine, Grave, etc.).

-Après la disparition des dernières sections de la Première Internationale, lesquelles survécurent jusqu'en 1882, le mouvement anarchiste prit son autonomie et poursuivit son développement et son chemin complètement détaché et indépendant de tous les autres partis ou mouvements.

• *

L'Anarchie, pour être bien comprise, doit être considérée dans ses deux aspects irréparables: 1° comme tendance et mouvement ; 2* comme programme d'action future.

Comme tendance spirituelle à la liberté de l'individu et des peuples par la libération progressive des liens extérieurs et des coercitions violentes patronales et ♦ tatistes. Tendance qui, sur le terrain politique et so-« iai 'se traduit par la révolte continuelle contre toutes les oppressions et les tyrannies, par la conquête d'une indépendance individuelle et collective toujours plus crrande.

L'Anarchie représente le progrès infini de l'amélioration morale et matérielle des humains, car elle constitue, en réalité, te facteur le plus important.

Cette tendance se manifeste partout et le plus souvent sans prendre conscience d'elle-même et sans s'appeler anarchiste.

Au sein des autres partis, malgré eux et à leur insu» elle remplit la fonction de levain ou de ferment.

Dans le domaine religieux et moral, cette tendance est une révolte contre les vieux préjugés. A ,1a foi surnaturelle et À la croyance à un autre monde, elle substitue la foi dans la volonté humaine et affirme sA. capacité de réaliser sur terre son propre désir de justice. A la discipline contrainte, imposée par les prêtres et les gendarmes, elle oppose la discipline volontaire et libre dérivant du sentiment intime du devoir, de la vraie compréhension de son propre intérêt et du sentiment de solidarité sociale.

- Dans le domaine politique, les individus et les collectivités tendent à vivre et à organiser leur propre vis indépendamment de l'Etat, excluant toute ipgérance de sa part et luttant contre ses prétentions.

Dans le domaine économique, les travailleur? cherchent à s'émanciper de l'esclavage du salariat et de l'abject chantage les contraignant à se soumettre ou à mourir de faim. " *

Dans le mouvement anarchiste, toutes ces tendances, inconscientes et éparses un peu partout et dans tous* les milieux et mouvements sociaux, s'organisent, se complètent et s'intègrent en pleine conscience d'elles-mêmes.

L'Anarchie est donc la somme de toutes les tendances à la liberté : en religion, en morale, en politique, en économie, dans les sciences et à l'école, atissi bien qu'à l'usine et sur la place, dans l'évolution et la révolution.

L'Anarchisme constitue ainsi un mouvement organique complètement autonome de tous les autres. Mais, dans la vie sociale, ce mouvement participe à toutes les luttes, même à celles initiées par d'autres, pourvu que ces luttes répondent à une ou plusieurs de ses directives et que les méthodes employées ne soient pas en contradiction avec ses principes.

N*ayant pas de buts matériels propres, individuels gu de parti, à atteindre, l'anarchiste ne connaît pas la jalousie ; il approuve et aide, quelle qu'en soit l'origine, toute revendication de liberté.

Par contre, n'ayant aucun lien d'intérêt avec aucun parti politique, il les combat tous sans merci, de même que tous les mouvements qui sont un obstacle à ses principes et à ses fins libertaires et révolutionnaires.

Ainsi, l'anarchiste peut, sur les barricades, se mêler fraternellement à des républicains, des socialistes, des communistes aux prises avec le gouvernement et le capitalisme, mais il se dressera, les armes à la main, contre quiconque, parmi ceux-ci, deviendra ou tentera de devenir à son tour gouvernant ou exploiteur.

Etant donné cette conception de la lutte et du mouvement, les anarchistes ne sauraient se soucier des défaites, parce que, jusqu'au jour de leur victoire totale, ils se considéreront toujours battus ; même si d'autres, moins exigeants, entonnent des chants de victoire. Ils savent fort bien que, jusqu'au jour de cette victoire, ils seront condamnés à refaire toujours la même besogne. Malgré C6la, ils progressent, mais leur progrès n'est guère visible, car il sert surtout les autres qui peuvent impunément en usurper tout le mérite. Mais qu'importe ! Le progrès n'en vient pas moins pour cela î

L'anarchisme exerce directement et indirectement cette fonction de propulseur et d'éducateur, sans pour cela renoncer à la lutte au jour le jour, sans s'écarter des petits détails, sotft prétexte de se réserver pour le3 grandes batailles. Il ne subordonne pas son activité révolutionnaire à de préjudicielles questions dogmatiques, ni à des conditions préalables, à moins que l'action ne diverge par trop de son but.

Pour agir, les anarchistes n'attendent pas une hypothétique maturité de3 temps ou de l'évolution, parce qu'ils savent trop bien que l'action est le meilleur des moyens pour faire mûrir l'évolution et vaincre le temps. Pour lever le drapeau de la liberté, ils n'attendent pas non plus que tous les hommes soient éduqués, car ils savent que la liberté est la meilleure éducatrice d hommes libres et que sans elle, même l'indépendance de l'esprit, ne peut être que l'apanage de quelques-uns.

* «

Sans négliger d'obtenir de l'éducation tout ce qu'on est en droit d'en attendre pour élever le niveau moral au sein du régime actuel, afin que, au moins, une minorité de révoltés et d'opprimés se rendent dignes de destinées meilleures, les anarchistes n'oublient pas que c'est le régime lui-même qui constitue le plus grand obstacle à l'élévation du plus grand nombre vers un niveau intellectuel supérieur. C'est pour cela que les anarchistes se proposent, avant tout, de briser le joug pesant du privilège économique et politique, afin d'ouvrir aux majorités les voies à de nouvelles expériences et rendre ainsi possible pour tons une éducation de liberté. •

Et voilà que se dessine nettement le but vers lequel tendent les anarchistes conscients de ce qu'ils veulent. C'est ce qui donne à leur mouvement spécifique un -caractère de parti.

Sans ce but précis que tous veulent atteindre, les tendances et le mouvement anarchistes se partageraient bientôt pour se fractionner à l'infini et se perdre peu à peu, absorbés par les autres mouvements mieux organisés.

Sur le terrain de la propagande, la première condition qui donne de la valeur à un mouvement et le maintient relativement uni» c'est l'idéal que l'on veut réaliser dès que possible.

A son tour, cet idéal serait stérile s'il ne se manifestait pas au moyen d'un mouvement homogène et cohérent ou s'il n'interprétait pas des tendances et des aspirations déjà vivantes dans l'Ame humaine. Or. précisément, l'idéal qui interprète le mieux les tendances humai nés et populaires à la liberté et à la justice sociale,, c'est-à-dire à l'égalité dans la solidarité* l'idéal qui est l'aboutissant logique de tous les mouvements tendant à délivrer l'homme de l'esclavage économique et politique à. la fois, c'est le Communisme-Anarchiste.

Avec leur propagande, leur mouvement et leur action — soit en temps normal d'évolution plus ou moins pacifique, soit au cours d'une éventuelle révolution plus ou moins violente — les anarchistes veulent encourager le développement des tendances naturelles à la liberté et à l'égalité, et cela en combattant les courants, forces et institutions opposés, afin d'arriver à établir un organisme social duquel seront éliminées toute coercition violente et autoritaire de l'homme sur l'homme, ainsi que toute exploitation de l'homme par l'homme.

Une société sans gouvernement et sans capitalisme ne serait plus divisée eu classes ou castes privilégiées et en d'autres frustrées ; en riches et en pauvres ; en gouvernants et gouvernés ; en propriétaires et prolé» taires ; en profiteurs et travailleurs. Elle serait constituée de libres associations au sein desquelles tous les hommes seraient des travailleurs ayant les mêmes de-voira et possédant les mêmes droits ; coopérant à la production de la richesse commune selon leurs forces et leur volonté et jouissant de la richesse ainsi produite dans les limites imposées par les possibilités matérielles et par les circonstances, et selon les pactes sociaux librement contractés et consentis.

C'est cette organisation sociale Iwsée sur le consentement volontaire, sur l'entraide et sur la libre coopé* ration qui donnera Y Anarchie*

Aujourd'hui que le communisme 'comme déjà en 1848, quand fut publié le fameux manifeste de Marx et Engels) est prêché par une école autoritaire du socialisme ne tenant aucun compte du naturel besoin humain de liberté et nourissant l'illusion d'arriver à l'égalité en «'assujettissant par la force les hommes et en confiant l'action coercitive à un gouvernement dictatorial, il est bon de souligner que les anarchistes n'ont rien de commun avec un tel communisme.

Dans la socialisation de la propriété, dans son organisation et sa gestion communiste* sur le terrain économique, les anarchistes voient certainement le metteur moyen pour produire davantage avec un minimum d'efforts, tout en assurant à tous et 4 chacun le maximum de liberté, car il sera impossible de se dire libre -aussi longtemps qu'on ne pourra satisfaire dans la mesure du possible à tous les besoins matériels et spirituels. Mais ils n'entendent pas imposer nu tel système par la forée, ni que ce système leur soit impoaé par d'autres. Non, ils subordonnent sa mm en pratique à la persuasion et à l'acceptation de tous ceux qui devront y collaborer et le faire vivre.

Un communisme impoaé par en haut, un communisme d'Etat, les anarchistes ne le croient pas possible, et même le serait-il, il n'en voudraient pas et oe pourraient le supporter.

Le Capitalisme et l'Etat oe seront certainement éliminés que par la force et au moyen de la révolution. Mais la foree ou la vioieiwe peuvent détruire, non •construire. RUes peuvent être utiles {Mur démolir les institutions que nous estimant dangereuses et pour vaincre la vioteoce jouvematnealale qui s'uppoae aux novateurs. Cependant, lorsqu'il s'agit de construire le oouve! édHke, la pioche devient inutile, il faut tmmr autre chose.

En oe qui concerne la reeanstructio* »oeiak> les anarchistes ont leur progra«une duquel nous mm parlé plus haut, mais, pour sa mise en pratiqua, ils ut comptent que sur eux-mêmes et sur ceux qui se rang*» ront à leur coté. Eu ee qui concerna l'approbation générale, ils n'ont de confiance qu'en la propagande, qu'eu la persuasion et la libre expérience ; c'est-à-dire qu'en l'efficacité de l'exemple qu'ils se promettent de donner en organisant les communautés sur des bases socialistes et libertaires.

Si la révolution trouve ou détermine un vaste milieu favorable au développement de l'anarchie, ce sera parfait. Dans le cas contraire, les anarchisles ne chercheront pas à imposer par la force leur régime aux autres: ils se limiteront à revendiquer pour eux la liberté d'action pour mettre eu pratique, où et comme ils pourront, dans les régions, dans les communes, dans les corporations, institutions et groupements quelconques, dans lesquels ils seront en nombre suffisant, le communisme libre, à la condition, bien entendu, de sauvegarder , au moyen de pactes réciproques, les intérêts supérieurs dp la communauté en consentant à l'échange des produits et en participant, en cas de nécessité, à la défense de la révolution.

L'association pour l'existence et pour la lutte continuera à être la loi de la vie, soit au sein de chaque communauté, soit entre communautés diverses et lointaines, avec les développements que le progrès matériel et moral apportera. Comme l'individu ne peut atteindre sa plus large liberté qu'à travers la solidarité humaine — car. sans la solidarité, l'homme serait encore le sauvage des cavernes, l'esclave de son ignorance et de sa brutalité — il ne fient exister que la véritable solidarité humaine des hommes libres.

Le* modèle d'organisation coercitiw est celle d'aujourd'hui qui, au moyen de liens politiques et économiques anti-humains, maintient debout une société indigne de ce non* mais en dépit des apparences elle n* réussit pas à unir le? hommes et les ca-urs. Ceux-ci recherchent et s'entendent tout à fait indépendamment d'elle, malgré les obstacles innombrables qu'ils trouvent sur leur route. L'absence de liberté n'empécliv pas la solidarité.

Solidarité et liberté cont donc indissolubles dans la conception et dans la mise en pratique d'une sociëK-humaine réellement fraternelle. Pour les mêmes raisons et de la même manière, Sont indissolubles — (l'un ♦•tant l'intégration de l'autre) — le communisme et l'a-narchisme, qui. sur le terrain pratique de la reconstruction sociale, correspondent respectivement aux deux-principes de solidarité sociale et humaine et de liberté individuelle et collective.

» * *

Voilà, dans leur grande majorité, pour ne pas dire dans leur totalité, ce qu'entendent par Anarchie, tous ceux qui. en tous pays, se déclarent anarchistes et combattent sous ce nom, dans les domaines les plus divers de la pensée et de l'action, pour la défense de tous les opprimas et de toutes les libertés et plus spécialement a côté du la classe ouvrière à laquelle ils appartiennent presque tous.

Ces hommes ont accepté ce nom d'anarchistes, si diffamé ù travers les siècles, comme un défi au vieux monde et aux vieux préjugés, parce qu'il synthétise de la manière la plus touchante et la plus caractéristique leur idéal de liberté et leur ardent désir de libération universelle de tous les jougs économiques et politiques.

La bataille anarchiste est multiforme, chacun la conduit selon ses forces, sou tempérament, ses tendances, ses préférences. »Si le plus grand nombre se recherchent. s'organisent pour multiplier leur force dans l'union, d'autres préfèrenf se battre seul ou en ordre dispersé : les uns entrent dans le mouvement ouvrier • t syndicaliste qu'ils animent de toutes leurs forces, jvs autres préfèrent s'en tenir au rôle d agitateur d'idées dans les groupes de propagande.

Mais, qu'ils donnent peu ou beaucoup d\ux-mèmés, les anarchistes ne demandent rien au peuplé, ni voix, m places privilégiées et ils restent parmi les ouvriers nt les combattants pour la liberté qu'ils considèrent ci «mine leurs é^au x.

Au peuple, au prolétariat, les anarchistes disent : « Fais par toi-même : en toi seul résilie le secret <!•? ta \ ictoire et méfie-toi de tous ceux qui aspirent à te irouveruer. même de ceux qui aujourd'hui se prétendent tes amis, car ils deviendront tes ennemis demain. » Bien qu'ils estiment toutes les conquêtes, il n'y a pas. pour les anarchistes, de succès partiels possibles : ils restent vaincus parmi les vaincus, parce que P"ttr eux il n'est qu'une seule victoire qui compte: la vraie, celle qui fera triompher intégralement leur idéal et leur désir de bien-être et de liberté pour tous les hommes. Cet idéal et ce désir semblent aujourd'hui vaincus et étouffés par la formidable et hautaine puissance du privilège triomphateur de l'heure qui passe. Mais ils brûlent d'une flamme plus vive et plus intense dans le coeur de leurs adeptes dont ils font battre le cœur plus puissament et vibrer plus fort le cerveau. /Ils stimulent la volonté d'une minorité toujours plus nombreuse, plus forte et plus consciente de ses droits, d'une minorité toujours davantage décidée à abattre définitivement les grilles qui enserrent l'humanité dans son enfer de sujétion et de douleurs.

Bientôt ce noyau de convaincus aura déblayé les routes de l'avenir des obstacles tjui aujourd'hui l'encombrent. Alors les peuples reprendront leur marche en avant. Les hommes enfin libres, seront alors, mais alors seulement, vraiment maîtres de leur destinée.

La famille internationale

Il faut qu'il soit révolutionnaire. Il doit comprendre qu une si complète et si radicale transformation de la société, devant nécessairement entraîner la ruine de tous «es privilèges, de tous les monopoles, de tous les pouvoirs constitués, ne pourra naturellement pas s'effectuer par des moyens pacifiques. —» Oue. pour la même raison, e-e aura contre ei«e tous les puissants, tous les riches, et pour elle, dans tous les pays, le peuple seulement, et encore cette partie intelligente et vraiment noble de la jeunesse qui. quoique appartenant par la naissance aux classes privilégiées, par ses convict-ons généreuses et ses ardentes aspirations, embrasse la cause du peuple.

Il doit comprendre que cette révolution qui aura pour but unique et suprême l'émancipation réelle, politique, économique et sociale du peuple, aidée sans doute et organisée en grande partie par cette jeunesse. ne pourra se faire en dernier lieu que par le peuple. Que toutes les autres questions, religieuses, nationales, politiques ayant été complètement épuisées par l'histoire, il ne reste plus aujourd'hui qu une seule question, dans laquelle se résument toutes les autres et la seule désormais capable de remuer les peuples * ta question sociale.

M. Bakounine.

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