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PUBLICATIONS DES

CAUSERIES POPULAIRES

E. ARMAND

Peut-on encore

CROIRE en DIEU?

PEUT-ON ENCORE CROIRE à QUELQUE CHOSE?

Conférence donnée le 28 Janvier 1931 AUX CAUSERIES POPULAIRES Salle Lancry, 10, Rue de Lancry, 10

SUIVI» D'EXTRAITS DE

"FLEURS de SOLITUDE et POINTS de REPÈRE "

15 Mam 1031

Peut-on encore croire en Dieu?

Peut-on croire en quelque chose ?

Conférence donnée le 28 Février 1931 aux Causeries Populaires

Sur sa route, l'homme à la recherche du bonheur — et h quoi bon vivre si ce n'est pour être heureux, c'est-à-dire jouir de l'existence — rencontre de nombreux conseilleurs qui lui affirment que le bonheur consiste à croire, autrement dit, à faire abandon de sa raison au profit d'une abstraction.

« Sois un bon croyant — lui disent ceux des conseilleurs qui se présentent au nom de la divinité — et toutes les misères présentes seront compensées par une vie éternelle de béatitude spirituelle en la présence de Dieu. »

Etre un bon croyant, c'est renoncer h son raisonnement personnel pour accepter le gouvernement d'un ôtre invisible et jamais exactement défini?

Qu'est-ce que Dieu, en effet?

Tic créateur-dictateur de l'univers qui a voulu que le monde soit ce qu'il est.

Donc, le responsable de toutes les maladies, erreurs, fautes, déceptions auxquelles sont assujetties toutes ses créatures du plus humble au plus élevé des organismes vivants.

Impossible qu'il élude cette responsabilité, puisqu'il exerce une dictature sans limites, et qui ne peut avoir de bornes. Autrement, if ne serait, pas Dieu.

On me dira que la dictature du Créateur se heurte au libre arbitre de sa créature privilégiée : l'homme. Cette réponse n'a pas le sens commun. Le libre arbitre équivaut à admettre qu'on peut faire échec à la volonté de Dieu, cela revient à reconnaître son impuissance.

En effet, si je jouis complètement de mon libre arbitre, Dieu est impuissant; si je n'en jouis que dans la mesure où Dieu y consent, mon libre arbitre est illusoire.

. Dieu, donc, est responsable de l'inégalité économique, intellectuelle, éthique et esthétique de ses créatures. It est responsable de toutes leurs misères, des guerres qui ensanglantent l'humanité,' des crimes passionnels dont la chronique remplit les quotidiens. Quand une mère jette son enfant par la fenêtre; quand; pour un oui ou non, un terrien quelconque abat à coups de browning un autre terrien, créature de Dieu tout comme lui, c'est le Créateur qui est le responsable.

L'excuse du péché originel ne se soutient pas une minute. Me voyez-vous laisser un enfant s'approcher du brasier, puis le punir, à "cause de la faute commise il y a soixante siècles par ses ancêtres ?

Les théologiens chrétiens ont si bien compris l'absurdité de la situation faite à leur dieu, qu'ils ont imaginé le pis-aller de la rédemption.

On sait ce qu'il faut entendre par ce dogme.

Dieu, se repentant de sa conduite l'égard de ses créatures, s'incarne en un»? forme humaine — tel un des figurants du panthéon grec — et sous cette forme, après avoir souffert mille maux aux mains des hommes, est mis en croix par eux.

Il ne l'avait pas volé, soit dit entre nous.

En effet, car entre Adam et la venue de Jésus-Christ, pour m'en tenir à la chronologie biblique, une certain nombre de fléaux, en dehors du déluge, avaient dévasté la terre, parmi lesquels la diversité des langues, l'Etat que G. Clemenceau, dans son discours prononcé au Sénat le 17 novembre 1903, rendait « responsable de toutes les abominations dont a gémit et gémit encore l'humanité », l'esclavage, qui avait réduit une nombreuse catégorie d'hommes h l'état d* instrument s parlants, la guerre enfin, sur laquelle il est inutile de s'appesantir, avec son cortègo d'exterminations en masse, de populations réduites tout entières en servitude.

Si Dieu, en la personne du Christ a subi toutes les tortures morales et physiques qu'on prétend, je répète que c'était la juste compensation du mal que, lui, le tout puissant, avait fait aux hommes, les produits de son action •créatrice « dans ses actes de détail comme dans tous ses actes généraux. (Han Ryner).

N'insistons pas. Par ses souffrances et son supplice, Dieu, en la personne de son vicaire de fils, rachète l'humanité. I^e créateur et les créatures sont réconciliés. La paix eL l'harmonie vont régner sur la terre. Sans nul doute.

Hélas, ces souffrances, ce sacrifice ont été subis en pure perte. Non seulement, les hommes s'entredéchircnt comme auparavant, mais encore, tout comme auparavant, ils demeurent des pécheurs. Bien plus, ils ont beau croire en Dieu, en l'efficacité de son sacrilice, ils ne sont jamais certains d'être sauvés.

En effet, si la mort de Dieu, ou de son Christ, avait sauvé véritablement l'homme, il l'aurait,replacé dans l'état où il se trouvait avant le péché, dans sa situation d'innocence primitif. Tout comme l'Adam d'avant la chute, en satisfaisant ses besoins ou ses désirs, il accomplirait la volonté du bon Créateur, qui l'a créé avec ses instincts, ses nécessités, ses appétits.

D'autant plus qu'il a été créé, lui. créature, à l'image de son créateur.

Or, la satisfaction pure et simple desdits besoins, désirs, appétits lui est imputée à péché et cela, malgré la rédemption ,malgré le sacrifice du Calvaire, effectué à son profit cependant. Toute sa vie, tremblant, le croyant devra se demander s'il n'a rien commis qui lui ferme les portes du Paradis, du séjour promis par son ,Çieu à ceux qui font sa volonté. Si c'était pour en arriver à pareil résultat que ce Dieu a quitté les profondeurs du ciel, mieux aurait valu qu'il ne se dérangeât pas.

Une étude un peu serrée du sujet montre bientôt, que ce n'est pas tant à Dieu qu'il s'agit de plaire, qu'à ses représentants, les prêtres. Ce n'est pas tant à Dieu qu'il s'agit de croire qu'à ses commandements. Et ces commandements. pour ne parler que de ceux spirituels et moraux, aboutissent touiours. une fois dépouillés de leur enveloppe, à placer le croyant sous le gouvernement moral et spirituel du prêtre.

Et.ro un bon croyant, c'est se conduire selon ce qu'ordonnent les livres sacrés et leurs commentaires, je ne riirnore pas, mais ce sont, les prêtres, les représentants de la divinité qui ont écrit lesdits livres et rédigé lesdits commentaires.

Peu importe que le code religieux et ses règlements d'administration publi-ue — le texte, les commandements, les ogmes, les prescriptions — aillent à l'encontre des exigences les plus impérieuses de la nature humaine.

Personne n'ayant jamais vu ni ouï Dion (sauf certains visionnaires, c'est-à-dire des psychopathes), ne le connaissant que par ses ministres ; obéir à Dieu, faire sa volonté, acquiescer à ses ordres, tout cela revient à maintenir en leur situation de dirigeants spirituels les exécutifs du Maître de l'Univers.

Je sais bien que les théologiens se rendent compte de l'insuffisance, de toute l'insuffisance de la notion populaire de Dieu. Ils la corrigent de leur mieux. C'est ainsi que dans La Morale ei Les Morales, p. 47, au chapitre du « Problème de la Connaissance », M. S. Gil-let, professeur à l'Institut Catholique de Paris, décrit Dieu comme « un Etre qui, « lui, n'a pas besoin de recevoir rim-« pulsion créatrice, mais est Acte pur, « l'Etre même et, à ce titre nécessaire, « créateur de toutes choses. » « Tel est — poursuit M. S. Gillet — « l'Etre que « nous appelons Dieu, synthèse vivante « de tout- ce qui est, dont la pensée créa-« trice se retrouve analogiquement dans « tous les êtres, fussent-ils pétris de ma-« tière et les rend intelligibles en puis-« sance, en attendant que notre inielli-« gence, par l'intuition abstractive qui « lui est propre, les dépouille de leur « matière et les rende intelligibles en « acte. »

C'est une correction, sur un mode raffiné, du grossier anthropomorphisme de la Genèse, mais tout comme dans la Genèse. Dieu demeure ici une création de l'imagination humaine. D'après l'ar-gumentat-'on de M. Gillet, tous les êtres, y compris l'Etre des êtres, ne sont intelligibles, en puissance et en acte, que jrrâce h la capacité d'abstraction cérébrale de l'humain. De sorte crue s'il existe des animaux capables d'intelligence et d'abstraction, leur compréhension des êtres et de Dieu est aussi valable que celle de l'homme. Et si, dans quelque autre monde habité, il existe, à cause de la const't'ition phvsico-chimi-aue. des êtres doués d'une fa^n de sentir, de se renrésen'er et d'abstraire autre que la nôtre, leur compréhension de Dieu et des êtres vaudra autant que celte crue no'»s pouvons émettre. En dernier ressort donc, la compréhens'on de Dieu et des êtres étant relatives à l'intelligence de qui les conçoit, ils sont dépourvus d'existence réelle. •

Mais, m'objectera un croyant, admettons que l'on ne puisse jamais concevoir Dieu qu'anthropomorphiquement, cela n'empêche pas que la foi en Dieu postule la foi au Christ et l'existence du christianisme. On connaît l'arbre à ses fruits. Voilà les fruits de la foi en Dieu. Vous nous avez parlé de l'inefficacité du sacrifice du fils de Dieu — de Dieu incarné dans la chair. Nierez-vous Jésus '?

Voyons que ce vaut cette réponse.

Oui est le Christ, d'abord ?

Un mythe solaire 7 V>n illuminé sorti de la secte des Essénien$ ? Un réformateur religieux à la façon d'un Luther ? ou tout simplement une thèse théologique sortie de Vimaginatitm de Vapôtre Paul ?

Un ascète on un homme de mœurs ultra-libres, buvant et mangeant avec « les péagers et les gens de mauvaise vie ? fecce homo vorax et potator vini, publi-canorum et peccatorum amicus ? L'ordonnateur et le bénéficiaire des noces de Cana, l'époux polygame [à en croire la doctrine mormonne) de Marthe, de sa sœur Marie, de Marie-Madeleine ? Il ne suffit pas d'exalter, de magnifier Jésus il faudrait bien nous en tracer un portrait véritable, un portrait autre que la biographie surromancée dispensée par les livres sacrés des chrétiens, une biographie sur laquelle la critique histori que n'ait vas de vrise.

Un protestant libéral ne m'a-t-il pas décrit Jésus comme une réalisation de la conscience humaine à la recherche de son idéal ?

Je n'en'ends parler que d'études, de livres, de conférences mettant en discussion ou en doute l'his'oricité de l'existence de Jésus. Si cette existence était tellement, indubitable, elle ne donnerait nas lieu à tant de controverses. E', ie passe sur tous les débats auxquels a donné lieu, narmi les chrétiens eux-mômes, la nature de la personne du Christ.

Admettons, me rétorauera-t-on, crue los preuves historioues de l'existence du Christ soient sujettes à caution, il res'e le christianisme, dont on ne peut nier l'existence-

Certes, il resto le christianisme. Mais, à cruelle branche du christianisme faut-il mie l'accroche ma foi chancelante 9

Ser*-ce au christianisme officiel, du christianisme catholicrue de l'Inouisi-tion. des na^es. des anti-panes. et des doemes cat^oliones ; au christianisme protestant des dragons de Claverhouse, des brûleurs de nègres, du Ku Kïuoe Klan, au christianisme grec soutien de-l'impérialisme hvzantin et tsariste 1 il, faut s'entendre, ^m'ftvons-nous à apprendre, en fait de moralité ou de morale-tout court, de ce christianisme ecclésiastique qui a étouffé, par le fer et par le-feu, tous les retours au « christianisme-primitif ». de sorte que, serves, les-églises dissidentes de nos jours acceptent l'éthique théologique et civique des églises officielles ?

Est-ce, au contraire, au rameau du christianisme des « sectes » que je suspendrai ma foi ? Des sectes, que je crois, historiquement parlant, représenter la façon de se comporter des chrétiens primitifs ei être leurs représentants authentiques, qui s'échelonnent des Car-pocratiens aux Anabaptistes et aux Doukhobors et ont été leurs continuateurs.

lorsqu'on veut se faire une idée des mœurs des primitifs, on ne se réfère pas à la morale officiellement en vigueur parmi les civilisés. On s'en va vers les aborigènes de l'Australie, de l'Afrique Centrale ou Méridionale, de l'Amérique du Sud. On suppose que moins ils sont en contact avec nos civilisations, plus il y a de chances de retrouver chez eux des traces des coutumes primordiales.

De même, quand on veut se faire une idée des premiers chrétiens, on ne s'adresse pas au catholicisme, à l'orthodoxie grecque, à l'anglicanisme, au calvinisme. e'c.. qui représentent des aspects civilisés du christianisme. On se retourne vers les Carpocratiens, les Tur-lupins, les Kloeffers, les Adamites. les Hommes de l'Tntellùrence. les Frères et Sœurs du Libre Esorit, etc. Le fait seul que les éîrlises officielles ont toujours persécuté avec fureur et cruau'é les sectaires • - comme les civilisés ont anéanti les primitifs, en fin de compte — suffit k démontrer que si «vérité chrétienne » il y avait, c'est chez les dits sectaires qu'il faudrait aller la chercher.

Que disaient ces sectaires, par exemple les Carpocratiens ?

C'est crue « ...de même que le soleil « n'est mesuré h personne, il en doit « être autant, de tou'es les choses et de « toutes les jouissances. Dieu nous a « donné le désir, c'est pour que nous le « satisfassions, non pour nous restrein-« dre ; de même crue les autres êtres vi-« vants ne mettent nns de frein à leur « apnétit. » (Max Nettlau.)

« L'idée dominante... pour les initiés « de ces sectes », explique le m&ne

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Auteur, > «était que Dieu ou la Nature

$vait créé en chacun la faculté de se , « jfaune sa propre loi. de vivre en liberté «t'.^i de laisser aux autres la liberté de

vivre à leur guise, enfin le droit pour « tous à la libre disposition de toutes « choses. » ,

ï.ies Garpocratiens pratiquaient la communauté des biens et le communisme sexuel. Leur idée était quo la femme ne pouvait pas se refuser, en vertu de leur mise en commun de toutes les jouissansces naturelles. Qui se refuse fait tort, prétendaient-ils, à celui qui sollicite, puisque de par ce refus il est privé d'une satisfaction que la nature ne refuse pas à qui demande d'elle l'un de ses biens : eau, air, fruits, etc.

« Ce qui paraît incontestable, c'est « que. se basant sur les paroles de Paul « dans l'épîtrc aux Galates : Si vous « êtes conduits par l'esprit, vous n'êtes « plus sous la loi, beaucoup étaient con-« vaincus alors (au Moyen Age) que « Dieu imprégnait la nature tout en-« tiôre, qu il la saturait, que l'âme de « l'homme était une parcelle de la divi-« ni'é, quo son unité avec Dieu plaçait ■o l'être humain au-dessus des lois nu-w maines... lies femmes et les hommes « dont nous parlons partagaient à peu « près le point de vue des Carpocra-« tiens {qui remontaient au nc siècle) « et aboutissaient a une sorte de com-« munisme libertaire qu'ils pratiquaient « comme ils le pouvaient, dans des « sortes de colonies plus ou moins sc-« crêtes et sous la menace d'une répres-« sion impitoyable. « (Max Nettlau.)

Il va sans dire que chez ces sectaires la notion de la liberté et la facilité des mœurs se concevaient en fonction de la notion de l'abolition des privilèges économiques.

Nous savons qu'à un moment donné ce « christianisme libertaire » était réalisé, vers la fin du. Moyen Age, en maints lieux de l'Allemagne (du Rhin à la Bohème), des contrées arrosées par le Rhin inférieur, dans les Flandres, dans certaines parties de l'Angleterre et de l'Italie, dans le midi de la France et en Catalogne. Sans doute, il succomba, mais ce fut sous les coups du « chris-tionisme autoritaire ».

« Ces gens ne maudissaient pas, ne « juraient pas, ne trompaient pas, ne « mentaient pas, ne portaient pas les « armes, ne commettaient pas de meur-« très, ne faisaient pas tort à. autrui, ne « se vengeaient ras de leurs ennemis... » (Noble leçon vaudoise.) • Les Anabaptistes, venus plus tard, et qui présentent maints points de ressemblance avec le communisme dictatorial ues bolcheviks s'en tenaient à la polygamie, chère aux patriarcnes, se xortuuni sur l'Ancien Testament que le Nouveau n'a pus aboli, mais accompli (Jésus, d'ailleurs, n'a pas expressément condamné la polygamie, pas plus que la polyandrie, même illégale, comme il résulte de son entretien avec la Samaritaine. 11 a renvoyé absoute la femme adultère).

Qui me prouvera que l'halluciné Saul de Tarse — ou saint Paul — ait. été davantage en communion avec Dieu que Jean de Leyde, le prophète dès Ana-baptistes ou Joseph bmitn, 1 apôtre des Mormons?

Un possède, soit dit entre parenthèses, beaucoup plus de détails sur les faits et gestes d'un Jean de Leyde ou d'un Joseph Smith que sur la vie de l'hypothétique Jésus ou l'énigmatique Paul de Tarse.

On connaît dans les détails l'activité de Jean de Leyde à Munster lorsque, sous sa dictature, ses coreligionnaires y exerçaient le pouvoir; son procès, son supplice ne donnent lieu à aucune contestation. On connaît l'existence de Joseph Smith, son apostolat, son lynchage et le cunon des livres sacrés de réglise mormone, par exemple, a été beaucoup plus rapidement constitué que celui de l'église catholique.

Je veux bien croire \ la bonne foi de Paul, rencontrant Jésus, en esprit sur le chemin de Damas ou ravi au troisième ciel. On a celle de François d'Assises sur le corps de qui, dans une vision, un séraphin crucifié imprima les stigmates de la Passion. On a celle de saint Ignace de Loyola, contemplant la Vierge dans un vision. Mais pourquoi douterais-jc de la bonne foi des autres, et de la réalité de leurs extases?

A vrai dire, je les juge tous, Paul y compris, justiciables de la douche.

Tous ces sectaires montraient autant de courage, dans les supplices, que les martyrs catalogués. Les femmes ada-milcs, atrocement persécutées par les Hussit.es — parce que nudistes intégrales — montaient, sur le bûcher, dans les rires et les chants en s'écriant : •< ceux qui portent des vêtements, surtout fies hauts de chausses, ne sont pas libres » (1451). Elles ne se montraient pas inférieures à sainte Blandine.

Tout cela exposé, je nc vois pas encore à quel rameau du christianisme je pourrais bien clouer ma foi. Qui me ga-ranlit que l'un plus que l'autre exprime la raison d'être du Christ, incarnation ou Créateur?

Je ne puis donc croire en Dieu, qu'on n'a jamais pu définir de laçon inaiscu-table, toutes les représentations qu'on m'en fournit, y compris l'inconcevabili-té ,étant frappées d'anthropomorphisme, ni à son Christ, incarnation de Dieu, dont on ne me démontre ni ta nécessité ni l'irréfutable existence histo riquc; ni au Christianisme, car je ne saurais choisir entre les différents courants auxquels il a donne naissance.

II

Ne pas croire en Dieu, affirment les conseillers bénévoles auxquels j'ai fait allusion, c'est renoncer à trouver que la vie vaut la peine d'être vécue.

•En effet, pour l'humain qui ne croît-pas être un pion que Dieu lait mouvoir sur l'échiquier du destin pour sa pins grande gloire, la situation est tragique. Je m'adresse ici aux gens qui réfléchissent et à ceux-là seulement. Qu'ils fassent leur examen de conscience, le bilan des efforts qu'ils ont accomplis et des résultats qu'ils ont obtenus. Précipités dans le tourbillon de l'existence: mis en face d'un fait accompli : une société construite et fonctionnant d'une façon ou d'une autre mais qui s'impose <\ eux, bon gré mal gré; obligés de se soumettre a une contrainte sociale (éducation, mosurs, religion, situation économique) qu'ils ne peuvent ni refuser ni discuter, les hommes n'ont aucuie raison de remercier leurs parents — à part une petite minorité — du don ju^ls leur ont fait en les appelant au jour.

— Tu cherches le bonheur — me murmure un conseilleur qui s'accorde avec moi pour reconnaître que la foi en ce qui ne se démontre pas est incompatible avec la raison — je sais où il se trouve : dans la foi en la loi, dans l'obéissance aux prescriptions qu'elle implique, dans l'accomplissement du devoir civique. « Crois «à la loi et aie la crainte du code, facteur d'harmonie entre les hommes, et tu seras heureux. «

En examinant celte proposition d'un peu près on s'aperçoit que la loi a surtout et spécialement pour but de maintenir l'harmonie entre les dirigeants ou les détenteurs de la richesse — ce qui revient au mémo — et, les dirigés ou dépossédés — ce qui est la même chose — en sacrifiant ceux-ci a ceux-là. T1 n'y a pas une loi qui n'ait pour but de maintenir les monopoleurs et les privilégiés — c'est-à-dire la catégorie sociale sur laquelle s'appuient les détenteurs de la puissance politique et économique — en possession de leurs avantages.

Avoir foi en la loi, être un bon citoyen c'est s'abstenir de mettre en doute la légitimité de l'Etat, représentant et protecteur de sa clientèle (clergé, noblesse, bourgeoisie, fascisme, communisme, producteurs ou consommateurs étatisés), c'est renoncer à mettre en péril les institutions établies, c'est être un instrument de conservation sociale, quel que soit le parti qui tienne la queue de la poêle.

Avoir foi en la loi, être un bon citoyen, c'est non seulement contribuer à maintenir dans leur situation les profiteurs de l'ordre établi, mais c'est consentir à se laisser extorquer une partie considérable de son salaire ou de son revenu pour maintenir en existence des institutions qu'on peut juger inutiles; C'est accepter de refréner son instinct de conservation et d'expansion personnelle au profit de la conservation et de l'expansion des dominants et des exploiteurs.

— Les sacrifiés auxquels tu dois t'as-troindre pour être classé dans la catégorie des bons citoyens te garantissent ta sécurité.

Ma sécurité, à condition que je me plie, 6 bons conseilleurs, à tout ce que les innombrables articles de lois et de décrets exigent de moi, même si je n'y vois aucun profit ni pour moi, ni pour autrui. Ma sécurité ? A» condition que je ne parle, écrive, ni agisse de façon qui déplaise aux maîtres de l'heure. politiquement, économiquement, intellectuellement, moralement parlant.

Chaque jour on saisit, des journaux, on en interdit, leur affichage public; chaque jour on saisit des écrits catalogués subversifs et immoraux: chaque jour on censure des sectacles ou des films et c'est cela que, ô ironie, on appelle me protéger. Me protéger, garantir ma sécurité, c'est paraît-il, nrempêcher d'écouter ce qui me fait plaisir <\ entendre, de lire ce qui me procure de la joie intellectuelle, de contempler co qui me fournit de la jouissance visuelle. La protection que la loi accorde au citoven équivaut, dans ce cas, à la mutilation de ses droits naturels. Et il en est de même dans toutes les circonstances de la vie individuelle ou sociale.

Renoncer à ses droits naturels pour être un « bon citoven », croire en la loi. le jeu n'en vaut1 pas la chandelle.

Avoir foi en Dieu, en la loi, balivernes — nous concèdent volontiers les conseilleurs « économiques » — mais aie foi en l'interprétation économique de l'histoire de l'homme et de l'humanité, donne la prépondérance au lait économique et tu trouveras qu'il vaut la peine de vivre.

— Confie-nous la charge de la répartition de ta production, donne-nous le pouvoir nécessaire pour organiser la production et la consommation territoriale ou mondiale, et tous les soucis n'auront plus de raison d'être...

— Peuple, fais tes affaires toi-même; seuloment comme tu n'es pas capable do to diriger [Et je ne nie pas que ce soit souvent vrai, les hommes ayant été de-pins si longtemps tenus en tutellej, tu te nommeras des représentants ou délégués qui se chargeront d'administrer ta vie économique. Car si tu n'es pas capable d'autre chose, tu es pourtant assez conscient pour élire on nommer tes conducteurs.

Permanents ou temporaires, tes délégués posséderont le pouvoir de te contrôler. A un point tel que tu ne pourras ni produire, ni consommer comme ta nature le demande, ni pour qui t'agrée, ni disposer de ton produit, comme il te convient.

Je veux élucider rapidement ce dernier point.

Jé ne connais pas un seul système autoritaire d'organisation de la production des produits qui nc considère pas l'unité humaine comme un rouage d'une immense mécanique productrice, une machine à produire et à consommer.

Tant et si bien que dans leurs systèmes cette unité humaine est contrainte ou de produire pour des consommateurs à l'égard desquels il ne se sent aucune affinité ou de consommer des utilités produites par des personnes qui ne lui sont sympathiques à aucun degré.

J'appelle cela de la prostitution et do la prostitution de bas étage.

Je dis qu'on force un individu à se prostituer quand pour manger on l'oblige à adopter, en matière de production, un système ou une méthode qu'il ne pratiquerait pas si on ne l'y contraignait point.

De même qu'il se prostitue lorsque pour avoir du travail — c'est-à-dire la possibilité de consommer — il est forcé d'appartenir à une association religieuse, politique ou économique, alors qu'il ne possède ni goût ni «teir de

s'associer.

Somme toute le bon producteur, dans les systèmes, auxquels je viens de faire allusion, n'est pas daus une meilleure situation que le bon croyant ou le bon citoyen, il est toujours un instrument entre les mains de ses meneurs. Là où la vie n'est envisagée que sous l'angle économique, son effort de producteur ne lui appartient pas et on lui nie sa liberté de consommation. 11 ne vaut pas la peine de vivre pour être réduit à l'état ne rouage économique.

Les philosophes prétendent qu'il vaut la peine de vivre à condition d'être vertueux.

Ils s'élèvent contre la soumission à une autorité extérieure : Dieu, l'Etat ou la Société — le décalogue, la loi, une réglementation économique — le prêtre, le gendarme, l'administrateur. Ils affirment que le bonheur réside dans l'acceptation consentie du devoir.

Etre vertueux, c'est faire de sa vie un devoir continu, se créer une mentalité telle qu'en l'absence de toute loi écrite, on se croit obligé, de par la loi non écrite, de se comporter d'une façon qui est à peu près la même que celle imposée par la loi écrite.

N'en diéplaiso à ces conseillers, la vertu n'est pas moins asservissante que le Code. Si on admet comme le devoir de vertu d'être généreux, magnanime, loyal, secourable, dévoué, désintéressé, humble dans la réussite, éauitable à l'égard de ses ennemis, sincère envers ses amis, etc., ces obligations de la loi non écrite peuvent fort bien ne pas répondre aux postulats de notre nature et constituer une source de souffrance analogue à celle qu'implique l'obéissance à un article de loi.

La pratique de la vertu peut être tout aussi bien un esclavage que la soumission à un dogme. II y a des humains pour lesquels l'obligation d'aimer leurs enfants, leurs parents, les membres de leur famille, leurs patrons, leurs conci-tovens, leur patrie, etc., représente une véritable torture. Or, ces actes sont catalogués, en général, parmi ceux classés comme vertueux.

Je ne vois donc pas que la loi en la vertu procure le bonheur.

D'autres philosophes, des spiritualités niant les religions révélées, affirment que le bonheur se trouve dans la suprématie de l'esprit sur la chair, c'est h-dire dans l'hypertrophie d'un organe du corps humain et son développement aux dépens des autres organes.

Ma raison se refuse k faire une différence entre l'esprit — la cérébralité — et la chair — les sens ou tout ce qui n'est pas cérébralité pure. D'ailleurs « l'esprit » dépend du reste de l'organisme humain ; qu'on enlève k un être quelconque le cœur, les poumons, les intestins, et nous verrons ce qui restera chez lui de l'esprit ?

I bonheur ne m'est pas assuré par la foi en la subordination de la chair à l'esprit. Rien ne justifie cette hiérarchie. Renoncer aux joies purement sensorielles me cause une douleur, un manque à jouir, que ite contrebalance nullement, pour moi, les joies d'ordre spirituel, si tant est que ces joies existent. Forcer le fonctionnement du cerveau au détriment de celui des autres organes produit un déséquilibre qu'évitera sainement celui qui cherche le bonheur véritable.

Il y a encore les conseilleurs qui reconnaissent que ni l'obéissance A la volonté de Dieu, ni la soumission aux législateurs, ni la pratique de la vertu, ni la recherche des joies de l'esprit no valent par les sacrifices de ceux qui croient en eux, mais qui affirment, la question réglée, qu'il y a une tâche pour laquelle il vaut encore la peine de donner tout son effort, à laquelle ori peut encore croire : la préparation de la société future.

Ou la société future — quelle qu'elle soit — s'établira au lendemain de la révolution, ou bien elle sera le produit d'une suite de révolutions.

Dans ce dernier cas, c'est réclamer énormément de la patience et de la longanimité de l'homme que de lui demander qu'il se renonce toute sa vie pour qu'à la suite d'une série de bouleversements sociaux — dont le terme est inconnu, — l'humanité, danse d'un pôle à l'autre, la farandole de l'harmonie universelle. Il faut davantage qu'une foi robuste.

Tout ce que nous savons bien — et la récente expérience russe est là pour nous le démontrer, au cas où les autres expériences n'auraient pas suffi — c'est qu'une révolution n'est pas une fée. Elle no transforme pas du jour au lendemain le terrien moyen en un ange de perfection, mais un simple adapté au nouvel état de choses créé par la révolution, il faut toutes sortes de procédés ou de menaces qui n'ont rien d'agréable. Guillotine en permanence, déportation, obligation de résidence, perquisitions domiciliaires, primes k la délation, police d'Etat, ëuppression de la liberté d'expression pubkque de la pensée. Tout cela s'était déjà, vu sous la Terreur et il ne s'agissait que d'une révolution politique. Le gouvernement soviétique n'a rien innové en la matière, et il s'agit d'une révolution économique.

Encaisser « tout cela », c'est payer le bonheur trop cher, si bonheur il y a-

Et on n'a pas encore montré une révolution violente qui se soit accomplie — peu importe la couleur du drapeau arboré — sans être accompagnée de ces inconvénients ou d'autres analogues, sinon pires.

IV

L'humain qui réfléchit conclut que quel que soit le système d'organisation sociale, religieuse ou laïque, qu'on lui présente il est toujours sacrifié.

Pourquoi croirait-il encore ?

Il est toujours destiné à être un rouage de machine, un moyen, une fonction, un esclave, un serf, de la chair à canon ou à travail, de la viande à expériences sociales, sinon sociologiques.

Il a toujours été un objet de sacrifice, immolé sur toutes sortes d'autels.

Il a toujours été utilisé à servir les desseins de toutes sortes de rédempteurs, réformateurs ou novateurs.

Il a toujours été un moyen : — pour les législateurs, de cimenter le contrat social qu'ils imposent k quiconque a été jeté dans le tourbillon humain, -- pour les prêtres, d'établir le royaume de Dieu — pour les tyrans, d'asseoir leur domination — pour les utopistes, d'outils à réaliser.

Il n'a jamais pu être lui-même ; on a toujours voulu l'annihiler en tant qu'unité sociale et cela, malgré qu'il ait la sensation, nette ou confuse, qu'il est à la base de toute société.

On comprend que des individualités très consciencieuses aient songé k renoncer à exister davantage, soit que leur raisonnement leur eut démontré l'impossibilité de croire, soit que la vie ne leur parût pas valoir la peine d'être vécue. On comprend le succès de ce grec qui, à Alexandrie, prêchait l'excellence du suicide.

On dit que la prochaine guerre ne laissera subsister aucun des habitants du globe terraqué. Si le fait se réalisait, reconnaissons qu'eux aussi, ils ne l'auraient pas volé.

Mais m'objectera-t-on — et c'est le suprême argument, la dernière cartouche — admettons que depuis son apparition, à la fin du tertiaire, l'homme et l'humanité n'aient, guère progressé, ils ont cependant progressé. La situation matérielle de lhumain du xx° siècle n'est pas comparable au sort qui était le sien, lorsqu'il est sorti de l'animalité.

C'est ce qu'on appelle la foi au progrès.

Mais qu'est-ce que le Progrès '?

L'application pratique des acquis scientifiques, la T. S. F., les moyens de transport rapide, l'avion, les gratte-Ciel, la production en usine et en série, sa rationalisation, les engins d'entre-destruction ?

Peut-on dire que l'homme du xx° siècle est plus heureux, toutes choses égales, que l'occupant de la grotte des Oombaretles ou de celle de Font de Gaume, alors qu'il est probable qu'il y avait moins d'inégalité dans la distribution des produits de la chasse, que dans l'échelle des salaires actuellement en vigueur en U- H. S. S. ?

Peut-on dire — parce qu'au lieu d'une torche, l'homme, pour s'éclairer, use d'une ampoulo électrique — parce au'au lieu de peindre avec le doigt, à Tocre rouge, l'artiste se sert de tubes a couleur. — que la vie soit plus agréable à vivre qu'alors ?

Peut,-on dire, parce qu'au lieu de lutter avec les grands sauriens, les crands félins, les grands plantigrades. l'homme a à combattre avec le loueur de travail, le percepteur, l'intermédiaire, l'agent de police — que le sort de l'humain soit meilleur ?

Le savoir ?

Oui, nous savons, à en croire M. Hen-neguv, qu'il faut cent mille milliards de cellules pour constituer un corps humain ; que la matière se désintègre en électrons, en ions, etc. ; qu'il faut je ne sais plus combien de millions d'années pour que la lumière de l'étoile la plus rapprochée de la terre parvienne jusqu'à notre rétine.

Mais nous savons aussi que si l'homme a acquis plus de besoins, il lui faut davantage de peine pour les satisfaire.

Nous savons de même qu'à un moment donné de l'histoire de la terre, au fond de la buée qui l'entourait, causée par son refroidissement, des moisissures sont apparues, immobiles, d'abord, mobiles ensuite, toujours plus organisées, jusqu'à ce qu'aient apparu les vertébrés, puis les hominidés, dont une espèce, en exterminant ceux trop gênants de ses frères on animalité, a fini par exploiter la terre à son seul profit.

En quoi cela nous induit-il à croire à quoi que ce soit et à trouver que la vie vaut la peine d'être vécue ?

L'homme n'est ni un ange déchu ni un fils de Dieu, c'est le fils de la terre. Il va au moins une vérité dans les livres sacrés des chrétiens, c'est celle contenue au v. 24 du chapitre III de la Genèse : « Tu retourneras dans la terre « d'où tu as été pris, car tu es pous-« sière et tu retourneras dans la pous-« sière. »

Ajoutons que parallèlement aux servitudes artificielles — sociales, politiques et autres — auxquelles il est astreint. l'homme est soumis à un déterminisme tellurique écrasant. Il doit disputer chaque minute de son existence a un milieu ambiant qui poursuit sa perte dès sa naissance, oui l'assaille de toutes parts et ne lui laisse aucun répit.

V

L'homme qui réfléchit se rend compte de ce qu'il est, de sa place dans la nature. Il ne se fait pas d'illusion. Il sait qu'un jour viendra où les éléments qui constituent son corps se désagrégeront au sein de la terre, si c'est là qu'on l'enfouit après sa mort.

Aussi n'y a-t-il pour lui qu'une raison de vivre, c'est de jouir, selon son déterminisme personnel et pour autant qu'il en possède les capacités, du moment présent, de l'occasion qui s'offre, du plaisir à portée de sa main.

C'est cela qui pour lui, constitue le bonheur, et non pas de renoncer dans lo but de servir les desseins d'un imaginaire Démiurge créateur, ou ceux des moralistes officiels et officieux, des conducteurs de troupeaux humains, des chefs militaires, fies bâtisseurs de Cités de Dieu, et de sociétés futures.

D'ailleurs quelles joies ont retiré de leur résignation ceux qui se sont renonces pour la plus grande gloire et le plus grand profit des Dominants et des Exploitants religieux ou laïques, individus ou collectivités ?

L'histoire est là pour nous prouver que leur abdication n'a servi qu'à rendre plus insupportables -et. plus cruels encore les déterminismes politiques et sociaux, les impérialismes économiques ou moraux.

L'homme qui réfléchit n'a que dé goût et "mépris pour ceux qui croient et se résignent, pour «eux qui accep tent les conditions que posent les gouvernants aux déshérités du sort, lorsque ceux-ci veulent ronger en paix l'os que leur a abandonné le superflu des privilégiés et des monopoleurs.

C'est pourquoi je dis à ceux qui m'entendent :

On vous a leurrés.

Tous ceux qui vous ont dit que le bonheur consistait en la foi en l'indémontrable. dans le renoncement et la résignation, dans l'obéissance et l'impos-sont des menteurs, des imposteurs, des malfaiteurs.

Tous les avantages que vous peut procurer votre déterminisme naturel, il vous échet d'en profiter.

Le soleil, le firmament, l'eau, la terre, les fleurs, les parfums, le manger, le boire, l'amour, et puisqu'il y m la civilisation, tout ce que peut vous procurer la civilisation en fait de jouissances cérébrales et physiques, raffinées et grossières — connaissances et bien-être — Unit cela est à vous.

Qui vous empêche d'en avoir votre part — et toute votre part — est votre ennemi, un gredin de la pire espèce.

Moi aussi, je prêche un évangile, j'annonce une bonne nouvelle : la bonne nouvelle de l'évangile intégral — de l'égoïsme.

Soyez, des égoïstes. Cherchez votre intérêt.

Voilà trop longtemps qu'on vous dit, qu'on vous répè'e qu'il valait la peine de vivre eri cherchant l'intérêt d'au-trui : autrui-dieu. autrui-maître, autrui-société.

Cherchez votre intérêt, d'abord.

Entre deux chemins se présentant à vous, choisissez celui où votre égoïsme se trouvera davantage satisfait — celui où vous rencontrerez davantage de jouissances tangibles, palpables, momentanées ou durables, selon le cas.

Brisez toutes les chaînes, débarrassez-vous des fantômes moraux qui vous empêchent où vous empêcheraient de jouir du bonheur présent. Extirpez les préjugés d'ordre religieux où civique qui entraveraient vos pas.

Ah ! me direz-vous, croyez-vous qu'isolés. nous puissions, autant que vous nous y conviez gratifier notre égoïsme ? Crovez-vous que, seuls, nous puissions profiter pleinement de tous les avantages qu'offre, A. qui veut les cueillir, la vie qui passe ?

Je ne l'ignore pas.

Aussi, ajouterai-je, associez-vous entre individualistes, èitre égoïstes. Faites des associations d'égoïstes où vous réaliserez toute la joie de vivre compatible avec votre capacité de jouissance ou d'appréciation de la jouissance.

Poussez vos réalisations jusqu'à l'ultime possibilité expérimentale, que ce soit dans le iomaine scientifique, économique, éthique, esthétique, érotique ou autre.

Servez-vous de la ruse, s'il le faut. Vous n'êtes pas obligés de vous découvrir à vos adversaires. Si vous n'êtes pas assez forts pour pouvoir mener de front deux lignes de conduite : l'une à l'égard de vos amis, l'autre envers ceux qui vous sont hostiles, mieux vaut pour vous rester une marionnette dont les dirigeants tireront les fils. Si vous ne pouvez être qu'un pantin, soyez un pantin ; croyez à Dieu, à l'Eglise, à l'Etat, au Progrès, à n'importe quoi ; la bonne nouvelle que j'annonce n'est pas à votre intention.

Mais, je risque d'être mal compris en vous invitant à. être des individualistes, fies égoïstes, sans expliquer ce que j'entends par là.

N'importe quel monopoleur ou privilégié, n'importe quel dominant ou dirigeant est un individualiste, un égoïste. Lui aussi agit de ruse à l'égard du milieu ambiant- Il sait se servir de tout et de tous. Il use de la religion, de la politique, de la vertu, de l'aspiration vers pins d'équité où vers un devenir meilleur pour se créer une situation qui lui permette d'assouvir ses appétits ou ses ambitions.

C'est pour établir une distinction nécessaire que je qualifie (Yanarchiste l'individualisme, l'égoïsme que j'exalte.

Tout est h moi, il n'y a aucune jouissance dont je ne voudrais me priver, aucun raffinement auquel je voudrais renoncer, aucun appétit quo je voudrais laisser inassouvi, mais à condition que tout cela je l'obtienne sans me prévaloir de Yarchisme, soit comme méthode, soit comme institutions (emploi de la violence, sous n'importe quelle forme ; protection de l'Eglise ou de l'Etat ; intervention de leurs dogmes ; lois ou moralités ; ineérence de leurs agents.)

L'individualisîe, l'égoïste selon' mon cœur, dit : « Tous les êtres sont à moi, comme je suis à eux ; ils sont, faits pour ma consommation comme je le suis pour la leur ; mais étant entendu, que pour réaliser cette proposition, je n'aurai pas recours au système dont usent et"ont toujours usé les gouvernements : coercition, contrainte, obligation. »

De sorte que ce n'est pas en adapté au milieu sociétaire et à ses conditions de fonctionnement, que l'individualiste à ma façon veut s'approprier et incite autrui à s'approprier le maximum de *«Ajpift'«ornpatible avec son pouvoir de

. «fert«s«trotté, en

^■ndMflt, wiÇÊÈBBT, en contempteur des valeurs économiques intellectuelles, éthiques consacrées par l'anar-chisme que « notre » individualiste foulera aux pieds croyances, conventions, idées préconçues, restrictions et coiis-trictions de tout acabit ; qu'il fera litière des impedimenta que l'arch-isme religieux et l'archisme laïque cultivent au sein du vulgaire.

De sorte que si « notre » individualiste se sert de la ruse, c'est en la considérant comme une arme de défense et non comme un procédé d'adaptation.

Oui, jouir de tous les avantages qu'offre ou procure le déterminisme naturel ou artificiel de l'environnement, ôans réserve aucune, isolément ou en s'asso-ciant ; en combattant de tontes ses forces pour que la somme des avantages surpasse le total des inconvénients : oui, lâcher la bride à son égoi'sme, le laisser galoper jusqu'au bout de sa course normale, mais en an-arcliiste, en individu capable de conclure des pactes et d'en respecter les clauses, sans nécessité d'aucune sanction extérieure : dieu ou le diable ; l'évangile, les Vé-das ou le Coran, la loi, écrite ou non écrite ; un protec'.our étatiste ou un modérateur administratif ; oui, il vaut la peine de vivre lorsqu'on est un individualiste anarchiste.

Croire en Dieu 1 — Non l C'est une croyance d'esclave, tout comme l'est croire à la loi, à l'interprétation économique de l'histoire, à la vertu, à les prit, à la société future, au progrès et autres chansons endormeuses. Croire à soi, à la jouissance du moment présent, k la force de l'association volontaire. il n'est pas d'autre foi digne de l'homme réfléchi.

OUVRAGES DE L'AUTEUR

FLEURS DE SOLITUDE ET POINTS DE REPERE ....................................12 60

AINSI CHANTAIT UN EN-DEHORS ..................................................................20 60

L'INITIATION INDIVIDUALISTE ANARCHISTE ..........................................9 »

LES LOUPS DANS LA VILLE (pièce en 4 actes) ........................................3 75

L'ETERNEL PROBLEME ........................................................................................0 60

A L*ENCONTRE DU BON SENS ..........................................................................1 15

LE COMBAT CONTRE LA JALOUSIE ET LE SEXUAUSME REVOLUTIONNAIRE ....................................................................................................2 50

PROFILS DE PRECURSEURS ET VISAGES DE REVE (à paraître en juin).

En vente aux Causeries Populaires — aux séances sur commande d'un mercredi à l'autre — par correspondance adressée KO bis, boulevard de la Vil-lette, Paris (19').

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EXTRAITS DE

Fleurs de Solitude

et

Points de Repère

DIEU ET LA GUERRE

Comment être intelligent et ne pas comprendre que la guerre — et spécialement la dernière guerre — a proclamé'la faillite de la religion, de toutes les religions ? A moins que l'on ne considère comme le châtiment de nos « péchés » les épouvantables hécatombes qui ont marqué la grande mêlée et les raffinements de barbarie scientifique qui la rendront à jamais célèbre — à moins que l'on ne considère la guerre crue comme un appel de Dieu, un appel suprême destiné ii rappeler à lui ses créatures désobéissantes ? Je ne conçois pas comment ceux qui pensent ainsi ne se rendent pas compte du dégoût dont ils nous remplissent pour leur idole.

Sans doute la guerre — il en est de même de tous les fléaux, de toutes les catastrophes — a amené une recrudescence de superstition. Mais s'imaginer qu'ello puisse conduire un être intelligent à acquérir ou à retrouver la foi en Dieu, c'est sottise pure. Ce que je vais dire est peut-être un lieu commun, mais pour croire en ce dieu-là, il faudrait admettre qu'il existe quelque part — comme directeur moral du système solaire — une entité incarnant la méchanceté dans ce qu'elle a do plu3 ignoble.

Il n'y a pas même à soulever ici des problèmes de théologie transcendentale, à dire par exemple : comment Dieu qui laisse faire le mal et ne l'empêche pas peut-il être toute bonté et tout amour ? Comment Dieu peut-il être tout puissant, puisque prévoyant la guerre, il n'a su ou pu l'empêcher ? Non, il suffit d'un moment de réflexion pour se rendre compte que si un tel dieu existait, ce serait le dernier des misérables ou le premier des criminels, puisqu'ils laisserait s'entr'égorger — tout en pouvant intervenir — des milliers d'êtres dans la fleur de leur jeunesse et des milliers d'êtres qui n'avaient jamais demandé à naître sur la terre — sa création.

DU BIEN ET DU MAL

Pour comprendre l'évolution de la morale grégaire ou sociale, il est indispensable de se souvenir que le bien est synonyme de « permis » et le mal de « défendu »>. Un tel — raconte la Bible — « fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel », et cette phrase se retrouve stéréotypée en de nombreux passages des livres sacrés des Juifs, qui sont aussi ceux des chrétiens ; il faut traduire : Un tel fit ce qui était défendu par la loi religieuse et morale telle qu'elle était établie pour les intérêts de la théocratie israélite... Dans tous les temps et dans tous les grands troupeaux humains on a toujours appelé « mal » l'ensemble des actes interdits par la convention, écrite ou non, convention variant selon les époques où les latitudes. C'est ainsi qu'il est mal de s'approprier la propriété de celui qui possède plus qu'il n'en a besoin pour subvenir à ses nécessités — qu'il est mal de tourner en dérision l'idée de Dieu ou ses prêtres — qu'il est mal de nier la patrie, d'entretenir des relations sexuelles avec un consanguin très rapproché. Comme la défense toute seule ne suffit pas, la convention non écrite se cristallise en loi dont la fonction est do réprimer.

UNE CONCLUSION

M. \je Dantec, savant areligieux et officiellement athée a rendu son âme... non au diable, comme on le pourrait croire, mais à Dieu... C'est du moins la conclusion k tirer de son enterrement à l'église de Montro-uge... Je vois d'ici la grimace de Saint-Pierre, forcé de recevoir au Paradis l'auteur de « l'Athéisme >s, du « Conflit », de la « Mécanique de la Vie », de tant de livres où il bataillait, parfois avec entêtement, contre le dogme ecclésiastique et l'inconsistance spiritualiste... Mais trêve de plaisanferies ! Ne trouvez-vous pas que ces conversions posthumes — et je songe k Rémy de Gourmont, — jettent un jour pitoyable sur la faiblesse de ces hommes qui après avoir ébranlé, sinon détruit la foi en maints de leurs lecteurs. n'ont même pas la force de caractère d'obtenir des leurs de ne poinl les faire mentir à l'heure dernière, A une activité de tant de lustres...

FAUT-IL UNE RELIGION POUR LE PEUPLE ?

Faut-il une religion pour le peuple ? Voici le grand problème que se sont-posé, qu'ont (10 sans doute se poser un jour ou l'autre tous les réformateurs, tous les novateurs, tous les initiateurs. Et quand j'écris « une religion ». je n'entends pas seulement une croyance en Un être surnaturel, en un esprit suprême directeur du Cosmos ou surveillant général de la marche de l'évolution. y imposant finalement sa volonté. Je n]cntcnds pas un culte, un ensemble de rites et de cérémonies mettant en relations la créature et le créateur, l'humain et le divin. Je donne au vocable « relicion » une signification plus ample, plus vaste, et je pose ainsi la question : « Faut-il aux collectivités humaines une doctrine d'ensemble, universelle, catholiaue, qui relie entre eux les membres de l'humanité — une doctrine qui se concrétise, qui s'exprime en une collection de commandements, de règlements, acquise, de « vous faire valoir » selon vos aptitudes et vos aspirations de formules purement laïques ; qui possède une morale, un code de règles de conduile accepté d'un bout du monde à l'autre — une doctrine oui présente ou enseigne un idéal à atteindre le plus tôt possible, ou plus tard, par étapes ? Ou encore un idéal invariable ? Faut-il pour le peuple une religion politique ou économique, dont les prêtres portent le nom de délégués, fonctionnaires, administrateurs ?

On sait que les doctrines politiques et sociales de toutes les écoles ont répondu affirmativement. A mon tour, ie répondrai : Si l'on veut oue le peuple demeure un troupeau, si l'on veut qu'il reste maniable et réquisit-ionnable à merci, qu'il ait pour raison d'être ou pour fin d'accomplir les dessoins ou de mettre en pratique les conceptions de ses pontifes politiques et économiques : oui, il faut une religion pour le pou-pie ». En effet, il n'est pas possible de réaliser une conception politique ou économique unique, mondiale ou internationale, si le peuple n'est ni docile, ni souple — disons le mot, s'il est ingouvernable.

ENCORE LA RELIGION POUR LE PEUPLE

L'essence de toute religion est de pouvoir ê're conçue, comprise, pratiquée socialement, en masse, universellement. C'est seulement quand l'unité humaine se différencie du peuple par sa pensée, par son initiative, par sa façon de se comporter individuellement, qu'on commence à mettre en doute l'utilité

de « la religion pour le peuple ».

«

SE FAIRE VALOIR

« Humiliez-vous. Soyez humbles. Courbez-vous sous la volonté du Maître des cieux et de la terre ». — Voilà tout le christianisme. Je vous propose, non pas d'être des suffisants, des faits ou des prétentieux, mais de travailler à acquérir une notion acquise de « vous faire valoir » selon vos aptitudes et vos aspirations. Dressez-vous de toute votre hauteur. Si vous vous courbez parce que la porte n'est, pas assez élevée, faites-le en vous révoltant en votre for intime et redressez-vous une fois l'huis franchi — à moins, si les « ondit » vous laissent froids, oue vous ne préfériez passer par la croisée.

CEUX QUI PAIENT

L'enfant Jésus échappe à Hérode et le tyran, pour se venger, ordonne qu'on tue tous les enfants de moins de deux ans qui se trouvent à Bethléem et sur son territoire. Qu'importe que les innocents paient pour les coupables I

Ainsi ont agi, avant ou depuis Hé-rode, tous les hommes d'Etat, tous les politiciens. Ils se vengent sur ceux qui n'y sont pour rien de la peur que leur ont causée ceux dont- ils redoutent l'influence.

DIEU N'EXISTE PAS

Non ! le monde moral, le monde spirituel, Dieu,, n'existent point. Ce sont des idées abstraites, un produit, un résultat de l'activité ou do l'effort cérébral. Cela ne veut pas dire, hélasl que ces abstractions, ne vivent pas à l'état de fantômes intellectuels, qui hantent les profondeurs d'une pensée qui ignore ou ne sait pas encore créer d'autres images ou imaginer d'autres représentations pour expliquer ou matérialiser quelques-unes de ses aspirations.

JESUS DISAIT

Jésus disait : Votre Père qui est dans les cieux fait lever son soleil sur les bons comme sur les méchants.

Je dis : La nature dispense l'utile comme te nuisible, aux bons comme aux méchants. Mais qui est bon, et qui est méchant ? Quelles choses sont véritablement utiles et quelles choses sont vériiabionient nuisibles '!

DIEU :

UNE INVENTION DES PRETRES

Ce qui existe est partout et en tot.t lit partout et dans tout, on trouve ce qui existe, sous une forme ou sous un aspect quelconque. Dans ce qu'on dénomme « bien » comme dans ce qu'on qualifie « mal ». Ce qui existe est aussi bien à l'œuvre dans l'acte de l'épervier qui se précipite sur un poussin que dans le geste spontané d'un homme se jetant à l'eau pour sauver un enfant qui se noie, dans l'acte d'un impulsif qui violente une fillette que dans la pensée d'un chercheur découvrant un sérum capable de guérir une maladie contagieuse. Il n'y a pas de problème du mal. Dans ce qui existe, le Bien et le Mal sont inclus- Il y a des actes, des pensées, des mouvements, des gestes qui nous sont nuisibles, qui sont superflus -- soit individuellement, soit grégaire-ment, selon le point de vue auquel on se place. Dieu tout amour, toute bonté, tonte perfection, est une création, une invention des prêtres et des moralistes, une représentation idéalisée de la Morale religieuse et légale.

ILLEGALISME BIBLIQUE

Afin de contraindre les Egyptiens à laisser sortir les Israélites de leur contrée. Jehovah l'ait mourir les premiers-nés de tous les Egyptiens et les premiers-nés de tout leur bétail, comme si tous ces petits de femmes, de vaches, de chèvres et d'ânesses étaient pour quoi que ce soit dans l'oppression dont avaient à se plaindre les Hébreux. On comprend que les oppresseurs aient ensuite consenti à se laisser dépouiller de leurs bijoux, et joyaux d'or et d'argent, car le peuple élu ne quitte pas l'Egypte les mains vides sur le conseil de l'Eternel, naturellement. Ah I compagnons, la belle manifestation de reprise collective !

DU LIBRE EXAMEN

On appelle Libre examen une méthode d'investigation applicable à tons les problèmes qui sollicitent l'attention des hommes — et quel que soit le domaine de l'activité humaine où ils se posent — laquelle méthode repose sur un examen rationnel et impartial de toutes les questions qu'elle approfondit, un examen libéré de toute considération aprioristique, c'est-à-dire ne tenant aucun compte des dogmes, préjugés, conventions, institutions ou traditions, de quelque ordre que ce soit.

Il ne s'ensuit pas qu'en ce qui concerne certaines questions controversées, la méthode de libre examen ne puisse aboutir à une conjecture ou à une hypothèse. Certes, il manque à l'homme force connaissances, non seulement pour se faite une idée exacte des mouvements, des énergies, des forces cosmiques, mais encore — par ignorance de tous les éléments déterminants — pour porter des jugements exempts d'inexactitudes, soit sur des phénomènes d'ordre purement telluriques, soit sur la marche de l'évolution des milieux ou des individus. Or. la caractéristique de la méthode de libre examen, c'est qu'elle conduit, dans ce cas, quiconque s'en sert loyalement, à présenter ses déductions ou ses opinions pour ce qu'elles sont : des hypothèses ou des conjectures que l'avenir confirmera ou infirmera.

Il peut même arriver que la méthode

IttW? .examen n'aboutisse pas, pour UOt même question posée à plusieurs pftïpnnhes, à une solution identique. Il on effet, dans la sphère de l'abs-de l'intellectuel, des mœurs, voire dans la sphère économique, des problème dont la solution dépend du tempérament de l'individu qui s'entreprend à les résoudre. Scrutées à la lumière du libre examen, il est des questions qui comportent plusieurs réponses.

La méthoae appliquée ordinairement par les hommes d'Etat ou les hommes d'Eglise h l'examen des questions que pose l'évolution humaine est limitée au contraire par les dogmes, les préjugés, les conventions, les institutions d'ordre religieux ou laïque, moral ou légal, intellectuel ou éducationnel, etc. — que leur réponse ne peut jamais transgresser- C'est pourquoi il est faux de parler de libre examen quand il s'agit d'Etat ou d'Eglise.

UNE CONTRADICTION APPARENTE

II semble curieux, au premier abord, que les bourgeois qui admettent fort-bien qu'on réquisitionne toutes les forces vives d'un territoire pour la défense de ce qu'ils dénomment la « patrie », montrent tant d'hostilité lorsqu'il est question d'appliquer le même procédé h 1 ordre de choses économique. Ils acceptent fort bien qu'on arrache à ses occupations ordinaires, crue dis-je, qu'on fasse fi des opinions d'un être humain, qu'on violente ses convictions, qu'on le force à coopérer à des actions qu'il réprouve en son for intime, qu'on le contraigne à se battre contre des hommes, ses semblables, qui ne lui ont jamais nui personnellement, dont le seul malheur est d'être menés par des privilégiés qui le mènent, lui. Ils acceptent tout cela, et les sanctions cruelles qui frappent les récalcitrants. Mais que, pour parvenir à ce que chacun consomme ou ait accès à la possibilité de consommer selon son effort ou ses aspirations, il soit question de mobiliser bon gré mal gré, toutes les aptitudes, toutes les capacités — ces mêmes bourgeois crient à la tyrannie... A vrai dire, la contradiction n'est qu'apparente, ï/orseme les lvmrgeois approuvent les réquisitions inféren'es à l'état de guerre — même ouand c'est au détriment passager de leurs intérêts — c'est parce ue la survivance de la convention ou

u préjugé « patrie » implique le main-

* • ' i • tien du régime d'exploitation de l'homme par le Privilège ou le Monopole. Qu'au contraire, sous une forme ou une autre, la possibilité soit offerte à chacun de satisfaire ses besoins, de consommer selon ses appétits, en dehors de tout privilège ou de tout monopole, ce sera le glas de leur domination.

L'ŒUVRE INFAME

Les Gouvernements qui connaissent l'horreur des groupements avancés pour les délateurs se sont toujours efforcés de jeter le doute sur certains agitateurs qu'ils considéraient comme dangereux pour le maintien de l'ordre établi. Il en coûte si peu à un ministre ou à un chef de police, non pas de déclarer mais de faire soupçonner, que tel ou tel est un agent à ses gages, d'autant plus que c'est chose pratiquement impossible à vérifier.

AU COMMENCEMENT

.le sais bien qu'on peut opposer à la question : « Qui a créé Dieu ? » cette autre question : « Comment la nature a-t-elle pris naissance ? » Même créerait-on de la vie dans les laboratoires que le problème serait déplacé, rien de plus ni de moins. Toutes les combinaisons chimiques, concevables, tontes les conceptions spiritnalistes imaginables aboutissent à une combinaison première à une conception originelle, postulant un antécédent. Découvrirait-on cet antécédent. qu'en même temps que sa découvert se poserait le problème de l'antécédent qui l'a précédé ! Toute cause postule une cause antérieure... « Au commencement nulle Cause n'existait... Au commencement était Dieu, la Vie, l'Infini, Ce qui est, Ce qui n'a ni commencement ni fin... » définitions aussi vagues, pompeuses, qu'incompréhensi bles à mon pauvre esprit fini, hélas i 0 laissez-moi me re'irer, non plus cette fois dans ma tour d'ivoire, mais dans un agnosticisme prudent, seule attitude compréhensible du Sage devant l'ignoré ou l'inconnaissable.

L'agnosticisme, au moins, a cela de bon qu'il n'a jamais empêché amant de la vie de vivre l'heure présente dans toute son intensité.

CHRISTIANISME ET NON-RESISTANCE

On prétend oue le principe de la non-résistance a triomphé au moment où le christianisme a été reconnu comme re ligion d'Etat. C'est inexact. Le jour où le christianisme a remplacé le paganisme comme religion officielle, il est devenu un instrument de gouvernement, c'est-à-dire d'oppression, comme les hérétiques n'ont pas tardé à s'en apercevoir. Ce qui s'est produit alors, c'est l'absorption du christianisme par l'Etat, qui avait intérêt manifeste, en présence du succès et de l'extension de la religion nouvelle, à lui enlever tout caractère d'opposition, de péril pour les institutions établies. Mais jamais le triomphe du christianisme, sous Constantin par exemple, n'a impliqué le triomphe du principe de la « non-résistance au mal par la violence ». Tout au contraire.

L'AGNOSTICISME INDIVIDUEL

Je sais que je vis. Je sais que je possède la conscience de vivre. Je connais main'es choses sur la constitution physiologique de mon corps, j'en crois savoir moins sur sa constitution psychologique. Je suis à même d'augmenter chaque jour le stock de mes connaissances. Ceux qui viendront après moi en connaîtront davantage. J'accomplis ce qui me semble être la raison d'être d'un organisme conscient de son existence : assimiler et désassimiler, jouir et souffrir, réagir et supporter, c'est-à-dire opposer mon déterminisme personnel, individuel, particulier — au déterminisme ambiant, immédiat, prochain, cosmique. Et. c'est dans la mesure où je prends connaissance de l'originalité. de la particularité de ma réaction contre l'environnement — du refus que mon « moi » oppose à l'absorption du « non moi » — que je me sens un « unique », un « hors du troupeau ».

Et puis quand bien même on aurait découvert quelque part un centre à l'univers — centre nerveux, centre cérébral, centre dynamique — centre d'où partiraient des ordres, des injonctions, des vibrations destinées à ê'^re exécutés, réalisés, matérialisés au point d'arrivée... Ma raison d'être d'unité humaine ne serait-elle r>as d'opposer intelligemment ma réaction personnelle à l'action de ce centre ? J'admets d'ailleurs que les conceptions explicatives du phénomène cosmiaue no fournissent pas une solution ultime de ce qui est et môme du problème de la raison d'être de la vie. Ou'v av?iit-il au commencement ? Y a-t-il eu d'ailleurs un commencement et, dans ce cas, quel état de choses a précédé ce commencement ? Pourquoi la vie ? Pourquoi la conscience individuelle de l'existence ? C'est à cause de ces questions, laissées sans réponse concluante, que l'agnosticisme est la situation intellectuelle la plus loyale que puisse occuper le penseur — à condition bien entendu que cet agnosticisme ne soit pas une résignation mentale, qu'il n'ait rien do commun avec l'abstention de la recherche et du vouloir en connaître davantage,

POINT DE CAUSES FINALES

Nous savons aujourd'hui qu'il n'est point de causes Anales. ï>es énergies et les choses existent. Elles ne sont solidaires que par occasion ou par intermittence. 11 n'y a pas d'harmonie préconçue. 11 n'est que rapports, échanges, équilibres momentanés. Il n'y a point d'ordre préétabli dans l'univers et le Cosmos ou la Matière n'est pas une société bien policée dont Dieu ou la Force constitue le pouvoir exécutif. Ce ne sont que heurts, chocs, disruptions, déplacements, cycles troublés, sans guère de but apparent pour les organismes, conscients ou non, qu'une tendance à exister intensément sous leur forme actuelle et momentanée, jusqu'à épuisement ou cessation d'être accidentelle. En est-il autrement parmi les hommes ? En pour-ra-t-il être jamais autrement? Un système surgira-t-il quelque jour qui fera régner parmi les hommes une félicité harmonique et suprême ? Je l'ignore et l'actuel seul m'intéresse.

LA CAUSE ORIGINELLE

« Au commencement était la Parole » énonce sentencieusement l'auteur de l'évangile de Saint-Jean. J'ignore s'il y a jamais eu le commencement, et même. l'univers eût-il jamais commencé, qu'il me paraît plus qu'hypothétique que la première manifestation ait été la Parole. Au commencement, il y eut sans doute des phénomènes d'ordre mécanique et phvsico-chimiarie. Mais il faudrait savoir d'abord si Ce qui existe a jamais eu de commencement. Tant cïu'on l'ignorera, tout ce qu'on pourra risouer sur « ce qui était au commencement » sera pure création de l'imagination.

Ponvez-vous imacri^er on concevoir un état d'être ou un état de choses qui n'ait pas commencé? Je ne cherche pas à l'Imaginer ou à le concevoir. Je ne me forge aucune hypothèse à ce sujet. Je laisse à ceux que la question passionne — et je reconnais qu'elle est passionnante — le soin de remonter de cause en cause aux Causes primordiales ou originelles, si c'est possible. Les efforts de ces chercheurs m'intéressent vivement, mais il est bien entendu que « ce qui était au commencement » m'est d'un bien moins grand intérêt que le développement de ma vie personnelle, car si « ce qui était au commencement » m'échappe, je sens tout au moins que j'existe. Et c'est là la plus importante des choses qui sont sous le ciel et sur la terre.

Pourquoi Une cause originelle plutôt que Plusieurs ? Je sais que n'importe quelle combinaison de nombres ou chiffres ramène toujours à l'unité; mais tout en faisant remarquer que les nombres et les chiffres constituent simplement des rapports, des relativités quant à nous, pourquoi la substance une et primitive ne se serait-elle pas présentée immédiatement sous une multitude de modes et d'aspects : mécaniques, chimiques, physico-chimiques ?

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NOS ÉDITIONS i

1. PEUT-ON ENCORE CROIRE EN DIEU ?

par E. ARMAND, suivi d'extraits de «Fleurs de Solitude » et « Points de Repère »...... I 50

2. L'ANTISEMITISME, C'EST LA GUER

RE ! par Bernard lecache, avec l'intervention de M° Albert Letellier, Marguerite Guépet. .Professeur Mélandre, Schumann et du baron Fabre Luce.... ................. 1 50

Sous presse :

3. JAURES, par Georges PlOCH, avec l'inter

vention de MM. Girardiri et Ernest Girault.

4. JESUS, par HaN RynER, avec l'intervention

de l'abbé Candillon, Marguerite Guépet, Rachtine . ......-.........................

A paraître :

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5. LA CROYANCE EN DIEU, controverse

Ch.-Aug. Bontemps, abbé Candillon. • » »

6. A QUOI SERVENT LES ENFANTS ?

par le Docteur LEGRAIN.................... » »

7. DIEU ET LA PATRIE, par Georges

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