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volume 3

quelques réflexions

sur lesubjectlvlsme & l'Intellectualisme

pour servir à la critique des séparations

£B3 EVENEMENT S=CÇUgANT§

Volume 3

QUELQUES REFLEXIONS sur le subjectivisme £ l'intellectualisme POUR 3ERVIR A LA CRITIQUE DES SEPARATIONS

"Quand quelqu'un décide de devenir révolutionnaire... il court le risque de rester simplement pro-sitù s'il craint de faire partir toutes ses critiques de lui-même. Le résultat c'est qu'il devient incapable de critiquer quoi que ce soit pour le bonne raison que sa critique ne provient pas de sa passion de libérer se propre vie quotidienne, de sa propre subjectivité," (G.Rosenberg, C.Shutest Disln-terest Compounded"Daily)

Pratiquer le théorie c'est donc partir de soi-même, de sa propre subjectivité. n'ais le subjectivisme est une idéo-logisation sur l'essentiel : c'est la fausse revendication du désir, la revendication du d^sir apparent. Le subjecti-visme veut la réalisation de la totalité des désirs actuels y compris les désirs misérables, ceux qui appartiennent au spectacle : "le moment de la subjectivation est le moment de la consommation spectaculaire moderne, y compris sa pseudo-alternative contre-culturelle; c'est le moment de l'illusion de l'authenticité " (N.Bloch, Compte Rendu 1976)

}>n récupérant un aspect de la théorie révolutionnaire —"je veux réaliser ras subjectivité, me3 dosirs seuls comptent, ils ne se discutent pas...", ce qui est exactement un genre de comportement qui a sa ploce dans le spectacle ultra-moderne et de plus en plus le fait fonctionner— le subjecti-viste met dans un langage pseudo-subversif son rêve médiocre de vivre drns l'abondance de la facilité et de la tranquillité.

Il est l'individu de 1'illusion par excellence parce qu'il n'a pas perdu l'illusion, banale mai3 essentielle à la survie du système, qu'il y a quelque part dans cette société un endroit où il "fait bon vivre", ou un statut social ou des gens qui pourraient l'y rendre heureux; il est complètement colonisé nar le spectacle, c'est à dire par l'organisation des apparences du bonheur.

Mais une fois grattée son extravagance de surface, le vernis insolite et cabotin de ses "désirs" et de sa "subjectivité", le subjectiviste est toujours d'un. conformisme affligeant dans ses goûts, ses moeurs et ses aspirations.

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L'humanité sera malheureuse tant qu'elle ne saura pas réaliser ses désirs réels- C'est pourquoi il faut être sans pitié avec les pseudo-désirs, les désirs d'aoparence, les

désirs apparents.

La confusion subjectiviste, et toute son idéologie à la suite, naissent de ce que les désirs viennent indistinctement h la conscience, alors qu'ils sont * la fois désirs authentiques et dôsirs apparents, désirs profonds et superficiels. Dans le conTïit, des désirs contradictoires s'affrontent, Le désir apparent n'a d'autre réalité que d'empêcher le désir authentique d'apparaître comme le désir réel et de chercher sa stisfaction. Quand le désir réel n'est pas réalisé, il donne naissance è de nouveaux désirs apparents, et la fuite en avant continue, l'individu accumule des dettes envers lui-même.

Il n'y a rien de plus facile — mais rien de plus insupportable en fin de compte — que de ne pas intervenir parmi ses désirs, c'est à dire de ne réaliser sans cesse que des désirs apparents, de les consommer. C'est la condition prolétarienne même, la condition subjective de la nouvelle pauvreté.'

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Il ne s'agit donc pss de défendre n'importe quel aspect de la subjectivité, de laisser intacte la partie misérable de la subjectivité, qu'on l'appelle caractère ou ce que l'on veut.

La notion de "dissolution" du caractère, si elle a l'avantage d'indiquer qu'il y a un rapport de force dans l'individu lui-même entre la résignation et la révolution, est pourtant loin d'être satisfaisante.

L'idéologie de la dissolution du caractère sert d'appui k l'absence de critique pratique de la misère quotidienne et au maintien des contradictions. Il n'y aura jamais de révolution, et il n'y en aurait jamais eu, s'il fallait attendre que les gens dissolvent leur caractère avant de se mettre en marche.

La dissolution du caractère c'est la capacité qu'a, ou non, une personne de sortir vainqueur un moment donné d'une situation de double pouvoir, "sa capacité de faire à ce moment là le choix de la théorie, de la vérité, de le révolution.

Ce qu'on appelle dissolution n'a de permanence que pour autant que ces choix et ces moments sont renouvelés dans la vie. Les progrès que fait un individu sont une suite de ruptures approfondies avec le système et les équili bres qu'il tente chaque fois de rétablir. (Il est clair également que certains blocages caractériels sont définitivement détraits et que la lutte n'a donc plus à s'y exercer; mais l'experience montre qu'il ne s'agit pas toujours des blocages centraux.)

A côté de l'exigence d'une dissolution abstraite du caractère (exigence qui n'est qu'une parodie de cohérence et se résume le plus souvent à s'attaquer à ce que l'idéologie révolutionnaire désigne comme criticable)* le spectacle sub-jectiviste est plus ou moins explicitement sous-tendu par la croyance selon laquelle les gens n'ont pas de pouvoir sur lçur subjectivité, qu'elle les domine comme une force étrangère. _n fait, il faut comprendre cette mini-idéologie comme l'argumentation même du renoncement. C'est le désir de conquérir sa propre vie qui en est absent.

Seuls des gens qui nagent dans le spectacle de la révolution s'imaginent que le théoricien révolutionnaire ne rencontre aucune difficulté, aucune résistance en lui-même, qu'il a "dissous1' son caractère magiquement. C'est un effet particulier de leur goût pour la facilité. Il est plus facile de s'imaginer le théoricien comme un Dieu qui vit radicclement sans problème car c'est ainsi justifier sa propre apathie devant la nature divine communiquée à ce héros pour qui les obstacles tombent miraculeusement.

Seulement au-delà de ces illusions, il n'y a justement aucun miracle. Ce que les subjectivistes ne veulent pas comprendre et, en fait, refusent d'en affronter les conséquences dans la vie, c'est que si l'affirmation du désir de vivre dans l'activité pratique critique est une source de joie — une "activité si souvent comique, absorbante, significative, euphorisante, amusante" comme dit K.Knabb — il faut aussi y livrer des batailles qui ne sont pas toujours les causes ou les objets des plaisirs immédiats qu'ils voudraient consommer dans cette activité quand ils l'admirent.

La critique de la vie quotidienne n'est pas à tous les coups si facile, et "pour exciter en soi le hardiesse et Ôter la peur, il ne suffit pas d'en avoir la volonté, mais il faut s'appliquer h considérer les raisons, les objets ou les exemples qui persuadent que le péril n'est pas grand, qu'il y a toujours plus de sûreté en la défense qu'en le fuite, qu'on aura de la gloire et de la joie d'avoir vaincu, au lieu qu'on ne peut attendre que du regret et de 1a honte d'avoir fui."

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"Il faut retrouver toute la vérité, et réexaminer toutes les oppositions entre les révolutionnaires, les possibilités négligées,sans être plus impressionnés par le fait que certein3 ont eu raison contre d'autres, ont dominé le mouvement, puisque nous savons qu'ils.n'ont gagné qu'à l'interieur d'un échec global."

— Internationale >ituationnistef î?° 7

La.théorie révolutionnaire a jus^u'*» présent fait surtout la critique des aspects subjectivistes de l'idéologie, -.-mais elle a trop néglîg? "de mener la critique de sa misère diamétralement opposée : l'aspect intellectualiste de l'idéologie. Cette faiblesse n'eâtt pas le fait du ha-• sard mais elle est due.à ce que le subjectivisme, dans sa naïveté, ses illusions et ses incohérences, est simplement plus visiblement criticable. Ce qu'il faut maintenant critiquer c'est la tendance idéologique contraire qui a trouvé à ne renforcer dans l'existence et le développement du subjectivisme implicite ou explicite d'une partie du "milieu" révolutionnaire.

Jubjectivlsme et intellectualisme ne peuvent être saisis que dans leur (fausse) opposition : le subjectiviste reproche pour l'essentiel b l'intellectualiste son manque de —sensibilité — ls théorie est froide, impersonnelle, cé-rëbra!Tê — et l'intellectualiste reproche au subjectiviste sa sensibilité, elle même conçue comme c^uee de son absence de censée ,source de ses faiblesses,de son csralTtère.

l'aia l'un et l'autre parlent d'une sensibilité et d'une pensée spectaculaires. Ils ne se critiquent pas, ils se reprochent simplement de ne pas être complices du même --spectacle.

>i le subjectiviste cherche ^ se défendre contre la cri-tiquef.11 intellectualiste au contraire, cherche utixT-ser 1a critique même comme défense. C'est le rôle de théoricien qui commence (<;rest très approximativement qu'on a parlé d'un "métier'' de théoricien, puisque là où il y aurait métier,"TT~n'"y aurait plus de théorie. Les choix d'une carrière entrent aussitôt en contradiction avec ceux de la vérité pratique.

Au niveau individuel, l'intellectualisme est centrale-ment un rôle ftéfensif contre se3 propres sentiments que 1'intellectualiste voit comme de simples faiblesses. Il est hanté et tourment^ par la crainte d'être "pris en défaut"; le fétichisme .le la cohérence le menace, c'est la cuirasse situatienniste qui se forme : "Le 'misérable sans theorie' confond la publicité de la misère avec le simple affichage de la misère. Il ne montre de la misère que la misère (...) Inversement le 'théoricien sans misère' dissimule sa misère propre dans l'activité théorique. Le théoricien a à la fois peur et besoin de la miâore des autres car il veut cacher la sienne." (J. Pérès : Du côté du 3ujet, I)

L'intellectualiste est l'individu de l'inhibition de la misère qu'il voudrait faire passer pour son dépassement.

"Plutôt souffrir que montrer ma misère" est sa devise. Mais il oublie le travail qu'accomplit cette inhibition

en lui et. dans ses rapports sociaux. Les souffrances que lfon s'impose, on veut les faire payer aux autres; c'est lfalpha et l1oméga de \q tactique intellectualiste.

L'inhibition de l'aliénation est int'ressée au même titre que 3on étalagé l'une parce qu'elle cherche à se placer dans une position hiérarchique, l'autre parce qu'il organise 18 fuite de l'autonomie- - ......

ôubjectivisme et intellectualisme naissent dans la crise même des vieux modèles hiérarchisés en tant que dernières —résistances à leur dépassement. La pratique de la théorie est affirmation de soi 3ur le monde extérieur : mais la misère de la vie sociale du subjectiviste et de l'intellectualiste vient de ce que l'un ne peut s'affirmer qu' en niant chez autrui sa qualité d'individu autonome et pensant, tandis que l'autre ne peut s'affirmer qu'en niant chez autrui sa qualité d'individu amoureux et sensible.

Alors que le subjectiviste tend à constamment s'approprier le? autres gens — notamment en identifiant sa propre misère h la leur et en créant ainsi des rapports purement •effectifs rvec eux —, l'intellectualiste cherche à constamment les rejeter — parce que notamment, tout rappel, ps>r l'intermédiaire des autres, de sa sensibilité refou-.lée, lui est insupportable : c'est la distanciation parodiée, purement défensive et peureuse, la pseudo-critique pour résoudre des rapports complexes, dénouer des situations difficiles. L'un fait une idéologie de la réconcl-Iiationt l'autre de la séparation.

Ils se sentent tous deux menacés p8r leur propre refoulé qu'ils rencontrent incarné tout entier dans la personna-.lité de l'autre. Alors que le subjectiviste voit dans 1' intellectualiste un monstre de rigidité et de dureté, celui-ci voit dans le premier un monstre de laisser-aller et de faiblesse.

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La petite mythologie que s'édifie l'intellectualiste vaut bien en bêtise celle du pro-situ ou du subjectiviste. Si un subjectiviste ne cesse de se décrire comme un être passionne et ultra-sensible, un intellectualiste s'ennivre des images de la coherence, de la stratégie, de la rigueur comme spectacles particuliers. L'aveu le plus vulgaire de sa mini-ideologie eot à peu près la déclaration :"la vie est un jeu d'échecs."

A ce spectacle de la pensée chez l'intellectualiste cor-respond le spectacle de la passion entretenu par le subjectiviste :'bien qu'ils ne soient pas deux modèles absolus et toujours si nettement délimités, le subjecti-. visme est une tendance de le ferme aliénée, alors que l'intellectualisme est une tendance de la masculinité.

Dans la séparation de l'homme et de la femme, la féminité aliénée,qui se complait dans les images de la sensibilité/ vulnérabilité,est renforcée par le rôle inverse de la masculinité qui se complait dans le spectacle de ls pensée et de la force.

La masculinité trouve donc un terrain où se développer dans le11 milieu révolutionnaire11 quand les rapports entre hommes sont conçus comme des rapporta de "théoriciens". Ils sont, comme dans les rapports masculins dominants, la cause et la conséquence d'une hostilité directe envers la femme, et une volonté de l'exclure de la connivence/ rivalité qui marque ls masculinité et qui est nécessaire au maintien d'un pouvoir de l'homme sur la femme.

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La théorie est inséparablement forme et contenu-

L'intellectualisme est un fétichisme de la forme, c'est à dire une forme privée de contenu; c'est 1'intelligence du but qui voudrait oublier qu'on ne combat l'aliénation par- des moyens aliénés, méprisant le contenu, il ne neut qu'être hostile * sa qualité

Au contraire, et comme misere opposée, le subjectiviste ne voit que le contenu sans saisir la forme; comme il est sans buts,seul lui importe le contenu immédiat. Ses jugements sorit dominés par sa "faculté", plus ou moins mystérieuse et mystique» de "sentir" ou non les gens et les situations; il est incapable d'aller au-delà de ses intuitions immédiates.

Alors que l'intellectualiste sacrifie le contenu vécu è la cohérence de sa forme, pour le subjectiviste la forme de la théorie est "froide"; pour lui, seule le forme est criticable.- Il croit donc faire une véritable critique au projet d'une théorie révolutionnaire en lui reprochant d'être intellectuelle et non sensible.

Mais ce n'est que dans le spectacle — dominant ou révolutionnaire — que la pensée est comprise comme un obs-tecle £ la sensibilité, et que la sensibilité est vue comme un manque de pensée. •

La sensibilité et la pensée ne s'opposent pas ailleurs que dans 1'idéologie : l'idéologue ne peut h la fois sentir et penser, connaître sa pensée comme activité sensible et sa sensibilité comme activité intelligente. Quand il commence à penser, il croit qu'il doit mettre sa sensibilité de côté, et quand il éprouve des sentiments il croit qu'il doit mettre sa pensée dans sa poche.

La théorie n'est rien d'autre que le réconciliation chez l'individu et dans sa pratique de sa sensibilité et de sa pensée, la fin de la pensée et de la sensibilité séparée» " ~~

Janvier-février 1Ç77

fUiy^lli'g^DIoPONIIL^S.Ii^^é?

Les Avènements "ourant3 Volumes 1 et 2

Compté Rendu 1976, per Nadine Blooh

Correspondance : (libeller l'adresse comme suit)

B.?. 167 (Joël Cornuault) 75864 Paris Cédex 18

Dépôt Légal 2 trimestre 1977 Imprimerie jpéc.