LES

EVENEMENTS COURANTS

VOLUME 4, septembre 1977

Devant le» électeur» * têtes de boit et à oreilles lignes, les candidate bourgeois» vètus eu paillasse*, danseront la danse des libertés politiques, se (or cbjnl la face ci la post-face avec leurs programmer électoraux aux louttiples promesses, et parlant avec des taroiea duos les jeux des misères du peuple et avec du cuivre duus la vois des gloires de la Franc*; et les têtes des électeurs de blaire eu cbccur et solidement : lit hau! bi haal

- Paul Lafargne, le f)rott a ht f'orcssr

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LES EVENEMENTS COURANTS

Vol- 4

TOUJOURS SUR LA DECOMPOSITION

Si un large aspect du spectacle promet l'avènement d'un capitalisme humain et de qualité, c'est-au. milieu d'une décomposition qui's'aggrave chaque jour : <5tendue-à tou^Tes secteurs de la vie, impossible à dissimuler, cette décomposition qui avait été perçue pa* l'Internationale Situation-niste, d'abord surtout dans le domaine do l-'art et de le culture, est elle-même devenue un aspect central du spectaculaire .moderne.

Certains ont ainsi pu espérer voir le vieux monde s'installer définitivement dans sa crise, comme 1'Expansion pour qui l'avenir serait fait d'un "mélange insolite de contes-tation et de passivité, de multiplication des conflits et d'affaiblissement des mouvements sociaux traditionnels, de montée des revendications et de consolidation du système en place." (mars 1976)

Ou comme ce sociologue qui écrit carrément : "nous croyons en la possibilité d'une crjsologie. Celle-ci devrait comporter une méthode d'observation quasi-clinique, elle-même liée h une déontologie : les "crisis ccnters" ne doivent pas être seulement médicaux, ils pourraient s'étendre h tous les domaines." (E.TÎorin, Communications -sic- N°c5)t tandis que la décomposition sert des conceptions réactionnaires plus classiques; H.Aron s'interroge : "l'effondrement de 11 sutorité n'est-il pas la vraie et seule "crise de civilisation" (...).Le culte des vedettes, la personnalisation du pouvoir politique témoignent peut-être du besoin ressenti d'un pouvoir charismatique, à défaut d'un nouvoir traditionnel, peu à peu rongé dans tous les domaines, famille, Eglise, université, Ltat." (Plaidoyer pour l'Eurone décadente)

Par ailleurs, et parallèlement à de récentes tendances écologistes souriantes ("il y a assez d'espace, de nourriture et de ressources sur terre pour une population en croissance; la pollution n'est pas en soi un problème insoluble; le fossé grandissant entre les revenus des pays richés et des pays pauvres pourrait probablement être réduit de moitié d'ici l'an 2000", K.Leontieff, Prix Nobel), il y a de la place sous le soleil de l'économie nouvelle pour les marchands de religions, d'optimisme et de "méditation".

Un magazine intitulé "Mieux Etre"(sous-titre : "l'équilibre du corps, l'harmoriie de l'esprit"), représente bien ce courant selon lequel chacun doit être "équilibré et en accord avec soi-même" (publicité pour un "atelier de recentration intégrale") et qui veut vulgariser des recettes pour bricoler sa soumission. Dans sa .rubrique "la maîtrise de soi", cette publication affirme gaiement : "dans les encombrements, au bureau, qu?nd."tout va mal", en vn mot contre le stress, des clés pour garder votre sérénité (...); tout comme sur un

imperméable le pluie frappe sans entrer, les "agents stressants" doivent désormais glisser sur votre énergie vitale1 Et une fois que vous aurez en main les clés de la déconnexion, ce qui naguère vous amenait h bondir vous fera rebondir de plus belle dans le grand jeu de la vie."

La stupidité de ce spectacle du bonheur ne trouve d'équivs-lent que dans le spectacle de la misère qui sfétale un peu partout : "nous sommes des misérables" était, entre autres, le

, titre d'un article de journal. •C'est une même religiosité qui exalte l'amour et le respect de la vie telle qu'elle existe ou bien qui ne cesse d'avilir l'individu,, ses joies et ses tourments. Comme le spectacle du bonheur, le spectacle de le misère s'oppose eu projet d'une vie consciente desaliénée; il entretient chez les prolétaires le sentiment de l'impuissance individuelle et 1'auto-depréciation

Le spectacle de la misère récupère le désespoir et la souffrance réels et les transforme en produits inoffensifs et fatalistes! et le spectateur de 18 misère se repaît d'un dégoût paresseux envers le vie : il aime la misère, en consomme les

• produits culturels dégradés mis h se disposition; il connaît la sienne, se l'aménage; il n'a pcs conscience de la d/cora-

• position, simplement il s'en sert pour justifier se propre passivité

La conscience de la misère doit être dialectisé* 2 "la connaissance de la richesse profonde, dè l'énergie abandonnée dans la yie quotidienne, est inséparable de la connaissance de la misère de l'organisation dominante de cette vie : seule l'existence perceptible de cotte richesse inexploréo conduit h définir par contraste la vie quotidienne comme misère et comme prison; puis d'un même mouvement, à nier le problème. ' (internationale Situatlonniste, îlu6)

î'ais un défaitisme intéressé exhibe sa complaisance : maintenant, la desillusion, le pensée désabusée, le désespoir même qui sont à la base de la critique révolutionneire de la société, deviennent des marchandises d'avant-garde prisées dans les salons.

On voit bien h quel désarmement voudrait conduire ce fatalisme grossier chez un Viansson-Ponté : '?les raisons, écrit celui-ci, de ne pas désespérer, sinon de vraiment espérer, que beaucoup avaient.cru trouverr il y a neuf f>ns bientôt, en dans le

politique, se sont vite évaporées avec leurs illusions. Récupérée ou ridiculisée, la contestation qui n'était pas le révolution» 8 laissé aux meilleurs un goût amer." (r7-?3 fév.77)

Un autre commentateur évoque le monde "où tout s'équivaut et peut s'échanger, où tout est abstrait et insensible" et "dit la souveraineté du nihilisme, l'absence de passion, la perte de l'esprit — l'avènement infini de l'Etat." (27 mai 77)

"désillusion" qui e3t devenue une mode comme une autre.

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C'est sens surprise que, sur ce fond de décomposition géné ralisée, on peut constater le retour en force dans le spectacle des discours moralisants qui ont ces derniers^ temps envahi l'information, les hautes sphères du pouvoir et sa fausse-opposition. Qu'il s'agisse des "droits de l'homme" ou du "pluralisme des ncrtis" sur la scène politique/ de la "répartition équitable des richesses" ou de la "condition des travailleurs manuels", un meme frisson déontologique a parcouru le capitalisme moderne.

Sntre autres, Carter a déclaré : "je prie dieu vingt fois nar jour"; Atteli : "spr?-s le. drame du Vietnam,, la crise énergétique mondiale, les scandales politico-iridustriels du ïatergete et de Lockheed, les désordres monétaires et toutes les crises qui se sont ensuivies, nous savons maintenant que le contenu: économique de notre, avenir -et -eën contenu moral sont inséparables." (L'Lxpress, c-7«09.76) Au cours d'un colloque sur "les éléments constitutifs d'un nouvel ordre économique mondial", on avoue sans détour : "on ne peut dissocier les données matérielles des facteurs spirituels et moraux tels que la orotection dps droits de l'homme ou lo développement culturel, pas plus qu'on ne peut isoler l'édification de l'ordre économique de la solution d'autres problèmes de dimension planétaire tels que la pollution ou le désarmement." (Le îlonde, .7-^ fev.77)

La plupart du temps, la "moralisation" a atteint une nette bouffonnerie, comme dans le ces de ce secrétaire d'un syndicat de police qui a catégoriquement déclaré : "nous préférons des policiers revendiquant et manifestant à des policiers proxénètes et membres d'officines douteuses." Préférence que soutiendrait certainement Marchais selon qui le P.C. "ne peut rester neutre devant la dimension morale de la crise de notre société."

Mais c'est le moins qu'on puisse dire, cette orgie moralisatrice et cet humanisme officiels ne s'appliquent pas partout avec un zèle identique; il n'est qu'à citer l'exemple de la fameuse "bombe * neutrons" qui, généreusement, détruit les hommes mais épargne bâtiments et installations, ou ce digne règlement international selon lequel "les victimes des conflits armés internes ne bénéficieront pas du droit humanitaire", car "reconnaître que les activités militaires des rebelles ont une certaine (sic) légitimité, c'est inviter les rebelles à espérer obtenir, voire môme exiger, le statut de prisonniers de guerre lor3qu'on les capture."

O O O

L'extrême décomposition du langage à laquelle on assiste en est arrivée quant à elle au point d'inquiéter les autorités elles-mêmes.

Un journaliste évoquait dans ce sens "I'industrialisation du langage devenue plus évidente avec chaque nouveau déve-lopperaent des communications• L'électricité, la radio, les voitures, la télévision, les ordinateurs et l'industrie aéro-spatiele produisent leur vocabulaire métallique propre «.. un vocabulaire qui s'est rapidement appliqué £ la description nea seulement d*s macfcineB mais également * celle des hommes." (Newsweek, 4 juillet 77) C'est eux 2tet3-Unis où elle est la plus avancée que cette décomposition est la plus inquiétante : "il n'est pas d'université, relate par exemple Le Vonde, qui n'ajoute à ses enseignements des cours de rédac-tion et de composition", après avoir constaté que "lorsqu'ils écrivent, les jeunes américains s'expriment de moins en moins bien dans leur langue." (^6 fev.77)

Se donnant souvent pour modèles des au-del^s éthérés où le langage serait aboli au profit d'une communication par le •'geste"; le "corps", et autres expériences "indicibles", ou s'appuyant sur la psycho-socio-lingui3tique, une mode actuelle chez les intellectuels s'obstine h valoriser la non-communication,, et à justifier idéologiquement un autisme social qui n'a pourtant"pas besoin de cela pour-se développer. On peut ainsi lire dans une quelconque revue snobinarde : ."alors que le langage exerce le monopole que l'on sait (sic), il nous semble que l'humain est tout autant ce qui lui échappé que ce qu'il promeut, édicté, craint ou élabore. De deux choses» l'une : ou le verbe surmoulsnt tend à exercer un pouvoir de plus en plus absolu, ou ce joug qui permet le "je" se fera de plus en plus ténu, permettant * l'humain de 3'innover l'infini." Ou encore : "perler, et h plus forte raison discourir, ce n'est pas communiquer, comme on le rénète trop souvent; c'est assujettir (...) La langue comme performance de tout langage n'est ni réactionnaire ni progressiste, elle est tout simplement fasciste." (R.Barthes, Leçon inaugurale au Collège de Prance)

Ce pseudo-extrêmisme outlie que ce n'est évidemment pas le langage en soi, mais sa rëification qu'il s'agit de critiquer.

La subversion du langage figé et la critique de son emploi bureaucratique-monopolistique, à laquelle se sont systématiquement livrés par exemple les dadaïstes, et dont sont si éloignés les spécialistes du "signe" et de la néo-culture dégradée, ne neut se confondre avec un éloge ie 1'anti-communication. Les mots décomposés travaillent pour le coraote de 1'organisation dominante de la vie et "la simple anticommunication (...) est sans valeur dans une époque où l'urgence est de créer, au niveau le plus simple comme le plus complexe de la pratique, une nouvelle communication".(I.j. !î°7)

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Contre le négativisme d'Ltat, contre les aménageurs de la misère modernisée, contre l'installation du vieux monde dans sa propre crise'(un médecin Suédois a proposé la création d'une clinique "qui aiderait tous ceux qui ne veulent plus vivre à quitte^ la vie 'en paix et sans souffrir'." Le îîonde), existe une force pratique, le négatif réel de cette fin de siècle, qui va faire regretter à'tous les nécrophiles de la révolution de s'être réjouis si vite.

^ • -De 3owetô à Lisbonne, de Pologne en Italie, et dans toutes les expériences révolutionnaires qui se développent* des milliers de prolétaires montrent avec une lucidité et:rune détermination jamais atteintes jusqu'ici qu'il ne e*8git • pas d'assister 5 la décomposition de cette société mais bien de l'anéantir. •

(Rions au passage de cette prophétie rtialheureuse dfurtô parlementaire Italienne disant à un journaliste au mois de février dernier ; "dans le passé, les esclaves se révoltaient contre leurs chaines, msis aujourd'hui un travailleur de la FIAT n'éprouve même plus assez de hsine pour se révolter"; à quoi a répondu cette nouvelle, proprement ludique : "300 ouvriers de la société 7IAT ont saccagé le vendredi 10 juin, à l'occasion d'une grève de deux heures, une partie des établissements du secteur automobile de î^irafiori et le mo-. bilier qui s'y trouvait, affirme un communiqué de la 'direction- La FIAT dénonce "l'explosion de violence" à Mirafiori, ainsi que la situation dans ses établissements de Materferro è Turin, où, selon le communiqué, le taux d'absentéisme est passé de 15»- à plus de SOP après .le licenciemént de quatre ouvriers auteurs de violences." (Le Monde, jg-13 juin 1977)

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Même pour les pires spectateurs, le mouvement du négatif ne se laisse donc plus identifier à l'activisme réformiste qui 3e concentre dans les nouveaux fétiches contestataires comme la "qualité de la vie", la "croissance concertée", la"lutte contre l'énergie nucléaire",etc. On sait que, loin de redouter ce verbiage, les pouvoirs modernes y découvrent plutôt un moyen commode d'entreprendre les transformations dont il â besoin en laissant les gens débattre et choisir h leur place (débat qui se terminera d'ailleurs psr bien de nouveaux malheurs et : désenchantements : alors que seule importe la question du sens même de la vie, on apprend que "les américains conscients de la question énergétique* auront des voitures plus petites, des éoliennes en ïïd-nom

bre et dvantage d'énergie solaire.*" La belle affaire !)

3i personne ne peut se réjouir de vivre 3ur la gigantesque pou-belle du capitalisme mondial -et h côté d'uain&s-atomiques* avec le mouvement écologique, c'est la corne de la cybernétique qui s'enfonce un peu plus dans les sociétés modernes* Dans 3on univers banîlisé, bureaucratisé et profondément mystique, l'écologie prétend faire la critique du fétichisme marchand, mais elle n'en fait qu'une critique elle-même fétichiste : par exemple, ce qu'il faut critiquer dans la marchandise et son abondance,' c'est le processus d'autonomi-sation par lequel les choses en sont venues à dominer totalement les gens et leur société,' et non le "gaspillage".

Le confusionisme mvstico-bureaucratlqûe des écologistes conduit directement à la circulation des nouvelles marchandises vantées par la "publicité banalisée" : "on voit depuis quelques années émerger une publicité de service public qui prend rang parmi les publicités commerciales, mais dans une forme typiquement négative, incitant la. population à ne jpaa oon-sommer de drogues, d'alcool ou de tabac, à rouler ou à se

chauffer moins.1' (La sociologie de la publicité, G* Lagneau) Et la multinationale Jhell, i>our continuer à vendre son pétrole, se met h vendre de "nouvelles attitudes" et décrit 1-3 zombie moyen au volant de cette façon : "le 'nouveau conducteur1 ne se sert pas de sa voiture pour épater ses copains ni pour séduire les femmes11, il "sait faire un détour quand il en a envie", il "ne place pas sa.voiture sur un piédestal", etc., etc.

C'est donc ce qu'on appelait autrefois le "style de vie" qui devient la matière brute des professionnels de la communication unilatérale. Ces marchands de nouvelles attitudes sont plus dangereux encore que les marchands de canons.

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Les révolutionnaires ne combattent pas le vieux monde et sa décomposition,et leur fausse alternative moderniste,è partir d'un vulgaire passéisme. Nous ne sommes pa3 nostalgiques,et si nous manquons complètement de goût pour l'Etat, comme pour les moeurs en général cybernético-situationnistes des écolochoses de toute farine — sans psrler du "gauchisme" sauce Libération —, nous n'en possédons pas plus pour le soi-disant "communisme primitif", ou le "retour à le terre", ces ponts-eux-ènes des sociologues et des piètres rêveurs.

La révolution qui vient sera totalement moderne : elle reprendra pour elle toutes les vieilles connaissances partielles de la vie, toute 1'humanité déjà expérimentée au cours des luttes mêmes, et elle s'emparera sans•complexe, pour le maîtriser définitivement, de tout ce que le monde moderne a mis à sa disposition et utilise actuellement contre les hommes eux-mêmes et la vie.

( 2èrae trimestre 1977)

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Correspondance : Joël Cornuault - •

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PUBLICATIONS DISPONIBLES B.P. 167

Compte Rendu 1976,.par Nadine Bloch

Les Evénements Courants, vol. 1,2,3

Traductions de l'américain :

- Pouble-Réflexion, par *en ÎTnabb

Derrièrisme, par Chris Shutes

Dépôt Légal: 3ème trim.1977 Imp. Spéciale

1  Un troisième, dans le même veine, présente ainsi un roman : "Pini le temps des oombats. 'Nous n'avons pas changé le monde,

.mes amis Le monde est desert, le monde est blanc comme un vieil os.' Après ce lamento, comment aureit-elle (le romancière en question) cru que mai 68 fut une révolution ?" (?7 mai 77). Comment en effet ? Après la "révolution" c'est la