les

BULGARES

parlent

AV MONDE

Edité par

La Commission d'Aide aux Antifascistes de Bulgarie

47, Rue de la Victoire. 47 PARIS (9®)

C.C.P. Louis LAURENT 344 5.63 - PARIS

1

INTRODUCTION

La COMMISSION D'AIDE AUX ANTIFASCISTES DE BULGARIE a déjà publié une brochure : « LA BULGARIE NOUVELLE ESPAGNE », en mars 1948, qui est maintenant épuisée.

En même temps qu'elle était un cri d'alarme, cette publication retraçait les luttes menées par le peuple bulgare pomr conquérir sa liberté. Par suite du succès remporté (elle fut traduite et diffusée à l'étranger, notamment en Amérique), et de l'intérêt suscité à travers le monde par la question bulgare, la Commission, en possession d'une documentation extrêmement riche sur la situation présente du peuple en Bulgarie, en publie une seconde qui en est un complément.

« LES BULGARES PARLENT AU MONDE » constitue un des réquisitoires les plus sévères qui aient été dressés contre le stalinisme, sa politique à l'égard de ses alliés, les méthodes employées hors de Russie pour exterminer ses adversaires. Elle nous renseigne sur Varc-en-ciel politique et social du pays, les conditions dans lesquelles se déroule le combat, facilitant ainsi la compréhension du chercheur qui veut tirer de ce qu'il lit des tnalyses profitables.

Le lecteur ne s'arrêtera pas à des tournures de phrases qui pourraient l'étonner, s'il se plaçait sur un plan strictement littéraire. Pour ne pas en trahir l'esprit et être sûrs de respecter fidèlement la pensée de l'auteur, — dût la langue y perdre en perfection, —, la Commission n'a pas modifié la forme employée et nous pensons avoir permis, par le pathétique originel qui est souvent le propre du récit et que des modifications de texte n'auraient pu qu'altérer, un rapprochement heureux entre les préoccupations du lecteur et le cadre dans lequel se développe une lutte tour à tour sournoise et bruyante. Ce récit coloré ne serait pas aussi vivant s'il avait été soumis à un français académique qui, en la circonstance, passe après le combat tita-nesque qu'il a pour objet d'évoquer.

Se référant à l'accueil fait à « LA BULGARIE NOUVELLE ESPAGNE t>y la Commission ne doute pas que ceux qui auront lu «LES BULGARES PARLENT AU MONDE* ne sentent, plus encore qu'auparavant, la nécessité impérieuse — le devoir — d'aider, sous toutes les latitudes et par tous les moyens, les vaillants qui, malgré les coups répétés et au périt de leur vie, brandissent sans défaillir le flambeau de la Liberté.

LA COMMISSION D'AIDE AUX ANTIFASCISTES

DE BULGARIE.

Février 1949.

LES BULGARES PARLENT AU MONDE

...... M La liberté ions le sockilUaie, c'eit

le privilège et l'Injustice ;

Le socialisme tons lo liberté, c'est J'esclovage et la brutal Hé. M

Michel BAKOUNINE

LA NÉCESSITÉ D'ÉCLAIRER LES CONSCIENCES

Dans la vie quotidienne, les notions et les mots, à force d'être rebattus, s'usent, perdent leurs sens originel, leur véritable contenu et deviennent équivoques. Alors la compréhension s'avère impossible. Ils sont nombreux ces mots qui ont j)erdu, pour les multitudes, leur véritable contenu: tels sont.par exemple les mots liberté, démocratie.,-

La propagande politique a beaucoup, contribué à dénaturer certaines notions, à semer la méfiance et à développer l'indifférence'générale chez les masses populaires à l'égard de tout effort pour amener l'opinion publique à la cause de la vérité, de la liberté et de la justice humaine. Beaucoup trop souvent, victime.de la duplicité des diverses propagandes • politiques, le public refuse systématiquement d'ajouter foi à quelque parole que ce soit, fût-elle basée sur la réalité la plus manifeste.

Voilà pourquoi nous tenons à déclarer préalablement que nous ne faisons, ni une propagande de parti, ni une propagande sectaire.

Nos intentions sont bien celles de dire la vérité, toute la vérité,, de présenter les faits avec la plus grande objectivité possible et avec la plus grande précision quant au sens des mots pour. éclairer l'opinion publique dans le monde entier, pour éclaircir toutes les consciences et préserver d'abord le§ autres pays d'illusions fatales, contribuer à éviter leurs souffrances ensuite. C'est même un devoir impérieux pour nous : car il est presque impossible aux peuples qui n'ont pas connu la dictature bolcheviste, ni fait l'expérience de l'esclavage et de la brutalité du « socialisme sans liberté », de se représenter la réalité qui les attend, s'ils ne s'organisent pas pour une lutte décisive contre cette peste de l'humanité du XXV siècle^

Et si dans les pages qui suivent et dans d'autres brochures ' ou livres à paraître, nous parlons de Pescflh'age, de la brutalité, de la terreur, on voudra bien se persuader qu'il s'agit de la réalité la plus exacte et non les prendre dans. un. sens de propagande, parce que nous ne demandons rien pour nous à nos lecteurs : ni leurs voix lors d'élections quelconques, ni leur adhésion à nos points de vue ou à nos organisations^ Nous voudrions simplement leur indiquer la vérité et les laisser agir en conséquence.

La lutte contre le bolchevisme n'est pas une lutte de parti, ni de classe même. C'est la résistance de la civilisation contemporaine, de la culture humaine, contre l'asservissement total de l'homme, contre la brutalisation humaine, contre le machiavélisme politique et le jésuitisme social, ainsi que contre une véritable maladie contagieuse de la psychologie même <le l'homme, représentée par les adeptes de Lénine, Staline, Dimitroff et compagnie.

Notre action n'a d'autre but que la sauvegarde de l'individu, la défense de la cause humaine. Rien que cela.

LES COMMUNISTES BULGARES D'AUTREFOIS

ET D'AUJOURD'HUI

Il est assez ardu pour la raison normale d'un homme du XXe siècle de parcourir, avec toutes ses sinuosités, le long chemin de la courbe idéologique et tactique des communistes bulgares, et plus difficile encore d'admettre qu'un mouvement politique, dénué de principes stables et humains, puisse encore exister et passer pour progressif.

• Importé en Bulgarie par des intellectuels qui avaient formé un parti social-démocrate orthodoxe dans un pays de petits propriétaires agricoles, le socialisme de Marx était resté en dehors du grand mouvement national-révolutionnaire dont le but était la libération immédiate des Bulgares en Macédoine et en Thrace; ce mouvement ne contenait rien d'impérialiste et enthousiasmait toute la jeunesse progressiste de l'époque. Pendant tout ce temps, le parti social-démocrate se bornait à éditer des brochures de propagande marxiste sans tenir compte, ni de la structure économique et sociale du pays, ni des conditions historiques du développement du peuple bulgare.

Plus tard, lorsque la scission du parti engendra deux partis social-démocrates : des socialistes « chiroki » (larges) et des socialistes « tesni » {droits), de longues luttes fratricides s'engagèrent, où les « tesni (les communistes d'aujourd'hui) accusaient les « chiroki » d'opportunisme,' de collaboration avec la bourgeoisie, de patriotisme chauvin, etc...

Cependant, cela f e les a pas empêchés de soutenir une politique pro-allemande, parce que la thèse anti-slave de Marx était encore à la mode parmi eux; ils ont exercé de cette

façon une certaine influence dans l'orientation de la Bulgarie •vers l'Allemagne et sa participation à la première guerre mondiale.

Plus tard encore, lorsqu'après la guerre, ^vers les annéee 1919-23 où la situation du pays, comme d'ailleurs partout en Europe et surtout dans les pays voisins, devenait extrêmement révolutionnaire et particulièrement favorable à l'essai d'une transformation profonde de la société, les communistes continuèrent leurs campagnes sectaires contre tous les secteurs progressistes, ils organisaient des fêtes et des parddes dans les rues et faisaient leurs campagnes électorales traditionnelles.

Lors du premier coup d'Etat dirigé autant .contre le .gouvernement agrarien de Stamboliyski que, et plus encore, contre la classe ouvrière — moment décisif pour le peuple bulgare tout entier — les communistes se sont tenus non seulement en spectateurs, mais certains de leurs chefs se sont mis au service des militaires en traversant en camions les rues,pour calmer les masses, leur expliquant qu'il s'agissait d'une lutte entre les deux bourgeoisies et qu'il s fallait les « laisser s'entretuer ».

Après les reproches de Moscou, ils « se sont rendu compte <ie leurs fautes » et les mêmes chefs qui avaient agi de la sorte le 9 juin 1923 —■ les mêmes toujours qui gouvernent aujourd'hui la Bulgarie —, pour sauver leuç propre prestige auprès des maîtres de la Troisième Internationale, ont décrété un mouvement insurrectionnel au mois de septembre de la même année, mouvement vite liquidé parce que organisé à la légère et découvert au préalable par la police fasciste. Ce fait est de peu d'importance: on ne devient pas révolutionnaire en 24 heures et les chefs communistes ne l'ont jamais été, ni avant, ni depuis ces événements.

Le soulèvement de septembre 1923 a été plutôt un passif qu'un actif pour les chefs communistes et leur parti. C'était un grand malheur pour les travailleurs des villes et des campagnes et pour tout le mouvement révolutionnaire, parce que le gouvernement en a profité comme d'une provocation pour anéantir plusieurs milliers d'ouvriers et de paysans et justifier toutes les) répressions contre le mouvement révolutionnaire destinées à préparer soigneusement le chemin du fascisme qui s'instaurait en Bulgarie.

En ce temps, un mouvement de maquis très important, par lequel le peuple commençait à organiser sa résistance, allait surgir partout dans le pays. A la tête de ce mouvement, ont été presque toujours les anarchistes. C'étaient tout d'abord Georges Popoff, les frères Balkhoff et d'autres anarchistes de Kili* farevo, qui, après une forte résistance de quelques jours à l'armée de Tirnovo lors du coup d'Etat du 9 juin 1923, se sont retirés dans la montagne. Ils ont organisé une compagnie de partisans qui domina la région jusqu'à la fin du mois de mai 1925.

C'étaient aussi les anarchistes Tinko Simoff et Vassil Saint Popoff — « Gerflya » (le héros), dans la région de Pleven (districts de Lovetch, de Troyan, de Sivlievo), Stefan Ivanoff et Dinko Popoff, dans la région de Sliven, Velko de Streltcha (district de Panagurichté), Vassil Ikonornoff — la plus grande figure révolutionnaire de l'époque, dans toute la région de la montagne de Sredna-Gora, les frères Toumangueloff, dans la même région, tous devenus légendaires, qui ont organisé la même année 1923 et les années suivantes de 1924, 25, 26 et 27, un vaste, mouvement de résistance révolutionnaire effarouchant tous les représentants de l'Etat fasciste et encourageant les masses populaires.

Les communistes qui, à cette époque, soutenaient (en théorie seulement) leur tactique de la lutte de classes, de la lutte sociale des masses sur une grande échelle, n'avaient donné aucune figure révolutionnaire.

Cependant, leur tactique ne les avait pas empêché d'organiser le sinistre attentat (sans jamais le reconnaître ouvertement) dans la cathédrale de Sofia, le 10 avril 1925 — une tuerie atroce et stupide sans résultat réel, mais utilisé seulement par le gouvernement pour entreprendre une fois de plus des exécutions en masse d'anarchistes, d'agrariens et de communistes dans tous le pays.

Pendant les premières années de la deuxième guerre mondiale, les communistes bulgares, comme ceux de tous les pays d'ailleurs, ont alimenté dans les masses populaires l'illusion d'une entente secrète entre Hitler et Staline, d'après laquelle, en cas d'échec, Hitler se serait mis d'accord avec Staline, et... le socialisme « serait réalisé ». Et comme la position de la Russie « socia'iste » était inexplicable et inadmissible pour la classe laborieuse et les hommes de progrès, un des leaders communistes, Xodor PavlofT, devenu régent après le 9 septembre 1944, édita une brochure intitulée : « Obarkanile Ponyatya » (les notions confuses), dans laquelle il s'eiTorçait de convaincre les « ignorants » que les relations d'amitié entre l'Allemagne nazie et la Russie « socialiste » étaient tout à fait naturelles.

C'est seulement après la rupture de ces relations au mois dé juin 1941 que les communistes * ont adopté la tactique .des partisans, parce que cette fois-là, c'étaient les intérêts de leur « patrie » (U.R.S.S.) qui étaient mis en jeu. Ils ont alors organisé, en contradiction flagrante avec leur théorie classique de lutte des classes et de lutte sociale des masses, un mouvement de maquis. La formation des compagnies se faisait par ordre v d'en haut »„de la même façon que dans le service militaire d'Etat —■ par mobilisation. Ce mouvement de résistance n'a pas donné de grands résultats, car Ja plupart du temps les maquis communistes avaient soin de se terrer au lieu d'agir et d'entreprendre quelque action d'envergure. Aucun sabotage important n'a été organisé dans le pays.

A cette époque remonte l'origine d'une ^nouvelle » tactique, celle du « front de la patrie ».

Les communistes avaient, déjà oublié toutes leurs critiques de l'opportunisme et de la collaboration avec la bourgeoisie, toutes leurs attaques contre le parti socialiste à cause de cette tactique pendant do longues années. Ou peut-être..., ils « se sont rendu compte de leurs fautes » du passé (encore une fois, niais maintenant en secret, bien entendu), et ils ont décidé d'agir en conséquence. Et pour mieux corriger « leurs fautes du passé », ils sont allés plus loin que leurs frères socialistes: cette fois, ce ne sont pas seulement certains secteurs de la bourgeoisie y qui ont reçu l'invitation de participer au « front de la patrie », non, c'est toute la bourgeoisie, sans aucune différence entre la petite, la moyenne ou la grande bourgeoisie, ni dans leurs, partis politiques, en commençant par les agra-riens, passant par les socialistes (sans les qualifier cette fois de chauvins, ni d'opportunistes), les militaires en réserve et les fascistes (les véritables en Bulgarie) du cercle « Zveno », les démocrates de Mouchanoff et pour fthir les « narodnyâtzi » de Bouroff (la haute finance, les banquiers). La porte était largement .ouverte pour tous, car la patrie devait être'sauvée (il s'agissait en fin de compte* bien entendu, de leur « patrie », la Russie). Heureusement les démocrates et les narodnyatzi se sont obstenus et le fameux « front de la patrie » s'est formé des communistes, en tête, des agrariens, des socialistes et du cercle Zveno (les organisateurs des deux coups d'Etat de 1923 et 1934, les introducteurs et les théoriciens du fascisme en Bulgarie). Plus tard, pour contrebalancer le départ des vrais agrariens et des socialistes (avec N. PetkofT et K. LoultchefF)-qui privait la,coalition de son contenu et pour faire impression à l'étranger, les communistes ont fait entrer aussi une poignée de radicaux de Kostourkoff, avec leur chef représentatif en tête. Et tout ..cela fait aujourd'hui le * front de la patrie », représentant la « démocratie populaire », édifiant le « socialisme » qui gouverne en Bulgarie.

Chez les communistes, tout est stratégie et tactique, même dans la vie privée de chacun de ses leaders. C'est toujours leur stratégie et leur tactique (celle des chefs) qui déterminent leur ligne de conduite, leur morale individuelle.

C'est ainsi qu'agissant d'accord avec leur stratégie personnelle, ils se font très souvent des traîtres au mouvement ouvrier et révolutionnaire, et même à leurs propres amis.

Par exemple, les deux grands chefs du parti communiste, « le héros de Leipzig, le chef et le maître du peuple bulgare », Georges Dimitroff, et son ami, Vassil KolarofT, après avoir décrété le soulèvement de septembre\1923, un mouvement artificiellement créé pour le prestige du Comité Central du parti communiste, se sont enfuis sur un chariot en Yougoslavie avant que le soulèvement n'éclate et personne ne les a vus nulle part au cours du soulèvement.

D'une façon analogue, deux autres leaders distingués, « le Général lieutenant, président du Conseil supérieur. d'Economie Nationale, ancien chef de l'Etat-Major de l'armée des partisans » et en réalité ancien berger, voleur de chevaux et aubergiste d'un village, qui n'avait même pas terminé ses années d'études à l'école primaire, Dobri TerpechefT et 1' « Académicien et ex-Régent » (les titres ne leur manquent jamais) du prince Siméon III, ; Todor Parloir, que nous avons déjà cité plus haut, étant internés dans la prison centrale à Sofia, ont dénoncé à la police l'existence d'un canal souterrain que les prisonniers .préparaient en grand secret pour permettre la fuite des condamnés à mort.

Cette trahison, pour son importance, mérite d'être relatée avec quelques détails. La préparation de ce canal avait été magnifiquement organisée : c'était le plus long qui ait été connu: 38 mètres. Au moment où il avait atteint 3(j mètres (il n'en restait-que 2 pour l'achever), Dobri TerpechefT, ayant appris le secret sans en savoir encore les détails, avait publié dans la presse communiste une lettre adressée à la Ligue des Droits de l'Homme, dans laquelle il « dénonçait » la police, préparant, disait-il, une provocation en organisant la construction d'un canal souterrain dans la prison, pour trouver un prétexte de tuer des prisonniers politiques au moment où tout le monde attendait une amnistie générale promise par le gouvernement. Par suite de cette publication, la police avait fait la perquisition la plus minutieuse à deux reprises sans pouvoir rien découvrir.

Un peu plus tard, Dobri TerpechefT, ayant appris par le prisonnier Tenu Geleff l'entrée exacte du canal, l'avait confié à Todor PavlofT qui le dévoila à la police. Le canal alors fut tout de suite découvert.

Devant cette indigne trahison, toute la prison se révolta et voulut tuer les traîtres. Grâce à l'intervention de deux anarchistes, qui exerçaient une grande influence sur tous les prisonniers, le scandale fut évité et les traîtres sauvés. Todor Pavloff ne reçut que deux gifles de son ami Todor Kostoflf, un communiste assez connu. Quelques jours plus tard, PavlofT, ne pouvant plus supporter l'indignation des prisonniers et craignant qu'ils ne se vengent, fut transféré, sur sa demande, dans la prison de Plovdiv.

Toujours de la stratégie et de la tactique ! |

LA TACTIQUE COMMUNISTE A L'ÉGARD DES AUTRES SECTEURS POLITIQUES

Depuis les temps de l'empire romain, de Machiavel et d'Ignace Loyola jusqu'à nos jours, il n'y a rien de nouveau pour les communistes. .C'est toujours la vieille tactique, connue sous la formule: « Divide et impera! », ou « la lin justifie les moyens ». Ceux qui ont observé la conduite des agents de Staline en Espagne de 1930 à 1939 connaissent bien cette tactique. Diviser et dominer ! Collaborer et conspirer avec les uns contre les autres ! Mentir et tuer ! Diviser pour absorber ! Mentir pour diviser et tuer pour dominer ! Et surtout: diviser, absorber et dominer ! Voilà la tactique des Jésuites contemporains.

En Espagne, diviser les républicains et les socialistes, collaborer avec les ailes droites pour les utiliser contre les ailes gauches, collaborer et conspirer avec n'importe qui pour tuer les anarchistes, étouffer la Révolution pour absorber les masses travailleuses « restées sans bergers » et dominer tout le monde.

En Bulgarie, diviser les agrariens, les socialistes et même les radicaux du parti microscopique de KostourkofT, essayer de diviser, sans résultat d'ailleurs, le cercle « Zveno » et les anarchistes, sans aucun succès, utilisant quelques individus parmi les anarcho-syndicalistes, vite démasqués et liquidés moralement par la Fédération des Anarchistes Communistes Bulgares (F.A.C.B.)

Toujours diviser pour absorber et dominer les masses paysannes et ouvrières, et toujours collaborer avec les droites contre les gauches, avec les plus réactionnaires, avec les valets politiques contre les hommes les plus progressistes et les plus dignes! Diviser ceux qui doivent être absorbés et tuer ceux qui ne peuvent être dominés! Collaborer avec les uns pour liquider les autres et dominer ensuite, sur tous ensemble ! Mais collaborer de préférence avec les droites contre les gauches, c'est presque une règle.

On s'étonne donc aujourd'hui en entendant la propagande anglo-américaine qualifier de gauches les socialistes en Italie et ailleurs, qui collaborent avec les communistes. Pour quelle raison sont-ils de gauche, nous ne le savons pas, mais jusqu'ici, c'était tout le contraire. En Bulgarie, avec les communistes, marchent ceux qui ont la plus grande peur pour leur passé de criminels en politique, les fascistes, méprisant le peuple et détestés par lui.

Et on tue encore, d'accord avec la tactique du jésuitisme contemporain. On tue n'importe où, n'importe comment, par n'importe quel moyen: tout d'un coup ou par des tortures, vite ou lentement, dans la milice ou dans les prisons, par la sentence d'un tribunal officiel ou sans aucun jugement, dans les usines et les ateliers ou dans les camps de concentration, par des travaux épuisants et une nourriture insuffisante. On tue les vieux et les jeunes sans aucune différence, sans aucune pitié; on tue ceux qui ne peuvent pas s'adapter et se laisser dominer. On tue pour dominer.

LES AMIS ET LES ENNEMIS DES COMMUNISTES

Quels sont alors leurs amis, et quels sont leurs ennemis?

Celui qui connaît bien la différenciation sociale en Bulgarie ne peut pas ne pas reconnaître que la classe laborieuse la plus nombreuse et la plus progressive, ce sont les paysans — les tout petits propriétaires agricoles; le prolétariat tel qu'il existe dans les pays industrialisés ne représente qu'une partie minime de la population bulgare.

Eh bien, si l'on admet que dans la lutte quotidienne pour l'amélioration de la situation matérielle du peuple travailleur ou la transformation sociale, les prolétaires doivent collaborer avec d'autres couches sociales, c'est précisément aux paysans qu'il faut s'adresser.

D'autre part, si le contact avec les partis politiques s'impose quelquefois pour coordonner leurs efforts, c'est en premier lieu sur les agrariens et leur Union qu'il faut compter pour obtenir des résultats réels, car ils représentent la grande majorité de la population travailleuse de la campagne; c'est aux anarchistes et leur Fédération (F.A.C.B.) en second lieu qu'il faut offrir la main, car ce sont les éléments les plus combattifs et les plus progressistes, et ils exercent d'autre part une certaine influence parmi les ouvriers et les paysans en divers villages et villes importantes; c'est aux socialistes en troisième lieu qu'il faut s'adresser, car leur influence s'étend dans les milieux intellectuels.

Que voit-on en réalité ? Quelle a été dans le passé et quelle est aujourd'hui la position du parti communiste à l'égard des paysans, des agrariens, des anarchistes et de la F.A.C.B., des socialistes et de leur parti ?

En 1923, au moment de l'attaque lancée contre les agrariens, par les militaires et par tous les partis bourgeois bien organisés dans le coup d'Etat contre le gouvernement de Stamboliyski, les communistes ont préféré la « neutralité » et ont laissé « les deux bourgeoisies s'entretuer ».

En 1946, ils ont organisé la scission parmi les agrariens en favorisant ouvertement le coup d'Etat dans leur Union. En 1947, ils ont tué leur chef, le plus honnête et le plus vénéré, Nicolas Petkoff, et ont envoyé tous les autres leaders en prison et dans les camps de concentration.

D'autre part, ils appliquent une politique économique hostile et désastreuse pour les paysans, qui tend à les « prolétariser > et les conduire à une misère générale.

Par tous ces actes, les communistes ont aggravé Tanciennt méfiance entre les campagnes et les villes et ont encouru le mépris tenace des paysans.

Par la même tactique à l'égard des socialistes, ils les ont éloignés pour toujours de leur parti. C'est pour cela qu'aujourd'hui, les socialistes et les agrariens qui collaborent encora avec les communistes, ne représentent que des firmes dénuées de tout contenu.

Quant à la position des communistes envers les anarchistes, leur hostilité et leur intransigeance sont connues depuis longtemps. Ils les ont attaqués tout le temps et à plusieurs reprises dans leur presse, ils les ont provoqués dans toutes les réunions publiques et ils les ont massacrés en Bulgarie et en Russie.

C'est ainsi qu'à Plovdiv, une fois, avant le coup d'Etat de 1923, au 1" mai, les communistes ont demandé des armes à la police et avec elle attaqué une réunion d'anarchistes, n'ayant pu résister à leurs critiques dans les discussions engagées par eux.

C'est ainsi qu'à Beli-Mel ils ont provoqué un incident, causant la mort de quelques paysans.

C'est ainsi que Todor Pavloff, leur théoricien, alla faire, en 1922, à Yamboli (bastion anarchiste d'autrefois et d'aujourd'hui même), une conférence sur « le communisme et l'anar-chisme », sans se soucier des principes et ne prononçant que des injures destinées à provoquer un scandale et compromettre les anarchistes.

C'est ainsi que l'ancêtre du mouvement de résistance révolutionnaire en Bulgarie, l'organisateur de l'attentat contre le roi Boris III, à Araba-Konak, attentat qui échoua parce qu'on ne voulait pas le tuer, mais le saisir vivant et lui dicter une amnistie générale, Vassil Ikonomoff, la plus grande figure du mouvement révolutionnaire bulgare dans la première moitié du XX* siècle et qui, dans un autre temps et des conditions plus favorables, aurait pu être un Garibaldi ou un Bakounine, a été lâchement tué en 1925 par deux communistes instituteurs à Belitaa, sur l'ordre du Comité central du parti communiste, quand il cherchait à échapper à une poursuite farouche de l'armée et de la police. Après lui avoir offert leur «hospitalité», ils l'ont fusillé par surprise au moment où, déshabillé, il était en train de se baigner dans la rivière. Quelques jours plus tard, son cadavre fut découvert et identifié, îpour la plus grande joie de la police. Il a été photographié et sa photographie publiée dans toute la presse pour tranquilliser tous ceux qui avaient peur d'Ikonomoff.

C'est ainsi que quelques maquisards anarchistes ont été fusillés de la même façon (dans la nuque), par les communistes dans la montagne, alors qu'ils avaient combattu côte à côte. Nous ne voudrions mentionner ici qu'un cas très significatif, celui de l'anarchiste bien regretté, Radko Kaïtazoff, agronome, directeur de l'école agricole d'hiver à Ladjené, son village natal.

Kaïtazoff était le fils d'une vieille famille cultivée et influente dans toute la région montagneuse de Ladjené. Son perc est l'un des premiers militants coopératcurs en Bulgarie, a impulsé pendant de longues années toutes les initiatives de coopératives dans le village. L'influence et la popularité du père avaient grandement facilité la carrière agronomique et sociale du fils. Aussi Radko avait organisé le premier club des anciens élèves de l'école agricole d'hiver, unique dans son genre, qui prenait de nombreuses initiatives de grande envergure économiques, éducatives et sociales: bientôt toute la jeunesse l'avait rejoint et soutenu.

KaïtazofF connaissait une grande popularité dans toute la région et son œuvre éducative portait ses fruits dans les milieux agronomiques et agricoles de tout le pays. Dans son travail éducatif, il ne manifestait aucun esprit sectaire et n'avait même pas souligné son point de vue idéologique, mais puisque tout le monde le connaissait anarchiste, c'était le mouvement anarchiste lui-même qui gagnait de l'influence. Voilà pourquoi tous les éléments réactionnaires avaient entrepris une campagne contre Kaïtazoff, contre ses initiatives et contre l'école agricole elle-même. Enfin, il avait été envoyé dans un camp de travail, l'école avait été laissée sans directeur et privée de son inspirateur bien aimé.

A cette occasion, un scandale s'était produit même au Conseil des Ministres. Le Ministre de l'Agriculture lui-même s'était fait le défenseur de Kaïtazoff contre les attaques du Ministre de la Guerre. Enfin, Kaïtazoff avait été libéré et rendu à son service de Directeur à la même école.

Mais les réactionnaires ne voulurent pas se croiser les mains et se tranquilliser. Un jour, il fut de nouveau arrêté et réussit à s'enfuir dans la montagne. Par la suite, 11 se mit en contact avec les maquis communistes de cette région. Mais avant la c libération », le 8 septembre 1944, il fut tué un jour tout lâchement comme Ikonomoff, par surprise, dans le dos (1).

(1) Tout le monde connaît les assassins do Kaïtazoff. L'un d'eux, ne •ouvant plus supporter le mépris général de la population, est devenu fo» et en est mort par la suite. Aucun paysan ne voulut aller à son enterrement

Ses os reposent dans la montagne, alors que ses bourreaux gouvernent aujourd'hui la Bulgarie, décorés de toutes sortes «d'ordres et de différents titres : de colonel, général, etc...

C'est ainsi que tous les anarchistes qui ont échappé aux persécutions durant les années 1923, 24 et 25 et ont cherché refuge en Russie, ont été supprimés plus tard. Parmi eux se trouve le vieil anarchiste Iïadjinikoloff, ingénieur chimiste, une ligure «oble et représentative. Hadjinikoloff, ayant vécu plusieurs .années à Istanbul (il a été agrégé à l'Université d'Istanbul), avait organisé le transfert en Russie de tous les communistes et anarchistes qui s'étaient réfugiés en Turquie, pendant les mêmes

années.

, t

' C'est ainsi enfin que les anarchistes en Bulgarie sont sans cesse pefsécutés aujourd'hui et se voient obligés de jouir de cette i libération » dans les camps de concentration bolchevistes.

Tous ces gens-là, agrariens, petits propriétaires, anarchistes et socialistes, sont considérés comme des ennemis par les communistes; ils sont traités comme tels et destinés à être «liquidés».

Quels sont, alors, les amis des communistes ?

Il ne reste que les anciens fascistes qui se sont courbés devant le joug bolcheviste et qui occupent tranquillement leurs postes dans les différents services d'Etat. Il ne reste que les traîtres, peu nombreux, parmi les agrariens et les socialistes. Il ne reste enfin que les militaires de réserve du cercle « Zveno » autour de K. Guéorgieff, le conspirateur professionnel contre le peuple bulgare, représentant de la bourgeoisie fasciste; d'ailleurs, ils ne sont pas non plus fidèles, mais demeurent liés aux communistes, craignant pour leur vie.

Au point de vue social, les communistes bulgares n'ont plus aucun ami, ni parmi les ouvriers, ni parmi les paysans, ni parmi les intellectuels. Et dans ces conditions, ils s'efforcent d'édifier le socialisme. A la bonne heure !

LES MÉTHODES POLICIÈRES DE LA MILICE COMMUNISTE

Alors, l'édification d'un « socialisme » pareil n'est possible que par la violence et la terreur assurées par une police de parti, appelée Milice, dont les méthodes vsont suffisamment connues par tout ce qu'on sait de la Gestapo et de la NKVD.

Voici un extrait d'une lettre qui nous a été envoyée, il y a presque un an, émanant d'un intellectuel sans parti, qui parle très objectivement à ce sujet

« Je ne veux pas vous raconter, dit-il, tout ce que j'ai entendu dire des différentes méthodes de tortures de la milict, héritées de la police fasciste et perfectionnées par les communistes bulgares, sur les instructions et les conseils des agents de 1» N.K.V.D. russe. Je ne veux vous parler, ni des douches froides, ni des bains de vapeur chauds, ni des gouttes d'eau qu'on laisse tomber par intervalles réguliers sur la tête nue des victimes, ni des lampes électriques éblouissantes de grand voltage et plusieurs autres méthodes qui sont assez connues. Ce n'est pas pour cela que je n'y crois pas, puisque rien n'est impossible pour la criminelle férocité des disciples de Staline, mais je préfère vous décrire ce que j'ai connu et vu moi-même.

« Tout d'abord, il faut vous dire que je ne suis pas un anarchiste et reconnaître, bien que les anarchistes soient considéré» comme les pires ennemis par les communistes, que jusqu'à maintenant au moins, ils n'ont pas été traités dans la plupart des cas avec toute la cruauté raffinée dans laquelle la milice communiste s'est bien spécialisée. Cela s'explique en partie par la conduite même des anarchistes qui n'attaquent les communistes que sur le terrain idéologique et en partie peut-être par le prestige révolutionnaire dont les anarchistes jouissent auprès des masses populaires, ou par d'autres considérations encore, qu'il est inutile de traiter ici. Or, c'est un fait qu'à part quelques exceptions où certains anarchistes ont été cruellement battus, la milice se contente de les faire envoyer, avec persistance cette fois, dans les camps de concentration où tout de même leur extermination lente est bien assurée.

« Je viens d'être relâché d'une arrestation prolongée. Je n'ai subi aucune torture physique directe. Tout de même, tout ce dont je me suis fait involontairement témoin et tout ce que j'ai vu de ce système de cruauté froide, d'isolement absolu et très prolongé, presque interminable, si les intérêts de l'interro-tion ou les caprices des inspecteurs l'exigent, et d'autres tortures m'a fait entrevoir toute l'atrocité indescriptible dont peut se vanter la milice communiste.

On peut vous arrêter dans la rue sans que personne ne se rende compte de ce qui est arrivé. Mais le plus souvent, c'est à la maison qu'on vous arrête, de 4 à 5 heures du matin. S'il n'y a personne au moment de votre arrestation, votre famille et vos amis apprendront avec certitude que vous êtes arrêté, lorsqu'on vous envoie au camp de concentration ou lorsque, par bonheur, vous êtes libéré.

« Vous êtes amené à la milice en plein secret et vous pourriez y rester 2, 3, 6, 9 mois, même une année entière, autant qu'il est nécessaire pour la milice, ou disparaître même, sans que personne puisse le savoir.

« A partir du moment où vous entrez dans votre cellule jusqu'à la fin de votre arrestation, vous ne voyez que les sentinelles et les gardiens par le judas, le milicien qui vous apporte trois fois par jour la nourriture, les inspecteurs qui passent de temps en

temps la révision et ceux qui vous interrogent. Quand on vous «conduit a l'interrogatoire ou au cabinet d'aisance, les porte* du couloir se ferment au préalable, tout mouvement s'arrête, vous êtes obligé de marcher vite, sans retourner la tète; si par hasard, quelqu'un doit passer en même temps, ou si vous deves -attendre un peu dans le couloir, on vous fait tourner la téta vers le mur et regarder un point fixe. .

« Tout le personnel vous parle d'une voix très basse et avec un mystère impressionnant; alors vous êtes obligé vous-même de parler en chuchotant.

« Une autre méthode de torture indirecte se réalise par la nourriture. En entrant, j'ai été mis dans la cellule d'un prisonnier qui était détenu depuis 50 jours. En me voyant, il m'a dit tout de suite : « Savez-vous quel est mon rêve le plus cher en ce moment ? De sortir d'ici et de manger au moins une fois autant que je veux! Vous ne comprenez pas quelle faim insatiable me déchire... »

« J'ai souri alors à cette déclaration, parce que je n'avais pas encore eu la possibilité de voir et de comprendre toute la réalité cruelle provenant d'une nourriture insuffisante. Plus tard, quand j'ai constaté moi-même que la nourriture qu'on donne n'est destinée, par sa faible quantité et par sa qualité nutritive douteuse, qu'à maintenir la fonction régulière du système digestif, j'ai compris très vite qu'elle provoque peu à peu, en vous affaiblissant continuellement, une faim qui vous torture davantage que n'importe quelle torture directe; j'ai compris alors qu'il était plus facile de résister un certain temps sans rien manger (car j'en ai l'expérience), que de ne manger que très peu pendant des jours et des mois.

< Et puis, cet isolement très prolongé du monde extérieur, cette incertitude, sans savoir pourquoi vous êtes arrêté, sans être interrogé au commencement pendant des jours et des semaines; ces interrogations prolongées ensuite, continuellement de jour et de nuit, cela c'est quelque chose d'épouvantable. Le système nerveux le plus ferme n'y résiste pas.

<* J'ai tout de même résisté et je crois que je pourrais résister davantage à toutes ces tortures indirectes.

« Mais ce à quoi je ne pourrais résister un seul jour, c'est * à la torture incroyable, dont venait de se plaindre mon compagnon de cellule.

« Il a été obligé de rester debout, en regardant un point fixe, pendant 15 jours et nuits, sans aucun repos, même pour les» repas. Il est tombé plusieurs fois, les gardiens étaient rentrés pour l'obliger à se lever de nouveau. Ses jambes et ses pieds s'étaient tellement agrandis que les jambes des pantalons s'étaient remplies et les chaussures ne tenaient plus : il a fallu les déchirer pour y mettre les pieds. Et j'ai pu voir de mes propres yeux que la peau de ses jambes était devenue morte et se décollait déjà.

« Je lui ai demandé : « Comment n'avez-vous pas inventé quelque chose pour qu'on vous laisse en paix ? » J'avais, perdu toute faculté de penser —, reprit-il, et comme on ne m'avait rien demandé de concret, je ne pouvais rien inventer...»

En terminant cette lettre, le lecteur peut s'expliqur très facilement pourquoi personne n'a résisté à ces méthodes policières, ni en Russie, ni en Bulgarie.

On voit que pour les communistes, les lois, môme leurs propres lois, n'existent que sur le papier, que tout traitement arbitraire sans limite est permis pour arriver au but désiré par la police bolcheviste.

Il est clair alors qu'il vient un moment où le dégoût de 1» vie même, dans ces conditions insupportables, déborde, et o* est alors prêt à signer n'importe quelle déposition et à se reconnaître coupable de n'importe quel crime inexistant.

QUELS SONT CES HOMMES QUI PÉRISSENT DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION

BOLCHEVISTES

Il est impossible et même inutile de donner ici la liste complète des anarchistes qui ont passé plusieurs fois par les camps de concentration bolchevistes, ni même de ceux qui y sont encore et y périssent.

Nous voudrions rappeler seulement les noms de quelques-uns d'entre eux, en donnant leur âge, leur profession, leur conduite antifasciste et opposée à la réaction, en résumé, leur activité d'anarchistes et de militants dans les luttes syndicales, pour mieux présenter à l'opinion publique mondiale quels militants ouvriers, quels hommes dignes et honnêtes remplissent les. camps de concentration de la * démocratie populaire » et du gouvernement appelé « ouvrier et socialiste »> alors que les vrais ennemis des travailleurs de la campagne et des villes et du socialisme lui-même, les fascistes et les bourreaux du peuple bulgare, sont au gouvernement aux côtés des communistes.

1. ÀNDON DOMOUSTCHIEFF, 42 ans, ouvrier tourneur, anarchiste, membre de la F.A.C.B. à Yatnbol, interné au mois de novembre 1947, au camp de « Cuciyan », seulement pour sa propagande anarchiste et favorable à une organisation syndicale libre.

2. ATANASS DIMITROFF, 27 ans, ouvrier mineur, anarchiste, membre de la F.A.C.B. à Stara Zagora, interné au camp de « Cuciyan », en 1917, parce qu'il exerçait une grande influence parmi ses camarades ouvriers et avait essayé de former un syndicat indépendant.

3. ATANASS STOYTCHEFF, 50 ans, ouvrier peintre, anarchiste, membre de la F.A.C.B. à Yambol. Depuis 25 ans, il n'a jamais cessé de travailler dans son métier. Vaillant militant dès sa jeunesse, il a été l'orateur qui inaugura le meeting historique contre le désarmement du peuple à Yambol, le 26 mars 1923; c'est lui qui eut le courage, au milieu de la place publique, de s'adresser de la tribune, par des paroles véhémentes, aux soldats prêts à tirer. Il réussit ensuite à se sauver et entra dans l'illégalité. Blessé plus tard au cours d'un combat contre les force» policières, il réussit encore une fois à éviter la mort, mais ii porte encore la balle dans son corps.

Il a été interné en 1945, au camp de Doupnitza, à cause de sa participation à la Conférence nationale extraordinaire de la F.A.C.B., le 10 mars, comme délégué de l'Union anarchiste du sud-est.

4. CRISTO KOLEFF YORDANOFF, 38 ans, technicien, anarchiste convaincu, membre de la F.A.C.B., à Sofia. Ancien rédacteur de « Rabotnitcheska Missal » (organe de la Fédération), condamné à trois mois de prison par les fascistes avant le 9 septembre 1944. Aussi sincère comme homme que comme orateur, ses paroles tombent comme des pierres sur la tête de ses adversaires; pour cela, il a connu les prisons et les camps fascistes et pour cette unique raison, les bolcheviques l'ont interné une première fois au camp de Doupnitza en 1945 et une deuxième fois au camp de « Cuciyan » en. 1947, où il est encore. Plusieurs fois torturé et soumis à un régime mortel, travaillant le jour et la nuit, ils veulent le liquider, lui et sa parole de feu.

5. CRISTO MINCOFF, 33 ans, agronome, anarchiste, membre de la F.A.C.B. Ayant terminé ses études supérieures, il est resté dans son village natal de Bania Karlovsko pour travailler la terre, semant les grains de son idéal, l'anarchie.

Il a été arrêté et interné au camp" de « Cuciyan », lors de la visite de Tito, au mois de novembre 1947.

G. DELTCHO VASSILEFF, 48 ans, journaliste, écrivain et critique, bon orateur, membre de la F.A.C.B. à Haskovo, militant anarchiste et végétarien depuis 25 ans. Les fascistes ont tué son frère. Il a été interné au mois de novembre 1947, lors de la visite de Tito, au camp de « Cuciyan », parce qu'il a pris la parole plusieurs fois aux réunions publiques et organisé des conférences, en y défendant son credo anarchiste. Il a été libéré plus tard, grâce à l'intervention de l'Union des Ecrivains .bulgares.

7. DONTCHO CRISTOFF KARAIVONOFF, 27 ans, étudiant •en médecine, anarchiste, membre de la F.A.C.B.- à Pavel-Bania. H avait été terriblement torturé par les fascistes et condamné à mort. Vaillant lutteur des jeunesses libertaires, il a été interné .au mois de mars 1945, d'abord au camp de « Doupnitza >, puis

libéré après 6 mois de travail pénible. Interné pour la deuxième fois, au mois de mars 1947, lors des mouvements des étudiants contre le projet de loi de l'instruction supérieure, il a passé plus d'un an dans le camp de « Cuciyan > et dans un autre camp en Dobroudja, puis libéré enfin après être devenu invalide d'une jambe pour la vie et renvoyé de l'Université.

8. GUEORGUIE DIMITROFF-KARAMIKHAYLOFF, 46 ans, journaliste et ouvrier dans les manufactures de tabac, ancien rédacteur de « Rabotnitcheska Missal » et ancien secrétaire de la F\A.C.B., membre de la Fédération à Sofia.

Il a passé de longues années dans les prisons fascistes. Interné par les bolcheviques pour la première fois au camp de « Doupnitza », libéré six mois plus tard, il a été interné une deuxième fois au camp de « Cuciyan », au milieu de l'année 1947 et y reste encore.

9. GUEORGUIE SIROKOFF, 40 ans, comptable, anarcho-syndicaliste, frère de Marie la Sirakova de Kilifarevo, tuée par les fascistes; ancien rédacteur de « Iiabotnitcheska Soliclarnoste », organe de la Confédération du Travail bulgare. A cause de sa propagande en faveur du syndicalisme révolutionnaire, ii a été arrêté le 6 décembre-1947 et après avoir été détenu pendant trois mois à la milice, envoyé au camp de « Cuciyan », où il est encore.

10. IVAN NEDRALKOFF, 40 ans, tourneur, anarcho-syndi-caliste de Sofia, militant des syndicats, bien connu, ancien rédacteur de « Rabolnik » (l'Ouvrier) — revue anarchiste —,, bon orateur, aimé de tous les ouvriers de la Fédération des cheminots qui, réunis souvent au nombre de plus de 3.000, écoutaient avec une grande sympathie ses paroles. C'est pour cette raison qu'il a été arrêté et, après avoir été détenu et torturé quatre .mois à la milice centrale de Sofia, les bolcheviques ont organisé contre lui un procès, en l'accusant de sabotage. Mais le tribunal l'a acquitté, faute de preuves. Pourtant, la milice l'a envoyé directement au camp de « Cuciyan », où il est encore.

11. KOSTA \TANASOFF, 47 ans. ouvrier des tabacs, membre de la F.A.C.B. à Phi'ipopoli, devenu tuberculeux à la suite des persécutions du régime fasciste et obligé d'émigrer. Il avait gagné les sympathies des ouvriers du monopole du tabac à la cause de l'anarchisme par sa conduite et ses paroles; pour cela seulement, il a été interné au mois de juillet 1947 au camp de « Cuciyan ».

12. COSTADIN DIMITROFF COTCHINOFF, 28 ans, anarchiste, membre de la F.A.C.B. à Yambol, étudiant architecte. Il a passé deux ans et demi dans les prisons fascistes parce qu'il avait pris part à la conspiration contre le pouvoir fasciste en 1942. Il a été pour la seconde fois interné dans les-camp» depuis le 9 septembre 1944, à « Cuciyan », parce qu'il a protesté télégraphiquement aux représentants du pouvoir contre la détention de ses camarades étudiants.

13. MANOL VASSEFF N1CÛL0FF, 50 ans, militant anarchiste, membre de la F.A.C.B. à Haskovo, ouvrier du monopole du tabac, orateur ardent et propagandiste de l'anarchisme. Il a vécu 23 ans dans l'illégalité, poursuivi et jugé par les fascistes, Les persécutions sans trêve ont rendu sa lutte plus vaillante, sa parole plus ardente et plus généreuse sa vie pour l'anarchie. En vain, les bolcheviques l'ont interné pour la quatrième fois. En vain, dans le camp de « Cuciyan » et maintenant dans les prisons avec neuf autres camarades, ils ont essayé de tirer, au moyen d'un travail abominable et de la faim systématique, les forces vitales de ce vieux compagnon. Mais ce qui ne peut s'éteindre ne s'éteint pas !

14. MICHEL STOYANOFF MINDOFF, 30 ans, de Nava Zagora, typographe, pour la deuxième fois interné par les bolcheviques, depuis le mois de mars 1947, à Cuciyan où il est encore, parce qu'il éditait les bulletins et autres feuilles de la F.A.C.B.

15. NICOLINA EFTIMOVA GUEORGUIEVA, 23 ans, de Haskovo, typographe, internée depuis le mois d'octobre 1947 dans le camp de « Nojarevo » — Tutracansko, après avoir été horriblement torturée par les sbires bolcheviques. Son « délit » est qu'elle aidait ses compagnons internés et travaillait pour les idées anarchistes.

16. STEPHAN KOTAKOFF, 36 ans, ouvrier des tabacs, mem-' bre de la F.A.C.B^. et militant anarchiste à Plodiv, très influent

dans sa profession, secrétaire de l'Union anarchiste du Sud. Arrêté et torturé plusieurs fois par les fascistes, il a passé plus de trois ans dans les camps de concentration avant le 9 septembre 1944. Les persécutions et le travail dans les fabriques de tabacs l'ont rendu tuberculeux.

Interné deux fois par les bolcheviques : une fois en 1945, à Doupnitza, et une autre fois, en 1947, à « Cuciyan » et en Dobroudja, à la suite d'une grève englobant tons les ouvriers de la manufacture du tabac à Plovdiv. La grève a pleinement réussi, mais la presse, dominée par les Staliniens, n'en a pas soufflé mot; il s'agissait d'un mouvement spontané, auquel les anarchistes ont pris une part active, mais la milice l'a présenté comme organisé exclusivement par les anarchistes.

Libéré au printemps de 1948, il a été de nouveau arrêté, il y a 3 mois, mais cette fois, heureusement, il a été libéré sans avoir été interné.

17. SLAVEYKO IVANOFF STOYANOFF, 26 ans, membre do la F.A.C.B. à Sofia, étudiant en chimie, guerrillero avant le 9 septembre 1944. Les fascistes, par leurs persécutions, ont fait vieillir prématurément ce jeune camarade, mais il semble que les bolcheviques veulent le liquider. 11 est depuis le mois de mars 1947 à « Cuciyan », pour avoir parlé devant ses'camarades étudiants, contre le projet de loi d'instruction supérieure, au club des anarchistes, à Sofia.

18. STEFAN ZLÀTEFF KRESTEFF, 45 ans, libraire, anarchiste, membre de la F.A.C.B. à Yainbol. Emprisonné 11 ans 1/2 sous le régime fasciste, il a vécu trois ans sous la menace de la peine de mort. Malgré sa santé ruinée, ce camarade a été arrêté plusieurs fois et interné pour la deuxième fois, au mois de novembre 1947, à .« Cuciyan », seulement parce qu'il est anarchiste.

19. VASSIL IANCOFF IVANOFF, ouvrier boulanger, anarchiste, membre de F.A.C.B., organisateur de l'unique coopérative produisant le pain dans sa ville de Yambol, après le 9 septembre, qui alimentait les 2G.000 habitants de la ville. Lutteur pendant de longues années pour la liberté et la justice sociale, il fut détenu de nombreuses fois par les fascistes et les bolchevistes.

«'Il se trouve aujourd'hui dans le camp de « Cuciyan », depuis le mois de novembre 1947, parce qu'il a osé découvrir les fautes des boulangers bolchevistes et parce qu'il est anarchiste.

20. VASSIL TODOROFF JORDANOFF, 45 ans, ouvrier typographe, militant anarchiste. Pendant le longues années, il a vécu dans l'illégalité ou l'émigration. Il fut deux fois jugé par les démocrates et les fascistes. Sorti de prison le 9 septembre, il a été interné au mois de mars 1947, dans le camp de « Cuciyan », Pernik, parce qu'il répandait parmi les ouvriers de Sofia la semence de l'organisation syndicale anarchiste.

LE RÉGIME DES CAMPS DE CONCENTRATION

Ils sont des dizaines et des dizaines, les camps de concentration bolcheviques de Bulgarie :*« Cuciyan », « Bogdanovdol », « Nazarevo », Todorovo », « Bosna », « Poroutchik-Guénovo » et d'autres. Nous ne parlerons que des deux premiers, situés près de la ville de Pernik, grand centre minier.

Destinés à exterminer l'homme et sa liberté, tous les mots de notre dictionnaire ne pourraient suffire pour présenter le vraie physionomie de ces camps de concentration. Avec nos camarades, se trouvent des milliers d'autres Bulgares.

Nous donnerons seulement quelques faits et exemples, pour que le monde civilisé puisse se faire une idée de l'affreuse réalité.

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Les bâtiments du camp sont de grandes baraques en bois, quelques-unes en moellons, qui comprennent deux ailes. Les lits — l'un au-dessus de l'autre — ont deux mètres de long et 40 centimètres de large. Dans ce lit, le déporté doit mettre à la fois ses bagages et son corps, et dès la première nuit, il se rend parfaitement compte de ce qu'est le camp, et du sort des détenus.

L'hygiène est nulle, du fait du manque d'eau. Dans la plupart des camps, l'eau va se chercher au loin et il n'y en a pas en quantité suffisante pour que tous les hommes puissent boire. C'est un véritable événement que de laver le linge — ce à quoi tout le monde ne parvient pas. Seuls, les plus hardis arrivent à laver le linge une fois par mois ou tous les deux mois. L'aide médicale est donnée par ordre. Il est défendu aux médecins d'accorder du repos en plus du pourcentage prévu, qui est par exemple dans le camp de Cuciyan de 1 %.

Quant à la qualité de la nourriture, par exemple au camp de Cuciyan, près de la ville de Pernik, où le travail est pénible, •n accorde 600 grammes de pain par jour et une soupe (« chor-ba»), ce qui ne peut donner les calories nécessaires à l'organisme. Il y a quelques mois que, dans ce camp, on ne faisait plus cuire que des choux — la plus mauvaise qualité de nourriture en Bulgarie — d'après le témoignage de ceux qui viennent d'en sortir. « Pour les gardiens du camp, on laisse la plus grande partie de notre ration de graisse et de sucre, nous dit un cuisinier récemment libéré. Dans les chaudrons d'une contenance pour 200 à 250 hommes, on fait la cuisine depuis des mois pour 1.000 hommes. » Il en va de même dans l'autre camp de concentration appelé « Bogdanovdol ». Dans les chaudrons pour 70 à 80 hommes, ils ont fait la cuisine tout l'été pour 150 à 200 hommes. Les détenus travaillent 15 heures par jour à la fabrication des briques. La situation dans ces camps est particulièrement grave parce que, depuis le 1er janvier 1947, les colis de nourriture et de vêtements sont interdits.

Les mauvaises conditions de logement et de nourriture ne sont pas les seules sources de maux qu'endurent les internés. Le travail qui est exigé de chacun est dur et, de plus, accompagné d'un système de châtiments féroce. En ce sens, ces deux camps battent le record. On appelle le camp Cuciyan:, « Les caresses de la mort » et celui de Bogdanov: « Le camp des Ombres ».

« Les traitements infligés aux anarchistes surtout sont très mauvais », nous conte un homme récemment sorti du camp et qui en a donné ses impressions.

Travaillant tout le jour sans arrêt et parfois de nuit, ils font très souvent 36 heures de travail continu. Le travail de 12 à 16 heures est chose ordinaire. Les hommes souvent tombent de faim et de fatigue et souvent meurent au camp même, malgré la pratique de libérer à ses derniers moments celui qui vâ

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mourir, pour qu'il ne meure pas au camp, mais dans sa maison.

Les châtiments sont inhumains. Outre les coups qu'ils reçoivent, le travail supplémentaire et l'emprisonnement pour quelques fnois, on pratique encore le fameux châtiment de « compter les étoiles ». De nuit, à l'air libre, sous la pluie, le froid ou la neige, des internés sont obliges à rester debout sans bouger devant le garde. Le châtiment dure 1, 2, 3, 5 ou 10 nuits consécutives et en même temps ceux qui sont punis travaillent pendant le jour. Ces châtiments sont appliqués pour les plus petits motifs.

Par exemple, un de nos camarades a été contraint à « compter les étoiles », parce qu'il a conduit un malade du travail à son lit. Un autre camarade, âgé, Guéorguie Dimitroflf-Karamik-. haylofî, resta dix nuits debout pour le seul délit de ne pas s'être levé, lorsqu'il mangeait à midi, quand un des chefs passait devant la salle.

Dans une certaine mesure, i) y a des « châtiments collectifs ». Pour la « faute » de l'un, on châtie un groupe, une baraque, ou tout le camp. Ces châtiments collectifs sont employés surtout et très souvent contre les anarchistes; ils leur sont même souvent réservés, et il y a d'autres châtiments spéciaux, par exemple par ordre supérieur, la collectivité des anarchistes s'est vue détruite et tous ses vivres confisqués; pendant le seul mois de septembre, plus de cent kilos de nourriture ont été confisqués à ces malheureux.

Ce qui vient d'être dit jusqu'à présent des camps d'extermination bulgares, en donne une idée incomplète, malgré ces quelques détails supplémentaires. Par exemple, dans le camp de « Cuciyan », il y a plusieurs mois, deux enfants de 14 ans ont passé près de deux mois. Dans celui de « Bogdanovdol » et celui de « Cuciyan », se trouvent encore aujourd'hui une dizaine d'enfants turcs de 15 à 17 ans. Avec ces enfants, il y a des vieux de 60 à 70 ans.

Il suffit à présent d'être honnête, ou anarchiste, de ne pas " vouloir appeler le blanc noir, de ne pas vouloir pactiser avec les nouveaux maîtres pour être qualifié d' «ennemi populaire», de « saboteur », « perturbateur », arraché à sa maison et séparé de sa famille.

Tous les hommes libres du monde doivent élever la voix et protester contre ce» crimes.

Nous en appelons à la conscience universelle pour qu'elle s'élève avec nous contre la barbarie bolcheviste.

A bas la mascarade du faux communisme et des faux communistes !

D'AUTRES CAMPS ET D'AUTRES FORMES DE TRAVAUX FORCÉS EN BULGARIE

Les camps de concentration appelés « communautés de travail et d'éducation » ne sont pas la seule forme de travaux forcés. Il existe une grande diversité des formes de l'esclavage moderne dans les pays de « démocratie populaire > ou s'opère « l'édification du socialisme ». On peut même dire sans aucune exagération que la Bulgarie toute entière est transformée .en un vaste camp de concentration. Tous les hommes et toutes les femmes, sans faire aucune différence de sexe (lee femmes sont émancipées, enfin), ni d'âge, à partir de 15 ans jusqu'à 60 et même plus, sont obligés constamment de travailler sans être payés, pour la grandeur du pays et pour « l'édification <lu socialisme »; ils sont obligés de partir « volontaires »> à n'importe quelle occasion, soit pour le nouvel an, soit pour le 1" mai, soit pour l'anniversaire du 9 septembre, soit pour un Congrès de l'O.R.P.S. (Union Générale Professionnelle des Travailleurs), soit enfin, en l'honneur du « prochain Congres » du parti communiste.

Parlons tout d'abord des camps. Il existe un grand nombre de camps de travail, où sont envoyés sans délai tous ceux qui sont déclarés anciens'fascistes (« moins dangereux », parait-il), c'est-à-dire ceux qui n'ont pas pu s'adapter au régime.

Viennent ensuite les camps établis en raison de la loi exclusive contre les « désœuvrés ». Ce sont les ennemis plus ou moins ouvertement déclarés du parti communiste, qualifiés de « désœuvrés » et mobilisés par ordre administratif aux travaux forcés pour 6 mois pour la première fois; ensuite ils sont de nouveau mobilisés pour six autres mois, et ainsi de suite. De tels « désœuvrés » se comptent par milliers. Ce n'est pas* du tout difficile d'en être. Il suffit que l'on vous renvoie du travail que vous occupez (même depuis de longues années) et qu'on ne vous dort ne nulle part ailleurs d'autre travail. Vous êtes alors un « désœuvré ». Votre profession ne compte pour rien : vous

pouvez être médecin, avocat, agronome, ingénieur, instituteur, spécialiste quelconque ou simple ouvrier; tous sont égaux devant Sa Majesté l'Etat bolclieviste, et « la Constitution garantit le travail pour chacun » ! Tous sont obligés de travailler comme manœuvres et d'exécuter des travaux pénibles auxquels ils ne sont pas habitués, et qui ne peuvent être utiles.

En dehors de ces formes de travaux forcés ouvertement obligatoires, d'esclavage tout court, il existe plusieurs autres formes de travail « volontaire », même « enthousiaste ». Il n'y a rien de plus hypocrite et de plus dégoûtant que la « spontanéité » bolcheviste, qui caractérise mieux que tout autre signe tout le système répugnant de la dictature stalinienne.

A ce travail « volontaire » est obligée d'abord, toute la jeunesse des écoles et des universités, ensuite la population toute entière, surtout celle des villes.

Ce sont les prétendues « brigades de travail et de culture établies par une loi spéciale, par lesquelles s'instaure l'esclavage général du peuple bulgare. Leur organisation et leur travail sont très variés.

Il y a d'abord des brigades de jeunesse, qui se subdivisent e» brigades nationales, brigades de district et brigades locales. Toute la jeunesse est obligée de passer « volontairement » dans une des deux premières brigades 45 jours pendant les vacances de l'été. Dans les brigades locales, le délai du travail n'est pas fixé, mais en général il dure une semaine. Toute la jeunesse des villes et de la campagne passe aussi par ces brigades.

Viennent ensuite les « brigades de travail et de culture » pour toute la population, surtout celle des villes. Ce sont en premier lieu les employés d'Etat et des communes, et tous les employés en général; puis tous les ouvriers sans aucune exception, tous les artisans, les gens des professions libres, les ménagères, et ainsi de suite, c'est-à-dire toute la population. Chaque homme, chaque femme, chaque citoyen, enfin, est muni d'un « carnet de brigadier » dans lequel on note régulièrement les jours de travail. Tous les dimanches, tous les jours de fêles et de repos, les brigadiers travaillent dans leur quartier ou leur localité, ou conduits en camions comme les bêtes à la boucherie ils vont à la campagne pour aider les paysans dans leurs travaux saisonniers.

Imaginez-vous, hommes de l'Occident, de France, d'Italie,, de Belgique, hommes du nord de l'Europe ou vous, hommes de l'Amérique, qui aimez tant aller vous promener, vous distraire en fêtes champêtres ou à la pêche, imaginez-vous ce que représente pour un homme libre du XX* siècle ce travail obligatoire, alors que vous voulez vous reposer pendant un jour au moins de la semaine, vous qui venez en masse aux réunions des Cachin» des Thorez, des Togliati, pour applaudir et admirer la grandeur du « socialisme » en Orient, dont ils vous parlent. Non, vous ne pourriez pas vous le représenter! Même vous, petits bourgeois et petits propriétaires agricoles qui souffrez actuellement des conséquences de la guerre et de la crise économique du capitalisme occidental. Non, sûrement non! Il vous est nécessaire que ce système paradisiaque de « création et d'édification socialiste » s'établisse chez vous pour le connaître. On irait même jusqu'à vous le souhaiter, pour vous immuniser contre lui. Malheureusement, cela coûtera • peut-être la perte de la liberté pour tout le monde, la disparition de toute la culture humaine ainsi que de la civilisation contemporaine tout entière.

Mais revenons aux brigades, car tout n'est pas encore dit de ce que le monde doit savoir du système d'esclavage, d'hypo-orisie et du brigandage bolcheviste, établi partout où l'ombre de-Staline est tombée.

Revenons tout d'abord à la c spontanéité ». Tous les jeunes gens sont « invités » (et de quelle manière I) pendant l'année scolaire à s'inscrire pour les brigades d'été. Ils ne sont pas obligés de le faire, pas du tout; au contraire, ils sont tout à fait libres de ne pas le faire, mais à une condition seulement: de risquer leur admission aux examens ou d'être renvoyés des écoles. D'ailleurs, même leur participation « volontaire » aux brigades ne leur assure absolument pas de ne pas être renvoyée en automne (de tels cas ne sont pas l'exception), mais tout de même, c'est une espérance.

Alors, on voit avec quel « enthousiasme » les jeunes gens (excepté, bien entendu, les plus dignes parmi eux, les anarchistes en premier lieu, qui avec un grand courage risquent tout et résistent à l'asservissement du peuple bulgare) se pressent pour se faire inscrire. D'après le plan pour 1948, le nombre des brigadiers devait être de 250.000 et on dit que le plan était réalisé. Cela représente presque la totalité de la jeunesse capable de travailler.

Pour les autres catégories, la participation aux brigades est « volontaire » au même degré. Les employés et les ouvriers sont « invités » publiquement au cours des réunions à s'inscrire au* brigades. Ils n'y sont pas obligés, sous condition, bien entendu, de risquer leur travail, d'être traités, ensuite, de « désœuvrés », et envoyés par force aux camps de travail.

La même possibilité de « libre choix » existe pour les artisans, les travailleurs des professions libres, les ménagères et pour toute la population, s'ils ne veulent pas être privés de matériel pour leur travail, de vivres et de vêtements, car tout Je ravitaillement est sous le régime du rationnement et du contrôle de l'Etat.

Pensez donc que toutes ces ménagères, tous ces avocats, ingénieurs, médecins, agronomes, etc..., qui n'ont jamais fait de travaux manuels, font un travail utile et que leurs efforts soient bien utilisés! Non, c'est une pure perte d'efforts et de temps pour eux, c'est une utilisation irraisonnable de leurs forces, de leurs connaissances et de leurs métiers, c'est un gaspillage de matériel et de forces au point de vue économique, qu'on réalise par ces « brigades de travail et de culture ».

Mais croyez-vous que le but principal des dirigeants communistes est de réaliser par les « brigades de travail et de culture > un travail utile au point de vue économique? Ils sont loin d'intentions pareilles! Leur but principal (ce qui explique peut-être l'expression de « culture »), c'est de « rééduquer les hommes ». C'est Dimitroff lui-même qui l'a dit plusieurs fois, lui qui plus que quiconque a besoin d'être éduqué.

Qu'est-ce que cela veut dire, dans la bouche de ces dirigeants?

« Rééduquer » veut dire, façonner les hommes, subjuguer leur volonté, étouffer, leur pensée libre, les faire dociles, les transformer en une masse grise, en troupeau humain.

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C'est le même principe qu'on applique aux casernes — et les: communistes veulent transformer la société en caserne —, le principe que les caporaux en Bulgarie expriment en disant souvent : « quand il n'y a pas d'occupation pour les soldats, ont doit leur faire ouvrir et fermer constamment la porte, mais jamais ne les laisser libres, parce que, quand ils sont libres, ils commencent à penser et le soldat qui pense n'est pas un soldat ».

Pour être juste, il faut reconnaître que cette appréciation au point de vue économique ne peut être appliquée au même degré aux brigades de jeunesse. Les jeunes gens, bien entendu,, s'habituent plus facilement et plus vite aux divers travaux qu'on leur fait exécuter et leur travail est plus productif-Mais en définitive, le travail pénible, avec la nourriture très insuffisante que toute la population reçoit en Bulgarie fait qu'un grand pourcentage de la jeunesse, selon les médecins, manifeste . déjà des signes de faible résistance physique (déficience glandulaire) et le début de différentes maladies, surtout de la tuberculose.

Pour'être juste aussi, il faut reconnaître que ce travail des brigades n'est pas toujours gratuit. Bien au contraire, tous les travaux faits aux entreprises d'Etat se paient d'après l'échelle fixe des salaires établie pour toutes les catégories de travaux et d'ouvriers. Mais malheureusement, ce ne sont pas les brigadiers, les ouvriers eux-mêmes qui touchent l'argent; ce sont les « entrepreneurs », les « drogmans », sur lesquels pèse la lourde . tâche de faire inscrire les gens aux brigades : l'Union de la Jeunesse populaire et le parti communiste encaissent toutes les sommes.

Ceci peut paraître incroyable, peut-être, mais une enquête internationale le prouverait facilement.

Qu'en pensez-vous, hommes libres du monde entier ? Saisissez-vous bien l'importance de ce triple crime des communistes bulgares à l'égard de tout le peuple, écrasé d'abord par les lourds impôts destinés à subvenir à ces dépenses (très souvent sans raison), obligé ensuite à travailler en esclave aux mêmes travaux, dont il a déjà assuré le paiement et qui enrichit, enfin, par son travail gratuit, ses maîtres détestés, ses bourreaux ?

Pierre Kropotkine évaluait dans son étude magnifique sur l'Etat moderne, les jours de travail gratuit que les ouvriers (c'est-à-dire les esclaves modernes), donneraient en comparaison avec les anciens esclaves (les serfs), par semaine, par mois et par an au nouveau maître, l'Etat moderne.

Pauvre Kropotkine ! Toi qui mieux que quiconque as saisi le rôle néfaste de l'Etat dans la société humaine, qui as prévu plus que tous les autres théoriciens tarrt de choses, et notamment combien la morale est indispensable aux révolutionnaires,

et qui avais mis pour cela toutes tes forces pour achever ton Ethique, tu devrais vivre encore un peu pour mieux voir l'Etat bolchevique et faire la même évaluation, auprès de laquelle tout ce que tu as écrit sur l'Etat moderne serait, très pâle en comparaison du joug que les disciples de Marx, Lénine et Staline ont imposé aux peuples laborieux.

Il devrait se trouver quelqu'un parmi tes disciples pour effectuer cette évaluation que tu n'as eu ni l'occasion ni le temps de faire. Et alors — et alors seulement — le mot esclavage' revêtirait son véritable sens aux yeux des générations futures.

L'HOMME DANS LA SOCIÉTÉ SOUS LA DICTATURE BOLCHEVIQUE

L'humanité dans son développement historique marche toujours vers une plus grande socialisation dans les relations purement matérielles et vers une individualisation toujours plus-complète et plus parfaite de la vie culturelle et spirituelle des hommes. Ce sont les deux traits les plus caractéristiques de toute l'évolution progressive de l'humanité dans son ensemble. Pourtant, cette individualisation non seulement ne s'oppose pas à la vie sociétaire, mais tout au contraire, elle est même une condition indispensable pour une sociabilité plus complète et plus parfaite. Car une société se composant d'individualités ayant tout à fait gardé leur originalité, leur indépendance d'esprit, une société soucieuse de la vie individuelle et intime de ses membres est toujours plus joyeuse, plus belle, plus heureuse, plus attrayante et par conséquent, plus créatrice. Elle ressemble à un bouquet harmonieux de fleurs très variées, d'éclat et de couleur, de forme et de parfum.

L'homme, par sa nature même, porte dans son âme deux instincts très différents et même contradictoires en apparence l'un avec l'autre, mais qui s'harmonisent pourtant et se complètent parfaitement dans la vie sociale : c'est la sociabilité, l'entraide d'une part, et le besoin irrésistible pour l'individu, d'autre part, de chercher toujours une vie plus intime et même de choisir ses amis qui lui plaisent plus que d'autres parmi les membres de la société. Le premier trouve sa satisfaction constante dans Ja vie en société, qui avait précédé l'homme lui-même comme l'a prouvé Kropotkine, et l'autre s'exprime plus souvent dans l'atmosphère plus intime et plus chaleureuse de la famille.

Mais tout cela se rapporte à la psychologie et à ses études approfondies. Cependant, comme nous le savons déjà, les communistes ne s'occupent que de stratégie et de tactique; tous les problèmes pour eux se rapportent plutôt à l'algèbre qu'à ^a.

psychologie sociale. Celle-ci ne les intéresse pas. C'est aux nombres, à la quantité, aux chiffres et aux pourcentages plus ou moins faux que va leur préférence; c'est la somme algébrique qui compte pour eux et pas les composants. Les êtres humains sont pour eux des objets, des numéros, des sujets taillablcs et corvéables à merci; on peut les arranger, rassembler, déplacer n'importe où, n'importe comment, surveiller toujours, arrêter et même exterminer selon les exigences de la stratégie particulière* et les tactiques du parti, d'après les idées fixes de tel ou tel chef suprême « le plus sage et le plus aimé conducteur », « le père des peuples », etc... Et pour réussir à les mettre mieux en ordre, les mieux connaître et les utiliser, il faut surtout les surveiller, les contrôler et les espionner sévèrement.

Alors en réalité, tous les citoyens sont enserrés dans un réseau d'espionnage tellement vaste qu'il est impossible de s'y dérober.

Ce réseau d'espionnage comprend, d'abord, une police (appe-„ lée milice) en uniforme ou secrète, formidable, dont le nombre n'est ni connu, ni contrôlable. 11 embrasse, ensuite, tout le parti communiste dont chaque membre est obligé d'espionner toujours et partout tout le monde, dont les membres sont même tenus de s'espionner les uns les autres.

Cet espionnage minutieux et épouvantable est organisé dans tous les lieux de travail — les ateliers, les bureaux, les usines, les mines, dans les syndicats, dans toutes les réunions, dans toutes les villes, tous les villages et les quartiers. Il s'introduit même dans chaque maison, chaque appartement et dans les cuisines et les chambres à coucher de chaque famille. Tout est utilisé pour l'espionnage général, même les enfants les plus innocents des écoles qui sont souvent interrogés habilement par leurs instituteurs. Espionner et dénoncer, c'est l'obligation la plus ordinaire et, en même temps, le devoir suprême pour chaque membre de la société, sous la dictature bolcheviste.

Il est impossible de se soustraire à cet espionnage général. Chaque citoyen a son dossier dans la police. D'autre part, chaque habitant est bien étudié, premièrement dans son quartier par le Comité communiste de quartier, deuxièmement par le Comité de ravitaillement et de distribution, et troisièmement par un policier spécialisé nommé milicien de bloc, qui n'a sous son contrôle que quelques maisons seulement.

Indépendamment des dossiers dans la police et du triple contrôle dans les quartiers, chaque ouvrier et chaque employé est obligé de présenter dans le service ou l'entreprise où il travaille, une biographie détaillée et de donner tous les renseignements nécessaires à la police, en les accompagnant d'une photographie..

Enfin, dans chaque Ministère fonctionne un service spécial, appelé « Service des cadres'»* qui se renseigne sur tout ceux

qui ont fait une demande de travail n'importe où dans le pays;, sans autorisation préalable, personne ne peut être admis au-travail; on est obligé d'attendre souvent plusieurs mois cette-autorisation.

En outre, chaque élève et tous ceux qui veulent être étudiants, sont obligés aussi de présenter à l'école ou à l'Université, un dossier très détaillé où ils donnent des renseignements pour tous les membres de la famille.

Pour obtenir un passeport, il faut remplir un questionnaire de quatre pages, contenant plus de 40 questions et donner même des renseignements sur ses amis.

Il n'est alors pas du tout étonnant de voir les Busses, ayant indiscutablement subi davantage dans ce domaine, marcher toujours la tête baissée, observer un silence inexplicable et une discrétion absolue sur les questions politiques et sociales. Il n'est en rien étonnant que, par ce système d'espionnage, tout le peuple russe soit transformé en une masse grise où tous les gens se ressemblent comme des gouttes d'eau.

Un intellectuel qui a visité le paradis russe disait une fois : « Je n'ai jamais vu un homme en Russie s'arrêter quelque part, contempler une belle vue ou prendre une pose différente des autres; tous marchent sans s'arrêter, la tête basse et sans lever les yeux ».

Pour être objectif, il faut reconnaître d'abord que le peuple bulgare n'est pas encore allé si loin, car il résiste et a encore le courage de résister, de protester et de lutter contre ce système.

Mais aussi, il faut reconnaître ensuite que les communistes bulgares ont une réussite incontestable dans l'ordre policier. Leur système de contrôle et d'espionnage surtout est tellement merveilleux que personne ne peut se mesurer avec eux dans l'art de la police.

Eh bien, nous souhaitons ce système superbe à tous ceux qui applaudissent les Thorez et Togliatis. Qu'ils aillent l'admirer en Bulgarie, même en Russie, personne ne doit les en empêcher.

LA SITUATION DE LA JEUNESSE

Vous représentez-vous, lecteur, la situation de la jeunesse dans n'importe quel pays de domination bolchevique ? Pas de celle «|ui ne manque dans de nombreux pays, que vous voyez parfois « aux parades de la jeunesse », aux cinémas, — la jeunesse sportive, aux visages gais et riants, en très bonne santé et marchant d'un pas ferme et le regard victorieux. Non,, là, c'est toujours la jeunesse privilégiée, bien payée, bien nourrie, c'est la jeunesse gouvernante, bien qu'elle porte souvent le nom d'ouvrière. Là, c'est toujours la jeunesse dans laquelle se forment

— ailes nouveaux cadres des classes dominantes et des partis au .gouvernement, et dans le « pays de la démocratie populaire », ce sont toujours les fils et les filles des officiers rouges de la haute bureaucratie et de l'aristocratie bolcheviste qui forment •cette jeunesse et n'ont rien de commun avec les fils et les filles du peuple paysan et ouvrier. Elle représente une partie minime de la jeunesse et on la voit souvent aux parades, comme nous venons de le dire, aux différentes réunions et aux congrès, faisant la propagande et traduisant la ligne du parti.

Vous représentez-vous la situation de la véritable jeunesse populaire ? De ces jeunes gens auxquels les portes de l'université sont fermées parce qu'ils portent les péchés de leurs parents, de leurs grand-pères, de leurs aïeux, les péchés de neuf générations passées avant eux; de ceux qui n'ont commis d'autre erreur que d'être nés de parents non communistes ou non conformistes ? Ou de ceux qui eux-mêmes n'ont pas pu ou n'ont pas voulu se conformer aux dogmes et aux goûts des satrapes bol-chevistes !

Ils sont des milliers et des milliers, ces jeunes gens, avides de savoir, d'étudier, de s'instruire, attendant, les yeux fixés comme au soleil levant, toutes les années, devant les Universités et qui restent en dehors, retournent chez eux, la tête baissée, le visage sombre et mélancolique et les yeux en pleurs très souvent.

Vous imaginez-vous, le pire encore, ceux des jeunes gens — fils de paysans, la plupart du temps, car la Bulgarie est un pays agricole — pleins d'énergie, d'espérance et de joie, qui, après avoir étudié quatre années dans les conditions matérielles les plus difficiles, ayant dépensé presque tout ce que leurs parents avaient amassé toute leur vie durant, par un travail pénible et mal rétribué, même obligés à emprunter pour subvenir aux besoins de leur famille, après avoir tant rêvé de leur avenir et préparé longuement leur profession future, après avoir même pris part plusieurs fois aux brigades de travail, se voient, enfin, mis à la porte ?

Vous imaginez-vous la tragédie de ces jeunes gens malheureux, dont toute la vie est gâchée pour toujours, qui restent sans profession, sans rêves, sans idéal pour leur vie particulière ? Ils ressemblent beaucoup aussi à cette autre génération de jeune» si malheureux aussi, qui, après avoir passé des années aux différents fronts de l'Europe et de l'Afrique, dont une partie a été prisonniers de guerre, se retrouvent étrangers dans leur pays, sans voie, sans perspective dans la vie.

Vous représentez-vous encore la situation de cette jeunesst heureuse cette fois-ci d'avoir trouvé les portes de l'école ouvertes pour elle (depuis les jardins d'enfants et l'école primaire à celles de l'école normale et des lycées), qui est obligée de faira tous les jours les éloges les plus différent», d'admirer Tito ; aujourd'hui et de ne même pas mentionner son nom demain,

ou de s'accommoder chaque jour de la nouvelle orientation du-parti communiste par rapport aux faits historiques et géographiques bien établis et bien connus qui changent de sens avec toui les changements de sa politique; obligée, contre ses désirs leh plus naturels, de remplacer les charmantes chansons populaires par des chants faisant l'éloge de 1* «oncle Georges Dimitroff », qui leur « donne le pain et le soleil » et des divers « nouveaux héros », qui n'ont pas eu la patience d'attendre 1' « adoration > après leur mort ? Cette jeunesse d'écoles de tous genres est obligée contre sa volonté et celle des parents de se présenter à toutes les manifestations, dans les rues, le portrait de Dimitroff en main, pour applaudir les orateurs sans les comprendre, pour crier les mots d'ordre du parti communiste et remplacer, en compagnie de l'armée et de la milice, les ouvriers et les paysans qui de plus en plus les désertent, parce qu'ils sont dégoûtés de toutes ces comédies et de tous ces meetings interminables ?

Si la dictature bolchevique en Bulgarie n'avait commis d'autres crimes que celui-ci, envers l'éducation des jeunes gens et leur instruction, ce serait suffisant pour qu'elle soit détestée à jamais par tout le peuple bulgare et les générations futures; ce serait suffisant pour que le régime stalinien soit jugé comme le plus noire réaction dans l'histoire humaine.

L'ÉDUCATION SOCIALE

Dans l'éducation sociale, les staliniens suivent le même principe et tendent au même objectif : servir les intéréls du parti et élever le culte des chefs.

On se rappelle bien les thèses soutenues autrefois par les disciples de Marx et Engels, au sujet des facteurs historiques, surtout dans leurs discussions avec les anarchistes. Ils disaient et répétaient inlassablement leurs formules et leurs dogmes, expliquant le processus historique dans lequel aucun rôle n'était réserve à l'individu, en tant que facteur conscient et agissant selon ses intérêts matériels et spirituels, ses convictions, ses idées et sa volonté. Il n'y avait alors que les forces économiques comme base matérielle et les masses prolétaires comme facteur unique et décisif pour transformer la société humaine.

Depuis ce temps-là, beaucoup de choses ont changé. On se souvient par exemple de tous ces procès politiques en Russie contre certains « facteurs » de l'opposition bolchevique, qui n'avaient pas jusqu'alors été reconnus tellement importants par le « matérialisme historique » et qui, cependant, auraient joué, parait-il, un rôle décisif (néfaste cette fois) pour le développement historique et politique de l'U.R.S.S. Et ces « facteurs » ont été « liquidés- » par un autre « facteur » beaucoup plus fort alors, bien qu'idéologiquement il n'avait été réservé pour hrt-non plus aucune place dans l'évangile de Marx-Engcls-Lénine.

Dès lors, une nouvelle ère s'est ouverte, celle des chefs, des furhers, des « pères des peuples », des « sages et géniaux conducteurs », des maréchaux, des généralissimes, etc., etc., qui, en réalité, sont devenus les vrais facteurs historiques, donnant et changeant la direction de tout le processus historique à une échelle mondiale. C'est justement le culte des chefs qui l'emporte, en se substituant au culte des masses. Aujourd'hui, on ne parle presque que des premiers; les masses n'existent que pour servir de décoration, de place d'armes, de cadre historique aux grands gladiateurs de l'ère stalinienne.

A dire vrai, les staliniens continuent à ne reconnaître aucun rôle à l'individu, excepté, bien entendu, à l'individu-chef, dont le rôle est décisif cette fois. Et aujourd'hui, avec la même insistance et ténacité avec lesquelles ils avaient prêché autrefois les dogmes du vieux testament, ils disent et répètent les révélations des nouveaux prophètes.

Alors, il est tout naturel que le même changement s'opère dans le domaine de l'éducation des masses. En effet, nous voyons que le culte des chefs (ou mieux dire, du chef) occupe déjà la place unique dans l'emploi de tous les moyens pour... le bourrage de crâne.

La presse, la radio, le cinéma, l'art, la science, les syndicats, toutes les organisations professionnelles et leurs innombrables réunions, tous les meetings interminables, tous les discours, toutes les déclarations, ne chantent que l'éloge du chef avec les qualificatifs que tout le monde sait par cœur. C'est une chanson tellement connue et tellement ennuyeuse qu'on peut savoir au préalable le texte de chaque article de presse, de chaque discours de réunion, de chaque conférence, de chaque manifestation faite par n'importe lequel de tous ces moyens de propagande stalinienne.

Cette propagande devenue banale et profane est tellement ■dégoûtante qu'en Bulgarie il ne se trouve plus personne pour l'écouter volontairement. Quant la radio, par exemple, commence l'émission des nouvelles et des commentaires politiques, chaque auditeur ferme instinctivement son récepteur. Ils ne sont pas rares en Bulgarie ceux qui, depuis 3 ou 4 ans, n'ont pas entendu -chez eux les émissions des nouvelles politiques de Radio-Sofia.

LA POSITION DES COMMUNISTES BULCARES PAR RAPPORT AUX PAYSANS

La question agraire est la pierre d'achoppement pour la doctrine marxiste et pour la dictature bolcbeviste en Bulgarie. Ne concevant la transformation sociale que comme un problème

exclusif d'un certain prolétariat et de sa révolution triomphanter Marx et ses disciples n'ont prévu pour les paysans qu'un rôle secondaire, un rôle de fumier, pourrait-on dire.

Lénine n'a rien apporté d'essentiel à ce problème. Tout ce qu'il a écrit comme nouvelle théorie dans ce domaine n'était qu'un mauvais camouflage des couleurs de Bakounine, très opportunes d'ailleurs pour le moment historique, en tenant compte de la volonté révolutionnaire des masses populaires es 1917. Au fond, rien n'a été modifié.

Le paysan reste toujours, idéologiquement et pratiquement, un élément social étranger, gênant aussi les staliniens bulgares. La véritable transformation sociale d'après le sens de leur doctrine devait commencer après la prolétarisation automatique des peuples; sans cette prolétarisation, ils ne peuvent concevoir, ni la socialisation des moyens de production, ni l'édification de la nouvelle société. Et comme les paysans en Bulgarie, ainsi que dans beaucoup d'autres pays, continuent encore à exister et à résister à toute « prolétarisation s> automatique prévue par l'évangile marxiste, il faut accélérer, même créer artificiellement la prolétarisation attendue et voulue par des mesures administratives, législatives et autres, en se basant toujours sur l'existence réelle d'une dictature du parti communiste.

Etant donnée cette nécessité pour les staliniens bulgares, les moyens pour atteindre ce but sont-ils faciles à trouver ? Quels sont-ils ?

Nous ne parlerons ici que de quelques mesures d'ordre purement économique, laissant de côté toutes les mesures politiques, administratives et policières.

Ils ont essayé, tout d'abord, la création accélérée et quelque peu forcée des exploitations coopératives du sol, croyant pouvoir entraîner les masses paysannes, celles-ci étant bien disposées à toutes formes de coopératives agricoles. Mais ils ont échoué. C'est une question très intéressante, mais très longue à relater, elle mérite une étude spéciale.

La deuxième mesure, de beaucoup plus sûre et plus profitable pour l'Etat, en considérant la situation économique et financière à laquelle les staliniens, c'est-à-dire les agents de la politique russe en Bulgarie, ont conduit le pays, c'était la politique des prix. C'est aussi une question assez longue à étudier en détail. Mais nous sommes convaincus que quelques exemples et quelques commentaires suffiront à faire sentir tout ce que -cette politique des prix représente de criminel pour les malheu-

rieux et laborieux petits agriculteurs bulgares.

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Le commerce de presque tous les produits agricoles est un monopole de l'Etat; c'est l'Etat seul qui achète et qui vend; c'est lui aussi qui fixe tous les prix.

Il fut un temps où certains économistes avaient commencé : à parler d'évaluation préalable, c'est-à-dire de la nécessité d'établir exactement les prix de revient pour tous les produits agricoles et industriels. Mais ces « vieilles conceptions > économiques irritaient les dirigeants staliniens et on était vite prévenu d'« en haut » que parler d'évaluation préalable c'était aider les réactionnaires. Et tout le monde économique s'est tu tout de suite.

Il était logique pour les dictateurs d'agir ainsi, car si le . gouvernement devait fixer les prix de vente à base d'évaluation préalable, il ne pourrait pas voler, et par conséquent, prolétariser • les campagnes.

En effet, d'après les données précises dont nous disposons pour beaucoup de produits agricoles en Bulgarie, le prix de revient pour le blé, par exemple (production primordiale du pays), s'élève à 30 levas le kilog, pour le lait de brebis, à 00 levas le litre, et pour la laine à 750 levas le kilog, pour ne prendre

• que ces trois exemples.

L'Etat fixe les prix de ces mêmes produits comme suit : le blé : 17,5 levas le kilog, le lait 48 levas le litre et la laine 260 levas le kilog. C'est-à-dire qu'il vole aux agriculteurs 12,5 levas par kilog de blé, 12 levas par litre de lait et 490 levas par kilog de laine. Cette perte porte sur leur travail ou leur ■ capital foncier, leur propriété.

D'autre part, tous les produits que les agriculteurs achètent sont toujours incomparablement plus chers. Prenons un exemple seulement. L'Etat vend aux paysans l'étoffe très ordinaire de laine 1.100 levas le mètre; il fait plutôt un échange avec de la laine, à raison d'un mètre d'étoffe contre 1 kilog de laine, au prix de 260 levas le kilog, et le reste, 940 levas est payé en argent. Cette laine échangée est prise sur la quantité minime .que l'Etat leur laisse lors de la réquisition pour leurs propres besoins. Quand ils veulent la vendre, l'Etat les paie cette fois au prix de 800 levas le kilog, par conséquent il est logique

• d'évaluer la laine échangée à ce prix. Ainsi le prix réel de l'étoffe que les paysans reçoivent s'élève à 1.740 levas le mètre (940 + 800).

Cela n'est-il pas un vol ?

Il appert que cette politique des prix ruinera inéluctablement tous les agriculteurs en quelques années seulement.

Les paysans le comprennent eux aussi très bien. Le mécontentement qui règne parmi eux est tel qu'à chaque moment il pourrait se transformer en une grande révolte générale, si Tes

• conditions internationales devenaient favorables.

LES STALINIENS ET LA CLASSE OUVRIÈRE

Bien que le parti communiste porte le nom d'ouvrier et se réclame de la classe laborieuse, sa politique sociale est manifestement anti-ouvrière.

Les communistes mènent à présent dans les pays d'occident »et partout où ils le peuvent, une campagne de grèves constantes •et revendiquent l'élévation des salaires. Mais en Bulgarie, comme dans tous les pays d'occupation bolcheviste où règne la dictature .stalinienne, toute grève est défendue et le gouvernement communiste décrète, au contraire, l'abaissement des salaires en établissant en même temps une échelle fixe des salaires. D'autre part, il ne fait rien pour améliorer les conditions sociales et économiques de la classe ouvrière et se montre tout à fait incapable d'arrêter la hausse des prix. Bien au contraire, c'est lui-même, étant la plupart du temps l'acheteur et le vendeur, qui fait la hausse des prix. En même temps, c'est l'Etat aussi qui augmente constamment le» impôts, les taxes, les différents paiements et prélèvements sur les salaires. En plus, le parti communiste, les syndicats et toutes sortes d'autres organisations communistes organisent tous les jours des souscriptions sans nombre.

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Au lieu d'améliorer en quoi que ce soit la vie matérielle et la situation sociale de la classe ouvrière, les staliniens au gouvernement, touchant quelquefois trois et quatre appointements à la fois par mois, ne cessent de chanter qu'il faut toujours faire des sacrifices et redoubler d'efforts pour réaliser le plan économique et édifier le socialisme. Ils ne font que cela.

Le salaire moyen d'un ouvrier s'élève à 300 levas, tandis •que l'on paie pour un dîner très modeste 100 levas au moins, 12.000 levas pour une paire de souliers aux magasins d'Etat, 10 à 12.000 levas pour un costume (et aux magasins « libres » d'Etat, le mètre d'étoffe de laine coûte 15.000 levas), 500 à 600 levas pour un kilog de riz (fourni par l'ORPS, Union Générale Professionnelle des Ouvriers), 400 à 500 levas pour un kilog de graisse de porc, 700 à 800 levas pour un litre d'huile, 1.500 levas pour un kilog de beurre, 1.000 à 1.200 levas pour un kilog de sucre, 300 à 400 levas pour un kilog de farine si l'on peut les trouver au marché noir, car le rationnement ne donne que très peu de graisse, d'huile et de sucre; 400 grammes de pain par "personne et par jour sont insuffisants; quant au beurre, il ne se vend qu'au marché « libre ».

D'autre part, le ravitaillement est tellement mal organisé que les acheteurs vont souvent eux-mêmes à la campagne, à des centaines de kilomètres, pour se procurer, par exemple, 10 kgs de haricots, de lentilles ou d'autres provisions indispensables pour l'hiver. Dans chaque familte, en ville, il est besoin d'une personne pour s'occuper chaque jour du ravitaillement particulier. Si l'on pouvait évaluer toute la valeur du travail gaspillé, <vla ferait plusieurs milliards de levas. Et pourtant, on prétend qae tout est organisé, que tout s'opère d'après les plans.

Voilà de quoi est capable l'Etat bolchevique dans la vie. •économique du peuple.

Quant à la durée et aux conditions du travail, il faut dire que depuis longtemps, la journée de 8 heures de travail n'est plus qu'une fiction et qu'on est obligé d'appliquer toutes sortes de stakhanovismes. Ce système est déjà bien connu par tout le monde, d'après tout ce que l'on sait de l'esclavage ouvrier en Russie;: il n'y a aucune différence.

L'ouvrier bulgare, sous le gouvernement « ouvrier », n'a qu'un droit : être gouverné par les staliniens, et qu'un devoir : travailler le plus possible, faire des sacrifices tous les jours et se taire paisiblement. Ét, dans ces conditions, tous les ouvriers sont « dévoués » à « leur » gouvernement, autant que les victimes sont attachées à leurs bourreaux.

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LA POLITIQUE NATIONALE DES COMMUNISTES BULGARES

Tout le monde sait déjà que les staliniens se sont faits partout des patriotes ardents. D'autre part, ils se réclament aussi d'un grand réalisme.

Pour mieux connaître leur « patriotisme », ainsi que leur « réalisme », il n'est pas inutile de faire un bref aperçu historique de la conduite des communistes bulgares dans la politique nationale depuis l'origine de l'ancien parti social-démocrate, dont ils avaient fait partie, jusqu'à ces temps derniers.

Après la libération nationale de la Bulgarie en 1878, la Macédoine et la Thrace restaient encore sous la domination des Turcs; leur libération se présentait comme une question nationale de première importance. Jusqu'à la guerre turco-bulgare de 1912, il n'y avait pas encore d'impérialisme; c'est à partir de cette guerre que le jeune impérialisme bulgare a fait son apparition. Par conséquent, la libération de ses frères restés sous le joug turc représentait une tâche urgente pour tous les Bulgares, surtout pour les intellectuels les plus avancés.

Tandis que presque tous les intellectuels, les écrivains et les poètes les plus connus, comme Strachimiroff, Yavoroff et plusieurs autres, lundis que presque toute la jeunesse y prenait part, tandis que tous les anarchistes (les « rêveurs » de tous les temps), étaient devenus vers la lin du XIX* siècle, les idéologues et organisateurs principaux de ce mouvement de libération nationale et révolutionnaire, comme Michel Guérdjikoff, qui avec Gotze Deltcheff, ont été à la tête de la célèbre insurrection « d'Uinden » de 1903, où s'était fondée dans la ville de Malko-Tirnovo la première commune libre en Bulgarie, qui avait existé 28 jours; comme Slove Merdjanofj, condamné à mort et exécuté à Andrinople, dont la statue s'élève aujourd'hui comme héros national dans le parc de sa ville natale de Karnobate; comme

Sokoloflf, Yordan IvanofT, Debeff et d'autres, plus d'une cinquantaine de grandes figures de révolutionaires anarchistes qui ont sacrifié noblement leur vie et ont aidé leurs frères en Macédoine et en Thrace, liant toujours pratiquement la libération nationale à la libération sociale, les social-démocrates d'alors étaient restés dans l'expectative et soutenaient leur dogme d'après lequel la ■question nationale trouve sa solution dans la révolution sociale qui ne se voyait alors même pas de loin.

Pour rappeler cette position des social-démocrates, dont la plupart sont devenus plus tard communistes, il ne faut retenir ici que deux faits très significatifs.

A une certaine époque, le gouvernement bulgare, se voyant •sous la pression de l'extérieur, avait commencé des persécutions contre les révolutionnaires macédoniens en Bulgarie. Michel GuérdjikofT avait été à cette époque à Plovdiv. Son ami personnel, Diinitri BlagoefT, d'origine macédonienne, un des leaders les plus connus des communistes bulgares, appelé le « grand-père », avait habité aussi la même ville. GuérdjikofT l'avait rencontré un jour et lui avait proposé d'organiser ensemble ua meeting de protestation. BlagoefT, sentant le sang macédonien ■couler dans son corps, avait accepté sans aucune hésitation. Un grand meeting eut lieu, où lui et GuérdjikofT prononcèrent de violents discours, stigmatisant la conduite anti-nationale et la trahison ignoble du gouvernement bulgare.

Le lendemain, Blagoeff fut appelé au téléphone par le Comité central du parti et réprimandé par Georges Kirkofï — l'autre grand leader des communistes bulgares — pour avoir trahi la ligne et la discipline du parti.

Plus tard encore, après l'écrasement de l'insurrection « d'Ilinden », des persécutions farouches eurent lieu contre la population bulgare en Turquie. L'organisation nationale-révolutionnaire, pour soulever l'opinion publique d'Europe et la gagner à la cause de la libération de cette malheureuse population, avait décidé d'envoyer une délégation auprès des personnalités politiques les plus influentes en Europe occidentale. Michel GuérdjikofT avait été placé à la tète de cette délégation.

A Paris, entre autres personnalités, la délégation s'entretint avec Jean Jaurès. La conversation s'engagea entre • lui et GuérdjikofT, le seul de la délégation connaissant bien le français, car il avait fait ses études à Genève. Jaurès lui dit : « Que font mes amis bulgares ? Pourquoi ne prennent-ils pas part à ce très sympathique mouvement révolutionnaire de libération nationale ? Je connais très bien Yanko Sakazoff ; il ne m'a pas écrit depuis longtemps. Je ne connais BlagoefT que de nom. En rentrant chez vous, dites-leur, je vous prie, que je veux me mettre en relations régulières avec eux. Il faut qu'ils laissent cette tactique des mains croisées lorsque les masses populaires se font tuer pour leur libération nationale. » (D'après le témoignage personnel de Guérdjikoff.)

Mais tout cela est de l'histoire. Les communistes d'aujourd'hui ont bien laissé leur tactique des mains croisées d'autrefois. La question nationale est à présent au premier plan pour eux.

Suivons donc leur courbe idéologique et tactique par rapport à la question nationale. Ne parlons pas de leur « patriotisme > qui pourrait être appelé un patriotisme russe. Voyons plutôt leur « réalisme ».

Après la date « historique » de la deuxième « libération » du 9 septembre 1944, les staliniens bulgares et yougoslaves se «ont mis d'accord pour inventer dans les Balkans une nouvelle nation, appelée macédonienne et ils ont même mis tous leurs efTorts pour créer artificiellement une nouvelle langue avec le dialecte macédonien de la langue bulgare. C'étaient les exigences de leurs projets politiques ou plutôt des projets russes dans les Balkans à ce moment.

Lors du dernier recensement général, les autorités communistes ont forcé les habitants de toute une région bulgare au pied du Pirine, de se faire inscrire comme nationalité macédonienne, bien que pareille nation n'existe pas et que toute la population de cette région, ainsi que tous les Macédoniens en Grèce, en Yougoslavie et dans tout le monde se déclarent bulgares. Tous ceux qui se sont opposés à ces mesures gouvernementales ont été internés.

Pour mieux assimiler cette population bulgare à la nouvelle « nationalité » formée en un Etat appartenant à la « fédération yougoslave », les communistes bulgares ont fait venir de Yougoslavie des instituteurs et des libraires qui ont bien servi pendant quelques années la propagande yougoslave. Le gouvernement stalinien en Bulgarie a même donné l'ordre dans toutes les écoles de changer les livres d'histoire et de géographie, afin que lea faits historiques et géographiques soient présentés selon les exigences temporaires et arbitraires de la politique.

Mais après les différents entre Tito et le parti communiste russe, les staliniens bulgares ont aussitôt fait un tour de 180". Toute cette cause « macédonienne », pour laquelle certains députés agrariens et divers Bulgares de cette région ont été farouchement persécutés, — l'anarchiste Todor Arnaoudoff a passé pour elle trois ans aux camps de concentration —, a été vite oubliée : cette fois, c'étaient les instituteurs et les libraires yougoslaves qui devaient être persécutés et très vite expulsés. Aujourd'hui, tous ceux qui voudraient soutenir cette cause seraient déclarés les pires ennemis de « la patrie » et du « socialisme en édification ».

Voilà la politique nationale très « réaliste » des communistes bulgares (1). Tous commentaires sont inutiles.

SITUATION INTÉRIEURE DU PARTI COMMUNISTE BULGARE, ET DEVANT LE PEUPLE

La véritable situation intérieure du parti communiste bulgare est déplorable; son unité chancelle, surtout depuis le conflit avec Tito.

La base communiste bulgare, en général, ne se prêtp pas assez facilement à toutes ces méthodes bizarres importées de Russie. C'est pour cette raison que la presque totalité des vieux communistes s'est retirée dès le début et reste à l'écart, sans aucune activité.

Beaucoup d'autres se sont fatigués de ces tours et détours de leur parti et la plupart des ouvriers communistes désespèrent du parti, ainsi que du communisme d'Etat lui-même.

il règne au sein du parti communiste un tel mécontentement que, sans la discipline de fer et la crainte des persécutions, l'unité intérieure aurait disparu depuis longtemps.

C'est pour cela peut-être que, depuis cinq ans, le parti communiste n'a pu trouver, ni le temps, ni la possibilité de convoquer un Congrès. C'est pour cela encore que le Congrès a été ajourné une fois l'année dernière pour le mieux « préparer ». Il semble que l'esprit bulgare — un esprit de grande indépendance — chez les masses communistes a nécessité une « préparation » plus longue. C'est pour cela aussi que les plus fidèles au Comité central et aux Russes (dont le Comité central est le mandataire volontaire) ne sont que ceux dont l'éducation fut forgée en Russie.

Mais ni la discipline de fer, ni la grande propagande, ni les différents privilèges réservés aux membres du parti communiste ne s'avèrent capables de relever l'esprit des niasses communistes désespérées à jamais. En effet, les réunions du parti sont de moins en moins fréquentées et la participation aux meetings, malgré toutes les mesures de terreur, devient de jour en jour moins nombreuse.

Parmi les vieux communistes circulent déjà diverses lettres clandestines et si l'on entre en conversation intime avec les communistes, même aveO ceux qui sont restés fidèles au parti, on en trouvo 9 sur 10 qui reconnaissent très vite que leur parti

(1) Un- exemple différent illustre le mime aspect de eette politique, Il faut à tout prix persuader le public que tout va bien en Hulgaric, les journaux ne doivent annoncer aucun accident et cela est interdit dans les annonces nécrologiques : depuis que les Staliniens gouvernent, il n'est plus permis de mourir d un accident, et ceux-ci n'ont même pas le courage de se produire.. Voilà ce que représente le « vrai gouvernement dtes choses r.--a perdu le jeu. Les seuls qui s'obstinent à ne pas reconnaître ou «acher la faillite, sont ceux qui occupent les postes de plu» haute responsabilité et qui touchent 3 et 4 salaires par mois.

Mais comme, tout de même, l'on connaît bien la mentalité et l'éducation communistes, la discipline et la dictature qui régnent dans le parti, on ne peut en espérer ni la scission ouverte, ni les grands résultats d'une scission effective, qui pourrait se manifester à chaque instant si la dictature fléchissait.

Quant à l'influence du parti auprès des masses populaires, les communistes l'ont perdue depuis très longtemps. Les masses jugent selon les faits et pour cela elles restent indifférentes à toutes les initiatives communistes, sinon hostiles.

Dans ces conditions, les dirigeants staliniens en Bulgarie rappellent les chevaux embourbés avec leurs chariots dans un marais de boue, et plus ils s'elforcent d'en sortir, plus ils s'enfouissent.

L'ÉTAT D'ESPRIT DES MASSES POPULAIRES

Le peuple bulgare a acquis une heureuse formation grâce aux expériences douloureuses de son histoire très mouvementée. Il est suffisamment mûr pour en tirer les conclusions les plus sages pour sa conduite dans la situation actuelle.

Il comprend très bien que la Bulgarie est un pays occupé par une puissance étrangère et que son destin dépend de la solution d'un grand nombre de problèmes, qui dressent l'une contre l'autre les puissances occidentales et l'empire rouge. S'il ne s'agissait que des communistes bulgares, il s'en débarrasserait très vite et très facilement, mais derrière eux restent toujours les armées rouges.

C'est pour cela que l'esprit des masses populaires en Bulgarie se caractérise par un état d'attente vigilante.

Il est intéressant de noter aussi que le peuple bulgare prévoit, d'instinct peut-être, que la dictature n'aura pas la victoire et que sa fin s'approche. Le moment opportun venu, elle disparaîtra comme une bulle de savon et tous les méfaits communistes ne resteront qu'un sombre souvenir. La doctrine jésuitique du bolchevisme serait ensevelie pour toujours.

En attendant ce moment, les masses populaires paysannes et ouvrières restent fermes dans leur opposition à toutes les stupidités et à toutes les intentions criminelles des staliniens, riant sous la moustache de leurs vains efforts et gémissant patiemment sous les coups féroces de la dictature abominable des agents de Staline.

Mais elles ne perdent pas foi un seul moment dans un avenir plus heureux, ni le courage pour se squlever dès que l'heure sonnera pour mettre fin à ce « socialisme sans liberté », dont le» aspects réels de barbarie asiatique ont été prévus, il y a 80 ans, par l'esprit clairvoyant du grand révolutionnaire russe.

UN MESSAGE DE BULGARIE

Chers compagnons,

. Dans la profonde obscurité de notre enfer bolcheviste, comme les rayons inattendus d'une lumière d'espérance, nous avons appris avec une grande joie que les camarades du monde entier soutenaient avec enthousiasme la cause des anarchistes bulgares persécutés.

Au nom de ces camarades, condamnés à une mort lente, mais sûre, dans les camps de concentration, au nom de nos camarades étudiants, exclus des Universités, et des ouvriers et employés rejetés à la rue sans travail et voués à mourir de faim; au nom de leurs familles; au nom de tous les travailleurs et paysans qui stibissent le joug de la réaction la plus noire, sans précédent dans les annales du peuple bulgare, et fixent leur regard sur ranarchisme révolutionnaire et libérateur, leur seule espérance; au nom de la Fédération Anarchiste Communiste de Bulgarie (F.A.C.B.) et de tous les anarchistes bulgares, les seuls aujourd'hui qui lèvent haut et avec fierté la bannière de la liberté et de la dignité humaine, et qui ne plient pas les genoux devant la dictature de DimitrolT, nous envoyons un cordial remerciement aux anarchistes et ouvriers du monde entier ayant répondu à nos appels, pour leur sympathie, leur attitude fraternelle, leur solidarité et leur aide morale et matérielle.

Compagnons ! Le peuple bulgare aime la liberté. Après cinq siècles d'esclavage sous la domination turque, il s'en libéra, il y a 70 ans, et les anarchistes bulgares, durant une soixantaine d'années, depuis la fondation de notre mouvement, n'ont connu que persécutions, prisons, camps de concentration, exécutions, et vivent aujourd'hui la plus horrible tragédie de leur histoire» Les Russes, venus pour la seconde fois comme « libérateurs » en Bulgarie, ont assuré la domination de la dictature rouge et l'esclavage monstrueux des paysans et ouvriers. Ils ont retiré leurs troupes sur l'autre rive du Danube, selon le traité de paix; mais à proximité de notre pays, ils sont l'arrière garde solide et le sûr appui de la cinquième colonne de Dimitroff. De plus, entouré au nord et à l'ouest des mêmes cinquièmes colonnes roumaines et yougoslaves, le peuple bulgare voit qu'il n'a pas assez de force pour abattre ses tyrans. Confus, mais non sans

espérance, il s'enferme dans sa résistance passive coutumière : bien orienté — comme peu de peuples le sont — sur la situation politique mondiale, surtout depuis l'ouverture du « rideau de fer », pratiquée par Tito, it attend le développement de ces événements. Notre peuple sait que dans sa lutte pour la libération, il doit s'affronter, non seulement avec les communistes bulgares armés jusqu'aux dents par la Russie et dont il n'a pas peur, mais aussi avec tout l'empire russe. Et, comme il est réaliste, il se rend parfaitement compte que la lutte qu'il doit entreprendre ne correspond pas à ses forces et que l'heure de l'action décisive n'a pas encore sonné. De là vient sa tactique d'attendre, et d'être prêt.

Malgré les persécutions de la dictature, malgré la nombreuse police qui s'infiltre partout, malgré des mesures nombreuses et variées, destinées à semer la panique dans le peuple, celui-ci n'a pas perdu son courage et sa fermeté. Jamais, dans notre pays, le peuple n'a été tellement uni contre l'autorité et jamais sa critique ne s'est affirmée aussi vaillante et ouverte, malgré un espionnage inconnu jusqu'alors. Les gens n'ont pas peur et ne se taisent pas : dans les trains, les stations, les tramways, dans les usines et les ateliers, dans les chancelleries et aux queues,, rien que d'un coup d'œil, ils se comprennent et critiquent le régime sans pitié et dans tous ses aspects. La faiblesse morale et le sentiment de culpabilité des bolcheviques devant le peuple n'encourage pas les partisans du régime à le défendre, et si quelque stalinien entend ces critiques, il préfère se taire.

Les persécutions se multiplient toujours davantage et il faut - en vérité, beaucoup de courage chez les masses populaires pour manifester ouvertement leur opposition et leur refus, parce que, non seulement les libertés élémentaires n'existent pas, mais le régime enlève aux opposants jusqu'aux possibilités d'existence, ce qui est le plus terrible. Le premier coup mortel est tombé sur l'Union Agrarienne. Eux et les socialistes sont surtout l'objet de persécutions. Quant à nous, anarchistes, les persécutions ne se sont jamais relâchées et à présent notre situation est la plus dure; ils nous laissent mourir de faim, d'une façon lente, mais sûre. Tous les camarades ouvriers et employés qui ne sont pas encore dans les camps de concentration se voient retirer le travail et ne sont plus admis nulle part. On met, par ailleurs, des obstacles aux possibilités d'organiser quelque travail particulier et bientôt il sera impossible de manger. Le petit commerce privé, les métiers et l'agriculture qui nous assuraient encore la vie sont, en liquidation et vont disparaître complètement. 11 ne reste qu'une possibilité : baisser la tète et tendre la main vers l'Etat stalinien, ses entreprises et ses métiers; pourtant, il ne donne pas le travail à n'importe qui, mais seulement à ses. laquais et à ceux qui sont capables de se vendre.

Qu'est-ce qui nous attend demain ? Peut-être le sort des camarades russes. Que sont nos espérances ? — celles du peuple entier : liquidation complète de la dictature rouge du même facteur qui l'a élevée au pouvoir — les relations entre les Anglo-Américains et la Russie. Ht notre vertu? — celle du peuple entier : attendre, malheureusement.

La situation des anarchistes d'aujourd'hui est en outre plus délicate et plus tragique que jamais, parce que dans le conflit entre le capitalisme et le militarisme privé et ceux de l'Etat totalitaire, notre place n'est dans l'un, ni dans l'autre front. Pour former notre propre front, avec des perspectives de succès, cela nous paraît aujourd'hui impossible parce que : 1° nous n'avons pas les forces nécessaires pour cette lutte gigantesque; 2" chaque combat armé enverrait automatiquement de l'eau au moulin voisin et nous ne voulons pas mélanger notre sang avec le sang de ceux qui nous assassinaient hier et ne nous feront pas non plus grâce de la vie demain; 3° la lutte ouverte contre îe bolchevisine n'est pas encore à son point culminant et si nous la commençions à présent, nous repousserions de nous la grande partie des ouvriers communistes qui ont perdu la foi dans l'autorité rouge, mais qui croient encore tout de même que le bolchevisine russe représente les intérêts de la classe travailleuse et qui demain, au moment opportun, viendront sûrement avec nous.

Malgré cette attitude prudente qui se marque jusque dans la presse clandestine que nous éditons, la haine et l'envie des bolcheviques à notre égard n'a pas de limites, parce qu'ils voient que les yeux de tous les désespérés sont dirigés vers nous, que nous sommes durs et ne nous plions pas, lorsque tous leurs adversaires — militaires et fascistes — se sont inclinés, sont venus à eux, et que, lorsque viendra un moment grave et décisif pour leur domination, tous les hommes vaillants et hardis, sans distinction d'idées politiques, viendront à nous.

C'est en effet qu'à présent en Bulgarie, les seuls qui n'aient pas baissé la tête sont les anarchistes. Dans les camps de concentration, les seuls qui n'aient pas signé jusqu'à présent la déclaration de fidélité à l'Etat du Front Patriotique sont les anarchistes. Parmi les ouvriers et employés renvoyés du travail et les nombreux étudiants exclus des Universités, les seuls qui ne pleurent pas sont les anarchistes. Dans les groupes d'opposition, qu'ils obligent par force à adhérer à l'unique parti d'Etat, les seuls qui ne l'ont pas accepté jusqu'à présent sont les anarchistes. Leur conduite vaillante et décisive rend courage au peuple, provoque le respect général, même celui des adversaires.. Partout, les anarchistes sont l'objet d'attentions. Toute l'opposition croit seulement en eux sans hésiter, et même sans le vouloir, exprime son admiration pour leur conduite héroïque. Pour les anarchistes bulgares, c'est la seule force, le seul capital

de valeur dans ce moment tragique.

Que nous réserve l'avenir ? Il est difficile de le deviner. Tandis que les ignorants commencent à mettre leur espoir de salut dans une guerre prochaine, la désirent et l'attendent impatiemment, nous, dans ce grave moment, ne perdons pas notre équilibre idéologique, ni la vision claire de la réalité : nous sommes adversaires de toute guerre. Nous voulons croire que celle-ci s'évitera. Au moment le plus grave du conflit qui mûrit entre le bloc anglo-américain et la Russie, cette dernière reculera, et le résultat de ses compromissions politiques sera sa chute et celle du régime stalinien dans notre pays. Nous sommes bien plus convaincus de cette issue que beaucoup de camarades d'Europe Occidentale et d'Amérique, parce que nous voyons directement la faiblesse incomparable de la Russie en face de la force matérielle monstrueuse et même des avantages moraux

du capitalisme anglo-yankee.

Si cela n'arrivait pas, la mort physique nous attend. Et si la guerre se présente comme l'unique issue, elle sera une catastrophe pour le monde contemporain.

Quoi qu'il advienne, les camarades du monde entier qui nous tendent aujourd'hui leur main fraternelle peuvent être sûrs que les anarchistes bulgares savent mourir pour leur idéal et pour la liberté du peuple, avec orgueil et dignité, les yeux fixés vers un avenir plus juste pour l'humanité et qu'ils ne couvriront pas de honte leur nom, ni le nom et la fierté du peuple, ni le nom et les espérances de l'anarchisme mondial.

Compagnons de tous les méridiens et recoins du globe terrestre, mettez votre oreille sur cette terre qui nous nourrit tous et de laquelle nous ne nous séparons jamais, et vous percevrez les palpitations de notre cœur, qui bat à l'unisson des cœurs de tous les hommes qui souffrent et qui se lancent avec fierté dans la lutte, les yeux fixés vers l'aurore dont la venue est inévitable. Vous percevrez notre profond et cordial remerciement pour votre aide et votre solidarité, qui font croître notre orgueil et notre force dans la lutte pénible.

Recevez notre salut révolutionnaire !

Vive le mouvement libérateur anarchiste mondial, la seule espérance, dans cette époque obscure, de tous les peuples opprimés par le capital et l'Etat.

Vive la Liberté I

Un Responsable de la F.A.C.B., en Bulgarie.

DÉJÀ PARU :

LA BULGARIE NOUVELLE ESPAGNE

Cette brochure est vendue au profit exclusif des Anti-fascistes de Bulgarie

Fascicule 2 Prix : 50

Achevé d'imprimé sur les presses de l'Imprimerie

PÉCOT & GOSSUIN 39. Rue de Bretagne,- PARIS-IIIC le 10 Mars 1949