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1. CHOLAT

La crise et le

prolétariat

Prix 2fr.

ÉDITIONS LIBRAIRIE DU TRAVAIL

17, Ru© Sambre-efr-Meuse — PARIS-X* DISCUSSION ET POLÉMIQUE N° 12

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INTRODUCTION

Voici déjà six ans que dure la crise. Crise économique sans précédent. Les défenseurs les moins camouflés du régime capitaliste sont obligés de reconnaître, ne fût-ce que du bout des lèvres, qu'il y a quelque chose de définitivement détraqué dans te mécanisme de ce mode de production.

A la crise économique correspond une crise politique qui a ses racines dans les mêmes contradictions: les forces historiques travaillent à faire éclater l'enveloppe dans laquelle veut les maintenir de force le régime capitaliste.

Sur le terrain politique on assiste à F écroulement des notions qui paraissent le plus solidement assises. Les démocrates les plus notoires ne trouvent plus comme moyen de gouvernement que les procédés de dictature plus ou moins déguisés. Les droits du peuple les mieux établis sont battus en brèche par ceux même qui prétendent les défendre.

Effectivement, cette période historique de six années écoulées se caractérise sur le terrain politique par une montée de la réaction dans le monde, en particulier la montée'du fascisme, quel que soit le nom dont on le baptise dans les différents pays.

Dans la mesure où il ne vient pas comme une réaction directe à l'action révolutionnaire manquée du prolétariat, n'est-ce pas l'expression politique de l'arrêt du développement du capitalisme? Son existence n'est plus basée sur le développement des forces productives, mais sur la domination barbare qut arrête tout progrès. N'est-ce pas un effort désespéré du capitalisme pour arrêter le cours de l'histoire, en enferrant ses forces vives?

Nous essayerons, dans les lignes qui suivent, de prouver que tel est, en vérité, le sens des événements.

PREMIERE PARTIE

ç............................... ..... ••

Crises cycliques

Les famines périodiques sont les compagnes fidèles du mode de production féodal. Elles témoignent de l'inexistence d'un marché organisé, d'une technique primitive de production. Elles soulignent le fait que les moyens de production et la force de travail appartiennent en propre au seigneur féodal; que l'exploitation des serfs est soumise à son bon plaisir et poussée à l'extrême limite; enfin elles expriment les rapports politiques existants, qui ne garantissent en rien l'existence du serf.

De même, les crises périodiques de surproduction (les famines pour les ouvriers) sont les compagnes fidèles du mode de production capitaliste. Par la surproduction relative et la mévente, elles soulignent le but de la production: le profit. Par le chômage en masse qu'elles créent, elles mettent en lumière le fait que les moyens de production sont la propriété privée des capitalistes et donc séparés de la force de travail. Le chômage montre que le capital est indifférent à l'égard de la force de travail hors du processus de production.

Mais ces crises cycliques de surproduction étaient caractérisées, dans le passé, par leur courte durée, par le fait qu'une masse plus faible d'ouvriers était touchée et surtout par cet autre fait qu'à chaque crise succédait une période de prospérité. Le marché s'élargissait alors dans l'espace et en profondeur. Dans l'espace : car le capitalisme se développait de plus en plus au détriment de la production artisanale. En profon» deur : car la productivité du travail augmentait par rapport à celle du cycle précédent.

Le pouvoir de consommation des masses augmentait, et donc le marché s'accroissait. Autrement dit, une masse de marchandises toujours plus grande était en circulation.

C'est ce que Marx avait désigné en indiquant que le « développement de l'économie capitaliste suit une spirale ■». Une spirale dans laquelle le passage d'une courbe plus étroite à une courbe plus large est marqué par une encoche centripète, désignant une contraction de la production pendant la crise.

Pour bien comprendre les crises et leur signification dans le mode de production capitaliste, il nous faut rappeler quelques notions élémentaires.

Quelles sont les principales caractéristiques qui découlent de la propriété privée des moyens de production? Ces caractéristiques sont: le salariat, la production pour le marché, la concurrence.

Le salariat. — Sa signification première est que le travailleur est complètement séparé des moyens de production, qui se trouvent être la propriété privée du capitaliste. Le régime du salariat signifie aussi qu'il existe un marché du travail et que l'ouvrier vend sa force de travail au capitaliste au prix de ce marché.

Les moyens de production et la force de travail entrent en contact par l'intermédiaire du marché du travail. Ils restent réunis seulement pendant le temps et dans les conditions déterminées par le régime du salariat.

Le capitaliste ne doit rien à l'ouvrier en dehors du salaire « librement convenu > sur le marché.

Le marché. — Pour que le capitaliste puisse s'approprier la plus-value incorporée par la force de travail de l'ouvrier dans sa marchandise, il est obligé de la vendre au marché, de l'échanger contre la valeur pure, le capital-argent. Le but de sa production est de produire le plus possible de marchandises et de l'écouler sur le marché afin d'en extraire son profit, représenté par la plus-value.

La production capitaliste est une production pour le marché. Elle est donc limitée par les cadres de ce marché.

La concurrence. — Si le salariat et le marché sont le corps du mode de production capitaliste, la concurrence en est l'âme. Elle est inséparable de ce mode de production; elle s'envolera seulement à sa mort.

Le capitalisme n'est un système vivant que par la concurrence. *Tout ce qu'il a fait de bon et de mauvais a eu pour point de départ la concurrence.

La concurrence veut dire la lutte. La lutte sous toutes ses formes. Elle va des efforts louables à produire le mieux possible et le meilleur marché possible jusqu'à la destruction du concurrent par tous les moyens. Entre les deux extrêmes, il reste toute

une gamme de modalités de lutte englobées par la concurrence.

Les limites et révolution du marché♦

Par quoi est limité le marché? Il est d'abord limité dans l'espace. Le capitalisme, en général, trouve devant soi la production artisanale, son concurrent historique. Pour se développer, il doit battre cette production en prouvant sa supériorité. Ce processus ne s'accomplit pas brusquement; le capitalisme conquiert graduellement la place de l'artisanat. Chaque perfectionnement de la production capitaliste a été un coup porté à la production artisanale, et donc un moyen d'étendre le marché capitaliste. Nous verrons plus loin que le capitalisme se trouve incapable de mener cette lutte jusqu'à la fin. Ses propres contradictions l'arrêtent à mi-chemin.

Le marché est aussi limité en profondeur. « La limite du mode de production capitaliste se manifeste dans le fait que l'élément décisif, pour l'extension ou la réduction de la production, n'est pas le rapport entre îa production et les besoins sociaux ou les besoins d'hommes socialement développés, mais l'appropriation de travail non payé et le rapport entre ce travail non payé et le travail matérialisé; ou bien, pour employer le langage capitaliste, le profit et le rapport entre ce profit et le capital employé, donc un certain montant du taux de profit. La production atteint donc des limites, alors qu'à l'autre point de vue, elle paraîtrait insuffisante. Elle s'arrête au point que fixent non point les satisfactions des besoins, mais la production et la réalisation de profit1 >. •

Ce qui veut dire aussi que le marché est proportionnel à la capacité de consommation solvable. Il se limite aux revenus consommables de 1a société à un moment donné.

Or, par quoi sont constitués les revenus consommables de la Société?

JD'abord par les salaires des ouvriers. Et nous savons que le salaire de l'ouvrier lui donne droit à une part de richesses consommables produites, strictement nécessaire à l'entretien et à la reproduction de sa force de travail, suivant la productivité du travail de l'époque.

Le revenu des capitalistes est la partie de la plus-value, non employée à l'accumulation. Nous verrons tout à l'heure que la partie à accumuler se transforme en capital additionnel en intégrant dans le processus de production une partie déterminée des ouvriers nouveaux, ce qui tend à élargir les limites du marché.

Les couches intermédiaires tirent leurs revenus de la plus-value produite par les ouvriers en les recevant, soit directement des ouvriers, soit des capitalistes.

Donc, l'extrême limite de consommation solvable est le salaire ouvrier et une partie de la plus-value produite par les travailleurs. C'est la limite d'un marché en profondeur, à un moment donné. Si la production des marchandises dépasse ces limites, il y a crise de surproduction relative. Elle est relative parce que, malgré la mévente, la masse du peuple reste dans le besoin.

La profondeur du marché est aussi conditionnée, en ce qui concerne la masse de marchandises absorbables, par la productivité du travail à une époque donnée ou dans un pays donné. « La valeur de la marchandise est déterminée par le temps de travail total, passé ou vivant, qui y entre. L'accroissement de la productivité du travail consiste précisément en ce que la part du travail vivant est diminuée et celle du travail passé augmentée, mais de telle façon que la somme totale du travail contenu dans la marchandise décroisse; en d'autres termes, que le travail vivant diminue plus que le travail passé n'augmente \ »

Ce qui veut dire aussi que le temps de travail socialement nécessaire pour reproduire le salaire de l'ouvrier diminue et partant que la plus-value relative augmente. Si un ouvrier, à un stade donné de la productivité du travail, emploie 4 heures à reproduire la valeur qui correspond à son salaire et 4 heures à produire la plus-value, le profit du patron; à un stade plus élevé, il mettra 3 heures à reproduire la valeur de son salaire, et pour que le taux de plus-value (degré d'exploitation) reste le même, il ne devrait travailler que 6 heures par jour. S'il travaille 8 heures par jour, c'est que le temps de travail non payé est prolongé de deux heures; le taux de son exploitation augmente. Pour combler cet écart il faut ou réduire la journée de travail à 6 heures ou augmenter les salaires. C'est ce dernier fait qui se produit le plus souvent et le plus facilement. Mais jamais l'augmentation de salaire n'arrive à combler complètement l'écart produit. Ce qui fait qu'en définitive, toutes choses égales d'ailleurs, le degré d'exploitation du travail va en augmentant. C'est le secret des prétendus hauts salaires en Amérique, où la productivité du travail est en avance sur celle de tous les pays du monde2.

Il n'en est pas moins vrai que la partie du salaire augmenté constitue un droit pour l'ouvrier à prendre aussi une plus grande part de marchandises produites. Ainsi donc augmente son pouvoir de consommation et partant s'agrandit le marché en profondeur.

Pour bien comprendre comment la profondeur du marché est en rapport avec la productivité du travail il faut comparer le pouvoir de consommation d'un ouvrier français en 1836 par exemple, avec celui qu'il a en 1936. Ou, ce qui revient au même, le pouvoir de consommation d'un ouvrier d'un pays à haute productivité du travail comme en France, Allemagne, Amérique, et celui d'un pays retardataire comme la Chine, l'Inde, etc.

L'ancêtre de l'ouvrier d'aujourd'hui (ou son frère de Chine actuellement) travaillait 12-16 heures par jour et avec son salaire n'arrivait pas seulement à se vêtir proprement, habitait un taudis innommable, etc.

Les produits de première nécessité qui rentrent aujourd'hui dans la consommation de l'ouvrier ou bien n'existaient pas alors, ou, s'ils existaient, leur production revenait si cher que seules les classes aisées pouvaient les consommer.

Donc, quand on parle des limites d'un marché à une époque donnée, il faut prendre en considération l'extension de la production capitaliste à cette époque et la productivité du travail à la même époque.

Le déséquilibre entre la production et la consommation se produit par rapport au marché limité, et donc est une chose relative et propre au mode de production capitaliste.

Le mécanisme interne d'une crise.

Pourquoi, inévitablement, à un certain moment, arrive-t-on m produire plus que l'on ne^ peut vendre?

Pour faire comprendre le mécanisme d'une crise, nous allons analyser un cycle de production. Supposons une période de production capitaliste où elle est encore noyée dans la production artisanale, donc en pleine période progressive. Nous supposons que tous les producteurs travaillent suivant la technique de dernier cri, que la concurrence a rétabli un taux du profit moyen, si bien que tous se présentent dans les mêmes conditions sur le marché.

D'autre part, ce marché, par une évolution précédente, est déjà au niveau de cette production et peut l'absorber. Si tous les capitalistes, produisant dans les mêmes conditions, ne cherchaient qu'à saturer chacun sa part d'un marché donné, ils ne pourraient que vendre toujours la même quantité de marchandises et en retirer toujours la même quantité de profits. Dans ces conditions, il n'y aurait pas de crise proprement dite, mais aussi nous serions en présence de la reproduction simple du capital, incapable d'accomplir aucun progrès.

Mais nous savons que le but de la production capitaliste est précisément le profit. Et par conséquent loin de se contenter de saturer une parcelle, toujours la même, d'un marché donné, elle cherchera comment l'étendre.

Dans les conditions et dans les limites d'un marché donné, un capitaliste ne peut augmenter sa production, élargir sa part du marché qu'au détriment du voisin qui, lui aussi, est en proie aux mêmes nécessités. Ceci d'ailleurs malgré lui. Même si un capitaliste voulait rester stationnaire, il ne le pourrait pas, car les concurrents auraient vite fait de l'étouffer complètement. Là aussi se vérifie cette loi générale: celui qui n'avance pas régresse.

Le capitaliste, pour battre son concurrent, pour lui prendre sa clientèle, sa part du marché, n'a qu'un moyen: vendre meilleur et meilleur marché. Pour y arriver, il a essayé de réorganiser son usine et de supprimer tous les frais inutiles, afin de baisser le prix de revient de ses marchandises. Pour la même raison, il a essayé de baisser les salaires, soit en payant moins, soit en prolongeant la journée de travail, soit en rendant le travail plus intense. La plupart du temps il procède des trois manières à la fois. Mais cela est à la portée de tout le monde, c'est donc un procédé vite appliqué par la majorité des capitalistes, procédé limité et vite épuisé. Le capitaliste peut évidemment réduire le taux de son profit sans augmenter la productivité du travail. Mais il est une limite au-dessous de laquelle aucun capitaliste ne consent à descendre, et c'est justement le taux de profit moyen. Il peut augmenter la masse de marchandises produites, en agrandissant simplement son usine. Ce moyen n'est pas à la portée de tout le monde, puisqu'il faut avoir de gros capitaux. D'autre part, il n'est pas très alléchant non plus, car si l'agrandissement de l'usine n'entraîne pas l'augmentation sensible de la productivité du travail, donc la baisse du prix de revient de la marchandise, il y a de gros risques que le supplément de marchandises produites ne puisse être écoulé et reste sur le carreau. Et, au lieu d'un profit supplémentaire, il y aura une perte.

Il ne lui reste donc, comme moyen vraiment efficace, que le perfectionnement de sa production. L'application d'une invention nouvelle, d'une machine nouvelle, d'une méthode nouvelle (taylorisme) qui, en augmentant la productivité du travail, baisse la valeur de la marchandise, par rapport aux conditions existantes et donc, baisse son prix.

Le capitaliste qui a réussi à baisser ses prix par le perfectionnement de sa production acquiert une supériorité sur les autres concurrents et donc peut étendre sa part du marché au détriment des autres, vendre une plus grande masse de marchandises à meilleur prix et retirer une plus grande quantité de profit.

« S'il y a baisse de taux de profit, le capital fait des efforts pour que le capitaliste individuel puisse, par l'emploi de meilleures méthodes, etc. faire descendre la valeur individuelle de chaque marchandise particulière au-dessous de la valeur sociale moyenne et réaliser son profit spécial avec le prix marchand donné. Mais la spéculation prend naissance et se développe, parce que tout le monde se met avec passion à essayer de nouvelles méthodes, à faire de nouveaux placements, à se lancer dans des aventures, pour s'assurer quelque profit spécial indépendant de la moyenne habituelle et supérieure à cette moyenne » (Souligné par nous, I. Ch.)

Le résultat de cette course au profit est que, au bout de quelque temps, toute une partie de la sphère capitaliste de production travaille suivant un type nouveau, une productivité nouvelle, d'un degré plus avancé que les conditions qui correspondent au cycle de la production donnée et dans lesquelles travaille la masse des autres capitalistes.

Déjà l'équilibre du taux de profit moyen est rompu, pour ce cycle de production. Avec une productivité plus grande, produisant la marchandise à bas prix, la partie avancée des capitalistes remplit un marché où les revenus sont au niveau du cycle de production inférieur. Donc, pour les mêmes revenus disponibles, ils peuvent donner plus de marchandises et augmenter la capacité de consommation solvable; plus même, c'est cette partie des capitalistes qui repousse la production artisanale et élargit le marché dans l'espace.

Un premier effet de cette situation est une prospérité fébrile apparente. La demande de matières premières, de machines, de main-d'œuvre augmente. Le processus d'accumulation est en pleine activité3. De nouvelles entreprises se créent sur les bases nouvelles. Les salaires augmentent, ce qui contribue encore à augmenter le marché en profondeur; le nombre d'ouvriers augmente, la part du marché capitaliste augmente par rapport au marché artisanal, ce qui élargit le marché dans l'espace. Tout ceci, se produisant encore dans le même cycle de production, contribue à retarder le moment de rupture d'équilibre entre la consommation et la production.

Mais, d'autre part, l'avance réalisée par cette partie des capitalistes ferme de plus en plus le marché aux capitalistes qui n'ont pas réussi à transformer leur production, à s'adapter aux conditions nouvelles. Il arrive un moment où ceux-ci ne peuvent plus écouler leur marchandise sur le marché. Ils cessent leur production, licencient leurs ouvriers, et par là-même provoquent une première contraction du marché. Ceci se répercute sur toute la production et en peu de temps, de la pleine prospérité on tombe en pleine crise. C'est l'arrêt quasi complet d'une importante partie de la sphère productive. C'est le chômage. C'est la famine pour les ouvriers.

Parmi les capitalistes, la lutte sourde par la concurrence, s'exerce au maximum. C'est la lutte à mort. C'est le moment de donner le coup de grâce au concurrent. C'est le moment des règlements de comptes. Les faillites se succèdent. Les faibles disparaissent et cèdent la place aux plus puissants. Non seulement au point de vue productif, mais aussi au point de vue fînan-cier. Une usine très moderne peut faire faillite comme les autres. D'abord parce qu'elle peut être en surnombre, et d'autant plus que, poussé par la concurrence, son propriétaire, pour s'outiller, a épuisé tous ses moyens et souvent s'est endetté. Il ne pouvait tenir qu'à condition de pouvoir réaliser toute sa production aux conditions de la prospérité. L'arrêt de la production est sa mort. Toute son installation passe à ses créanciers, de plus en plus souvent une banque. Mais il n'en a pas moins accompli, historiquement parlant et malgré lui, un travail progressif, puisqu'il laisse une entreprise moderne.

L'économie, en régime capitaliste, progresse en marchant sur les cadavres de ses propres enfants.

Un des premiers résultats de l'amélioration de la technique, de l'augmentation de la productivité du travail, a donc été la crise. Mais ce n'est pas le seul. Comme nous l'avons vu plus haut, l'augmentation de salaires suit l'augmentation de la productivité du travail, et donc augmente en profondeur la capacité de consommation solvable. D'autre part les capitalistes qui ont progressé aux dépens de leurs concurrents de la sphère capitaliste de production progressent encore plus au détriment de la production artisanale. Les artisans sont obligés de fermer boutique et de redevenir paysans ou ouvriers, à moins qu'ils ne deviennent des représentants ou gérants de la production capitaliste, ce qui sauvegarde leur position de petits-bourgeois. Ainsi progresse le marché en profondeur et dans l'espace.

Un autre effet de la crise est de précipiter le processus de concentration du capital. Par le rachat des entreprises en faillite, des groupements de plus en plus puissants se forment.

La crise indique le point de passage d'un degré inférieur de la productivité du travail, au degré supérieur. Elle indique aussi l'ouverture d'une courbe nouvelle plus large sur la ligne de l'extension du marché.

Après la liquidation de la crise, qui est une phase de la lutte entre les capitalistes, on rentre dans un nouveau cycle de production, avec une technique plus avancée, qui se traduit par le changement de la composition du capital. Le capital constant augmente par rapport au capital variable. Le taux du profit baisse, signe de l'augmentation de la productivité du travail. Le taux d'exploitation augmente.

Dans le nouveau cycle de production, les mêmes causes arriveront à reproduire les mêmes effets. Et pour les mêmes raisons, quoique à une échelle différente on aboutira à une nouvelle crise.

On peut se demander ici pourquoi les crises ne sont pas plus fréquentes. Cependant, de ce qui vient d'être dit, on peut tirer l'explication.

Pour qu'une partie des capitalistes arrive à introduire des méthodes nouvelles, une technique nouvelle, il faut un certain temps. Pour que leur production réorganisée et imitée par d'autres puisse faire sentir son effet sur le marché, il faut aussi du temps. Voici pourquoi les cycles de production entre les deux crises englobent une période assez longue. Pour les mêmes raisons l'on rentre dans le cycle suivant de production avec une productivité du travail augmentée et donc sur un marché transformé.

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Le raisonnement que nous avons suivi plus haut s'applique à la période progressive du capitalisme. Le développement a cette allure pendant toute une période historique. C'est l'époque du libéralisme, de la libre concurrence, du libre échange, de la démocratie bourgeoise, etc., c'est l'époque où la création du marché mondial est encore « la tâche historique de la bourgeoi sie » comme le définit Marx. Dans cette période, la concentration du capital n'a pas encore réussi à changer le caractère de la concurrence, de la lutte pour le marché. Mais il arrive un moment où la concentration des capitaux devient telle que la quantité se change en qualité. Au lieu de vaincre le concurrent par la supériorité technique de sa production, on le supprime par d'autres moyens plus puissants. Une nouvelle époque historique s'ouvre: l'époque des monopoles, qui change non seulement l'allure et la structure de *la production capitaliste, mais réagit sur l'idéologie et sur les formes politiques de l'Etat bourgeois.

Nous,sommes obligés de jeter un coup (l'œil sur les conditions du marché à l'époque de l'industrie monopolisée.

* *

Pendant toute la période progressive, malgré l'anarchie inévitable, malgré la marche à travers les ruines, les destructions et la misère, le capitalisme accomplit un processus historique progressif, puisqu'il développe les forces productives du monde.

Mais, quand la concentration du capital a atteint un certain degré, les conditions de la concurrence changent, mais aussi le rôle du capitalisme. Le rapport entre le travail progressif qu'il accomplit et les ruines et les misères qu'il engendre, devient de plus en plus faible. Son rôle progressif se rétrécit de plus en plus pour se transformer définitivement en une force historique réactionnaire. La force qui freine au lieu de pousser, qui détruit au lieu de construire, qui étiole au lieu d'épanouir.

A un certain niveau de la concentration du capital, il devient de plus en plus difficile de changer notablement les conditions de la production en introduisant un perfectionnement quelconque. L'effet relatif de ce perfectionnement est de plus en plus faible sur la productivité du travail qui a atteint déjà un niveau élevé. Les moyens financiers des différents groupements sont puissants et ils ne peuvent compter vaincre un concurrent en vendant à perte pendant un certain temps.

Alors, on a recours à un procédé nouveau. C'est l'entente d'une partie des plus gros contre tous les autres. C'est la création des monopoles sous toutes les formes : cartels, syndicats, trusts, etc.

Nous ne pouvons mieux faire ici que citer les caractéristiques que Lénine a donné de ce stade du développement capitaliste :

« 1° La concentration de la production et du capital créant les monopoles dont le rôle est décisif dans la vie économique.

« 2° La fusion du capital bancaire et du capital industriel, fusion qui donne le capital financier d'où surgit une oligarchie financière.

« 3° L'exportation du capital, qui acquiert une importance particulière et prend le pas sur celle des marchandises.

« 4" La formation de monopoles internationaux qui se partagent le monde.

« 5° L'achèvement du partage territorial de la planète par les grandes puissances capitalistes. »

Là compréhension exacte de ces caractéristiques est très importante. En particulier, il faut bien saisir la signification de la deuxième et de la troisième. Celles-ci indiquent bien que l'évolution du capitalisme, en passant d'une étape à l'autre, a aussi déplacé son axe principal d'action.

La création du capital financier marque le moment où le processus de concentration a quitté le processus de production proprement dit, pour se parachever sur un terrain nouveau, plus souple et plus puissant à la fois.

Sur le terrain du capital financier, la concentration du capital atteint le maximum possible en régime capitaliste. En effet, quelques magnats des finances centralisent la plus-value de toute une nation. Et, par l'intermédiaire de cette masse de capital, ils mettent la main sur la partie décisive de l'économie nationale.

La caractéristique suivante est le corollaire de la première. Elle indique que la course au profit, mobile principal de tout capitaliste, âneien ou moderne, pousse inévitablement le capital financier (maître de toute la plus-value produite dans le pays) en dehors des frontières. Il cherche à profiter de l'inégalité du développement des différents pays dans le monde, pour réaliser des surprofits. La masse de valeurs dont il dispose lui permet de lutter sur le marché mondial contre des adversaires non moins puissants.

Mais, en même temps, le capital exporté prend un aspect, une forme différents. Même quand il sert à exploiter une mine, une entreprise quelconque, son rôle politique de capital dominateur prend le pas sur son rôle dans la production proprement dite.

Cela indique encore que la concurrence sur le marché mondial prend autant l'aspect politique qu'économique. On s'empare d'un marché, des sources de matières premières et de la force de travail, par la force. On se crée ainsi un fief d'où l'on prélève la rente par l'intermédiaire du capital exporté.

Toute la diplomatie et toute la force d'un pays sont mobilisées pour frayer le chemin au capital exporté. Les vassaux modernes paient leurs tributs en favorisant sur leur territoire le placement du capital du pays suzerain.

Ainsi l'étape impérialiste est autant caractérisée par la nécessité de lutter pour les débouchés, que par la nécessité de trouver des territoires de placement pour les capitaux: « L'exportation de capital, surtout dans les dernières dizaines d'années, a acquis une importance qu'elle n'avait jamais eue autrefois (c'est Boukharine qui souligne). On peut même dire que, jusqu'à un certain point, il s'agit là de la création d'un nouveau type de liaison économique entre pays, tant s'est accrue l'importance de cette forme de relation économique internationale4 ».

La concurrence, qui met en contradiction permanente deux sphères de capitalistes dans un cycle de production de la période progressive, se réalise à l'époque des monopoles sur l'échelle du marché mondial entre les différents pays industriels. Mais, dans cette phase nouvelle de lutte par la concurrence, un facteur nouveau entre en jeu. Et justement, ce facteur change l'allure et le sens même du développement capitaliste. Nous venons de voir que l'exportation des capitaux prend le pas sur l'exportation des marchandises.

Or, les premiers sont à la recherche de la force de travail à subjuguer, tandis que les deuxièmes sont à la recherche du marché pour réaliser le travail non payé déjà incorporé.

Il faut cependant retenir que la création de monopoles a encore pour effet l'augmentation de la productivité du travail. L'industrie monopolisée produit à meilleur marché. Pour cela, elle se place encore dans la ligne progressive du développement historique.

Mais, comme toujours en régime capitaliste, ce progrès entre en contradiction avec le mode de production existant; et le résultat est l'inverse de celui auquel on s'attend. Au lieu de vendre meilleur marché, l'industrie monopolisée vend plus cher, du moins sur le marché national qui sert de base au monopole. Pourquoi? D'abord parce qu'elle profite de sa situation privilégiée sur le marché pour augmenter son profit. Mais aussi et surtout pour avoir mieux la possibilité de soutenir la concurrence sur le marché mondial. Car nous sommes dans la période où ce marché est réalisé. Ainsi le capital monopoliste prélève un tribut sur la population du pays d'origine pour mieux pouvoir se battre en dehors. Il fait même plus, puisqu'il entraîne dans son sillage toute la puissance politique et économique de la nation.

Le marché mondial étant partagé, compartimenté en sphères d'intérêts, la concurrence entre les groupes puissants prend une ampleur et une acuité jamais atteintes auparavant.

Cette lutte économique aiguë contribue, certes, à développer la productivité du travail. Mais, de plus en plus, cette crois-santre des forces productives ne trouve pas un champ d'application suffisant, tombe dans le vide. C'est que nous arrivons à un moment où le marché mondial se développe de moins en moins pour finir par s'arrêter complètement. Pendant que te marché mondial atteint les limites de son extension dans l'espace, la rationalisation pousséer le machinisme moderne aboutissent à jeter dans la rue une masse d'ouvriers de plus en plus grande. Ce qui fait régresser le marché en profondeur.

Nous arrivons à une époque où les différents groupements et pays concurrents sur le marché mondial ne peuvent augmenter leur part de ce marché qu'au détriment du voisin. C'est l'époque que nous vivons. C'est pourquoi il importe de rentrer un peu plus en détail dans cette question et d'essayer de mettre en lumière le dynamisme qui conditionne la situation actuelle.

Les limites du marché mondial.

Maître du marché national, le capital financier, dans la première phase de l'étape impérialiste du capitalisme, s'est employé à s'emparer des sources de matières premières et des marchés encore inoccupés par le capitalisme mondial. Il s'est aussi occupé à « mettre en valeur » les pays passés sous sa domination.

L'exportation des capitaux a joué encore un rôle progressif dans la mesure où ils ont été investis dans l'exploitation de mines, dans les plantations de coton, de jute, de café, de thé, de caoutchouc etc.

Son rôle a pris une apparence de civilisation dans la mesure où il a été investi, dans la construction de routes, de chemins de fer, d'usines.

Mais il suffit d'examiner la question d'un peu plus près pour s'apercevoir que cela n'est qu'une apparence trompeuse. Ce commencement de progrès est frappé de stérilité. Les forces productives végètent dans les pays soumis.

Pour trouver l'explication de cette action atrophiante du capital exporté, il faut se poser la question suivante: quel rôle joue-t-il dans les colonies et les pays retardataires?

A-t-il engagé la lutte contre les rapports féodaux existants? Non. i

A-t-il engagé la lutte contre le mode de production médiéval et contre la production arriérée en général, afin de pouvoir procéder à l'équipement moderne de ce marché et continuer sur une échelle plus grande le développement du capitalisme, jusqu'à transformer d'une manière égale le monde entier? Non! rien de tout cela. Le capital exporté n'est pas émancipateur, mais conquérant. Il ne libère pas, il opprime.

II s'empare du marché existant, non pour le transformer, mais pour se l'assujétir. Pour en faire un débouche à l'industrie de la métropole et un bastion sur le marché mondial en face de groupements adversaires.

Le capital financier aux colonies, semi-colonies et pays retardataires réalise des surprofits en exploitant les réserves des richesses naturelles du pays en forêts, en mines, en terres suivant le principe du brigandage.

Il réalise des surprofits en faisant travailler les coloniaux et les coolies au tarif du travail de l'époque féodale, sur des machines ultra-modernes. Il constitue ainsi une rente sûre à toute une classe de rentiers parasites de la métropole. Ces bénéfices, ces rentes,, ne sont plus retirés du processus de développement des forces productives, mais des actes de brigandage et par le prélèvement d'une dime sur une population opprimée, esclave.

Voici pourquoi nous touchons déjà aux limites du développement des forces productives en régime capitaliste et donc aux limites d'extension du marché mondial.

Le capital exporté, même s'il le voulait, ne pourrait pas briser les rapports politiques existants. D'ailleurs, loin d'essayer de les détruire, il les consolide. Car c'est le plus sûr soutien de sa domination.

Il ne peut songer à un équipement industriel sérieux du pays qu'il opprime. D'abord pour ne pas se créer un concurrent, et surtout pour ne pas créer son fossoyeur historique : le prolétariat.

Ainsi, nous nous trouvons en face d'une situation où le marché mondial est divisé entre différents pays impérialistes et oà un rapport fixe s'est établi entre les forces productives des pays soumis et celles des pays impérialistes.

Le développement des forces productives dans les pays impérialistes a atteint son niveau maximum en régime capitaliste. Celui des pays coloniaux, semi-coloniaux et arriérés se trouve au plus bas de l'échelle, mais étant sous les griffes du capital étranger, ne peut avancer.

Pour que le marché mondial puisse se développer en espace et en profondeur, la transformation capitaliste devrait se poursuivre en développant les forces productives du monde. S'il y a arrêt dans cette voie, il y a aussi arrêt d'extension du marché mondial, en régime capitaliste.

On saisit mieux la réalité de cette définition si l'on pense que, depuis un siècle, l'immense masse de coloniaux n'a réussi à avoir davantage pour son travail qu'une poignée de riz, à peine plus qu'un pagne, même pas toujours un grabat où reposer son corps épuisé.

La capacité de production de l'industrie des pays impérialistes dépasse la capacité de consommation solvable du marché mondial ainsi limité. Elle ne peut plus produire à plein rendement, elle ne trouve pas d'acheteurs pour sa marchandise, dise.

Plus que jamais, il n'y a pas de place au soleil du régime capitaliste arrivé à son étape impérialiste, pour tous les concurrents. Quelqu'un doit disparaître. Purement et simplement. Ceci nous fait prévoir que la prochaine guerre mondiale dépassera tout ce qu'on peut imaginer en sauvagerie et en destruction. Non pas à cause des moyens destructifs puissants dont on dispose, mais à cause du sens, du but de la guerre : exterminer, détruire un concurrent.

Cependant, les possibilités restent formidables. Les deux tiers de l'humanité vivent encore dans des conditions primitives. Si cet immense réservoir de force de travail et de richesses naturelles arrivait seulement à subir la transformation capitaliste du mode de production, la prospérité capitaliste régnerait de longues années encore.

Mais le capitalisme, comme nous l'avons vu plus haut, se

montre absolument incapable d'effectuer cette transformation.

*

**

La meilleure démonstration de ce fait sera fournie par un exemple. Nous allons prendre ici deux pays et comparer leur évolution et leur situation actuelle.

L'un, les Etats-Unis, qui s'est développé sous un régime de capitalisme après avoir conquis son indépendance et ensuite aboli l'esclavage. N'ayant ni les entraves féodales ni celles d'un pays colonial opprimé, il a pu profiter de tous les progrès accomplis par le capitalisme et même y contribuer largement.

L'autre, les Indes britanniques, pays féodal et colonial dès la période capitaliste.

Nous pourrons ainsi saisir sur le vif le rôle réactionnaire du capitalisme conquérant et la cause de sa propre régression.

Superficie, en milliers de km.1

Etals-Unis Indes britanniques

7.839.382 ' 4.667.680

Population en millions d'habitants Années Etats-unis Indes britanniques

1931................125 - 350

1870................38.588 206.162

Habitants par km.'

1931................15.9 75

1870................4.9 44

Ce tableau nous montre que, sur des superficies comparables, la force de travail existante est de beaucoup supérieure aux Indes qu'aux Etats-Unis.

De 1870 à 1931 la population des Indes s'est accrue de près de 150 millions d'habitants, celle des Etats-Unis de 87 millions. Donc la quantité de la force de travail disponible au début aussi bien que la force de travail additionnelle, sont de beaucoup supérieures aux Indes qu'aux Etats-Unis.

La richesse du sol aux Indes est en tout point comparable à celle d'autres pays. Dans une grande partie de son territoire, elle est même une des plus riches du monde. On peut s'en rendre compte en comparant les superficies improductives des deux pays.

En 1918, il y avait, en millions d'hectares, comme terres improductives :

Etats-Unis : 414.

Indes : 59,4.

- La richesse du sous-sol des Indes est comparable à celle des pays les plus riches du monde. Ses réserves en minerais de fer sont les plus grandes du monde. Elles tiennent un bon rang quant aux réserves de charbon, de manganèse, d'or, d'argent, de bauxite, etc., etc.

A. Philip, dans son livre Inde moderne dit que: « elle possède des ressources hydrauliques inépuisables, évaluées à 27 millions C.V., presque égales à celles des Etats-Unis » pour un territoire plus faible.

Par ces quelques chiffres, on peut se rendre compte que les richesses naturelles de ces deux pays sont en tous points comparables et à l'avantage de l'Inde. Donc, la différence formidable entre la richesse actuelle des deux pays ne peut être imputable qu'à la différence de rapports politiques et de mode de production qui existe dans chacun.

En évaluant la richesse actuelle des Etats-Unis, on peut se rendre compte de tout ce que l'Inde a perdu. Et avec l'Inde, tous les pays sous le joug impérialiste, qui freine leur développement historique.

Pour situer le début de la domination anglaise aux Indes, nous ne pouvons faire mieux que citer un passage du livre de A. Philip: « Depuis des siècles déjà, l'Inde n'était pas seulement un pays agricole, mais un des centres manufacturiers les plus riches du globe; ses marchandises se vendaient en Europe, en Egypte et en Chine; très tôt, elle avait commercé avec Baby-lone et Tyr, et les cours de Rome Impériale avaient apprécié les épices, les mousselines de Dacca, les dentelles, les tapis, les broderies avec incrustations d'or et d'argent de Delhi ainsi que les ouvrages en métal de ses orfèvres ». Un peu plus loin: « L'Inde était donc dans une situation en tous points analogue à celle de l'Europe à la même époque (xvin* siècle), à un stade de transition entre l'économie locale médiévale et le capitalisme manufacturier naissant.

« Cette évolution fut brusquement interrompue par l'occupation anglaise. >

Le résultat immédiat de cette occupation, c'est la destruction systématique de l'industrie indigène, dont on peut apprécier l'importance par le fait suivant: « En 1813 la ville de Calcutta exportait en Angleterre pour 2 millions de livres de cotonnades, en 1830, elle en importait pour la même valeur1 ».

Pour mieux apprécier le retard de l'Inde, nous allons comparer son évolution commerciale et industrielle avec celle des Etats-Unis depuis cinquante ans.

Pour ne pas charger le lecteur de chiffres, nous prendrons comme terme de comparaison quelques branches maîtresses de la production, d'après lesquelles on peut juger de l'ensemble.

1. Ibid.

Broche* à Hier

Chemin* de fer

Houille (avec li. gnite pour E. U.

FWe

Acier brut

*

j

1

en million*

en kilomètre*

en millier* de tonnes métriques

en milliers de tonnes métrique*

en milliers de tonnesmétriques'

E.-U.

Indes

E.-U.

Inde«

E.-U.

Indes

E.-U.

Indes

E.-U.

Inde*

1861 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1931

14.2 19

28.57 35.44 37.9

1.6 3.2 4-

5.5

6.6 8.6

49.290 85.180 150.110 276.890 325.780 408.860 424.600

7.396 7.685 14.968 26.307 39.719 51.514 59.480 62.000

64.850 143.100 244.600 455.000 517.000

2.203 6.217 12.241 16.467

37.257 » 42.964 »

87 1

162 1

221 > 442 1

1.207 4.345 10.300 26.520 31.802 55.034»

200*

1. En 191?, 1914, 1920 et 1924 respectivement.

2. En 192 et en 1929. 8. En 1929.

4. En 1928.

D'après ce tableau, si l'on compare la densité des voies ferrées, suivant l'étendue de son territoire, l'Inde devrait posséder un réseau de 279.000 km. pour égaler celui des Etats-Unis.

Mais, par rapport à sa population, pour égaler les Etats-Unis, l'Inde devrait produire en millions de tonnes :

1.447 de houille et lignite;

118 de fonte;

86 d'acier brut;

106 millions de broches à filer.

En admettant que pour une population beaucoup plus nombreuse et donc pour une production plus massive, on réalise une économie de 25 % sur les produits de base, il reste cependant un écart considérable entre la production réelle et celle qui devrait exister.

L'infériorité du niveau productif de l'Inde apparaît encore mieux si l'on compare le trafic des marchandises par chemin de fer, en milliards de tonnés-kilomètres :

Années

Etats-Unis

Indes

1927........

G88.803

35.813

1928........

091.691

35.792

1929........

715.221

35.197

1930........

613.210

33.367

1931........

493.788

30.000

1932........

375.615

28.130

1933........

401.701

30.589

1934........

434.419

34.700

Comme la crise est un phénomène général et parait avoir touché proportionnellement les deux pays, nous avons le droit de prendre comme terme de comparaison l'année 1929.

Dans ce cas, on obtient, par mille km. de voie, un trafic en millions de tonnes-kilomètres :

Etats-Unis : 1.682;

Inde : 596.

Par milliers d'habitants, en milliards de tonnes-kilomètres:

Etats-Unis : 5,7; Inde : 0,1.

Cela veut dire que le trafic est trois fois plus intense aux Etats-Unis qu'aux Indes par rapport à la longueur des voies. Mais il est 57 fois plus intense par rapport à la population. Autrement dit, pour transporter le même tonnage que les chemins de fer des Etats-Unis, les voies ferrées de l'Inde devraient avoir un trafic de 104 milliards de tonnes-kilomètres au lieu de 35.

Mais, par rapport à sa population, ce trafic, pour égalerî

«

celui des Etats-Unis, devrait être de deux trillions de tonnes--kilomètres.

De la faiblesse du tonnage transporté on peut déduire que, dans la construction des chemins de fer de l'Inde, les raisons politiques et stratégiques ont eu autant sinon plus d'importance, que les raisons économiques.

Aux Etats-Unis, les raisons économiques prennent la première place.

Ceci nous amène à dire que le rôle des chemins de fer est différent dans ces deux pays. Il fait circuler les richesses de l'un, il facilite l'oppression de l'autre.

Si on voulait chiffrer les marchandises de première nécessité comme toile, souliers, charrues, engrais, tracteurs, etc., on aurait une idée encore plus précise de l'énorme distance qui sépare ces deux pays sur le terrain économique.

Voyons maintenant quel rapport existe entre eux en ce qui concerne les échanges extérieurs. Ceci nous donnera une idée de la possibilité de l'extension du marché mondial. Nous n'avons pas de chiffres pour les exportations et importations en poids. Mais nous possédons ces chiffres pour la valeur des échanges, ce qui nous suffît.

Années Etats-Unis Inde

En millions de dollars-or anciens

Import.

Export.

1 m port.

■ ■ •

Export.

1929....

4.338

5.157

900

1.167

1930....

3.114

3.781

678

911

1931....

2.088

2.378

464.4

K " P "

5n5.5

1932....

1.325

1.570

350.5

355

1933----

1.118

1.279

285.8

359

1934____

— 975

1.253

282.3

335.1 "

Ici nous assistons à une chute verticale des échanges extérieurs due à la crise, phénomène général. Donc nous prenons comme terme de comparaison l'année 1929.

Dans ce cas, pour égaler les Etats-Unis, par rapport à sa population, l'Inde aurait dû importer des marchandises pour une valeur de douze milliards de dollars-or environ et exporter pour quatorze milliards. Ce qui ferait en francs-papiers, respectivement, 300 et 350 milliards. C'est à peu près le chiffre des échanges en 1929 de VAllemagne, de l'Angleterre, des Etats-Unis et de la France réunis.

Pour finir, ajoutons que le revenu moyen par tète a très peu varié dans l'Inde depuis 1867, où il a été de 20 roupies. Citons encore A. Philip: « Le revenu moyen de l'Inde semble donc, de 1900 a 1924, être passé de 30 à 75 roupies. Mais, dans la même période, la roupie a perdu 2/5 de sa valeur; le revenu réel est donc resté à peu près immuable ».

En 1914, le revenu moyen par tête aux Etats-Unis était de 72 livres ou 1.080 roupies.

La quasi immuabilité du revenu moyen par tête, dans l'Inde, est un signe certain de la momification de l'économie hindoue, bien symbolisée par Ghandi.

Cependant, les Anglais dirigent toute l'économie. D'après A. Philip: « Aujourd'hui, toute l'industrie du jute, la plus grande partie des mines et des chemins de fer, une portion importante des filatures de coton, en dehors de Bombay, sont entre les mains anglaises. Par ailleurs, 72 % au moins des sociétés anonymes indiennes sont entre les mains d'actionnaires anglais. »

Il est à remarquer qu'il n'y a pas, dans l'Inde, d'industrie fabriquant les moyens de production. L'industrie lourde n'existe pas. Les quelques hauts-fourneaux de Tata sont à peine suffisants pour faire face aux réparations sur place.

L'industrie légère, l'industrie de consommation, est entre les mains anglaises et ne change en rien la position de l'Inde sur le terrain économique. Toutes ces entreprises n'enrichissent en rien le pays. Elles sont un moyen d'exploitation barbare de la force de travail disponible et rien de plus. Pour s'en convaincre, citons encore A. Philip:

« En 1920, les hommes touchaient à peine 10 roupies (45 fr.-papiers environ) par mois dans la vallée d'Arsam et 8 dans celle de Surma; les femmes de 6 à 8. Le même chiffre qu'en 1911, bien que le coût de la vie eût augmenté de 70 %. »

Un peu plus loin:

« Les 2/3 de la population paysanne sont sous-alimentés et Sir Ch. Eliott, ancien gouverneur du Bengale, a pu déclarer que plus de 40 millions de personnes ne prennent pas un repas complet par jour. »

Il apparaît nettement que la domination des capitaux anglais n'a ni transformé ni enrichi le pays soumis. Bien au contraire. Ce capital s'est fixé comme un vampire sur le corps gigantesque de ce pays, en suçant tout son sang, sa sève vitale.

Le cas de l'Inde se retrouve entièrement dans les autres pays coloniaux, semi-coloniaux ou vassaux à un degré quelconque. Si bien que les deux tiers de l'humanité se trouvent arrêtés dans leur marche historique au seuil de la transformation capitaliste.

Si l'on entreprenait la transformation capitaliste des pays arriérés, non seulement les industries actuelles auraient à travailler à plein rendement pendant des décades, rien que pour leur équipement, mais en vérité, elles pourraient encore augmenter leur capacité de production en appliquant pleinement les données scientifiques au machinisme.

Mais, nous l'avons vu, le régime capitaliste est incapable d'accomplir sa propre tâche historique. Le développement des forces productives du monde en régime capitaliste a touché le plafond. Dorénavant, les revenus des pays impérialistes sont tirés sous forme de rentes fournies par l'exploitation barbare des pays dominés.

Si bien qu'aux cinq caractéristiques de l'étape impérialiste données par Lénine, on peut en ajouter une sixième: La

deuxième phase de l'étape impérialiste du capitalisme est caractérisée par l'arrêt du développement des forces productives du monde, par l'arrêt de l'extension du marché mondial.

Des causes de limitation du marché mondial se trouvent aussi dans les pays impérialistes mêmes. Quand ce ne serait que les barrières douanières — les frontières — qui préservent les industries arriérées de la concurrence des industries plus avancées, la misère de plus en plus grande des masses, etc. Nous ne pouvons, dans les cadres de cette brochure, examiner ces causes en détail. Le rôle de l'exportation des capitaux entre pays capitalistes non plus. Néanmoins, pour compléter notre tableau, nous attirons l'attention sur l'industrie d'un pays comme l'Angleterre. Ce qui saute aux yeux, quand on regarde les statistiques de ce pays, c'est l'arrêt de son développement industriel avec le xx* siècle. Le capitalisme y a puisé au maximum les ressources du pays. La plus-value qu'il extrait des millions d'ouvriers anglais au lieu de servir à élever leur niveau de vie, sert à être exportée à l'étranger.

Mais nous venons de voir quel rôle joue le capital exporté. 11 ne peut pas en jouer un autre.

Pour être progressif, il devrait briser les chaînes féodales; mais il est obligé de les consolider pour sauvegarder sa domination.

Pour trouver un emploi rémunérateur, tout en développant les forces productives, il devrait servir à l'industrialisation méthodique. Mais nul plus que le capital exporté ne connaît le danger de la création d'un prolétariat industriel massif et cons-. cient: son ennemi le plus déterminé, le seul ennemi conséquent.

Ainsi il apparaît que seule une force historique nouvelle, le prolétariat, sera capable de donner le coup d'épéé nécessaire pour trancher les entraves des peuples opprimés et retardataires.

Cette force, nous l'avons vu en action; nous avons déjà

éprouvé son immense dynamisme et sa puissance. De la Russie féodale et opprimée par le capital impérialiste, la Révolution d'Octobre a fait en quelques années un des pays avancés du monde. En vérité, c'est seulement dans 20 ans que les défenseurs les plus ardents de l'U.R.S.S. commenceront à se rendre vraiment compte du bond formidable que la Révolution lui fait accomplir.

*

**

De ce que le marché mondial est limité, il ne découle pas que les crises ne peuvent plus être surmontées. D'une façon générale, pendant les crises, la production tombe au-dessous du niveau normal, ainsi que cela ressort nettement du tableau comparatif des échanges cité plus haut. Les échanges des Etats-Unis en 1934 ont rejoint ceux des Indes en 1929, en régressant.

Donc, après quelque temps de crise, il peut y avoir une reprise pour atteindre le niveau qui précédait la crise. Evidemment, les économistes vulgaires ne manqueront pas à cette occasion de parler d'une nouvelle période de prospérité. Mais, en réalité, dès que le niveau de 1929 sera atteint, une crise nouvelle sera déclenchée.

Seules, des conditions hors du processus de «production, donc anormales, pourront arriver à faire marcher les industries à plein rendement et même à augmenter leur capacité de production. C'est la production pour la guerre. Mais ce n'est que pour retomber dans une crise aiguë, aussitôt après.

Par contre, la limitation du marché mondial en régime capitaliste nous indique que nous sommes en pleine crise générale du mode de production capitaliste; la crise de dégénérescence.

Dans cette crise, le côté politique prend le pas sur le côté économique. Les pays capitalistes doivent conquérir les marchés des voisins par la guerre. Le prolétariat, la grande victime de cette situation, doit lutter pour la réalisation de ses buts historiques, pour sa libération. Autrement dit, nous sommes en pleine période de guerre et de révolution prévue par Lénine.

La solution du problème se trouve en définitive dans le rapport de force entre le prolétariat et le capitalisme. Pour raccourcir cette période de dégénérescence, tout dépend de la force organisée du prolétariat.

**

Disons ici, en passant, que l'autarchie, l'économie dirigée, l'industrie de guerre étatisée, etc., ne représentent pas une forme nouvelle d'économie capitaliste. Non. C'est simplement l'expression de la lutte aiguë sur le marché mondial. C'est l'ultime barrage contre la concurrence des adversaires. Barrage qui brise le courant normal d'échanges sur le marché mondial, et qui aggrave toutes les contradictions du mode de production capitaliste. Le mode de production restant le même, aucun inconvénient n'est supprimé par cette réaction de défense, bien au contraire.

L'Etat totalitaire que l'on prône tant n'est, bien entendu, qu'une simple adaptation de la forme de gouvernement aux nécessités présentes. Mais tout cela représente aussi peu le progrès, que la destruction de richesses que l'on observe couramment aujourd'hui.

Le capitalisme des pays impérialistes dont l'existence se joue sur le marché mondial a besoin de se soumettre toutes les forces du pays, de soumettre « les intérêts particuliers à l'intérêt général » de la lutte à outrance sur ce marché mondial, lutte dont l'expression ultime est la guerre.

« Une unité économique et nationale se suffisant à elle même, élargissant sans fin son immense force jusqu'à gouverner le monde dans un empire universel, tel est l'idéal rêvé par le capital financier. »

« D'un oeil assuré, il regarde le mélange babylonien des peuples et, au-dessus des autres, il voit sa propre nation. Elle est réelle, elle vit dans son puissant Etat, multipliant sans cesse sa force et sa grandeur. A son élévation toutes ses forces sont vouées. Ainsi on obtient la subordination des intérêts de l'individu aux intérêts généraux supérieurs qui constituent la condition de toute idéologie sociale vitale; l'Etat, ennemi du peuple, et la nation ne font qu'un et l'idée nationale, force motrice, est subordonnée à la politique. (Souligné par nous: J. Ch.) Les contradictions de classe ont disparu, supprimées, englouties par le fait que tout est mis au service des intérêts de tous. La dangereuse lutte de classe, grosse pour les possédants de conséquences inconnues, a fait place aux actions générales de la nation cimentée par un but identique : la grandeur nationale5. »

« Les intérêts du capital financier se couvrent ainsi d'une formule idéologique élevée, qu'on s'efforce par tous les moyens d'inculquer à la masse ouvrière. Comme le remarque fort justement, de son point de vue, un impérialiste allemand: « Il faut établir son autorité non seulement sur les pieds des soldats,

mais encore sur leur esprit et sur leur cœur *. »

*

**

Tout ce que nous venons de dire peut se schématiser comme suit :

Sur la spirale, formée par la marche cyclique et oscillante de l'extension de la production capitaliste, les courbes sont de plus en plus rapprochées; les encoches à pointe centripète, qui marquent les crises, de plus en plus profondes. C'est qu'au fur et à mesure du perfectionnement technique, de la meilleure organisation du travail, de la concentration du capital, la productivité du travail croît plus vite que l'extension possible du marché.

Mais, lorsqu'on touche à la limite d'extension du marché mondial, la spirale se ferme par un cercle. Sur ce cercle, les encoches indiquant les crises se succèdent et les courts moments où la production dépasse le marché indiqué par le cercle, sont traduits non pas par une courbe nouvelle de la spirale, mais par une pointe centrifuge.

Les forces productives sont enchaînées. Seule une force historique nouvelle, le prolétariat, peut briser ces chaînes.

DEUXIEME PARTIE

La situation actuelle et la lutte des classes.

Dans . la première partie de cette brochure, nous avons essayé de souligner les contradictions économiques au travers desquelles le capitalisme a accompli son évolution et abouti à la fin de son développement et de son rôle historique progressif.

Mais une autre contradiction, aussi importante, se profile à travers toute la chaîne qui constitue la vie du régime capitaliste: c'est le rapport de production existant; c'est la lutte des classes.

Toutes les oscillations de la production capitaliste se répercutent sur la vie de la classe ouvrière dont les intérêts sont constamment et à tout instant en contradiction avec les intérêts de la classe bourgeoise dominante.

Nous venons de voir que la seule force historique capable de briser les entraves qui freinent le développement des forces productives du monde, est le prolétariat.

Mais, sur le chemin des buts historiques de la classe ouvrière, il se trouve d'autres tâches plus immédiates. En particulier la lutte quotidienne pour l'existence. Il s'agit de voir si ses méthodes de lutte revendicative correspondent à la situation actuelle.

Nous avons vu que l'évolution économique du capitalisme change aussi ses méthodes de gouvernement. Mais les deux se répercutent inévitablement sur la classe ouvrière. Il en découle que les ouvriers doivent adapter leur propre lutte aux circonstances de chaque époque.

Dans la période progressive du capitalisme, par exemple, la création des syndicats et des Bourses du Travail fut d'une importance historique.

Il était capital de réunir les ouvriers, dispersés sur le marché du travail, en un seul bloc et de l'opposer aux acheteurs de la force de travail. Ainsi seulement, on pouvait s'opposer avec succès à l'exploitation sans merci. Ainsi seulement, on pouvait à chaque progrès de la productivité du travail, par la lutte organisée, élever le standard de vie de la classe ouvrière, échapper à l'écrasement complet.

Les Bourses du Travail et les syndicats correspondaient à une étape historique. Leur tâche principale fut de grouper le prolétariat en un bloc organisé. Sur la base de la lutte pour les revendications immédiates, pour l'existence quotidienne, ces organisations avaient atteint cet objectif.

Mais, du moment où le prolétariat se trouve groupé, réuni, sa lutte s'élargit considérablement. La lutte pour la réalisation des tâches historiques se pose. Ce groupement acquiert une couleur politique malgré lui. La moindre bataille qu'il engage a un sens politique. Ce n'est plus la lutte pour la croûte de pain, mais la lutte du monde nouveau contre le vieux monde.

A une seule condition pourtant : c'est qu'à aucun moment l'organisation qui mène la lutte ne perde de vue les buts historiques du prolétariat

Ainsi, il s'établit un rapport entre la lutte revendicative quotidienne et la lutte pour la réalisation des buts historiques du prolétariat. Ces deux facteurs influent étroitement l'un sur l'autre. Si les méthodes de lutte de l'un ne favorisent pas le développement de l'autre, la lutte elle-même dégénère, perd son efficacité. Une grève générale, menée par une organisation qui a renoncé à la lutte pour la prise du pouvoir par le prolétariat, perd son caractère révolutionnaire; mais aussi son efficacité, même pour la réalisation de la revendication immédiate en cours.

Pour la même raison, lorsque les organisations ayant lutté pour la prise du pouvoir, ont laissé passer le moment historique favorable sans agir, la lutte ouvrière se désagrège, dégénère et se transforme en lutte revendicatrice sans perspectives. Cela aboutit à l'affaiblissement du prolétariat pour un certain temps.

Actuellement, le prolétariat se trouve dans une situation semblable.

La lutte aiguë des classes, depuis octobre 1917, s'est terminée par une défaite momentanée de la classe ouvrière internationale.

La lutte du capitalisme pour la sauvegarde de sa domination et son ultime évolution sur le plan économique ont réagi sur la forme même de l'Etat capitaliste, sur les méthodes de gouvernement, les méthodes d'oppression du peuple.

Les rapports politiques, les rapports de production, restent les mêmes quant au fond. Mais ils changent de qualité. L'oppression renforcée, à laquelle est soumis l'ouvrier, rabaisse sa position sociale, même jusqu'au rang de l'esclave, non pas seulement de fait, mais de jure.

L'ouvrier n'est plus un homme libre, maître de sa force de travail. De plus en plus on veut le plier de force aux servitudes de la féodalité moderne.

Si bien que pour le nouveau cycle de lutte qui s'ouvre, le prolétariat doit résoudre des problèmes nouveaux. Il doit adapter ses méthodes de lutte à la situation nouvelle.

Si la classe ouvrière ne réussit pas à briser ces chaînes nouvelles qu'on lui forgé, en appliquant des méthodes de lutte appropriées, elle sera réduite à végéter, à renoncer à son rôle historique pour longtemps.

II

Or, ce qui caractérise notre époque, c'est une quantité de plus en plus grande d'ouvriers rejetés hors du processus de production. « La surpopulation est forcément produite et accélérée par le développement de la force productive du travail qui s'exprime dans la diminution du taux du profit. La surpopulation relative règne d'autant plus dans un pays que le mode de production capitaliste y est plus développé \ » Autrement dit, à notre époque, un chômage important n'est pas passager, mais stable, même dans les périodes de « prospérité ». Le capitalisme joue sur ce fait pour aggraver la position politique et économique du prolétariat.

Donc, c'est un problème qui doit être résolu dans l'intérêt de la classe ouvrière. Voyons quels sont ses postulats.

Quand on essaye d'établir une statistique du chômage, on s'aperçoit vite qu'il est impossible d'obtenir des chiffres exacts. Il est par conséquent impossible de dresser avec la précision désirable le tableau du chômage et de ses variations. Cela n'est pas pour nous étonner, et traduit bien la position sociale de la classe exploitée. La bourgeoisie ne se soucie guère, et ne peut se soucier, du sort des travailleurs. L'existence d'une armée de réserve, et donc d'un certain chômage, est une nécessité pour la bourgeoisie. Ceci lui permet de peser sur la résistance des ouvriers et de payer les salaires minima dans les conditions données. Il est facile de comprendre que celui qui n'a pas intérêt à la disparition du chômage, n'a aucun intérêt à connaître la situation exacte.

Cependant, des statistiques partielles existent pour un certain nombre de pays. Ceci d'ailleurs dans la mesure où les organisations ouvrières ont été assez fortes pour mener ce contrôle elles-mêmes. Quoique insuffisantes, ces statistiques vont nous permettre de saisir l'allure du phénomène et aussi de fixer notre attitude à l'égard de ce problème important.

Dans ^e tableau I nous avons les courbes du chômage de 1910 à 1922, pour les quatre pays industriels les plus importants. Ces courbes représentent le pourcentage moyen dans l'année des ouvriers syndiqués en chômage. Les Etats-Unis sont représentés par un de leurs Etats fortement industrialisé : le Massachusett. L'allure de sa courbe de chômage peut s'appliquer à l'industrie américaine totale, sans grande erreur.

Tableau I

Tableau II

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u *s ^v ir

Les courbes de ce tableau nous révèlent que les années qui ont précédé la guerre de 1914-18, ont été des années de stagnation, de crise économique latente pour la France, l'Angleterre et les Etats-Unis. L'Allemagne, au contraire, est en période d'activité jusqu'en 1913 et c'est seulement à la fin de 1913 et jusqu'au mois d'août 1914 que le chômage y augmente brusquement. Il est intéressant de constater que, pendant ce temps, le chômage diminue en France et en Angleterre. Cette situation témoigne de la lutte serrée sur le terrain économique immédiatement avant la guerre. La guerre fait baisser brusquement au minimum le chômage, dans les trois pays belligérants. Mais il augmemnte encore aux Etats-Unis par fermeture brusque des marchés. L'activité reprend, dans ce pays, seulement en 1915, quand les commandes de guerre affluent. En somme, la seule période de « prospérité » coïncide avec le moment de la destruction des forces productives par la guerre.

Il est caractéristique de remarquer qu'à la fin de la guerre, le chômage atteint un niveau jamais égalé auparavant en Angleterre et aux Etats-Unis. Les statistiques exactes manquent pour la France. Mais l'Allemagne maintient une certaine activité, justement au moment où ses principaux concurrents subissent un arrêt important.

Ceci est dû à deux causes. La première est la baisse de la monnaie allemande, qui constituait une prime à l'exportation, en même temps d'ailleurs que l'appauvrissement du pays. La deuxième cause réside dans le fait que les concurrents ne peuvent pas prospérer en même temps sur un marché mondial limité. Il est intéressant de remarquer que, dans la crise actuelle, le Japon prend la position de l'Allemagne à l'égard d'autres concurrents.

Le tableau II nous donne les courbes en millions de chômeurs complets de 1927 jusqu'en janvier 1936.

On peut y remarquer l'acuité du chômage aux Etats-Unis et en Allemagne. Deux pays fortement industriels, mais sans colonies. Par contre, la courbe du chômage et donc la crise, est bien adoucie pour le grand pays colonial qu'est l'Angleterre, qui possède un marché réservé. Ceci est encore plus caractéristique pour la France, pour laquelle la courbe serait à peine sensible sur ce tableau, si bien que nous ne l'avons pas représentée.

Ainsi, les buts de la prochaine guerre se dessinent sur les courbes comparatives du chômage.

Mais, ce qui est surtout à retenir de ces tableaux, c'est que, même dans les années de plus grande prospérité, un chômage important persiste. Et c'est un phénomène général et inévitable en régime capitaliste. La masse des ouvriers en chômage devient de plus en plus importante, par rapport à la population et par rapport aux ouvriers au travail. Une coupure scinde la classe ouvrière en deux parties qui se repoussent.

« Dans le cas de la Grande-Bretagne, si 4,5 % était considéré comme un pourcentage normal, basé sur l'expérience d'avant guerre, le niveau d'un peu plus de 10 %, qui s'établit dans les années relativement satisfaisantes de 1927 à 1929 constitue, pour le moins en partie, une augmentation du minimum avec lequel il faut compter et peut-être même un doublement de ce minimum6. »

Et voici un extrait du rapport des commissaires nommés par le gouvernement britannique, pour étudier la situation industrielle des régions « déprimées ». « Dans le comté de Durham et le bassin de la Tyne, par exemple, au moment de la rédaction du rapport, on comptait 147.940 chômeurs complets, mais la gravité réelle de la situation ressort du fait que, parmi eux, 63.000 personnes étaient sans emploi depuis plus de deux ans; 40.700 depuis plus de trois ans; 18.500 depuis plus de quatre ans et 9.200 depuis plus de cinq ans7. »

C'est le tableau général de la position de chômeur dans tous les pays industriels.

Il est facile de voir que cette situation annihile, rend inefficace la lutte ouvrière. Les ouvriers se trouvent divisés malgré eux. Ils se regardent en frères ennemis. Le chômeur jalouse le camarade qui travaille. Le travailleur redoute le chômeur affamé qui pèse sur ses conditions de travail, dans la mesure où il est prêt à le remplacer à des conditions moins favorables.

Les organisations ouvrières ont été incapables de trouver une solution à ce mal, et pour cause. Le chômeur s'en rend compte et se décourage. Sa conscience de classe s'estompe. Il devient le ventre qui demande à manger n'importe comment.

Le côté politique du problème surgit immédiatement. La réaction, le fascisme, en promettant du travail aux chômeurs recrutent leur armée contre-révolutionnaire. Une partie des ouvriers affamés lutte contre ses frères de classe, comme une partie des coloniaux lutte contre ses frères de race, et en rive un peu plus ses propres chaînes.

Quel remède trouver à ce mal? Dans les lignes qui suivent nous allons essayer de résoudre ce problème.

Le problème du chômage a été la préoccupation constante ■ des organisations ouvrières. Les Bourses du Travail, les mutuelles, les caisses syndicales de secours, l'assurance-chômage, sont les moyens par lesquels on a essayé de résoudre le problème.

Même dans la période progressive du capitalisme, où une masse d'ouvriers toujours plus grande rentrait dans le processus de production, ces moyens n'ont pas été entièrement efficaces.

Cependant, ils ont rendu de grands services. Renseigner les ouvriers sans travail d'une province, sur les possibilités et les conditions de travail dans une autre province en activité, les aider à s'y rendre, leur donner un secours temporaire, c'était

suppléer à l'anarchie de la production capitaliste, à l'insouciance des maîtres pour le sort des exploités; mais aussi c'était aider puissamment les ouvriers dans leur lutte quotidienne. Leur donner la confiance en eux-mêmes. Leur faire sentir leur propre force. Tel fut le rôle des Bourses du Travail et des syndicats, rôle qu'ils ont avantageusement joué pendant longtemps.

Mais, depuis quinze ans au moins, aucune Bourse du Travail ne peut se targuer de pouvoir trouver un placement aux chômeurs innombrables, ni dans le pays, ni hors du pays. Quelle caisse syndicale peut soutenir les ouvriers sans travail de son syndicat? Quel syndicat a pu imposer ses chômeurs et les faire travailler?

L'Assurance-chômage, même en Angleterre où elle a été le mieux réalisée, se montre inefficace. Dans le meilleur des cas elle peut soutenir ses assurés pendant quelques mois, au bout desquels l'assurance cesse, et les chômeurs restent sans ressources.

Si bien que partout l'Etat a été obligé d'intervenir en distribuant des secours. Mais l'Etat bourgeois ne peut pas travailler à assurer l'existence des ouvriers en chômage. Non seulement parce que cela lui coûte cher, mais surtout parce qu'il supprimerait à la bourgeoisie la possibilité de surexploiter le prolétariat à la faveur de la crise. Dans la mesure où il distribue des secours, il travaille à démoraliser les chômeurs, à les détacher de leurs organisations, en les obligeant constamment à s'adresser aux élus bourgeois, pour régulariser leur situation.

Aussi les secours de chômage distribués par l'Etat et les communes sont-ils ridiculement faibles; distribués à une minorité de chômeurs, et si mal réglés que le chômeur est souvent transformé en quémandeur. Si bien que les chômeurs, dans leur ensemble, se trouvent désarmés devant les affres de la famine et de l'insécurité et finissent par accepter des conditions défavorables de travail. Mais, en temps de crise comme celle que nous vivons, même dans ce cas, ils n'en trouvent pas.

Cette situation sans issue est bien décrite par Roosewelt, dans son livre Looking Forward inaugurant la fameuse N.R.A.:

« Notre situation économique est aujourd'hui d'une ironie tragique. Nous n'avons pas été réduits au point où nous en sommes par un cataclysme de la nature — sécheresse, inondation ou séisme — ni par la destruction de notre appareil de production ou de notre potentiel humain. Nous avons en surabondance des matières, des outils pour fabriquer avec celles-ci les articles qui nous sont nécessaires et des moyens de transport et d'échange commercial pour mettre ces articles à la disposition de tous ceux qui en ont besoin. Or, notre outillage, nos moyens, sont en grande partie inutilisés actuellement, tandis que des millions d'hommes et de femmes vigoureux et intelligents, dans un profonde misère, réclament à grands cris du travail. Notre aptitude à faire fonctionner le mécanisme économique que nous avons créé est ainsi mise en doute \ »

Ainsi donc, tous les anciens remèdes apparaissent comme de bien faibles palliatifs. Le problème reste entier, plus aigu que jamais.

Il importe de voir les moyens qu'emploie la bourgeoisie pour résoudre ce problème et en éviter les inconvénients. Ceci nous fera découvrir les dangers réels qui menacent la classe ouvrière, de perdre tous ses droits d'hommes libres.

Une première porte que la bourgeoisie a ouverte devant les sans-travail c'est l'engagement dans l'armée. Surtout l'armée coloniale. Ainsi les recruteurs ont-ils eu à choisir parmi les gars les plus sains, les plus robustes pour constituer l'armée d'oppression. Mais ce débouché a été vite fermé. Si bien que ceux qui ont pu y pénétrer se considèrent encore comme heureux.

Le deuxième débouché, comme nous l'avons vu, est la rentrée dans les organisations fascistes. La classe ouvrière s'est vue obligée de lutter contre elle-même, sans seulement s'en rendre compte. Après la trahison des organisations ouvrières, c'est sûrement le coup le plus dur, le plus tragique pour l'ensemble du prolétariat.

Le pire vient après. Ce pire, ce sont les camps de travail, le travail forcé généralisé. Les ouvriers sont enrôlés comme des soldats, dirigés militairement et obligés de faire les travaux qu'on leur ordonne, aux conditions qu'on leur impose. Au cas où l'industrie a besoin d'ouvriers ils sont obligés d'accepter les conditions offertes. C'est l'esclavage sans aucun déguisement. Avec cette différence que, de notre temps, c'est l'Etat bourgeois qui se charge de faire la traite au profit de seigneurs capitalistes.

Telle est la situation. En régime fasciste déclaré, cela devient une règle générale, une base de l'Etat fasciste. Mais, ces faits existent même dans les pays réputés démocratiques tels que l'Angleterre et les Etats-Unis. Ce qui démontre que c'est là une tendance générale du régime capitaliste et en souligne la signification historique.

Voici comment on pratique « l'assistance aux chômeurs » aux Etats-Unis: « Des dispositions furent rapidement prises, en collaboration avec les quatre départements intéressés (guerre, agriculture, intérieur et travail) pour l'enrôlement des chômeurs dans un « Civilian Conservation Corps », et leur affectation à des camps de travail. L'intention première était de constituer un corps de 250.000 hommes célibataires âgés de dix-huit à vingt-cinq ans; mais, dans la suite, il fut décidé d'enrôler également 25.000 anciens combattants en chômage et un nombre limité de bûcherons vivant dans le voisinage des camps, ce qui portât l'effectif total du corps à plus de 300.000 hommes. Outre ces camps de Civilian Conservation Corps, des camps spéciaux devaient être créés dans les « réserves > pour les Indiens sans travail et des camps pour les chômeuri à Hawaï, à Porto-Rico ainsi que dans l'Alaska...

...« Le département de la guerre se chargea de la réception, de la nourriture, du transport, du logement, de l'habillement, de l'examen médical et professionnel des hommes choisis et de leur placement dans les camps forestiers. L'établissement et l'administration des camps, la surveillance et l'entretien des hommes en tout temps, sauf lorsqu'ils étaient effectivement au travail dans les forêts, rentraient également dans les attributions du département de la Guerre. »

Il fut créé 1.600 camps, dans lesquels travaillèrent 550.000 hommes au cours de 1933. Quand on sait qu'à la même époque il y avait 14 millions de chômeurs, on voit tout de suite que cette mesure est loin de résoudre le chômage, même à ces conditions. Mais sa valeur, comme tentative esclavagiste à l'égard de la classe ouvrière, reste entièrement.

Voici comment Christie Tait décrit un camp de travail en Angleterre :

« Il faut beaucoup de tact et de compréhension pour s'occuper d'un groupe d'hommes éloignés de leur milieu familial, dont ils ont souvent la nostalgie les premiers jours, qui souffrent d'une certaine démoralisation et qui ont perdu depuis longtemps l'habitude de tout travail pénible. Les hommes viennent de leur plein gré au centre, mais une fois qu'ils y sont, ils doivent naturellement se soumettre à une discipline et ils peuvent perdre le droit à l'indemnité de chômage s'ils abandonnent le centre sans motif justifié ou s'ils se font renvoyer pour mauvaise conduite. La discipline est stricte, mais non formaliste8. t

SOLUTIONS OPPORTUNISTES

Les opportunistes professionnels ont aussi trouvé des solutions. Des solutions qui ne résolvent rien.

D'abord, ils ont inventé les grands travaux « planifiés ».

Depuis un siècle, à chaque crise, on en a parlé, on a eu recours aux travaux exceptionnels partout. Régulièrement on a pu constater l'échec de cette méthode. De nos jours Mussolini et Hitler ont fait de ce mot d'ordre un de leurs chevaux de bataille. Mais leur arrivée au pouvoir n'a rien solutionné : malgré leurs programmes de grands travaux, le sort des chômeurs n'a fait qu'empirer.

Il est facile de se rendre compte pourquoi les grands travaux ne peuvent résoudre le problème. Il n'y a qu'à chiffrer les salaires perdus dans une année par les chômeurs. Si l'on prend le chiffre de deux millions de chômeurs en France (nous sommes au-dessous de la réalité) qui auraient pu travailler 8 heures par jour à 5 francs de l'heure, pendant 300 jours, on arrive au • chiffre de 24 milliards de salaires perdus. Pendant cinq ans, cela fait 120 milliards. Pour estimer ce que coûteraient les grands travaux il faut doubler ce chiffre à cause du matériel nécessaire (le capital) et on trouve ceci : pour que les grands travaux absorbent le chômage il faudrait en faire au moins pour 240 milliards de francs. Mais nous savons que tout l'argent disponible vient de la plus-value produite et réalisée sur le marché. Or, la crise existe justement parce qu'il y a mévente, impossibilité de produire et de réaliser cette plus-value sur le

marché. Où prendre tant d'argent pour financer les travaux. Du crédit? Mais jamais on ne trouverait où emprunter une somme semblable, en admettant qu'on le veuille.

11 est vrai que les communistes viennent d'inventer de faire payer les riches (impôts progressifs sur les revenus) pour résoudre la crise et donc le chômage.

Il suffit de rappeler les notions élémentaires du marxisme pour sentir la puérilité de cette solution..

La richesse des riches ne réside pas dans leur portefeuille, dans leur coffre-fort. Dans ces coffres-forts ils enferment des signes monétaires qui sont un contrat social. En régime capitaliste, une quantité de billets de banque est une créance sur la force de travail. Elle donne droit au capitaliste d'engager telle quantité d'ouvriers et de les exploiter, de leur faire produire du surtravail, du profit, qu'il a le droit de s'approprier. Ces rapports politiques, ces rapports de production supprimés, ce droit s'évanouit et avec lui la valeur de signes monétaires gardés dans les coffres-forts, et donc la richesse de leurs possesseurs.

La richesse sociale est constituée par le capital accumulé (machines, bâtiments, mines, etc) et la force de travail et non pas par le capital argent.

La richesse des riches consiste dans leur possession des moyens de production et leur droit d'exploiter les ouvriers. Pour faire payer les riches, il faut supprimer le régime d'exploitation. Mais nous avons pris l'habitude d'appeler cela autrement.

La plus-value, que les capitalistes s'approprient, se décompose en deux parties principales :

1° La plus grosse partie destinée à l'accumulation;

2• La partie qui sert à la consommation ou les revenus proprement dits.

C'est sur cette deuxième partie qu'on peut effectuer un prélèvement.

Mais, si on prend du papier et un crayon, et si l'on fait un

calcul simple et rapide de la somme nécessaire aux grands travaux et de celle que, théoriquement, on pourrait prélever sur les revenus des riches, le ridicule de cette solution apparaît immédiatement.

D'ailleurs, quel naïf croirait encore qu'on puisse faire payer quelque chose aux riches, en conservant le régime capitaliste?

Les radicaux-socialistes ont fait leur fortune politique, il y a trente ans, en luttant pour les impôts progressifs sur les revenus (faire payer les riches) — ces radicaux que Guesde comparait au radis. Caillaux, Caillaux, reconnais-tu tes héritiers? Il est vrai que, eux, se revendiquent de Louis Marin, ami du Comité des Forges. Cela paraît plus révolutionnaire aujourd'hui.

NATIONALISATION

Les socialistes ont leur petite solution du problème. Nationaliser les banques, les industries-clef, cela vous a un petit air révolutionnaire. Et sûrement cela peut faire des dupes. Mais cela ne peut aucunement résoudre le problème.

Pour juger de la valeur de ce mot d'ordre, il faut avant tout se rappeler qu'à chaque moment où est apparu un danger pour l'existence du régime capitaliste, où le prolétariat se préparait à prendre le pouvoir, ces apôtres sortaient devant les masses le mot d'ordre de nationalisation, afin de les détourner du vrai chemin.

Déjà, en 1920, Jouhaux avait formulé ce mot d'ordre, d'une manière un peu nébuleuse il est vrai. En 1923, en Allemagne, quand le prolétariat allemand se préparait à engager la lutte pour le pouvoir, le socialiste (de gauche, s.v.p.) Hilferding lui a servi le même mot d'ordre, en demandant la nationalisation des mines.

En 1936 les socialistes et la C.G.T. unifiée en France recommencent le même jeu.

Mais, si l'on remarque qu'eux-mêmes oublient cette solution dès qu'ils sont au pouvoir ou dès que la crise politique a passé, que le mouvement révolutionnaire a reculé, 011 se rend compte du peu d'importance qu'ils y attachent. Dans leur esprit ce n'est qu'une cape qu'on agite pour tromper le taureau populaire en colère.

En réalité, le mot d'ordre de nationalisation est antisocialiste. II ne résoud aucun problème social et surtout ne résout aucun problème, même partiel, de la classe ouvrière.

En effet, à supposer que les industries-clef et les banques soient nationalisées, cela ne change aucunement les rapports de production et encore moins les rapports politiques. L'Etat capitaliste reste tout entier. Le régime du salariat reste, la production pour le marché reste, la concurrence sur le marché mondial reste. Le droit de propriété reste entier et donc la propriété des actions et obligations placées dans l'industrie. Leurs propriétaires restent des rentiers, tirant leurs rentes, leur revenu de la plus-value produite par les ouvriers, toutes les contradictions du capitalisme restent. Les crises et le chômage ne sont pas évités, l'impérialisme, la guerre impérialiste ne sont pas évités.

Pour éviter toutes ces choses, il faut changer le mode de production. Au lieu de produire pour le marché, pour le profit, il faut produire pour les besoins du peuple. Autrement dit, il faut socialiser la production. Mais il est prouvé que seul le prolétariat au pouvoir peut socialiser quelque chose.

Tant que le prolétariat n'est pas au pouvoir, tant qu'il n'a pas brisé les cadres de l'Etat capitaliste, en les remplaçant par le pouvoir des conseils ouvriers, seuls ceux qui veulent tromper le peuple, peuvent parler de socialisme et de nationalisation.

Bien plus, la prétendue marche vers le socialisme par les nationalisations, permettrait une oppression plus grande de la classe ouvrière à laquelle les bonzes se chargeraient « d'expliquer » qu'ils travaillent au profit de la nation, du peuple et non pas au profit de la bourgeoisie.

SOLUTIONS OUVRIERES

En analysant les conditions actuelles, on se rend compte que le capital est uni et très organisé sur le terrain économique. Le capital financier, appuyé sur la puissance de l'Etat, a réuni en bloc solide tous les capitalistes. Il n'y a plus en vérité de capitalistes individuels en face des ouvriers.

Pendant ce temps, la classe ouvrière est dispersée. Sous prétexte de liberté de travail (liberté de crever de faim) en temps normal; elle se présente sur le marché du travail en une infinie quantité de concurrents. Sa faiblesse dans ces conditions est évidente. A l'heure présente, elle est loin d'être compensée par les organisations existantes. En temps de crise c'est le travail forcé, solution qui a tendance à se généraliser et à se stabiliser, ce qui abaisse le niveau social de la classe ouvrière.

Le problème à résoudre apparaît clair. Il faut réunir la classe ouvrière en un bloc, sur le terrain économique. Il faut supprimer la concurrence entre ouvriers. Il faut combler le fossé qui sépare les ouvriers en chômeurs et en travailleurs.

Pour y arriver, il n'y a qu'un moyen. Réunir la force de travail aux moyens de production. Que le droit de partager le travail entre ouvriers revienne aux ouvriers par l'intermédiaire de comités d'entreprise. Que seuls ces comités, élus par les ouvriers, puissent embaucher ou réduire la main-d'œuvre d'une entreprise. Et, par l'intermédiaire des congrès de comités d'entreprises, et du comité national élu par le congrès, que les ouvriers règlent le travail à l'échelle nationale.

Certes, c'est une revendication partielle. Ce n'est pas l'expropriation, ce n'est pas la socialisation des moyens de production. Les capitalistes continuent d'empocher la plus-value. Les positions de classe ne changent pas. La lutte pour l'augmentation des salaires reste.

Cependant, c'est une limitation des droits de la classe capitaliste. C'est sûrement une consolidation, un renforcement des positions du prolétariat.

Demander le rattachement des ouvriers aux moyens de production est un mot d'ordre qui a la même valeur historique à notre époque, que celui du droit syndical, du droit de grève à l'époque du capitalisme progressif.

Une fois ce but atteint voici, par exemple, comment les ouvriers peuvent résoudre la question du chômage. Nous prenons la masse totale des ouvriers en France, par exemple. Si 20 % d'ouvriers doit rester en chômage complet, il est facile de partager ce risque entre tous les ouvriers afin d'en diminuer les effets. On y arrive en divisant tous les ouvriers en cinq équipes, et le temps de travail d'une année en cinq périodes. Chaque équipe aura chômé un cinquième de l'année ouvrable, chacune à son tour. Ou encore, si l'on veut prendre comme exemple une entreprise occupant 1.000 ouvriers, il y aurait cinq équipes de 200 ouvriers et chacune aura chômé 60 jours par an, à son tour.

Seulement, dans ce cas, le chômage prend l'espect du congé. Du congé payé. Avec cette différence que sa durée n'est pas fixe, mais mobile, suivant l'activité de l'entreprise, ou en proportion du chômage existant. Si le chômage n'englobe que 5 % des ouvriers, ce congé se réduit à quinze jours pour chaque équipe.

L'embauche, le niveau des salaires que l'équipe en congé doit toucher, la composition des équipes, leur ordre de congé, etc., sont l'affaire du comité d'entreprise.

Le déplacement des ouvriers d'une branche d'industrie immobilisée vers une autre branche, la répartition égale du congé entre tous les ouvriers du pays, la constitution d'équipes spéciales pour l'exécution de travaux exceptionnels, la durée de la journée de travail, etc., sont l'affaire du congrès de comités d'entreprise et du comité national d'entreprise (comité exécutif) issu de ce congrès.

Si les capitalistes ne peuvent supporter les frais du chômage, réglé de cette manière, il leur reste deux moyens : l'assurance et la subvention de l'Etat et des communes. Ces subventions et cette assurance sont faites au nom de l'entreprise et non au nom du propriétaire. En cas d'incapacité de celui-ci ou de mauvaise volonté de sa part, le comité d'usine doit pouvoir en disposer.

La supériorité de cet arrangement est claire. Même si les ouvriers en congé ne touchaient rien, il leur serait plus facile de supporter cet inconvénient pendant quelque temps, s'ils étaient sûrs de revenir au travail pendant le reste de l'année.

Il est inutile d'insister sur le côté moral et humanitaire de cette solution. Supprimer les affres de l'insécurité, rendre aux chômeurs leur dignité de travailleurs, d'hommes utiles à la société n'en est pas le moindre avantage.

Et le plus marqué de ces avantages est encore l'unité de la classe ouvrière sur le terrain économique.

Ce que nous préconisons découle de l'évolution historique elle-même. Les rapports entre la classe ouvrière et le capitalisme ont changé au détriment des ouvriers. Aux maux nouveaux, les remèdes nouveaux. Mais cette solution correspond si bien aux nécessités présentes, que les ouvriers, d'eux-mêmes, ont essayé de les mettre en pratique, dans les années qui ont suivi la guerre. Ces essais furent faits surtout en Allemagne, en Autriche; en Suisse et aux Etats-Unis dans une faible mesure. « En Autriche, on est allé jusqu'à obliger les employeurs à augmenter l'effectif de leur personnel dans une proportion déterminée. Les décrets du 14 mai 1919 et du mois d'août 1919 visaient les employeurs qui occupaient 15 ouvriers ou employés au moins, à la date du 26 avril 1919 et les obligeaient à engager un nombre de chômeurs s'élevant au cinquième du personnel déjà occupé. En même temps, tout ouvrier ou employé, renvoyé depuis le 26 avril 1919 ou avant le 31 octobre de la même année, devait être remplacé1. »

Nous ne faisons que généraliser ces tentatives en les complétant. Avec cette différence, que nous disons bien haut aux ouvriers, que cela n'est pas du socialisme. C'est une revendication immédiate, une réforme, à l'avantage des ouvriers, rien de plus. Tandis que les socialistes d'Autriche et d'Allemagne, eux, nommaient cette simple réglementation du travail : socialisme. Il est essentiel de faire cette distinction. Et ce d'autant plus que lorsque les ouvriers auront obtenu satisfaction sur ce point, ils sauront qu'ils auront encore autre chose à demander. Ainsi, ils seront moins facilement trompés qu'ils ne le furent dans le passé.

«

CONCLUSION

Le développement, l'évolution sociale, ne suivent pas une ligne droite. C'est un phénomène oscillatoire. Sur sa courbe ondulante, on peut distinguer des phases ascendantes, étales et descendantes.

Ainsi les mêmes faits, les mêmes phénomènes, peuvent avoir une signification différente, suivant le moment, le sens général du développement historique où ils se produisent. Une crise en 1836, tout en ayant les mêmes causes fondamentales que toutes les crises de l'économie capitaliste, exprime un mouvement progressif, tandis qu'une crise en 1936 exprime exactement le contraire.

L'avance de la Révolution prolétarienne obéit aux mêmes lois générales. Elle se trouve sur une ligne ascendante depuis un siècle. Mais, sur cette ligne, il y a des phases d'arrêt et même de régression. Ce qui caractérise sa marche progressive, c'est qu'après chaque arrêt, chaque recul, des forces nouvelles se forment et accomplissent un bond en avant.

Ici aussi, les mêmes faits peuvent avoir une signification différente, suivant le moment historique où ils se produisent. Une grève a un sens révolutionnaire avant la prise du pouvoir par les ouvriers. Elle peut être contre-révolutionnaire après la prise du pouvoir.

Dans un Etat ouvrier, les actes du pouvoir qui correspondent à la phase de la marche vers le socialisme sont révolutionnaires. Mais en cas d'arrêt ou de régression de cette marche, les mêmes actes peuvent être contre-révolutionnaires.

Pour comprendre le sens de la marche du développement historique, il faut bien saisir l'étape actuelle.

Or, nous avons dit que le marché mondial est créé, que la vie économique du monde constitue déjà une unité. Donc, historiquement, l'évolution nous conduit vers le développement plus complet, vers la réalisation plus complète de cette unité. Tout ce qui gêne cette unification doit être et sera détruit. Et, en premier lieu, les frontières, qui gênent le développement économique du monde autant que les frontières féodales gênaient le progrès économique national.

Tout ce qui tend à conserver ces compartiments, donc tout nationalisme, même s'il se nomme socialiste, est un recul, est contre la marche de l'histoire et sera donc balayé.

De ce que nous venons de dire, les tâches historiques apparaissent clairement : briser les barrages qui arrêtent le développement des forces productives du monde, en détruisant le régime qui les crée.

La seule force progressive, à l'heure présente, est le prolétariat mondial. Partout et en tout lieu, quelle que soit l'étape historique à franchir, ces tâches lui incombent.

Notre époque historique se déroule sous le signe du rapport des forces du socialisme et du capitalisme. Pour l'instant, ce rapport est à l'avantage du capitalisme. Mais le socialisme est une force progressive et ce rapport sera changé en sa faveur Tôt ou tard. A ce moment, nous entrerons dans l'ère du socialisme.

Seules, de nouvelles Révolutions prolétariennes peuvent changer ce rapport des forces, en faveur du socialisme.

Avant de remporter la victoire historique décisive, le prolétariat doit vivre et donc résister à l'oppression toujours plus grande des forces réactionnaires.

A l'étape historique présente, le seul moyen de sauvegarder sa qualité d'ouvrier, son droit au travail est de revendiquer son union avec les moyens de production.

A l'heure présente le capital n'est pas individuel, mais social. Le régime capitaliste permet seulement aux capitalistes individuels de gérer ce capital à leur guise.

Il en résulte que le principe « le capitaliste maître chez lui » ne correspond plus à la réalité même en régime capitaliste.

En conséquence, les ouvriers doivent revendiquer le droit de régler, de contrôler le travail. Toute la masse du travail doit appartenir à toute la masse des ouvriers.

Il ne doit plus y avoir de chômeurs et partant pas de secours de chômage. Il peut seulement y avoir une fraction des ouvriers en congé plus ou moins long; des ouvriers qui passent d'une branche de production à l'autre; ou des équipes formées par eux-mêmes et sous leur direction pour exécuter les travaux exceptionnels. Mais le défaut de travail, comme les périodes de travail intense, doivent retomber sur la masse des ouvriers dans son ensemble et non sur une fraction des ouvriers seulement.

9

La C.G.T. va collaborer activement au gouvernement du Front Populaire. Elle pose comme revendications : la caisse nationale de réassurance, les grands travaux, la nationalisation de "l'industrie de guerre. Alors qu'il n'y a rien de changé par là, dans la structure du régime capitaliste, elle nomme cela pompeusement : « réformes de structure ». Elle compte « renverser la vapeur », et retourner le courant dévastateur de la crise vers les prairies grasses de la prospérité capitaliste, en jetant quelques gerbes de paille en travers. Vains efforts.

De ce que nous avons dit plus haut on peut se rendre compte que la seule réforme de structure qui mérite ce nom est l'union de la force de travail et des moyens de production, par le truchement de comités d'entreprises. Réforme qu'il serait facile d'introduire par un simple décret du gouvernement du Front Populaire, contresigné par la C.G.T.

Mais c'est justement, cette réforme que la C.G.T. met au second rang. Là est tout le danger à l'heure présente.

Nous demandons à la C.G.T. de renverser l'ordre de ses revendications : Le contrôle ouvrier d'abord, le reste après.

BIBLIOGRAPHIE

K. Marx : Le Capital, éd. Molitor, t. VIII et t. X. Lénine : Impérialisme, dernière étape du capitalisme. Boukharine : L'économie mondiale et l'impérialisme. R. Luxembourg : L'accumulation du capital.

— Grève générale, parti et syndicats.

P. Lafargue : Le droit à la paresse. A. Philip : L'Inde moderne. D. Bbllet : Le Chômage et son remède.

DOCUMENTS

Annuaire statistique de la France.

— — de la S.DJJ. 1934/35. Bureau International du Travail :

V Statistique du chômage dans différents pays de 1910-1922. 2° Les remèdes au chômage (1922).

Le problème du chômage, quelques aspects internationaux. .

Etudes et documents : Série B n9 20.

5* La situation économique du monde 1931-32, p. 270. Revue Internationale du Travail.

La Librairie du Travail, Coopérative ouvrière, 17, rue de Sambre-et-Meuse, Paris-10", est la seule librairie prolétarienne qui corresponde, par son indépendance d'édition et de vente, à la conception d'un travail culturel de masse dans la classe ouvrière.

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jï^l^B^ Imp. Centrale, 5, rue Erard, Paris (12«)

1  Karl Marx: Le Capital, éd. Costes, t. X, p. 201.

j. K. Marx: Le Capital, éd. Costes, t. X, p. 206.

2  Ces hauts salaires sont encore plus factices quand on sait que l'augmentation de la productivité du travail demande un effort physique de plus en plus intense. Une heure de travail d'un ouvrier américain vaut plus que celle d'un ouvrier d'une industrie moins avancée, mais aussi elle lui coûte plus, elle l'use plus. D'où une limite d'âge de plus en plus courte pour l'ouvrier. A quarante-cinq ans, un ouvrier est déjà vieux pour suivre la cadence de la chaîne.

3  K. Mahx t. X, p. 202.

4  N. Boukharine: L'économie mondiale et l'impérialisme, p. 93.

5  Hilferding: Capital financier, cité par Boukharine.

6  S.D.N., La situation économique du monde, 1931-32, p. 270.

7  Revue Internationale du Travail, janvier 1935, p. 89.

8  Revue Internationale du Travail, février 1935, p. 196.