LA GRANDE
RÉVOLUTION
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Publications de « LA RÉVOLTE »
Prix : ÎO Centimes
Au Bureau de « LA RÉVOLTE » 140, rue Mouffetard, 140
1893
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Lu Franco a célébré par une fête, le centième anniversaire de la Révolution.
Après avoir longtemps jeté le voilesur celte Révolution et conspué ceux <]iii donnèrent à In grande cause de l'émancipation du genre lui main leur enthousiasme, leur énergie farouche et leur vie. — l t bourgeoisie s'empare aujourd'hui de la Révolution comme de son œuvre ; le jour (le la prise de la fJastille est devenu une fête nationale; leceiiteoaire de ITSîla été sflorilic par une exposition qui comptera dans les annales de l'histoire.
Les travailleurs ont suivi le courant. I! v a dans tes grandes fêles quelque chose de contagieux : »» ta joie île vivre » s'empare des masses, les plus indifférents se sentent entraînés: elle 1 \ juillet, la France paysanne et la France ouvrière sont en fête comme la France officielle.
Fl véritablement, le 14 juillet est dans l'histoire de l'humanilé une grande date révolutionnaire. Ce jour-Jà. le Paris des va-nus pieds, se souleva Il comprit sa force et il montra aux générations à venir, que les gouvernements les mieux établis tombent devant la poussée des masses profondes du peuple. Une furent les grands jours de iS et de 71. sinon des répétitions du \\Juillet! Nos (Meurs ne battent-ils pas encore au récit des préparatifs de coup d'Etat tic la Cour, du réveil des faubourgs forgeant leurs piques, brûlant les octrois et marchant à l'as saut de la sombre forteresse qui menaçait Paris de ses canons et clans les tours de laquelle gémissaient les victimes de l'ancien régime! Combien de jeunes ^ensdetoute nationalité ont senti le (eu révolutionnaire s'allumer dans leurs veines au souvenir de ces événements î
Mais si l'on fête la Révolution; on n'a pas fm-ore dit la vérité sur ce soulèvement plus important dans rîiisioiiv universelleque b-i.Vt-'s dVvi-.luliou « « ni l'avaient précédé.
Disons les fait?:, de plus en phis noyés sous le ! le »i de mensonges ottieiels et de blendes bourgeoises inventés pour eneberau peuple renseignement révolutionnaire qu'il eut pu tirer de. la grande épo-pée.
Le mensonge bourgeois, le mensonge jacobin. dé-nalurent l'œuvre du peuple dans bi Révolution. Ks-sayonsdonc de rétablir le vrai sous popui;:'m\
Deux grands courants préparèrent ri Jireat la Révolution. L'un est jiloriiié dans les discours oili-ciels. A nous de rappeler l'autre— celui qu'on tait volontairement— parce qu'il fut ttiwirhixh'.
L'un, tout d'idée, naquit dans la bourgeoisie, l'autre. tout d'action, grandit au sein des masses populaires — des p ivsaus dans les eammurnes. des prolétaires dans les grandes villes. Et lorsque, ces deux courants se rencontrèrent dans un but, d'abord commun, lorsqu'ils se prêtèrent un appui mutuel — ce fut la Révolution.
Ce fut le renversement subit d'institutions qui avaient mis des siècles à s'enraciner dans le sol et qui semblaient si stables, si immuables que les réforma tours les plus fougueux n'osaient y toucher, tic fui la chute, rémiettement. de tout ce qui faisait l'essence de la vie sociale, religieuse, politique et économique de la France depuis des siècles, des idées acquises, des notions courantes sur chacune des manifestations et des rapports si compliqués de l'ensemble du troupeau humain.
Ft ce fut réclusion <!e nouvel leseoncept ions sur les relations multipies entre tous les citoyens — d'idées nouvelles qui se répandirent a travers l'Europe. bouleversant le monde « iviti-é et donnant au siècle suivant son mol d'ordre, ses problèmes, sa science, son développement économique, politique •et moral.
Mais quelle fut donc cette ido\ éclose au sein de la bourgeoisie? J\>ur juger de son importance, île sa valeur et de son essence, vovons-la à ses résultats.
Les Fiais centralisés, policés, organisés, qui se partaient l'Kurope et les troupeaux humains parqués sur son territoire, sont l'oeuvre delà bourgeoisie révolutionnaire de 17SU. Ile mécanisme formidable qui. sur un ordre parti de telle capitale, met en mouvement des millions d'hommes équipés pourla guerre et des milliers de bouches à feu qui vont vomir la morl. arroser de sang les champs de bataille, porter la dévastation dans les campagnes et le deuil (buis les familles : ces territoires couverts d'un réseau d'aminislrateurs obéissant aux ordres d'une volonté centrale, nommée par des chambres de représentants:— cette obéissance des citoyens à la loi ; — ce culte de la loi, du Parlement, du juge et de ses agents: — ce réseau d'écoles maintenuesou dirigées par I'Ftat pour fortifier le culte du pouvoir el l'obéissance passive : — ces rois de finance tenant dans leurs bourses les destinées des peuples selon •qu'ils stimulent ou retiennent l'ardeur gerrièredes gouvernants; cette industrie qui broie sous ses rouages ]e travailleur que la nati nrlui livre a discrétion; — ce commerce qui accumule les richesses entre les mains des accapareurs du sol, de la mine et de l'usine; —eofiu, cette science qui. tout en affranchissant ld pensée, centuple les forces productives de l'Humanité, mais veut en même temps les soumettre au droit du plus fort; — tout cela n'existait pas avant la Révolution, et tout cela fut le rêve des bourgeois anglais et. français bien avant 17<8'.>.
lis avaient conçu, étudié toute celle organisation politique et économique, bien avant que la Révolution s'annonçât par ses grondements. On la retrouve en entier dans des milliers d'écrits — livres et pamphlets — où les hommes d'action de la Révolution puisèrent plus tard leur inspiration, leur énergie raisonnée.
La bourgeoisie française savait ce qu'elle voulait : son idéal était, de créer une constitution modelée sur la constitution anglaise; réduire le roi au sim pie rôle de scribe enregistreur : remettre le pouvoir entre les mains du Parlement bourgeois ; concentrer le gouvernement à la manière de l'ancienne Rome et y englober, l'impôt, le tribunal, la force militaire, l'école, le commerce «le tout le territoire; proclamer la liberté des transactions commerciales, donner pleine carrière à l'exploitation du travailleur sans défense contre l'exploiteur: le tout sous la protection de l'Etat favorisant l'enrichissement des particuliers et l'accumulation des grandes fortunes, au nom de l'égalité dans la soumission et de la liberté d'accaparement.
Quand l'occasion se présenta de réaliser son rêve, la bourgeoisie forte de son savoir et de son idéal politique. sans hésiter ni.sur l'ensemble ni sur les détails. travailla à le réaliser avec une énergie suivie et conseienLe que» le peuple n'a jamais eue. faute -d'avoircouru cl élaboré un idéal qu'il eût pu opposer a l'idéal bourgeois.
Mais, pour atteindre le J>ut. Il fallait la force, la force physique — le dévouemenl. le mépris delà morl en face des ennemis. Il fallait mettre les masses en mouvement pour marcher à l'assaut des vieilles institutions pour faire l'o-uvre de démolition.
Il fallait, à côte du courant d'idées, un courant iYuriitnt.
Ce courant naquit au sein du peuple. La bourgeoisie l'aida aux débuts et lit appela la force populaire pour attaquer l;i monarchie, sauf à la maîtriser plus tard, lorsque le peuple s'en prit aux privi lèges du Tiers-Klai.
K( bien c'est ce tout puissant concours populaire qu'on feint d'ignorer dans les discours ollicicN. Ce soulèvement qui dura quatre ans et qui permit à la Bourgeoisie de combattre et de vaincre la (loyauté. • m le mentionne à peine, avec un reirret sur les lèvres; on le qualifie « d'excès regrettables, d'excès de brigands >■.
L'o'iivre de ceux que nos grands pères traitaient d 'Uiarchislr*. l'ieuvre qui fut anarchiste de fait, par son essence et par ses procédés et que les historiens bourgeois passent sous silence, nous allons essayer de la faire connaître aux anarchistes d'aujourd'hui. regrettant de ne pouvoir entrer dans tous les détails (huit chacun a son importance, car l'étude des luttes passées est le meilleur enseignement aux lutteurs de demain.
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L'Idée" de la bourgeoisie en matière politique, c'était le gouvernement représentatif dans un Etal omnipotent, gérant toute la vie du citoyen, un Etat tel que l'avaient conçu les jurisconsultes de l'ancienne Home.
En matière économique, l'idée n'était pas moins nette. La Bourgeoisie française avait lu et étudié Torgot et Adam Smith — les créateurs de l'économie politique: elle savait qu'en Angleterre leurs théories étaient déjà appliquées, et enviait à ses voi sins d'outre-Manehe leur puissante organisation économique comme leur constitution politique. Kl le rêvait l'exploitation des richesses du sol resté improductif aux mains des seigneurs, cl avait eu cela pour alliés les petits bourgeois campagnards, en force dans les villages, avant même que la llé-volution en multipliât le nombre. Elle entrevoyait déjà le développement de l'industrie et de la production en grand à l'aide de la machine, le commerce et l'exportation aux colonies par delà les Océans, les marchés d'Amérique, les grandes entreprises — et les fortunes colossales.
Mais il fallait d'abord briser les licusqui retenaient le paysan à la glèbe ; il fallait qu'il devint libre de quitter le village et d'aller à la ville.' afin que, changeant de maître. il rapportât de l'or à l'industriel, au lieu de la maigre redevance qu'il payait au seigneur, tout eu manquant lui-même de pain.
Il fallait de l'ordre dans les finances de l'Etat, des impots plus faciles à payer et rapportant plus
— il -
au Trésor, )| fallait ce qu'hypocritement on ap-pelait la « liberté de l'industrie et du commerce » ; point d'immonde métier, de compagnonnage, de jurandes, ni de maîtrises entravant l'exploitation; poiut de surveillants gênant l'industrie naissante; point de douanes intérieures ni de lois prohibitives. Liberté entière des transactions.
Kt pour en arriver là. la bourgeoisie devait briser le pouvoir de la cour, de l'aristocratie et du clergé, organiser l'Etat et en prendre la direction.
Voilà le programme de la bourgeoisie aux approches de la Révolution, programme bien défini, comme on le voit, où tout se tient, s'harmonise, se complète.
Certainement, il serait injuste dédire qu'elle l'ut guidée exclusivement par des vues étroitement égoïstes.
Les meilleurs représentants «lu Tiers-Etat avaient bu à cette source sublime — la philosophie du dix-huitième siècle qui portait en germe toutes les grandes idées surgies depuis. L'esprit éminemment scientifique de cette philosophie, son caractère foncièrement moral, alors même qu'elle raillait la morale conventionnelle, sa conlianee dans l'intelligence. la force et ia grandeur de l'homme libre \ ivanl parmi ses égaux, su haine des institutions despotiques. tout cela se retrouve chez les révolutionnaires. (K'i donc auraient-ils puisé la force de conviction dont ils tirent preuve pendant la lutte? Il faut aussi reconnaître que eeux-mèmes qui travaillèrent le plus à réaliser le programme d'enrichissement croyaient sincèrement que l'enrichissement
des particuliers serait le meilleur moyen d'enrichir la nation en général.
Mais, si grandes que fussent les idées abstraies de liberté, d'égalité, de progrès libre, qui inspiraient les plus sincères des représentants de la bourgeoisie de 1789 1793, c'est à leur programme pratique, aux applications de la théorie que nous devons les - juger.
L'idée abstraite reste vague : — par quoi se tra-duit-t-ellc dans les faits de la vie réelle? Voyez les socialistes de nos jours qui puisent leur inspiration. leur enthousiasme, dans la jvandeur de l'idée commune, le bonheur des masses; mais, quelle diversité de conceptions dans leurs thé nies pour la mise en pratique de cet idéal ! Pour les uns. le socialisme est i'atïranciiisscment du genre humain, tandis que pour d'autres il signifie à peine uue réforme des salaires; toutes les nuances possibles se retrouvent entre les deux extrêmes. L'idée abstraite peut donner lieu à des programmes bien dilïérems: ce n'est donc pas à l'idée mais au programme que nous devons juger son auteur.
Eh bien, s'il est juste de reconnaître que la bourgeoisie de 1780 s'inspirait des idées de liberté et d'égalité, d'affranchissement économique, politique et religieux, — ces idées, dès qu'elles prenaient corps, se traduisaient précisément par le double programme que nous venons d'esquisser : liberté illimitée d'utiliser les richesses de toute nature et d'exploiter le travail humain, sans garantie aucune pour les victimes de celle exploitation, et centralisation des pouvoirs pour garantir et. assurer la liberté de l'exploitation, c'est-à-dire l'Etat jacobin, calqué sur l'Etat romain.
Et le peuple? Quelle était son idée? Le peuple, lui aussi, avait puisé à la philosophie du siècle. Les idées des grands penseurs écossais,
systématisées, développées et popularisées en France, s'inliilraieni insensiblement dans les cerveaux de ceux qui peinaient à la charrue, à l'enclume ou à la lime. Ils s'inspiraient des grands principes de liberté, aspiraient à un avenir de bonheur pour tous. Kl quand on relit la littérature de l'époque, ou est frappé de la masse d'idées purement socialistes — purement communistes, lan céesdans le peuple par des bourgeois comme Sieyès, comme Rrissot qui a dit. avant Proudhon : m La propriété, c'est le vol >».
Une vague inspiration de communisme et d'anarchie travaillait les masses populaires. 11 sutlirait de relire Rousseau — les écrits philosophiques et tes romans, lus à cette époque — pour s'en convaincre.
Mais, tandis que chez les bourgeois les idées d'affranchissement se traduisaient par tout un programme élaboré d'organisation politique et économique, on ne présentait au peuple ces mêmes idées que par une série de négations, sans jamais s'inquiéter de ce qui surgirait en lieu et place des institutions abolies. On dirait même que ceux qui partaient au peuple — tout comme maint socialiste de nos jours— évitaient de préciser. Sciemment ou non, ils semblaient «lire : « A quoi bon parler au peuple de la manière dont il s'organisera plus tard î Qu'il ail seulement la force d'attaque, l'énergie de marchera l'assaut des vieilles institutions. C'est tout ce qu'on lui demande : nous verrons plus tard comment on s'arrangera ».
On ne parlait pas au peuple de l'avenir. On semblait craindre de refroidir son énergie révolutionnaire, et on ne touchait que son sentiment. On dénonçait les abus et on lui disait : — * Révolte-toi ! tout s'arrangera pour le mieux î » Combien de socialistes et d'anarchistes agissent encore de la même façon! Impatients d'accélérer le jour de la révolte, ils traitent de théories endormantes toute tentative d'organisation future !
Aussi l'idée populaire s'exprimait par «les négations : — « Brillons les cahiers des redevances ! A bas les dîmes ! A bas Madame Veto! A la lanterne les aristocrates \ » —Mais — à qui la terre libre ? A qui l'héritage des arislos guillotinés? A qui la force de l'Etat (qui tombait des mains de Madame Veto et devenait, entre les mains des jacobins, une puis-sauce autrement formidable)?
— Il est douteux même que l'on posât ces questions. Et lorsqu'on en parla plus tard, pendant la Révolution, ce fut pour convertir le peuple—le pervertir serait plus juste — à l'idéal bourgeois.
Mais, si forte que soit l'idée, un abîme la sépare encore de l'action. Aussi, la bourgeoisie resta impuissante tant que le peuple 11e vint pas lui prêter ses bras, son élan révolutionnaire, ses révoltes, sa Jacquerie, qui permirent aux bourgeois de renverser l'ancien régime.
Les historiens nous ont parlé avec emphase du 14 Juillet, de l'impulsion révolutionnaire des bourgeois aux approches de la Révolution. Ce n'est qu'une légende fabriquée après coup. Ce qui nous a frappé, au contraire, dans toutes nos études sur la Révolution, c'est la platitude de la bourgeoisie envers le pouvoir royal, sa platitude avant 1789, sa platitude après 1789 et jusqu'en juin 1792. Pour un d'Eprémesnil. combien de milliers de valets!
Alors même que la Révolution gronde, que l'est de la France est en fou. que le peuple partout ronge son frein, l'attitude de la bourgeoisie vis à vis du roi est écœurante.
Qu'on lise seulement dans la Jterolalion d'Edgar Quinet (chap. I, p. 342). les lignes suivantes: r « En 1792, le club des jacobins est encore tout royaliste; il veut chasser Rillaud-Varennesqui s'est hasardé à mettre en question la monarchie. Dans
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le même temps, Robespierre, un peu plus de trois mois avant la chute delà monarchie, demande sérieusement : » Qu'est-ce que la République? >) Pendant tout l'intervalle de la Législative, quand, relire de la tribune, i! l'ait, dans son journal, l'éducation du peuple, c'est la constitution royale qu'il défend à outrance. Pas un mut qui puisse préparer le peuple au renversement qui va suivre. Le 7 juillet 17'.t2, c'est-à-diro deux mois et demi avant la proclamation de la République, les républicains font, dans la Législative, le serment d'exécrer la république ;i i.
Ceci en 17'.ci. qu'élait-ec dune en 1780 ? Pour nous, il est bien prouvé que la force d'attaque vint du peuple révolté.Sans lui il n'y eût point eu de révolution.
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Vax atHrmant que les paysans et les prolétaires des villes tirent seuls la révolution, nous nous mettons eu contradiction avec les historiens. A les en croire, la bourgeoisie aurait fait preuve d'un tempérament révolutionnaire dès le début ; elle aurait entraîné le peuple. Mais qu'on relise ces mêmes historiens sans s'arrêter à leurs déclamations, qu'on cherche les faits plutôt que les conclusions : et on sera frappé au contraire de la poltronnerie de la bourgeoisie.
Si la Liberté n'avait eu d'autres défenseurs, nous serions encore sous l'ancien régime. Non-seulement avant 1789 la bourgeoisie subissait l'arbitraire et
(1) Pour v on lier i'exacUliwlr du fait, consulter le Moniteur.
l'arrogance de la Cour sans se révolter: niais même en 1789 et 1790. en pleine Révolution, son altitude touche à la servilité. Le langage de l'assemblée est simplement révoltant; ses adresses au roi sont conçues dans un style de valet. Elle ne s'enhardit qu'à mesure que le "pouvoir royal faiblit, tombe en poussière sous les coups que lui porte le peuple.
Durant quatre années, les bourgeois ne font que suivre bon gré mal gré le peuple dans son élan révolutionnaire. Et tandis qu'en 1793. il veut déjà la Commune plus on moins communiste, ne voyons-nous pas Robespierre et d'autres proposer la Constitution anglaise?
Mais ne prenons pas les devants, revenons à 1789.
La légende qu'on nous a faite et refaite du U juillet, est assez connue :
te L'Assemblée nationale siégeait. Après deux mois de tergiversations, les trois ordres — clergé, noblesse et tiers-état — se trouvaient réunis. Le pouvoir échappait des mains de la Cour.
Alors se prépare le coup d'Etat. Les troupes massées autour de Paris, vont disperser l'Assemblée. Le 11 juillet, la Cour se décide à agir : Xecker est renvoyé du ministère, il est exilé. Paris l'apprend le fies citoyens descendent dans la rue portant la statue de Xecker. Au Palais-Royal, Camille Desmoulins fait son discours; on dépouille les arbres de leurs feuilles pour prendre la cocarde verte, (in soulève les faubourgs qui forgent 50.000 piques en 36 heures ; on marche sur la Bastille qui bientôt baisse ses ponts... La Révolution a remporté sa première victoire.
» La nouvelle se répand en province, et partout elle provoque des soulèvements analogues. Elle pénètre dans les villages, et les châteaux brûlent.
Alors le clergé et 1» noblesse viennent, dans la nuit du i août, abdiquer leurs droits féodaux. Lu féodalité a cessé d'exister.
» Si les paysans se révoltent encore dans les campagnes, ce ne sont que des brigands soudoyés par la Cour ou par les Anglais qui ont intérêt à maintenir le désordre. Aussi les patriotes des municipalités veulent mettre tin à l'anarchie en exécutant les brigand*. Et si la révolution dure, c'est que les arislo- et !h Cour ne veulent pas se soumettre aux grands principes de 178îï. Aussi la République est-elle proclamée et les partis révolutionnaires commencent à s'eut reégorger jusqu'à ce que thermidor amène la réaction. •>
Voilà la légende bourireoise.
Eh bien, du commencement à la tin. cette légende est fausse ; fausse dans la narration des laits, doublement fausse dans leur interprétation.
Ce n'est pas du 14 juillet que date la Révolution. Elle avait commencé dès janvier 178'.) — même dès l'hiver 178*.
Si les protestations des Parlements en 1788 eurent une certaine importance. ce ne fut certainement pas grâce aux badauds qui se donnaient rendez-vous auprès de ces cours de justice. Ce fut l'iu-tervention du peuple qui lui donna un caractère quelquefois imposant, un Caractère révolutionnaire. En maint endroit, les travailleurs des villes, profitant des luttes entre gouvernants, se soulevèrent avec l'idée d'en finir avec les exploiteurs aristocrates.
La royauté n'eut pas convoqué les Etats Généraux si elle u'avait eu à tenir compte que des protestations platoniques de messieurs les parlementaires.
Mais le peuple se soulevait aussi. <• La bête féroce », «l'éléphant enragé» (c'est ainsi que M. Taine traite le peuple — en langage académique, sans doute) faisait entendre sa voix. 11 fallait le maîtriser, ce que la course sentait incapable de faire sans le secours de la I ourgeoisie. Elle se décida donc à convoquer les représentants de la bourgeoisie.
D'ailleurs, depuis l'hiver de 1788. le peuple ne payait plus de redevances aux seigneurs. Qu'il y eût été encouragé par les bourgeois — rien de plus vrai. Que la bourgeoisie de 1789 ait eu le bon-sens de comprendre que sans un soulèvement populaire, elle n'aurait jamais raison du pouvoir absolu — c'est encore vrai. Que le peuple fut poussé à l'émeute par certaines délibérations des Assemblées des Notables qui discutaient déjà l'abolition des droits féodaux — cela se comprend. Les révolutions ne sont pas un résultat du désespoir, ainsi que l'affirment des blanquistes qui croient que de l'excès du mal peut sortir le bien. Au contraire, le peuple de 1789 avait entrevu une lueur de libération prochaine, et il ne s'en révoltait que de meilleur cœur.
Mais il ne su Hit pas d'espérer; il faut agir, payer de sa peau les premières révoltes, celles qui préparent les révolutions. C'est ce qui ne pouvait venir de la bourgeoisie, mais qui vint du peuple.
Alors que l'émeute était encore punie de la pendaison à la haute et basse potence, du carcan et de la torture, les paysans se révoltaient déjà.
Dès novembre 177S, ces émeutes deviennent générales, tantôt individuelles et tantôt collectives,— de plus en plus collectives à mesure que le peuple s'enhardit davantage, et les intendants écrivent au ministre que s il fallait réprimer toutes les émeutes, ce serait impossible.'Elles se font sans dis-eours. mais avee <le bous gourdins. Prises séparément. aucune n'a d'importance; ensemble, elles, minent l'Etat dans ses fondements.
En janvier, on faisait les élections ; on rédigeait des doléances. Mais le paysan n'en a cure. Homme prati jueavant tout.ilnecomptepassurses représentants : il se révolte, il refuse les corvées au sehrneur et à l'Etat. Par-ci par-la un seigneur est exécuté par les Jncffiiex—des groupements secrets surgissent spontanément au sein di«s masses, sans règlement ni organisation centralisée, composés de quelques amis qui se connaissent cl agissent de concert, dans des comités occultes. Les receveurs d'impôts sont reçus à coups de gourdins: des terres de seigneurs sont prises cl labourées.
Et ces révoltes, d'autant plus terribles qu'elles n'ont rien de prévu, se multiplient par toute la l'rance. surtout dans l'Est, le Nord-Est. le Sud-Esl. Taine en compte plus de trois cents avant le 14, dont il a retrouvé les traces dans les archives nationales. Le chitTre de trois mille ne serait probablement pas exagéré si l'on se rappelle que les archive* furent brûlées en I75M, par ordre de la Convention.
Chnssin a mille fois raison «le dire que si Paris eût été vaincu au M Juillet, les droits féodaux devaient disparaître néanmoins. Les paysans ne les reconnaissent plus, et il eut fallu une guerre en règle contre chaque village pour les rétablir.
La I-codaiité avait reçu le coup île mort bien avant que le théâtre de Versailles retentit de ces discours •— excellents sans doute, mais impuissants, que les historiens nous ont conservés avec soin.
Paris pouvait-il rester tranquille, lorsque la France paysanne se soulevait déjà? — Certainement, il était bien gardé par la troupe, mais il y avait des émeutes. En avril on se révoltait contre l'afïameur Réveillon, et chaque semaine avait son échauftourée. La bourgeoisie encourageait le peuple, heureuse de trouver en lui un aide puissant pour soutenir ses revendications.
Vient le mois de juillet. Les trois ordres sont réunis — la bourgeoisie a obtenu sa première victoire parlementaire. Mais la Cour prépare leCoupd'Etat. Les troupes sont consignées, les hussards vont faire irruption dans l'Assemblée, disperser les représentants.. .
Nous, qui avons eu le 1SBrumaire et le 1 Décembre. nous savons ce qui serait advenu. Les représentants auraient protesté — et obéi, tandis que les meneurs auraient été emmenés à la Bastille. Les révolutionnaires bourgeois ne se faisaient pas non plus d'illusions sur le courage de leurs mandataires — et ils comprirent la nécessité de soulever le peuple de Paris pour empêcher le coup d'Etat.
11 répugne à messieurs les républicains «le l'avouer aujourd'hui ; il leur répugne de reconnaître l'origine de leur pouvoir ; mais il faut bien s'exécuter. C'est dans les cabonlots de la banlieue (pie leurs grands-pères sont allé chercher leur appui. C'est en flattant les travailleurs, en faisant miroiter devant eux des promesses de Liberté, d'Egalité — de socialisme, puisque c'était bien cela: le pain pour tous, le bien-être pour tous — c'est en caressant ceux qu'ils méprisent aujourd'hui: c'est en trinquant avec ce qu'ils nomment la lie du peuple, qu'ils ont acquis la force qui, seule, pouvait vaincre le roi, la Cour, l'aristocratie.
Et le peuple de Paris ne demandait pas mieux. 11 se sentait tressaillir aux rêves de Liberté. Mais il lui fallait aussi du pain, car les enfants allaient au lit le ventre creux. Ficher du plomb à ces aristocrates— à tous les riches —on le voulait bien flans les faubourgs; mais on voulait aussi brûler les octrois et piller les greniers des marchands de blé, les caves des marchands de vin. Et bien avant que la bourgeoisie trouvât un Camille Desmoulins pour crier aux armes ! le peuple de Paris s'émeutait déjà. .
Xecker fut renvoyé le 11. Paris ne l'apprit que le 12. Mais, déjà le $ juillet, (consultez le Moniteur — non pas la réimpression) il y avait eu une émeute parmi les ouvriers sans travail occupés à des ter-rasseots à Montmartre. Le 10. du sang avait été versé, ce même jour la barrière de la Chaussée-d'Antin llambait et le pain et le vin entraient dans Paris sans payer l'octroi. — Qui sait si Desmoulins eût jamais prononcé son lier discours s'il ne s'était senti appuyé par la masse? Si ce discours ne s'inspirait de l'émeute grondante.
Le peuple de Paris rongeait son frein. Au premier appel, il courut s'armer. Il s'empara d'abord du l>atn. en pillant le couvent des Lazaristes et en expédiant 'M chars île blé aux Halles : on ne se bat pas le ventre vide: il forgea les piques, et deux jours plus lard, la forteresse qui menaçait Paris tombait sous la poussée populaire.
Mais le peuple ne haïssait pas que les aristos. 11 en voulait aussi aux riches afïameurs. Et. deux jours durant, le Paris des riches fut. sur le point d'être pillé par le Paris «les pauvres.
Cependant la bourgeoisie, après avoir t'ait usage du peuple, pensait déjà aux moyens de le retenir. Elle s'arma — de fusils contre les piques. Y voyant plus clair cl de plus loin, elle s'organisa m h >re le peuple, en même temps qu'elle s'organisait contre la royauté, el — <« quelques exemples salutaires suilirenl pour prévenir le pillage et faire rentrer les brigands dans l'ordre ». disent les contemporains.
Le peuple — l'allié d'hier — c'était, maintenant, « les brigands». Fier de sa victoire contre la royauté, il se réveillait sous un nouveau pouvoir — celui des bourgeois.
Cette histoire du 1 i juillet, c'est l'histoire du peuple dans la Révolution.
Allié aujourd'hui— brigand demain. Allié au o octobre, au 10 août ; brigand, bêle féroceet éléphant enragé cuire-temps. Dupé, faute de savoir à l'avance ce qu'il ferait de sa victoire !
IV
Lorsque Paris s'empara de la Bastille, les campagnes étaient en pleine insurrection. .Mais les villes n'avaient pas encore bougé. Kl les ne se mirent en mouvement qu'après avoir appris le succès de l'insurrection dans la capitale.
Les villes d'alors ne ressemblaient pas à celles d'aujourd'hui. Au Moyen-Age il s'y était constitué une aristocratie héréditaire de bourgeois qui tenait en ses mains les affaires et les finances municipales. Elle tripotait, elle s'enrichissait aux dépens de la cité, et le gâteau restait de père en fils dans quelques familles. Ces familles possédaient aussi des serfs dans les campagnes. Riches bourgeois et. nobles avaient en outre des droits féodaux sur les habitants des villes, si bien que pour se marier, pour léguer son patrimoine à ses enfants, ou pour le vendre, l'artisan payait des redevances à son seigneur, noble ou bourgeois, tout comme le paysan dans les villages.
Les municipalités étaient des nids de hobereaux el de scribes par lesquels les seigneurs et gros bourgeois. tenaient « le menu du peuple », et ce peuple ne demandait pas mieux que de mettre le feu à ces antres de servitude.
Les bourgeois avaient aussi leurs griefs. Ces hommes, âpres à l'enrichissement, commençaient à faire leurs fortunes par le commerce et l'industrie. Ils voyaient de mauvais œil l'arrogance des nobles, les exceptions faites en leur faveur pour le paiement des impôts, ils rêvaient aussi la grande industrie. la liberté de l'exploitation, et les corporations de métiers les gênaient : on n'exploite jamais aussi bien que quand on peut s'en prendre à chaque t ra va i 11 e u r i nd i vid uel le men t.
Ces corps d'artisans, jadis si puissants, qui représentaient au Moyen-Age l'organisation du travail par la Commune, auraient pu se transformer en institutions nouvelles, appropriées aux besoins de l'industrie manufacturière; mais ceci n'aurait pas fait l'affaire de la bourgeoisie qui voulait la «< liberté des transactions ». c'est-à-dire la liberté sans entraves d'exploiter chaque prolétaire individuellement.
La haine du peuple contre le féodalism^ bourgeois et seigneurial, et la haine de la petite bourgeoisie contre la noblesse el les corporations se donnèrent la main. Aussi, dès que l'on apprit en province la prise de la Bastille, les prolétaires, déjà las des tergiversations de l'Assemblée, stimulés par les grandes idées d'affranchissement, de Liberté et d'Egalité, et (lattes par les petits bourgeois, se soulevèrent. Les villes de l'Alsace, de la Lorraine et du Dauphiné, — celles de l'Est en général — s'insurgèrent. Les Hotels de Ville furent pris d'assaut; la paperasse brOlée, les vieilles familles chassées. Les corvées, les dîmes et tout l'attirail de la Féodalité disparurent aussi bien dans les villes que dans les villages.
Le peuple dansa sur les décombres, il planta des arbres de la Liberté — et il rentra dans ses tandis. .Mais la bourgeoisie ne se contenta pas de si peu. Elle saisit l'occasion au bond et, en province comme à Paris, s'arma immédiatement, organisa ses milices, s'empara des municipalités, s'imposa en lieu et place du pouvoir disparu. Et lorsque le peuple voulut continuer son œuvre et pousser plus loin la Révolution il se trouva sous la férule d'un nouveau maître, autrement fort que le pouvoir déchu : il se trouva en présence d'une force armée — la milice bourgeoise — autrement redoutable que les quelques soldats du Royal-Allemand.
La bourgeoisie de 1789 avait un plan déterminé. Armer les milices bourgeoises qui serviraient de digue contre le peuple et contre la royauté: occuper les municipalités; faire « respecter la propriété »; s'emparer du pouvoir dans l'Etat et le réorganiser suivant le plan que nous avons esquissé plus haut.
Pour cela, il ne suffisait pas d'être maître à Strasbourg. à Lyon, à Marseille, etc. 11 fallait l'être dans chaque commune, et faire dans chaque petite commune ce qu'on avait fait dans les grandes villes.
Mais, qui pouvait le faire? Qui pouvait armer les milices? — Certainement pas l'Assemblée Nationale. Il fallait que cela se fit par l'initiative des habitants eux-mêmes. Et ces habitants, plongés dans leurs petits intérêts de boutique, ne bougeaient même pas. Ils 'intéressaient à peine à ce qui se faisait en France.
Les bourgeois de 1789 n'avaient pas la naïveté de nos autoritaires qui croient pouvoir tout obtenir à coups de décrets. Ils comprirent qu'il fallait agir dans chaque commune, sans rien attendre de Paris. Duport et d'autres s'en chargèrent, et voici comment.
Depuis janvier, disions-nous, les campagnes de l'Est étaient en feu. Des émissaires inconnus, surgis du peuple même, parcouraient les villages, excitant Je pays <i la révolte. Là où les moyens ordinaires ne sut lisaient pas. ils se présentaient porteurs de faux décrets de l'Assemblée Nationale ordonnant de ne plus rien payer et de s'emparer des terres des seigneurs. D'autres montraient de faux décrets du roi ordonnant de brûler les châteaux. 11 y eut même un imposteur qui se faisait passer pour un parent de Louis XVI. Car les paysans d'alors n'étaient ni plus lettrés, ni mieux informés, ui plus braves que les paysans russes de nos jours, ils voulaient bien s'insurger, mais, il fallait donner une apparence de légalité à leurs actes. Cela pourrait toujours servir d'excuse en cas de défaite.
Ce n'est pas une légende que nous rapportons, ce sont des frits sur lesquels les historiens bourgeois passent l'éponge. On n'a cependant qu'à consulter le lonih'ur pour s'en assurer. Les décrets de l'Assemblée nationale et le rapport de Grégoire en font mention.
Ainsi donc les châteaux brûlaient, les baux étaient déchirés, l'abdication des droits féodaux s'obtenait par la menace ou par le feu. — très souvent au nom du roi on de l'assemblée.
Mais, en hommes conséquents, les paysans ne faisaient pas «le distinction entre les nobles et les bourgeois. Si le seigneur avait concédé ses droits féodaux à un bourgeois (et la noblesse ruinée le faisait très souvent, tout comme le fout eu ce moment les lords anglais ou les seigneurs russes, les paysans mettaient le feu à la maison du bourgeois et. la hache sur sa tète, ils le forçaient à abdiquer se* droits, tout comme ils l'eussent fait d'un seigneur au talon rouge.
« Les brigands ont h ni le des châteaux de patriotes! >• s'écriaient les bourgeois révolutionnaires. Donc, sus aux paysans! et les milices bourgeoises, sortant des villes, s'en allaient dans les campagnes pour rétablir l'ordre. A Strasbourg, au lendemain rie l'insurrection qui abolit la Féodalité, la milice bourgeoise arrêtait 400 travailleurs et en pendait deux sur le champ. Mais ce lut pis dans les campagnes. Les municipalités se transformaient en tribunaux ambulants et, après avoir livré bataille aux paysans sans armes et remporté une victoire facile/elles pendaient sans pitié ces « brigands »» qui avaient osé piller « les propriétés roturières >• aussi bien que les propriétés nobles. Les documents mentionnent huit paysans pendus dans le Méconnais,douze parle Parlement de Douai, et il en était de même dans chaque province. Au moment où on rédigeait les Droits de l'homme (en août 1780). on exécutait en un seul jour treize braconnier* qui avaient pris la Révolution à la lettre et chassaient le gibier de leurs seigneurs.
Profitant de l'insurrection générale des paysans en Alsace, en Lorraine, en Dauphiné. en Champagne, en Poitou, en Périgord, etc., etc. les émissaires du Tiers-Etat. — Du port et d'autres. — parcouraient les petites villes forçant les bourgeois d'armer leurs milices. — « En quinze jours » — Duport l'a raconté lui-même — « j'ai fait armer une bonne partie de la France. J'arrivais dans la ville, je faisais sonner le tocsin et je déclarais que les brigands étaient là, tout prêts, marchant sur la ville. Alors on s'armait en toute liàte ». Et le maire de Péronne l'avouait franchement. <* Nous routons être dans la terreur o, disait-il. « C'est seulement grâce aux bruits sinistres que nous pouvons tenir une milice de trois millions de bourgeois sur toute la superficie de la France ».
Oh oui. les bourgeois savaient ce qu'ils devaient faire. Et, de cette façon dans lecouraut de l'automne de 1&79 la bourgeoisie se trouvait armée, en possession de municipalités réorganisées aux termes de la nouvelle loi et à le tète d'une forte milice. Et lorsque le peuple, dans son superbe élan révolutionnaire. marcha contre la propriété reconstituée, il rencontra le bourgeois criant : « Halte-là î Tu as fait ce qu'on t'a demandé, mais tu n'iras pas plus loin. Tu as aboli l'ancien régime; mais le nouveau régime c'est nous qui te ferons. Voilà la loi martiale, et du moment que le maire aura déployé le drapeau rouge, ou le fusillera, on te mitraillera, pour le faire rentrer dans les taudis ! »
Kl pendant ce temps le Tiers-Etat votait loi sur loi dans l'Assemblée Nationale pour réorganiser la France selon son idéal. Des lois qui. en temps ordinaire. auraient pris des années pour être rédigées, étaient faites en quelques jours. Les légistes îes admirent encore pour leur lucidité, leur style élégant, l'absence de contradictions, la prévision des détails. L'Europe les a copiées pendant un siècle.
C'est que la bourgeoisie n'était pas prise au dépourvu. Elle ne faisait que coucher sur le papier ce qu'elle avait médité, étudié dès longtemps.
.Mais, si ces lois avaient seulement pu passer dans la vie. si elles étaient devenues des réalités — c'en était fait de la Révolution — qui s'arrêtait aux superbes déclarations des Droits de l'Homme, traduites dans les faits par l'organisation de la servitude.
Heureusement, l'aristocratie et la Cour ne se tinrent pas pour vaincues. Elles luttèrent contre les lois de la Constituante, elles conspirèrent, et la Révolution dut continuer.
Elle continua eu etfet. et. grâce à la lutte formidable qu'elle eut bientôt à soutenir, elle ne s'arrêta pas aux vague*déclamations du Corps législatif.
V
Si l'histoire de la tïraude Révolution, telle qu'elle a été racontée par Micbelet, Louis Blanc ou même Miguet, a puissamment aidé a réveiller dans le monde entier l'esprit de révolte et la haine des tyrans, elle a fait d'autre part un mal incroyable eu cultivant le préjugé gouvernemental, en donnant aux gouvernements révolutionnaires e! au club des Jacobins uneimportance qu'ils n'ont jamais eue. en effaçant le rôle des masses et en créant une tradition révolutionnaire absolument fausse.
En lisant ces histoires, on est persuadé que ce sont les représentants du peuple qui ont fait la Révolution. qu'ils ont pris l'initiative de démolir l'ancien régime, en faisant de temps en temps un appel au peuple pour soutenir leurs revendications.
Il n'en est rien en réalité, et il n'y a rien de plus faux que cette manière, très accréditée, de concevoir la Révolution. Les représentants de la nation ont certainement travaillé à organiser le pouvoir de la bourgeoisie, à le centraliser entre leurs .mains à l'avantage de cette même bourgeoisie. Mais, ils ne l'ont fait qu'à mesure que la révolte populaire détruisait l'ancien régime, et de manière à sauver dans la débâcle le plus possible des institutions du passé.
Quant à leur force d'attaque, elle fui insignifiante, nous l'avons répété, et on peut aflirmer,sans exagération, que toute l'œuvre de démolition fut faite par le peuple, en dehors des assemblées et contre leur désir. Ce fut le peuple qui abolit les servitudes féodales malgré la résistance de ses représentants. Ce furent les va nu-pieds qui désorganisèrent les rouages de l'ancienne monarchie: ses parlements, ses institutions provinciales, son adminis-tralion fiscale cl sa force île répression, malfiir les ni il s frrorrs luneén ronti''' eut; par cru.r qui s'appelaient leurs représentants.
Un a « 1 ir quelquefois que les représentants du peuple à l'Assemblée Constituante. à la Législature et surtout à la Convention, ont du moins sanctionné les faits révolutionnaires accomplis et que cette sanction les généralisa en leur donnant force de loi, mais c'est encore trop dire. Tout ce que le peuple put obtenir, ce fut il»' forcer ces assemblées eu les menaçant du haut des tribunes, de reconnaître certains faits et de les traduire par des lois, quoique leurs lois les plus avancées fussent toujours des compromis avec le passé : c'étaient des arrangements par lesquels on cherchait à sauver, en face du peuple révolté, une partie des anciens privilèges ( 1 ).
Ainsi tes Assemblées, y compris la Convention, furent toujours un boulet aux pieds de la Révolution. Jamais elles ne prirent les devant de l'œuvre révolulionnnaire, quoi qu'en disent Michelet ou Louis Rlanc.
Il nous serait impossible, dans cette brochure, de suivre pas à pas la Révolution pour démontrer ce que nous avançons. Quelques exemples suiliront pour prouver l'exactitude de notre manière de voir.
J) l.rvmlays dans oo livre maJiamviisimieut trop peu connu. l.fsi Atsrwbtivx parlaii!e# (paru en ISS*. chez .Mat-pou el Flammarion 1 a traite la «pioslion t-niieornanl la (loovciilii»u. Kncuri* n'a - I • il pu analyser aueuu <le ses déeivts : relie analyse eùl «'erluineiueul prouvé • «jne même la Convention « épuré.-- ■> i:'a $ «.» i t que voler «les compromis.
Prenons Je fait le plus important de la Kévolu lion — I abolition des droits féodaux — et voyons comment il se produisit:
On connaît la légende de la nuit du 4 août 178Î). Le clergé et la noblesse, saisis d'un élan patriotique auraient abdiqué leurs droits durant cette nuit mémorable. Ainsi le veut l'histoire. Et. pour le prouver. 11'a-t-elle pas les discours déclamatoires du duc d'Aiguillon, du duc de Nouilles, de l'archevêque de Chartres et d'une vingtaine de gentilshommes ?
Paroles, tout cela ! Enthousiasme qui ne dura que quelques heures, alors même qu'il fût sincère.
Et d'abord, il est certain que ce fut une nuit de panique, et non pas une nuit d'enthousiasme. Les châteaux brûlaient ou avaient été pillés en quelques semaines ; surtout dans les provinces de l'Est, les paysans avaient été féroces envers quelques seigneurs, ils leur avaient grillé les pieds pour les forcer d'abdiquer leurs droits, (du moins, on le disait à Paris), et les nouvelles qu'on recevait de la province, grossissaient les événement s.
« Ce ne sont pas les brigands qui font cela >• ! s'écriait le duc d'Aiguillon— « mais le peuple a fait une espèce de ligue pour démolir les châteaux, ravager les terres et surtout s'emparer des charti iers » (dans lesquels les redevances féodales étaient consignées).
C'est la panique qui parie — non t'enthousiasme.
Mais — que proposent ces farouches révolutionnaires du Tiers-Etat en constatant les faits de la Jacquerie V
Consultez le Moniteur, et vous y verrez qu'ils sont venus à la séance pour demander une loi protégeant tes nobles contre les paysan* insurgés. Heureusement, les nobles sout mieux renseignés sur l'état des campagnes. Ils sentent qu'il y va de leur peau. Ils comprennent que le gouvernement est impuissant et qu'une loi de plus n'arrêtera pas la Jacquerie, que tous leurs privilèges vont sombrer à la fois. Et ils cherchent à sauver l'essentiel en sacrifiant « sur l'autel de la Patrie » ce qui n'a pas de valeur ; ils s'empressent de renoncer aux servitudes personnelle, — celles que les paysans ne paient plus depuis sept ou huit mois: ils renoncent à la justice seigneuriale qu'ils ne peuvent plus exercer, puisque la justice paysanne prime en ce moment.
Après toutes ces abdications, que décide l'Assemblée Constituante V
Elle déclare que les droits féodaux sont abolis : c'est ainsi que commence son décret. Mais cinq ou six lignes plus loin, elle nous apprend qu'elle n'abolit que ce qui n'existe plus — les servitudes personnelles. — celles qui — les rapports des intendants le constatent— n'étaient plus exécutées depuis 17SS. celles dont Chassin nous dit que pour les rétablir il eût fallu assiéger chaque village séparément. — et encore î
(Juant aux servitudes réelles — champarls. terriers. agriers comptants, les seules qui aient encore une valeur pécuniaire, ledécretdu \ août les maintient intégralement. Les paysans auront seulement le droit de les racheter, s'ils s'entendent sur le prix du rachat arec leurs seigneurs. Ainsi l'Assemblée révolutionnaire l'ail moius sous ce rapport que le gouvernement russe en IStfl. Elle ne rend pas le rachat obligatoire: elle ne détermine pas le prix de rachat : « Entendez vous avec vos seigueurs. S'ils veulent vous laisser racheter les redevances féo-
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dales, tant mieux! S'ils ne le veulent pas. ta ni pis! Mais payez, paye/, immédiatement ; el si vous ne payez pas, les municipalités seront chargées de vous mettre à la raison.
Voilà l'essence des fameux décrelsdeso, G, 8,10 el il août. Vous comprenez maintenant pourquoi pas un, pas un seul des historiens «le la Révolution n'a donné le texte de ces décrets. Ils s'en sont bien gardés.
« Le mécontentement est général dans les campagnes. à la suite des décrets » écrivait cette réactionnaire Mme de Staël. Si on ne les améliore pas, la Jacquerie va recommencer. »
Et la Jacquerie recommençait de plus belle.
Au fond, les décrets d'août n'étaient que des déclarations de principes. Ces législateurs, si nets de style, si clairs lorsqu'ils rédigeaient des lois concernant l'organisation politique de l'autorité bourgeoise, se bornaient à des phrases lorsqu'il s'agissait d'entamer un des privilèges économiques qu'ils partageaient avec les nobles."
Aussi n'ont-ils hâte de promulguer les décrets. Le roi ayant refusé sa sanction, ils ne le pressent pas d'obéir. Il faut que le peuple, les femmes amènent le roi à Paris au o octobre pour qu'il se décide à donner sa sanction. Mais même après l'avoir obtenue, l'Assemblée se borna a envoyer les décrets aux parlements, et le fait est qu'ils n'ont jamais été dûment promulgués. ,
Cependant, les paysans, en apprenant vaguement qu'il avait été question des redevances féodales à Versailles, y virent un nouvel encouragement. Ils prolongèrent la Jacquerie, si bien qu'en février I7!H»,
le comité des rapports constatait que l'insurrection paysanne continuait toujours, que le Quercy, le Kouergue, le Périgord, la l»asse-l>retagne étaient en feu — que l'insurrection avait marché vers l'Ouest. Il demandait que l'on expliquât enJin d'Ui.e façon précise quels droits féodaux sont abolis, lesquels sont maintenus. Et il réclamait des mesures de rigueur contre les paysans. Que lit l'Assemblée Nationale-? Elle exprima ses regrets, envoya son approbation aux municipalités qui pendaient sommairement les paysans révoltés, ordonna de rappeler le décret du H) août, un décret draconien contre les <; brigands >>.
Ce ne fut qu'en mars I7UU qu'elle se décida à préciser quels étaient les droits féodaux abolis. Mais encore en juin de la même année elle faisait une loi, au terme de laquelle ceux qui ne paieraient pas les dîmes, les champartset les agriers comptants seraient punis sévèrement. Quoi ! ceux qui auraient seulement parlé contre ces redevances seraient livres à la rigueur de la loi martiale(1).
Heureusement, la France n'avait pas de gouvernement. Les assemblées se succédaient, les chefs se pavanaient et se donnaient du galon en province comme à Paris, mais leur pouvoir n'était pas réel. La Jacquerie continuait, et les droits féodaux s'abolissaient de fait, lors même que la loi les maintenait encore.
Veut-on savoir quand ils furent abolis, sans rachat, par la loi ? — Le li juin 1702, par un coup de jarnac à l'Assemblée. Au moment où il ne restait dans la salle que 200 députés de la gauche sur 497,
<!} Les hisloï'uMis si' gardent tir mmliiamiT cedécret. On le trouve dans U• Moniteur.
ils se ii à 1ère ni de bâcler une loi reconnaissant le fait déjà accompli.
Et on nous parle des principes de i7S9 î du rôle des assemblées révolutionnaires î — M eu songes, fables, inventés pour mener les troupeaux bu-mains î
VI
On sait qu'en France, comme partout en Europe, tes communes possédaient jadis le sol du territoire. Le seigneur — baron, comte ou duc — n'avait droit qu'à un certain nombre de journées «lu travail des cultivateurs établis sur les terres soumises à sa juridiction et aux amendes judiciaires; en échange de quoi i! était obligé d'armer et d'entretenir des cavaliers et fantassins pour les besoin* de guerre.
II fallut plus tard toute la casuistique du droit romain, commenté et interprété par les légistes, pour doter les seigneurs du moindre lopin de terre, dont jadis ils n'étaient pas plus propriétaires que l'empereur d'Allemagne ou de Hussie ne l'est du sol russe ou allemand.
On sait aussi que durant toute la deuxième moitié du moyen âge. les seigneurs ont cherché et. réussi à accaparer la plus grande partie des terres jadis communales.
Cependant au xvur siècle les Communes possédaient encore d'immenses espaces de terres qui furent l'objectif permanent des convoitises des seigneurs d'une part, et des paysans enrichis — des bourgeois du village — d'autre part. Pendant le xviit" siècle, les seigneurs faisaient la loi, et ils en
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profilèrent largement pour s'approprier les terres communales sur une vaste échelle. Ils firent ce que les seigneurs anglais ont fut pendant les cent années dernière-. et font encore, en sein parant des meilleurs morceaux, laissant les Communes plaider des causes qu'elles sont sûres de perdre.
Eh bien, lorsque la Révolution commença par des émeutes dans les villages, les paysans avaient deux buis principaux : l'abolition des redevances féodales et la rentrée en possession des terres volées par les seigneurs laïques et ecclésiastiques.
Nous avons vu comment les révolutionnaires s'y prirent pour conserver autant que possible le servage ancien. — leur action eut le même caractère quant à la reprise des terres communales.
Les paysans profitaient du désarroi jeté dans le gouvernement pour rentrer' en possession des terres, et les révolutionnaires bourgeois, pour lesquels les historiens ont toutes les tendresses, les ea empêchaient par tous moyens. Et lorsque, malgré des lois farouches contre ceux qui «portaient atteinte à la propriété les paysans eurent repris néanmoins une bonne partie des terres communales. — voici ce que tirent les bourgeois pour garder le butin entre les mains.
Jusqu'à Turgot. les villages français étaient organisés à peu près comme le sont encore les villages russes, il y avait l'assemblée plénière de lotis les chefs «le. ménage pour discuter en commun les af faires de la commune. C'était le mir. tel qu'on peut le voir décrit par Lavelayo pour la Russie et par Ru beau pour la France. Le village répartissait la possession temporaire des terres communes ; il y avilit même en certains endroits la répartition des champs cultivés, telle qu'elle se fait encore en
Russie. Le village entier était responsable du paiement des impôts.
Turgot changea tout cela.
La responsabilité commune lui abolie et, sous prétexte que les assemblées pléniéres étaient « trop tumultueuses )>. cet ami de l'ordre bour- * geois, dont les bourgeois font aujourd'hui un grand homme, les annula d'un trait de plume. H les remplaça par des assemblées élue*, dont, les quelques membres étaient pris parmi les notables du village. Les prolétaires paysans — ceux qui n'avaient ni bœuf ni charrue et ne cultivaient qu'un petit lopin à la bêche fils étaient fort nombreux), perdirent ainsi toute intluence sur l'aménagement dos biens communaux.
Turgot fit ce que les bourgeois russes essaient de faire, et ce qu'ils feront le jour où ils auront la haute main dans la législation du pays.
La Révolution ne fil que reprendre Heuvrc de Turgot. Elle aussi s'empressa d'établir une distinction entre citoyens actifs et citoyens passif*. Les premiers seulement — c'est à-dire, les riches — eurent droit de vote dans les alïaires nationales ou municipales. Et le même système fut. appliqué aux terres communales. Le pouvoir politique et Je pouvoir économique marchant toujours la main dans la main, lorsqu'une partie des terres communales fut. reprise par les paysans, l'Assemblée Législative s'empressa d'autoriser les Communes — ou plutôt les Conseils communaux, élus par les riches, — à cemire les biens communaux.
C'était précisément ce que les petits bourgeois convoitaient depuis longtemps. Immédiatement les meilleures terres passèrent en leurs mains.
Mais les prolétaires ne l'entendaient pas ainsi, el c'est alors que dans chaque village une lutte s'engagea entre les riches et les pauvres. Là où les pauvres se sentaient d'attaque, ils envahissaient la municipalité à coup de trique, s'installaient à sa place, déchiraient les actes de vente.
Kl comme la force était parfois de leur côté, ils obligèrent la Législative de suspendre la vente des biens communaux. Mais les bourgeois se rattrapaient en votant — on le croirait à peine — le partage des biens communaux à part égale entre les citoyens actifs seulement.
Les pauvres des campagnes étaient exclus «lu partage ; les familles qui n'avaient que le pré communal pour y faire paître quelques moutons et la forêt communale pour y ramasser le petit bois, se voyaient privées «le cette dernière ressource. Elles quittaient le village et allaient en ville grossir les rangs du prolétariat industriel.
C'était précisément ce qu'il fallait aux bourgeois, tls rêvaient la grande industrie, le commerce lointain. L'idéal île Robespierre et de Saint-Just. nous l'avons «lit. c'était la Constitution anglaise et l'industrie anglaise — industrie pour laquelle il fallait un prolétariat, des millions de misérables n'ayant pas quinze jours assurés devant eux et forcés de se vendre à raison d'un ou deux francs par jour. Il les fallait sans ressources et sans organisation aucune: les jurandes une fois abolies, la bourgeoisie s'empressa de voter des lois draconiennes contre les coalitions d'ouvriers — réputées anti-pa-Iriotiqucs — et les grèves.
Parce partage des terres communales entre les riches seulement, la bourgeoisie tirait deux lièvres à la fois; elle intéressait à sa Révolution les paysans influents, et elle créait le prolétariat nécessaire à I industrie ( I).
llJOu n'a j4m:iis4kA|>!i<|tii>lit U'rrfibte insurrection de ta Vendée.
Heureusement, la Jacquerie des déshérités reprit avec une nouvelle vigueur, contre les accapareurs bourgeois cetteiois-ci; la lutte se traduisit à la Convention par l'insurrection de quelques sections do la Commune, la destitution du précédent conseil delà Commune et le massacre des Girondins,
Pendant ce court intervalle du triomphe des anarchistes, le peuple réussit à forcer la Convention de voter une loi d'après laquelleles terres reprises aux seigneurs par les communes, seraient partagées ù parts égales entre tous les habitants du village. Mesure égalitaire à première vue, mais si mauvaise au fond, que ce décret n a jamais été exécuté. Les prolétaires des campagnes préféraient ganter leur part dans le champ communal que d'entrer en possession d'un lopin de terre— le moins bon évidemment
(Quiconque connaît un peu l'histoire sait que ion tes 1rs g jerres réputées religieuses ont toujours eu pour mobile une question d'ordre économique. Les boucheries des Hussites. les lavements du temps de la Réforme, voire même 1rs auto-da-fé dr l'Inquisition, eurent des causes économiques.
La Vendée ne doit pas faire exception à la règle. Ht nous sommes persuadé que, lorsque l'histoire de la Vendée aura êlé faite par d'autres que des monarchistes d'une part el des révolutionnaires bourgeois d'autre part, on verra que celle insurrection formidable eut pour cause la haine contre Icsdêerels bourgeois des législateurs de la Révolution. Les terres communales doivent y avoir été pour beaucoup. Quant ;i la religion* au Roi, à la Fleur de Lys ele-, ce n'étaient certainement que des emblèmes du malaise économique. .Mais, que voulez-vous qu'on sache là-dessus tant que 1rs historiens ne tiennent aucun compte des origines des mouvements populaires el se bornent à expier pour i789-93. Les Amis de la Liberté9. Aucune histoire delà grande Kévolulion ne mentionne .même les décrets relatifs à ces questions des droits féodaux et des terres communal* s: il faut les chercher chez. Dalloz, ou dans les recueils de lois, lieux explorateurs seulement, deux R usses (Vassiltrliikotï et Kaiéell)? ont cherché a faire la lumière sur ce sujet. Kneore ce dernier ifa-t-il étudié dans les archives que 1rs débuts de la Révolution, el le premier, écrivant en Russie, n'a-l-il pi» consulter que les documents de seconde main. Quant aux bourgeois français, ils tiennent à jeter le voile sur l'ouiviv de l.*urs grands pères el à abasourdir le peuple de grands mois pour mieux l'exploiter la prochaine fois.
— dont bientôt ils auraient, dil se séparer faute de pouvoir le cultiver, ("est ainsi que |les communes conservèrent, malgré les éditsde la farouche Convention, des millions d'hectares de terres communales.
Ajoutons, pour finir, que « l'ordre» fut bientôt rétabli par Robespierre qui fil guillotiner «les anarchistes m — c'est ainsi qu'on appelait dès lors les Héberlistes et tous les révolutionnaires irrespectueux de la propriété bourgeoise, et que les lois contre les accapareurs, le mn.rittium du prix des denrées et le cours forcé des assignats, n'étant toujours qu'un compromis, continuèrent de maintenir la propriété bourgeoise tout en la limitant très modestement.
.Mais celle limitation prit tin. on le sait, lorsque le parti des jacobins, resté maître de la situation, mais abandonné par les révolutionnaires du peuple, sombra lui-même dans le coup d'Etat thermidorien i t ).
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