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Fernand Jacq

docteur en droit avocat a la cour d'apl'bl

15 avril 1909

PARIS

LIBRAIRIE DES PUBLICATIONS OFFICIELLES, DU BULLETIN DES LOIS

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et des sciencbs économiques et sociales

Georges ROUSTAN, Libraire 5, 17, 17 bist Quai Voltaire

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AVANT-PROPOS

Etudier ce qui préoccupe tout le monde à l'heure actuelle : la question sociale ; dégager le problème de toute contingence politique, m'adresser à tous ceux qui cherchent sincèrement une solution pratique; faire appel à la bonne volonté de ceux qui ne se laissent aveugler par aucune passion, et font abstraction de toute préoccupation de parti ; ne dire que ce que je crois être la vérité, avec la seule ambition de satisfaire ma conscience : voilà mon but.

C'est dans cet esprit que j'étudierai et critiquerai le syndicalisme ; je me demanderai s'il doit être la phase définitive de l'évolution économique, s'il doit constituer le type général de l'organisation moderne, s'il peut réaliser l'idéal conçu par les penseurs de toute catégorie, que préoccupent la situation présente et le devenir des sociétés modernes ; je me demanderai enfin si le syndicalisme est capable de solutionner, au mieux de l'intérêt général, la question sociale.

Fernand Jacq, 15 avril 1909.

L'Erreur Syndicaliste

CHAPITRE PREMIER

La récontc grève des postiers, les troubles de Méru, la campagne très vive menée depuis quelque temps par des agitateurs professionnels, tant par une série d'affiches violentes que par des meetings des plus houleux, ont causé partout une angoisse profonde, reflétée dans une grande partie de la presse, dont certains organes affectent un pessimisme et un découragement profonds.

Il est évident qu'il pèse sur tout le monde une anxiété générale ; chacun se demande ce que sera demain, quelle tournure vont prendre les événements ; que va-t-il advenir de la lutte de l'autorité et de l'anarchie; qui triomphera de l'ordre ou du désordre?

Quoi qu'il advienne, déjà la vie industrielle et commerciale en subit les à-coups; une perturbation progressive envahit le pays tout entier ; on entend exprimer un peu partout les menaces des uns et les craintes des autres.

On a l'impression d'arriver à un tournant de l'histoire, on se sent entraîné par une force inquiétante parce

qu'inconnue, et il vient un désir de s'arrêter pour réfléchir, pour s'interroger et se demander, avant de faire le pas décisif, si l'on ne va pas à l'abîme.

Un mot domine et résume en quelque sorte les préoc" cupations actuelles, mot gros de conséquences, redoutable selon les uns, désirable et source de progrès selon d'autres, tour à tour glorifié et condamné, donnant lieu aux interprétations les plus différentes, les plus opposées, les plus paisibles ou les plus violentes : c'est le syndicalisme.

Le syndicalisme, pourrait-on dire, constitue une forme nouvelle, tout au moins récente, et dominante des questions économiques modernes.

On voit des syndicats partout, on syndicalise tout ; on tend à considérer le syndicalisme à lui seul comme une véritable doctrine, alors qu'il ne peut être qu'un moyen d'organisation.

Il y a comme une frénésie syndicaliste ; les partis politiques les plus opposés vantent les bienfaits des syndicats et y voient, avec des conceptions d'ailleurs très divergentes, la panacée universelle des maux sociaux.

On voit se former en conséquence les syndicats les plus imprévus, le moindre prétexte donne naissance à un syndicat.

On a déjà parlé sérieusement de créer des syndicats de contribuables pour résister à l'arbitraire des taxations fiscales ; il n'est pas impossible qu'on envisage bientôt la formation de syndicats de consommateurs luttant contre leurs fournisseurs ; pourquoi n'y aurait-il pas aussi des syndicats de militaires chargés de la défense des intérêts de leurs adhérents contre les excès

de pouvoir ou les injustices des chefs hiérarchiques, puisqu'il y a déjà bien en fait des syndicats de fonctionnaires, que le fameux statut soumis au Parlement ne détruira point.

Le plus grave dans la vogue du syndicalisme est la tendance qui se manifeste, sous l'influence de meneurs, animés de visées ambitieuses et intéressées, de centraliser leurs efforts dans une organisation politique et franchement révolutionnaire: la C. G. T.

Il est à craindre que les généreuses ardeurs de certains apôtres trop confiants ne servent qu'à réaliser le but égoïste et néfaste, pour tous autres qu'eux-mêmes, des dirigeants professionnels.

Le syndicalisme envahissant toutes les branches de l'activité est une confirmation inattendue du paradoxe fameux : l'organe crée le besoin.

En tous cas les faits sont là ; il importe donc de les étudier, de les examiner avec sang-froid et sincérité ; de se demander ce que vaut le syndicalisme, ce qu'il signifie, ce qu'il est exactement, ce qu'il veut être, ce qu'il pourrait être, ce qu'on doit en penser, quand on est délivré de tout lien politique, et qu'on ne recherche que le bien pour tous et la vérité.

CHAPITRE II

La loi du 21 mars 1884 émanait peut-être d'une pensée généreuse !

Mais depuis vingt-cinq ans les interprétations successives de la loi ont abouti, avec le syndicalisme, à des conséquences que le législateur de 1884 ne pouvait pas prévoir.

L'œuvre d'organisation démocratique, mais d'ordre économique, est devenue, à peu près exclusivement, une arme politique, dangereuse pour l'ordre public, organe tout désigné des révolutions prochaines.

La loi est donc mal faite, puisqu'elle a pu engendrer un résultat aussi différent de la conception de ses auteurs. La loi n'est en effet que l'expression de principes conçus par des parlementaires aux sentiments élevés, mais qui ne voyaient pas nettement le problème à résoudre.

Us ./ont pas compris, en effet, qu'en constituant des groupements aux membres indéterminés, inconnus, sans responsabilité, qu'en instaurant des organisations imprécises, dont la puissance serait faite de leur anonymat môme, ils pourraient donner naissance à des masses redoutables, derrière lesquelles s'abriteraient des ambitions sans scrupules, et qu'exploiteraient des chefs arrivistes au détriment des intérêts réels des groupes constitués.

Ils ont craint qu'en leur donnant une responsabilité, la possibilité de posséder un patrimoine, d'offrir par conséquent des garanties matérielles, ils ont craint de reconstituer des sortes de congrégations laïques, de rétablir, en les aggravant, les anciennes corporations.

Ils ont permis aux syndicats d'exister en leur interdisant de s'enrichir ; ils leur ont donné une façade, derrière laquelle il n'y a rien de précis, puisque le syndicat peut couvrir un nombre indéfini de membres, lesquels entrent et sortent du syndicat sans lui ajouter ou lui enlever quoi que ce soit.

Pour éviter un mai ils sont tombés dans un pire. En voulant empêcher que les syndicats ne constituent contre l'Etat une trop grande puissance, ils leur ont donné une force plus considérable et plus dangerouse : l'irresponsabilité.

Un syndicat, disait un jour Jules Guesde, c'est un timbre en caoutchouc de 1 fr. 25; c'est une organisation mystérieuse dont on ignore le nombre des adhérents, le chiffre des affaires, la quantité des ressources.

L'article 4 de la loi de 1884 dit en effet : « Les fon-« dateurs de tout syndicat professionnel devront dépo-« ser les statuts et les noms de ceux qui, à un titre qucl-«c conque, seront chargés de l'administration ou de la < direction. »

Voilà la seule obligation précise.

La loi ne donne aucun moyen de contrôle sur les syndicats.

Un syndicat peut se composer de 10, 20, 100 ou 1.000 personnes ou davantage.

Si l'administration veut le savoir elle ne le peut, et toujours évidemment de façon incertaine, que, soit en s'en rapportant à la bonne foi des fonctionnaires du syndicat, soit par l'inquisition policière.

L'article 6 de la loi de 1884, qui accorde la personnalité civile aux syndicats a soin de restreindre « la

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« possession des immeubles à ceux qui seront néces-« saires à leurs réunions, à leurs bibliothèques ou à « des cours professionnels ».

' L'article 8 prévoit des nullités pour toute acquisition de biens contraire aux dispositions de l'article 6; « dans « les cas d'acquisition à titre onéreux les immeubles « seront vendus et le prix en sera déposé à la caisse « de l'association. Dans le cas de libéralité les biens « feront retour aux disposants ou à leurs héritiers ou « ayants cause. »

Les syndicats actuels sous l'empire de la loi de 1884 sont donc des associations de personnes inconnues à objet indéfini, à durée indéterminée, n'étant soumises à aucun compte moral ni matériel.

Los syndicats ont donc la propriété perpétuelle. « Or, disent MM. Henry Lambert et E. Baudoux (1), la « perennité, c'est-à-dire la perpétuité, est l'unique « cause des dangers et des maux, que l'on redoute, « quand il s'agit d'accorder aux associations l'exis-« tence civile complète, c'est-à-dire les droits de pos-« séder, de contracter et d'ester en justice. »

Le principal auteur de la loi des syndicats, W. Rousseau, avait senti lui-môme, qu'il fallait donner aux

(1) E. Baudoux et II. Lambert. Le droit commun d'association.Revue des Deux-Mondes du 15 août 1907, p. 18 et suiv.

L'ERREUR SYNDICALISTE

« syndicats un objet moins vague que l'étude et la « défense des intérêts économiques, industriels, com-« merciaux et agricoles » (1).

Dans son exposé des motifs du projet de loi du 14 novembre 1899, il constate que sa propre loi de 1884 ne leur a donné « qu'une capacité limitée, qui, « en dépit de la généralité des termes, ne s'étend à « aucune entreprise positive et matérielle >.

W. Rousseau avait l'intention de les détourner de leurs préoccupations politiques déjà trop nettement apparues vers des conceptions économiques, en voulant leur donner le droit, moyennant certaines obligations spéciales, de faire dos actes commerciaux.

Les projets de loi de 1894 et de 1902 ne corrigent pas les défauts de la loi de 1884. Le mal initial est. dans la définition de l'objet que doivent poursuivre les syndicats, qui n'est ni modifiée ni surtout précisée. La défense des intérêts professionnels laisse le champ libre à tous les moyens violents ; l'expérience l'a surabondamment démontré.

(1) « En rédigeant le projet de loi, qui modifiait celle de 1884 et «celle de 1901; W. Rousseau n'avait pas perdu de vue les idées « émises à l'étranger quelques années auparavant, sur lesquelles son c attention avait été spécialement appelée par des savants et des « publicistes français ; mais il s'en était inspiré et les avait mises en « application dans une mesure trop restreinte. On peu! se demander « si les malaises moraux et sociaux, dont on se plaint aujourd'hui ne « sont pas attribuables, tout au moins en partie, à ces lois spéciales « et de circonstance ou d'occasion, constituant autant de déviations « du droit commun, qui, sous prétexte d'organiser l'association dans € ses différents domaines, n'ont en réalité organisé, que des solidari-€ tés énervées, et cependant parfois tyranniques, et n'ont eu d'autre « résultat, que de paralyser ou de fausser les diverses manifestations « du fécond et nécessaire effort d'association. » H. Lambert et K, Baudoux, op. cit., p. 9.

14

« On sait comment les ouvriers de l'industrie ont (I) « entendu trop souvent l'étude et la défense des inté-«c rôts économiques. L'étude c'est la recherche de tous « les moyens de guerre contre les patrons, contre les « non-syndiqués. La défense, c'est l'offensive violente « qui s'exerce par des procédés tels que la mise en « interdit, le sabotage, l'arrêt subit du travail, et, en « cas de grève, par des attentats à la liberté de ceux « qui veulent continuer de gagner leur pain. Le mot « même de syndicat a pris ainsi comme une signifîca-« tion de menace à toute vie sociale régulière. C'est « bien en ce sens que l'entendent les postiers, que « l'entendent aussi les instituteurs syndicalistes : « Pourquoi nous voulons le syndicat ? répondait l'un « d'eux à l'enquête de la revue Les Pages Libres, le « 22 juin 1908; c'est parce qu'il possède une puisse sance d'intimidation supérieure à une Amicale. »

Le syndicat, presque malgré lui, pour ainsi dire, par sa constitution même, est un groupement organisé pour la lutte et, parce qu'il est une organisation indéterminée, il permet à quelques audacieux de dominer tyranniquement les autres membres.

MM. Lambert et Baudoux les considèrent « comme « de modernes et laïques organisations de combat, des « chevaleries du travail »...

Fondé dans un but strictement économique « pour « la défense des intérêts professionnels », le syndicat est dominé en réalité par des préoccupations politiques et nettement révolutionnaires. Nous avons eu récemment, aussitôt après la crise

(1) Journal des Débats, 16 mars 1909.

des postes, deux discours d'hommes d'Etat. Ils n'ont rien dit d'intéressant à un moment où il était de leur devoir d'aborder franchement la question.

Ministre socialiste dans un ministère individualiste, soutenu par une forte majorité individualiste, M. Briand, garde des sceaux, a prononcé un discours de conciliation, essayant de tenir la balance égale entre les exigences progressives du syndicalisme et les principes essentiels de l'Etat. Il a dû avouer la difficulté d'une chose par ailleurs impossible. Il a bien voulu reconnaître que le syndicalisme pouvait être une force inquiétante et pernicieuse.

II a blâmé la loi de 1884, coupable de constituer des syndicats sans préciser quel serait leur rôle, sans donner d'aliments à leur activité.

Il voit à tort une solution possible dans la participation des syndicats aux bénéfices ; l'expérience cependant sur ce point a désorienté et convaincu ses partisans les plus dévoués.

M. Briand, socialiste, n'a rien dit de précis, et a confirmé ses idées collectivistes sous une forme habile, qui cependant n'a trompé personne, que ceux qui veulent l'être.

Il laissera la féodalité nouvelle envahir le monde et étoufîcr progressivement la liberté si difficilement acquise par nos pères en 1789.

Le discours de M. Deschanel prononcé deux jours après, n'a pas été une riposte à celui de M. Briand. 11 a gardé devant des commerçants une allure assez vague, avec le souci d'éviter toute polémique. M. Deschanel, peut-être trop préoccupé de ménager des amitiés politiques, admet le syndicalisme, tout en exigeant

de lui une modification de principes, qu'il sait bien pratiquement impossible.

C'est tout autre chose, qu'il faudrait oser dire.

Et cependant en présence des événements actuels si caractéristiques, les plus optimistes sont bien obligés de reconnaître aujourd'hui le danger.

Us attribuent toutefois davantage ce résultat inquiétant à un manque d'éducation de la classe ouvrière, qu'à un vice môme du système organisé par la loi de 1884.

II faut convaincre, affirme-t-on, les ouvriers de leurs véritables intérêts : il faut améliorer chez eux une éducation économique encore à l'état d'enfance; il faut les persuader peu à peu, et surtout leur faire abdiquer des prétentions exagérées ot irréalisables, que des gens intéressés à la discorde ont entretenues chez eux pour réaliser des ambitions personnelles.

Les syndicats, dit-on, ont beaucoup à apprendre,ils doivent prendre pour modèles les trade-unions anglaises ou américaines, qui ont su se détacher de la politique et dont la supériorité provient surtout et presque exclusivement des qualités pratiques et de l'élévation morale de leurs chefs.

Je ne crois pas que ce soit là la vérité.

Le mal est dans la forme même de l'organisme, qui est un organisme de défense et par conséquent de lutte, avec toutes les conséquences des passions humaines, quand elles se déchaînent.

Les majorités raisonnables ont toujours échoué devant les minorités bruyantes. La bonne volonté, la sagesse, la modération n'ont pas de prise sur ceux qu'enthousiasment les rhétoriciens de la surenchère.

2

Les syndicats constituent la plupart du temps des groupements artificiels, dont l'homogénéité est décroissante en raison de l'augmentation de leurs membres. Or ce manque d'homogénéité a des conséquences graves, car il assemble des intérêts complexes et opposés. Le but à atteindre ne peut être précis, et devant la diversité d'intérêts souvent antagonistes, il fait place à la seule préoccupation capable d'unifier les tendances de ses membres : la politique, qui vient dominer et remplacer la défense des intérêts professionnels.

Les groupements de syndicats, les unions de syndicats constituent des coalitions de forces considérables, qui ne peuvent avoir aucune conscience de leurs intérêts professionnels si mêlés, si opposés, si contradictoires même; ils ne peuvent a voir qu'une préoccupation commune: l'émancipation politique et la conquête des pouvoirs publics par la force.

Dans un livre publié en 1905 sur « l'action syndicale», M. Barthou,l'actuel ministre des Travaux Publics, après avoir reconnu l'attitude surtout politique des syndicats, déclare « qu'ils reviennent de l'erreur ».

Il lui était donné de recevoir de ces allégations, tout au moins prématurées, un prochain et cruel démenti.

Déjà en 1891 le Congrès national du Parti ouvrier français déclarait que : « Les groupements syndicaux, étant < généralisés dans une entente commune,la grève géné-« raie nationale et internationale devait être décidée ; « elle pourra précipiter le dénouement par la révolu-« tion sociale, but de nos efforts. »

Les syndicats semblent s'être donné la mission de réformer le monde et de se constituer en foyers révolutionnaires. Le syndicat entretient chez ses adhérents

l'ardeur perturbatrice ; les Bourses du Travail, si déviées de leur but primitif, concentrent l'organisation et la grande C. G. T. plane au-dessus des organismes locaux et régionaux.

Les malheureux ouvriers ne voient pas qu'ils sont les dupes des Pataud, des GrifTuelhes, des Yvetot, des Le Dû et autres, dont l'orgueil n'a d'égal que l'habileté à les exploiter.

Ces apôtres de l'anarchie savont se faire un tremplin des ruines des autres; toujours prêts à transformer par leur présenco les moindres grèves en luttes sauvages, ils alimentent les ouvriers égarés par des paroles aussi creuses que violentes, et, quand le danger survient, comme à Draveil, ils disparaissent, laissant derrière eux des hommes grisés de folie, que la répression inévitable couvrira de sang.

Quand après le chômage et la misère les victimes déçues voudront reprendre le travail, l'employeur, ruiné lui-même, aura quitté le pays.

Quand donc les ouvriers s'apercevront-ils que les véritables exploiteurs no sont pas où ils le croient.

A vouloir trop exiger, les ouvriers, dont les salaires ont d'ailleurs considérablement augmenté depuis un demi-siècle, rendront l'entreprise impossible; ils tueront eux-mêmes leur poule aux œufs d'or.

On parle en effet trop souvent des bénéfices énormes de certains industriels. Mais il faudrait d'abord considérer qu'ils sont l'infime exception.

La statistique démontre qu'un grand nombre d'industriels ou entrepreneurs se ruinent ou végètent misérablement.

Il est donc naturel qu'à des risques si grands correspondent,dans le cas si rare de réussite, de gros bénéfices ; l'aléa est une prime à l'accroissement du gain.

11 est tout naturel que l'entrepreneur, qui risque sa fortune dans une tentative, où il donne en môme temps son intelligence, ses connaissances acquises, son activité,avec des angoisses à traverser, des découragements à surmonter, des soucis sans nombre à supporter, il est normal qu'il gagne davantage, quand il réussit, que l'ouvrier, lequel au contraire travaille avec sécurité à un labeur déterminé, toujours le même, sans autre préoccupation que le chômage.

Or le chômage est une conséquence de crises que le syndicat ne peut empêcher, et qu'il provoque la plupart du temps par ses exigences.

Il serait superflu d'insister sur le caractère politique, révolutionnaire et anarchique des syndicats groupés en unions sous le contrôle de la C. G. T.

Les événements actuels sont assez saisissants pour dessiller les yeux les plus volontairement aveugles.

La grève des postiers, l'attitude de certains instituteurs, de certains fonctionnaires, dont l'intellectualité devrait être une garantie de sagesse ont démontré aux plus récalcitrants toute l'acuité de la crise.

Puisque le syndicalisme aboutit à l'anarchisme, c'est-à-dire à la transformation d'un moyen économique en arme politique et révolutionnaire, puisque le but entrevu par les législateurs et les économistes n'est pas atteint, puisque les modifications proposées en 1899 et 1902 n'ont pu aboutir, qu'elles ont toujours été véhémentement rejetées par la plupart des syndicats, par tous les socialistes et même par des auteurs d'opinions très modérées, par la Commission perma-

nente du Conseil supérieur du Travail dans sa session de novembre 1907, enfin puisque le syndicat est incapable, de par son principe même, de donner les résultats attendus, il faut trouver autre chose. Or il y a d'autres formes de l'association susceptibles de donner une solution plus pratique des conflits sociaux, susceptibles de résoudre pacifiquement, pour le bien de tous, le problème de l'organisation du travail.

Le système d'association, que je propose pour remplacer l'organisation syndicale, est déjà ancien, puisque la loi, qui le réglemente, date de presque un demi-siècle.

Ce système, déjà exposé à maintes reprises par des hommes éminents, échappe aux critiques, qu'a méritées le syndicat, il a déjà fait ses preuves, mais il sera surtout l'organe de l'association de l'avenir, quand le prolétariat enfin désabusé, délaissant le rêve et l'impossible, se contentera du possible et de la réalité.

Cette forme (l'association a été mise en particulière évidence par M. Yves Guyot dans un livre qui eut beaucoup de succès, mais dont le mérite est plus grand encore que le succès : Les conflits du travail et leur solution (Paris, 1903).

M. Yves Guyot consacrait pratiquement une idée

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déjà exposée par le grand maître de l'Hconomie politique contemporaine, M. de Molinari, qui écrivait en 1893 : « Les prix sont absolument gouvernés par un « fait général contre lequel les uns et les autres essaient « en vain de lutter. Le moven de réduire, sinon de

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« détruire les conflits entre les salariés et l'employeur, « le moyen de rendre impossibles parce qu'inefficaces « les grèves, c'est de laisser librement se créer, s'or-« ganiser et se développer par voie d'association le « commerce du travail (1). »

L'association libre, que propose M. Yves Guyot, la société commerciale de travail, basée sur la loi de 1807, met l'entrepreneur en face d'une collectivité ouvrière, comme le syndicat, mais d'une collectivité bien définie d'actionnaires, dont on connaît l'existence.

Elle garantit à l'employeur l'exécution complète du travail consenti par la responsabilité de la société commerciale, comme elle garantit la société elle-même de la solvabilité de celui qui traite avec elle.

Elle substitue l'achat en gros du travail à l'achat en détail, le contrat unique et précis aux contrats multiples et vagues ; elle décharge l'entrepreneur des soucis variés de la surveillance, lui donne la sécurité, l'assure contre les malfaçons, en même temps qu'elle garantit les ouvriers associés contre le chômage ou les diminutions de salaires.

La société de travail, conforme aux principes de la loi de 1867, constitue, à l'encontre des masses syndicales étérogènes aux intérêts mal définis, complexes et souvent même antagonistes, de petits groupements homogènes, conscients de leurs intérêts, ayant un but précis et une responsabilité bien déterminée.

La société commerciale de travail « substitue le < louage (2) d'ouvrage au louage de services, le travail « aux pièces et en gros au travail à la journée à forme « servile, la concurrence politique pour la remplacer « par la concurrence exclusivement économique, essen-« tielleinent commerciale. »

(\) Les Bourses du Travail, par M. de Molinari. Paris, 1893. (2) Yves Guyot, op. cit.

Elle constitue par conséquent un agent de pacification et de progrès social.

Inspiré par l'idée de la commercialisation du travail de M. de Molinari,M. Yves Guyot voit dans le contrat collectif de travail, dans l'engagement commun d'un groupement ouvrier pour l'entreprise d'un travail à forfait, dans l'achat ou la vente en gros de la main-d'œuvre, un avantage pour le salariant comme pour le salarié.

C'est un progrès social, que la société anonyme de travail, à forme commerciale, réalisera, en substituant le louage d'ouvrage au louage de services.

L'article 1708 du Code civil dit :

« Il y a deux sortes de contrats de louage : celui des choses et celui d'ouvrage. »

Art. 1709. — Le louage de choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps et moyennant un certain prix, que celle-ci s'oblige à lui payer.

Art. 1710. — Le louage d'ouvrage est un contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles.

Art. 1711. — Los devis, marché ou prix fait, pour l'entreprise d'un ouvrage moyennant un prix déterminé, sont aussi un louage lorsque la matière est fournie par celui pour qui l'ouvrage est fait.

Le chapitre III du Code civil, qui ne comprend d'ailleurs que l'article 1779, intitulé : du louage d'ouvrage ou d'industrie, dit :

Il y a trois espèces de louage d'ouvrage et d'industrie :

1* Le louage des gens de travail, qui s'engagent au service de quelqu'un ;

2° Celui des voituriers, tant par terre que par eau, qui se chargent du transport des personnes ou des marchandises ;

3* Celui des entrepreneurs d'ouvragos par suite de devis et marchés.

L'article 1780, complété par la loi du 27 décembre 1890, qui concerne les conditions de la résiliation du contrat de louage, dit d'autre part : « On ne peut engager ses services qu'à temps ou pour une entreprise déterminée. »

On remarque, dit M. Yves Guyot (1), dans cette rédaction, que le Code ne considère point que le salarié engage sa personne ; il n'engage que ses services ; son engagement est limité et comme caractère et durée. Le Code, réagissant contre la vieille conception de l'esclavage, établit une distinction nette entre la personne humaine et ses services.

L'article 15 de la déclaration des droits de la constitution de l'an III, la détermine dans les termes suivants :

« Tout homme peut engager son temps et ses services ; mais il ne peut se vendre ni être vendu ; sa personne n'est pas une propriété aliénable. »

Dans le travail à la journée, l'individu doit tout son temps et ses forces pendant une durée déterminée.

Ce mode de travail est aussi désavantageux pour le salariant que pour le salarié.

Le salariant craint toujours d'être volé, car en effet

(1) Y. Guyot, op. cit., p. 262 et suiv.

ce mode de travail est onéreux, quelque intense que soit la surveillance du salariant.

Pour le salarié, sa dignité souffre d'un mode servile, qui donne au salariant l'habitude néfaste de la domination de classe.

Cependant, pendant longtemps, on a réclamé le travail à la journée de préférence au travail aux pièces.

Mais M. Pelletan, comme ministre de la Marine, en adoptant pour les ouvriers des arsenaux le travail aux pièces, a déterminé un mouvement, dont les conséquences se font sentir dans toutes les entreprises.

Dans son Dictionnaire du Commerce, à l'article « Louage d'ouvrage », M. Dufourmantelle écrit : « Il se distingue donc du louage de services, en ce que l'objet de ce dernier est de fournir ses services en vue d'accomplir une œuvre non déterminée in spccie, tandis que l'objet du louage d'ouvrage consiste dans l'accomplissement de telle œuvre promise. »

« Que demandons-nous, dit M. Yves Guyot ? La substitution, partout où les circonstances le permettront, du louage d'ouvrage au louage de services... Bien que dans cette distinction des termes « louage d'ouvrage et louage de services»,on voit toute la différence de conception du travail. Dans le premier le contrat ne s'applique qu'aux choses, qu'au produit du travail. C'est un contrat réel, en prenant l'étymolo-gie du mot : res, chose. Le second a un caractère personnel ; et un des résultats du progrès économique et social est la séparation toujours déplus en plus grande de l'homme et de la chose (1). »

(1) Yves Guyot, op. cit., p. 267.

L'industriel fournit les matières premières et l'outillage, l'ouvrier produit son travail.

Un nombre indéterminé d'ouvriers peut former une société anonyme pour mettre en commun leur force travail et assurer la livraison des services, dont l'employeur a besoin.

« La société anonyme, dit M. Yves Guyot, est la forme du groupement de travail, qui assure en même temps l'organisation du travail collectif et l'indépendance de l'individu (1). »

La société anonyme de travail n'a qu'un seul objet: fournir les produits ou les services du travail; le travail v est anonvme.

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Chaque sociétaire, même quand il se relire de la société, conserve sa quote-part de l'avoir social, alors que dans les syndicats il la perd.

Chaque sociétaire est co-propriétaire de l'avoir social, et la société ne peut avoir d'autre objet « que de traiter pour les produits ou les services du travail de ses membres et de garantir l'exécution du contrat de travail » (2).

La société vendeuse des produits ou des services du travail n'a pas à s'occuper de l'industriel avec qui elle traite ; elle « ne peut que lui garantir un approvisionnement de certains produits ou de certains services pour un laps de temps et à un taux qu'elle garantit » (3).

Quant à la forme de ces associations elle varie selon les métiers ; toutes les combinaisons sont possibles. Selon la profession, le nombre de leurs membres peut

(1)Yves Guyot, op. cit.

(2) Idem.

(3) Idem.

être plus ou moins considérable. Il pourra y avoir dans une même usine plusieurs sociétés coexistantes pour les divers genres d'emplois, et même des ouvriers appartenant à des professions différentes peuvent constituer une seule société. Leurs membres pourraient se disperser et dans ce cas leur administration agirait surtout comme bureau de placement, « donnant ainsi aux Bourses du Travail le caractère économique que M. de Molinari leur destinait en 1842 » (1).

Les sociétés de travail associent des capitaux et des personnes ; leur durée est déterminée par leur acte constitutif.

Astreintes à une comptabilité méticuleuse, elles sont destinées pratiquement à faire l'éducation économique de leurs membres.

Elles offrent à l'employeur la sécurité d'exécution dans un temps et à un prix nettement déterminés.

Chaque sociétaire est indépendant à l'égard de l'entrepreneur, et est assuré du paiement de son travail au cours du marché.

Loin de redouter le développement de la puissance de la société, le salariant est intéressé à sa richesse, qui garantit par sa solvabilité l'exécution du contrat. Comme il s'agit d'un contrat synallagmatique, dans le cas de rupture ou de contestation, il n'y a qu'à faire application des articles 1142 et 1780 du Code civil et toucher les dommages-intérêts dus par le contractant en faute. Cette responsabilité existe pour l'inexécution totale ou partielle du contrat, comme pour les malfaçons même involontaires.

{1} Yves Guyot, op. cit.

Donc l'entrepreneur traite avec la société commerciale de travail, comme avec toute autre maison de commerce, et de même que, plus la maison est connue, et de réputation solide, et plus effective est sa responsabilité ; plus elle offre de sécurité, plus élevé est le prix, qu'elle peut exiger de ses produits; de même si la société de travail est riche, bien administrée, plus élevé est le prix du travail qu'elle vend.

La société, avec son contrat précis, opère avec sécurité et prévoyance ; elle n'a qu'un point de contact avec l'employeur: « la livraison forfaitaire du travail à un prix déterminé pendant une durée fixe (1). »

Il y a donc avantage réciproque de l'employeur et de l'employé.

On a reproché à ces sociétés de constituer une généralisation du marchandage.

M. Millerand, dans son décret du 10 août 1899, interdisant le marchandage, l'a cependant permis en fait devant la nécessité de la pratique, puisque le marchandage sera licite dans le cas où l'entrepreneur pourra... « obtenir l'autorisation expresse de l'administration et sous la condition de rester personnellement responsable tant envers l'administration, que vis-à-vis des ouvriers et des tiers ».

«Cetterestriction,dit M.Y. Guyot, prouve que M. Millerand ne se dissimule pas que, en dépit du décret du 2 mars 1848 du gouvernement provisoire (2), le mar-

(1) A. Richard. Le contrat collectif de travail et la sous-entreprise ouvrière, 1904.

(2; Ce décret interdisait le marchandage avec cette restriction, c II est bien entendu que les associations d'ouvriers, qui n'ont point pour objet l'exploitation des ouvriers les un» par les autres ne sont pas

chandagc acontinué et continuera d'être pratiqué; c'est dans la nature des choses, car l'entrepreneur général divise son entreprise en sous-entreprises en vertu de l'économie de l'effort. »

D'ailleurs, deux arrêts de la Cour de Cassation des 8 février 1898 et 16 février 1900, et un arrêté des chambres réunies de la même Cour du 31 janvier 1901 portent « que le délit de marchandage, puni de peines correctionnelles, n'est pas un délit contraventionnel ; l'intention criminelle, le dol et la fraude du tâcheron voulant abuser de l'ouvrier constituent seuls les éléments du délit, et en leur absence, il n'y a pas lieu de le retenir ».

Donc loin d'interdire le marchandage, il faut, suivant l'idée de M. de Molinari, le généraliser et en faire la règle même des entreprises.

Les sociétés commerciales de travail constituent une série de sous-entreprises, auxquelles ne s'appliquent pas les décrets de 1848 et 1899.

On a aussi reproché à ces sociétés de n'être pas légalement possibles (1).

11 n'y a qu'à se reporter à l'article 68 de la loi de 1867, modifié par la loi de 1893, lequel dit que: quel que soit leur objet, les sociétés en commandite ou anonymes, constituées dans les formes du Code de commerce ou de la dite loi, seront commerciales et soumises aux lois et usages du commerce.

considérées comme marchandage. » Il y a là, comme l'écrivait M. Finance, le rédacteur de l'enquête de l'Office du travail, « un marchandage collectif dans lequel les bénéfices ordinaires du marchandeur au lieu d'aller à l'homme seul, vont à tous les hommes d'une équipe ».

(1) Max Girard, discussion à la Société d'Écon. pol.

Cette interprétation s'est trouvée confirmée dans le projet de loi, que M. Waldeck-Rousseau a déposé en 1902 sur les syndicats. « Ce projet donne à ceux-ci une sphère d'action beaucoup plus large. Il établit, cependant, que si le syndicat fait des actes de commerce, une société vient alors se juxtaposer en réalité à ce syndicat. La coexistence et la distinction entre ces deux formes de groupements est donc ici parfaitement établie (1). »

Des sociétés commerciales de travail peuvent donc se constituer sans l'autorisation du gouvernement en France depuis 1867, en Belgique depuis 1873.

D'ailleurs l'expérience a démontré que de telles sociétés sont possibles, puisque, depuis 1881,1a société du Journal Officiel existe avec la forme anonyme et commerciale.

La société de travail est soumise à toutes les conditions exigées par le Code civil pour la validité des contrats ; chaque associé doit faire un apport ; la société ne doit avoir que le gain pour objet ; chaque associé subit les pertes jusqu'au chiffre de son apport.

Elle doit tenir une comptabilité rigoureuse, peut être déclarée en faillite, et l'action dirigée contre les associés non liquidateurs se prescrit par cinq ans (art. 64, Code de commerce).

Les tribunaux de commerce connaîtront de toutes contestations entre associés, ou entre associés et créanciers de la société.

En apparence, la société de travail ne constitue qu'une société de capitaux ; cependant, outre le capi-

(i) Y. Guyot, op. cit.

tal souscrit, c'est surtout leur capacité respective de travail que les associés mettent en commun.

L'action doit être de 25 francs pour un capital inférieur à 200.000 francs et de 100 francs pour un capital excédant ce chiffre.

Les actions sont constituées après la souscription de la totalité du capital, et le versement en espèces pour chaque actionnaire du montant des actions ou coupures d'actions, souscrites par lui, lorsqu'elles n'excèdent pas 25 francs et du quart au moins des actions lorsqu'elles sont de 100 francs et au-dessus.

Toutes les actions ont la même valeur et sont négociables, vendables au gré du sociétaire, sauf réserve possible d'un droit de préemption par la société.

On a présenté à M. Y. Guyot une observation.

On suppose une société d'entreprise de main-d'œuvre constituée avec le minimum nécessaire, soit sept ouvriers.

Ces sept ouvriers sont des camarades, qui se connaissent et sont d'égale valeur. Pour un motif quelconque, l'un d'eux se retire et cède son action à un ouvrier moins capable. La société va-t-elle fonctionner pareillement ?

L'article 50 de la loi de 1807, dit M. Yves Guyot, donne de lui-même une réponse satisfaisante à cette objection.

Voici l'article : « Les actions ou coupons d'actions seront nominatifs, même après leur entière libération.

« Ils ne seront négociables qu'après la constitution définitive de la société.

« La négociation ne pourra avoir lieu que par voie de transfert sur les registres de la société, et les statuts pourront donner, soit au conseil d'administration, soit à l'assemblée générale, le droit de s'opposer au transfert. »

11 faut, continue M. Yves Guyot, rapprocher de cet article 50 les articles 48, 51 et 52 :

Art. 48. — 11 peut être stipulé, dans les statuts de toute société, que le capital social sora susceptible d'augmentation par des versements successifs faits par les associés ou par l'admission d'associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports effectués.

Art. 51. — Les statuts détermineront une somme au-dessous de laquelle le capital ne pourra être réduit par des reprises des apports autorisées par l'article 48. Cette somme ne pourra être inférieure au dixième du capital social.

Art. 52. — Chaque associé pourra se retirer de la société lorsqu'il le jugera convenable, à moins de conventions contraires et sauf l'application du paragraphe lfir de l'article 51.

Il pourra être stipulé que l'assemblée générale aura le droit de décider, à la majorité fixée pour la modification des statuts, que l'un ou plusieurs des associés cesseront de faire partie de la société.

L'associé qui cessera de faire partie de la société, soit par l'effet de sa volonté, soit par suite de décision de l'assemblée générale, restera tenu, pendant cinq ans, envers les associés et envers les tiers, de toutes les obligations existant au moment de sa retraite.

Art. 53. — La société, qu'elle que soit sa forme, sera valablement représentée en justice par son administrateur.

Art. 54. — La société ne sera pas disjointe par la mort, la retraite, l'interdiction, la faillite ou la déconfiture de l'un des associés ; elle continuera de plein droit entre les autres associés.

Il est évident, d'après ces articles, que la législation actuelle se prête à toute combinaison possible de société à forme commerciale.

Je cite M. Yves Guyot, dans un exemple très clair et très probant (1).

« Sept ouvriers d'une usine se réunissent pour prendre à l'entreprise le montage de locomotives, par exemple ; ils constituent une société à capital variable. Ils pourraient établir leur capital par action de 25 francs, soit 175 francs.

«Au bout de six mois, ils peuvent se distribuer entre eux une part de dividende ; à fin d'exercice, ils peuvent mettre tout ou partie à la réserve;ils peuvent en dehors de la réserve légale, se répartir tout le bénéfice.

« Si l'un d'eux veut se retirer, il fait le transfert de son action à un autre ouvrier, qui devra être agréé par ses co-associés.

«Que le minimum (sept ouvriers) soit adopté,ou qu'au contraire leur nombre atteigne 100, 200 ou 1.000 sociétaires, le mécanisme est le même.

«Si,dans cette société, un ou plusieurs des membres ne veulent pas remplir leurs engagements de travail, l'article 52 donne à leurs co-associés le droit de les expulser. »

Donc, loin de mettre obstacle à la constitution de telles sociétés, la loi se prête à toutes les combinaisons nécessitées pour leur bon fonctionnement.

(1) Y. Guyot, op. cit., p. 289.

La transformation des conditions du travail par cette solutionne dépend pas du législateur,mais des mœurs: il suffit d'une entente entre employeurs et ouvriers pour les constituer immédiatement (l).

Par la simplicité pratique de leur constitution et l'évidence de leurs avantages réciproques pour l'entrepreneur d'ouvrage, comme pour le vendeur de main-d'œuvre, elles semblent devoir être, pour la plupart des professions tout au moins, la forme type de l'organisation du travail de l'avenir.

(t) < 11 y a un régime excellent et large, qui répond aux besoins sociaux actuels... C'est celui du travailleur associé, travaillant pour le compte d'une association,dont il fait lui-même librement partie.» Principes d'économie politique. Ch. Gide, p. 507.

CHAPITRE III

J'ai consacré aux sociétés commerciales de travail une étude détaillée (1).

Je vais me contenter d'exposer ici brièvement ce qu'est la société anonyme de main-d'œuvre à forme commerciale, ses avantages certains, sa supériorité sur toutes les organisations ouvrières actuelles et son rôle dans l'avenir.

A. — Il ne faut pas confondre les sociétés de travail indépendantes de toute attache administrative et strictement autonomes avec les associations coopératives de production, qui sont presque toujours subventionnées par l'État.

On s'est fait de grandes illusions sur les associations de production. On les entretient toujours, malgré les déceptions, par force subventions.

M. W. Rousseau, dans son enthousiaste discours de Saint-Mandé, avait dit : « Le premier client des asso-

r »

ciations ouvrières ce devrait être l'Etat. » L'Etat fut en effet un de leurs meilleurs clients, mais le rapport de la Banque coopérative des associations ouvrières de

(1) Les sociétés commerciales de travail (Fernand Jacq), Paris, 1908.

production n'est pas encourageant en proclamant que « pour les petits entrepreneurs, les travaux publics sont le miroir aux alouettes, où ils vont se faire tuer » (1).

Les dons de l'Etat sont assez fréquents, mais ils se partagent en parts insignifiantes pour chaque association.

« Elles durent peu, trois ans en moyenne » (2), et l'un des derniers rapports de l'Office du travail constatait mélancoliquement : « Il n'apparaît pas que le mouvement coopératif ait gagné beaucoup en puissance de 1885 à 1895 ».

En Angleterre, les associations de production n'ont pas mieux réussi qu'en France; les chiffres officiels le démontrent.

C'est à force de subventions de l'Etat, que ces associations se soutiennent ; « en subventionnant avec des fonds publics des associations de production, les législateurs font payer par les industriels et les commerçants une prime à des concurrents (3).» M. Levasseur constate que « la coopération, comme la participation aux bénéfices n'a eu qu'une part infinitésimale dans l'énorme quantité d'entreprises qui se sont formées depuis vingt ans en Amérique » (4).

« Si les syndicats n'ayant qu'un objet vague et indéterminé sont des organisations de combat, l'expérience a d'autre part condamné, dit M. Yves Guyot, la plus grande partie des associations ouvrières de production, ayant un postulat erroné : la suppression du salariat.

(1) L'association ouvrière, du 29 août 1903.

(2) Conflits du travail, Y. Guyot, p. 300.

(3) Conflits du travail, Y. Guyot, p. 201.

4) L'ouvrier américain, Levasseur, t. II, p. 326.

« Il faut donc autre chose (1). »

La société commerciale de travail se rapproche parfois de l'association de production, et paraît môme dans certains cas se confondre avec elle.

Cependant cette confusion n'est qu'apparente.

La société de travail se différencie très nettement de l'association de production par ce fait qu'elle n'achète point de matières premières, ne possède point d'outillage et n'exploite que sa main-d'œuvre.

Elle ne réclame donc que des capitaux infimes, et n'offre que des risques très limités.

La société de production nécessite, au contraire, un outillage relativement coûteux, exige une mise de fonds initiale assez importante et par suite se constitue plus difficilement ; elle doit faire des retenues considérables et prolongées sur les salaires pour amortir l'outillage, elle doit faire appel à l'aide de l'État, et est souvent même réduite à l'emprunt. Elle se débat contre des difficultés souvent insurmontables, végète, décourage ses membres, et meurt parfois à peine née.

Elle se heurte également, étant une entreprise directe, à la difficulté de l'achat avantageux des matières premières, car des jalousies intestines paralysent l'initiative individuelle des gérants, lesquels ne peuvent s'approvisionner librement au mieux selon les cours des divers marchés, comme le font les industriels patrons ; l'association de production se heurte à la difficulté des débouchés immédiats, préoccupée qu'elle est, à la fois de la fabrication et de la vente en détail de ses produits.

(1) Conflits du travail, Y. Guyot, p. 20S.

La société commerciale, au contraire, en vendant les services ou les produits de sa main-d'œuvre, distribue immédiatement des salaires à peine entamés par de faibles charges (établissement de caisses de secours et de réserve) ; c'est une sous-entreprise qui vend en gros et à forfait un seul produit.

B. — La commandite réalise une forme plus parfaite et plus rapprochée de la société commerciale de travail. M. Y. Guyot reconnaît, que c'est elle, qui lui a donné l'idée des sociétés de travail.

Mais il reproche cependant à la commandite de n'être qu'une émanation du syndicat, de garder un caractère corporatif, d'être exclusiviste et de combattre comme le syndicat ; de n'offrir ni la publicité, ni la garantie bien déterminée de la société commerciale de travail.

« J'ai eu, dit-il, de fréquents entretiens avec M. Keufer, l'apôtre des commandites, et je lui ai recommandé de donner la forme commerciale aux commandites typographiques. M'a-t-il compris ? Je ne sais, mais je crois que s'il avait accepté mes propositions, la typographie ne serait pas dans la situation actuelle; car on n'imprime plus eu France... »(1).

Malgré l'enthousiasme de M. Hamelin, la commandite n'a pas donné les résultats prévus et ne semble pas « destinée à devenir la forme universelle de l'or-« ganisation future de travail » (2).

Les rapports de la commandite avec les syndicats

(1) Conversation de l'auteur avec M. Yves Guyot.

(2) Mouvement socialiste, de juillet 190t. La commandite typographique p. Iïamelin.

sont très étroits, et parmi les associations ouvrières de main-d'œuvre, c'est la commandite qui a le plus nettement l'empreinte unioniste.

Les rapports du syndicat et de la commandite peuvent se résumer ainsi :

1° Tout groupe commanditaire est en principe composé exclusivement de syndiqués ;

2° La commandite reçoit son organisation de la chambre syndicale ; elle est responsable envers elle de toute infraction réglementaire ; la chambre syndicale fixe le maximum d'heures de travail (1).

Lorsqu'il y a contestation, entre la commandite et le patron, la chambre syndicale a seule autorité pour rendre une décision arbitrale (2).

La commandite est donc sous la dépendance immédiate du syndicat. Elle subit une incorporation absolue et ne peut rien entreprendre librement au-dessous du tarif syndical. C'est donc uniquement du travail tarifé et non du marchandage (3).

Mais indépendamment de sa forme corporative, elle est dominée par des tendances socialistes et devient une arme politique pour le syndicat. « Il faut

(1) Richard, op. cit.

(2) Ilamelin, op. cit.

(3) Mouvement socialiste, 10 avril 1905. La commandite et son rôle social, L. Boudet.

La commandite ne peut travailler au-dessous du prix fixé par le syndicat, qui est actuellement de 1 fr. 10 par heure. Des affiches rouges placardées sur les baraques de Noël dernier rappelaient véhémentement les typographes des trottoirs au devoir syndical, sous peine de « sarrazinage ». L'affiche émanait de la Chambre syndicale typographique, dont dépendent les commandites; nous sommes loin de l'action régulatrice de la concurrence, déterminée par le libre jeu de la loi de l'offre et de la demande.

considérer la commandite comme une forme de groupement des forces ouvrières intimement liées devant le patronat (1). »

Elle n'a pas un but unique et définitif, comme la société commerciale de travail : le gain purement et simplement ; c'est une organisation provisoire, un premier stade « de la marche vers la future mainmise sur les instruments de travail par les travailleurs» (2).

Elle est un acheminement vers la réalisation de l'idéal communiste.

La Société du Journal Officiel est une application de la commandite. Cependant, « c'est une association de main-d'œuvre qui s'est détachée du syndicat et qui a pris la forme commerciale. Elle représente donc un stade plus avancé de l'évolution de la société ouvrière (3).

Elle est d'ailleurs toute différente d'esprit des autres commandites typographiques. Il serait à souhaiter que celles-ci, inspirées comme elle de préoccupations exclusivement économiques, adaptent sa forme commerciale, et, libres d'attaches syndicalistes, parviennent à la même prospérité.

Les syndicats, les unions, les commandites ne semblent pas destinés, de par leur forme même, ou leur ■ fonctionnement actuel, à donner des résultats économiques satisfaisants, qui amèneraient la prospérité de la classe ouvrière et pacifieraient définitivement les rapports du capital et du travail.

(1) L. Boudet, op. cit.

(2) L. Boudet, op. cit.

(3) A. Richard, op. cit.

Ils sont essentiellement corporatifs, exclusifs et com-battifs.

L'avenir de l'organisation du travail, la fin d'une lutte stérile de classes est dans l'association libre, pacifique, économique et pratique, dans la société anonyme de travail à forme commerciale.

« Car nous avons le devoir d'espérer que cette association imparfaite, qu'on appelle l'entreprise, fera place à son tour à une dernière phase, qui sera l'association libre et intégrale, c'est-à-dire embrassant la direction et la répartition, aussi bien que la production, et dans laquelle chacun aura la claire conscience qu'il fait partie d'une œuvre collective et la ferme volonté d'y coopérer (1). »

Le syndicat possède une quantité inconnue de membres, il n'a aucune responsabilité, puisqu'il ne peut posséder que dans une mesure infime et strictement limitée et le peu qu'il possède l'est à titre perpétuel ; il n'a pas de but précis ; or la détermination précise de l'objet d'un contrat indique seule et d'une façon certaine le but poursuivi par l'association.

Il est également indispensable de connaître le nombre et la valeur des sociétaires, de savoir le degré de responsabilité, qui indiquera la valeur de la garantie qu'elle pourra offrir à celui qui traitera avec elle.

« La limitation de durée des associations (2), la con-« servation de la liberté et des droits individuels de « leurs membres, la proscription de tout but antisocial « sont, au surplus, des conditions en quelque sorte réci-« proques et inséparables. En effet la limitation de

(1) Principes (l'économie politique^dit.de 1906, p. Ch. Gide,p. 164.

(2) H. Lambert et Baudoux, op. cit., p- 17.

<c durée entraîne la fixation d'une procédure de liqui-« dation, nécessitant comptabilité, tenue de livres, « inventaires, ainsi que parts ou actions : en consé-« quence, chacun des associés sera mis à mémo de « connaître la valeur de sa part, chose essentielle, puis-« que la liberté et les droits individuels dos associés « ne seront vraiment sauvegardés, que s'ils peuvent « se retirer en emportant leur quote-part de l'avoir « commun. »

« La limitation de durée de l'association est, en € outre, pour chacun de ses membres, la garantie par « excellence, qu'il pourra recouvrer sa liberté à un « moment nettement fixé, sans même se voir obligé « do procéder par l'uno ou l'autre formalité de démis-« sion, qui rendrait souvent cette liberté illusoire. »

C'est la liberté complète, aussi parfaite que possible de l'individu indépendant des obligations tyranniques du syndicat, avec la force centuplée que lui apporte l'association.

La société de travail est supérieure aux syndicats, c'est évident; elle est aussi supérieure aux trade-unions anglaises et américaines, aux coopératives de production, aux commandites; composée d'actionnaires directement intéressés, n'ayant que le gain pour objet, possédant un contrôle permanent de tous ses membres, soumise à une comptabilité rigoureuse, dégagée de toute préoccupation politique et par conséquent dépourvue d'ambitions complexes et de calculs égoïstes de membres influents, elle s'impose à tous ceux, qui sincèrement cherchent à résoudre les graves problèmes qui nous préoccupent à l'heure actuelle.

Mais c'est précisément parce que la société do travail

constitue enfin la solution pratique désirée par tous les ouvriers sincères, parce qu'elle est capable de rétablir la paix et la sécurité économiques, que les pécheurs en eau trouble, intéressés à la prolongation des antagonismes, luttent contre elle avec férocité, puisque son triomphe constituerait leur ruine.

CHAPITRE IV

Si le syndicat a donné aux législateurs des résultats aussi imprévus que désastreux, c'est qu'il prétend rétablir une forme condamnée : la corporation, tandis que la société anonyme a pour elle l'avenir, parce qu'elle repose sur une conception plus parfaite : l'association contractuelle (1).

(1)« Le passé n'a connu que la corporation, qui existait en vertu € d'un statut imposé d'autorité, dont résultaient des obligations per-« sonnelles illimitées dans l'espace et dans le temps. Cette forme pri-€ mitive de la sociabilité était le produit d'une adaptation naturelle c de l'association aux exigences du but principal à poursuivre qui était c alors la sécurité, condition essentielle des activités de l'Individu. »

« Le présent ne conçoit plus d'associations organisées pour la lutte « en vue de la réalisation d'une sécurité ou d'une justice, dont l'État « s'est constitué le garant ; s'il y avait un manque de sécurité ou de «c justice, ce serait à l'autorité publique à leur apporter le complément c qui serait reconnu nécessaire. Le présent ne peut, ne doit plus con* « naître que la société établie librement sur un contrat librement « consenti et formulant des obligations réelles nettement déterminées « et limitées. L'association contractuelle, forme définitive de la so-c ciabilité, implique pour l'associé faculté d'allor et venir, d'entrer et < de sortir, n'est capable d'aucun but qui ne soit pacifique, et ne peut « avoir d'autre objet que la coopération dans l'une ou l'autre de ses « manifestations : économique, politique, scientifique, religieuse, phi-c lanthropique ou autre.

€ L'organisation du droit commun d'association ne peut donc, pour

La forme corporative est le résultat d'une idée fausse: la réglementation de la production et de la consommation au bénéfice de coalitions particulières.

Les syndicats en effet édictent un tarif et interdisent à leurs membres de travailler au-dessous de ce tarif sous peine de « sarrazinage ». Si des non-syndiqués acceptent un tarif inférieur,les syndiqués les flétrissent avec colère, et emploient à l'égard des « renégats »tous les moyens à leur disposition pour les empêcher de travailler.

C'est une restauration des idées étroites de l'ancien régime, absolument contraire aux principes de 1789, et qui menace la liberté individuelle.

C'est pourquoi le syndicalisme nous conduit directement à une révolution collectiviste, où tout ce qui reste de l'œuvre de la Grande Révolution disparaîtra.

L'émancipation individuelle, œuvre dos Assemblées de 1789 et des années suivantes, loin de so développer, s'est progressivement atténuée, et est en voie de disparaître sous les progrès continus de l'étatisme, pro-grome du collectivisme futur.

Des symptômes récents dénoncent cette marche vers la réalisation des doctrines marxistes.

L'assistance obligatoire aux vieillards, le rachat de l'Ouest sont choses faites, les retraites ouvrières sont à la veille de fonctionner, d'autres réformes prochaines sont à l'étude.

« faire œuvre de progrès, consister qu'en cette réforme : rendre la « société par contrat accessible à tous ceux qui veulent s'unir en vue « de la poursuite d'un but licite quelconque. Telle est la conclusion, « qui se dégage de la philosophie de l'histoire. » Henry Lambert et L. Baudoux op. cit., p. 12-13.

La vieille doctrine individualiste, dont l'intransigeance se tempérait d'une certaine quantité de collectivisme de fait, sacrifice maximum fait à un étatisme relatif, tend à disparaître peu à peu sous l'envahissement d'un collectivisme d'intention.

La conception socialiste se réalise peu à peu avec l'augmentation des attributions de l'État.

Les députés et les sénateurs actuels, qui appliquent en fait les principes de la mutualité individuelle en se constituant entre eux des retraites, votent d'autre part des retraites ouvrières organisées par l'Etat.

L'étatisme se développe donc sous la gestion d'un Parlement, dont la très grande majorité est cependant de doctrine individualiste.

Il y a là une contradiction qui ne s'explique que par une manœuvre politique.

La majorité radicale, qui est individualiste a priori, et sait par conséquent de par ses principes, autant que par de déjà trop nombreuses expériences, l'infériorité de l'Etat industriel, de l'Etat chef d'entreprises, à l'égard de l'initiative privée, la majorité radicale individualiste subit l'influence socialiste, et renie pratiquement ses principes constitutifs en étendant chaque jour les pouvoirs de l'Etat.

Les conséquences d'une telle politique sont très graves de l'avis de tous les économistes, de tous les hommes sensés que préoccupe l'avenir de notre pays.

L'Etatisme tue le progrès ni plus ni moins. Le seul mobile vrai de l'activité humaine, l'intérêt personnel disparaît, l'initiative privée et le sentiment de la responsabilité font place à l'insouciance de la gérance administrative.

C'est un fait sur lequel il est superflu d'insister.

Loin de laisser englober peu à peu l'entreprise privée par les monopoles de l'État, il faudrait augmenter la quantité de liberté. Il faudrait répudier à la fois les habitudes protectionnistes et les tendances étatistes,qui sont une réalisation progressive du socialisme.

Le protectionnisme et le socialisme, pour reprendre l'idée de Bastiat, exercent une égale tyrannie.

Le protectionnisme n'a pour but que d'enrichir injustement des catégories de privilégiés aux dépens de tous.

Le mobile auquel obéissent les protectionnistes en se servant de leur influence pour faire établir des droits de douane, c'est l'intérêt, ou ce qu'ils croient être l'intérêt de leur industrie personnelle.

Les industries les plus fortes ou politiquement les plus influentes font augmenter leur clientèle ou leurs bénéfices aux dépens des plus faibles.

Ils font abaisser ou relever les tarifs pour leur profit personnel et au détriment de leurs concurrents.

Gomme les socialistes, les protectionnistes traitent la concurrence en ennemie, et cherchent à la supprimer tout au moins à leur égard. C'est l'origine des trusts, des cartels et de tous les monopoles.

Le protectionnisme permet d'édifier des fortunes colossales aux dépens des consommateurs en élevant les prix dans une proportion parfois énorme. Ët ils arrivent, sous prétexte de favoriser l'industrie nationale, à vendre à l'étranger moins cher que chez eux-mêmes, faisant ainsi œuvre essentiellement antipatriotique, et aboutissant à un résultat tout opposé à leurs principes.

La situation de l'Angleterre libre-échangiste au milieu de voisins protectionnistes est la meilleure preuve de la supériorité de la liberté des échanges.

Les produits du monde entier sont vendus sur le marché à leur prix normal, exonérés de tout droit de douane; les subsistances sont donc à la fois variées et peu coûteuses.

« Notre organisation nationale et industrielle (1) a « encore un autre grand avantageait M. Russell Rea. « Elle procure à nos ouvriers des salaires beaucoup « plus élevés qu'on ne les trouve dans les autres pays « européens. Rien mieux que ce fait, ne pourrait illus-« trer la stabilité de notre position comme nation ma-« nufacturière.... »

« Quelle donc est la force secrète grâce à laquelle « l'Angleterre a su s'adapter si heureusement à un mi-« lieu variable et hostile?Cette force c'est « l'importais tion libre ». L'importation, en nous pourvoyant de « toutes espèces de matières premières, d'articles à demi « manufacturés et d'articles finis, de toutes sortes d'ou-« tils et de machines, nous a mis en état de nous créer « notre position actuelle. C'est surtout dans les quatre « cas suivants que nous lui devons notre succès.

« Premièrement : c'est grâce à elle que nous avons « pu franchir les obstacles qui s'opposaient à nous sous « forme de tarifs, importer nos produits dans les pays « étrangers, et y entrer en concurrence avec le manu-« facturier protégé qui,grevé comme il l'est des droits « protecteurs sur les matières crues, voit dans bien des

(1) Discours de M. Russell Rea, membre du Parlement anglais, au Congrès du Free Trade. Londres, août 1908.

« cas tout profit du marché de ses produits manufac-€ turés, lui échapper.

« Deuxièmement : Sans son secours nous n'aurions « pas pu maintenir notre suprématie sur les marchés « neutres du monde.

< Troisièmement : Elle a créé chez nous des condi-« tions de bon marché qui ont favorisé l'établissement « sur notre sol de nouvelles industries, produits du « progrès de la civilisation et de la science.

« Quatrièmement : Elle a place entre nos mains des « branches importantes du commerce international « qui, par leur nature même, n'admettent pas d'une « protection. Telles sont la navigation, et les nom-« breux services dans le domaine du commerce et de « la bourse que nous rendons au monde entier et que « nous ne rendons certainement pas gratuitement. »

La protection a enchéri considérablement le coût de la vie, elle a diminué le pouvoir d'achat des ouvriers ; elle n'a pas diminué les chômages, ni augmenté le taux des salaires ; les industries les plus protégées, les tissages notamment, sont celles qui offrent les salaires les plus bas.

M. Yves Guyot a fait observer d'autre part, que sur une population de 7 millions d'industriels, il n'y a que 300.000 protégés ; elle ne profite donc qu'aux 4/100 de la population au détriment des 9(5/100. Les consommateurs paient aux protégés en impôts supplémentaires d'une part, et en supplément de prix d'achat d'autre part, le taux de la protection accordée aux industries privilégiées.

La protection a augmenté le prix des objets les plus indispensables, elle porte donc de tout son poids sur

les pauvres, elle est essentiellement antidémocratique.

11 faudrait donc abandonner le protectionnisme et revenir au libre-échange; c'est ce qu'empêcheront de toutes leurs forces ceux qui sont intéressés à conserver le protectionnisme, et ils sont puissants.

Cependant le régime de la libre concurrence est à la fois le seul logique, le seul vrai scientifiquement et celui qui peut donner pratiquement les meilleurs résultats.

Or le syndicat ne se conçoit pas dans un système libre-échangiste, car il a surtout pour objet la réglementation arbitraire des salaires au gré de coalitions plus ou moins puissantes, et le taux du salaire est ainsi déterminé par la plus ou moins grande force du syndicat.

Cependant le salaire est une conséquence directe des prix des marchandises, qui eux-mêmes sont déterminés par l'offre et la demande.

Or le syndicat ne tient aucun compte de la loi de l'offre et de la demande. Il édicté un tarif qui ne varie que selon l'exigence de ses membres, suivant qu'ils sont plus ou moins nombreux et par conséquent plus ou moins puissants.

C'est le retour à la force matérielle ; c'est le plus fort en fait qui impose ses conditions au plus faible. Ce n'est donc pas un contrat valable, qui est conclu dans ces conditions, puisqu'il y a un vice initial du consentement chez l'un des contractants.

Après l'exploitation des ouvriers divisés, c'est l'exploitation des patrons par des syndicats trop puissants. Après l'écrasement du prolétariat, c'est l'écrasement du capital ; les résultats sont également funestes.

Les ouvriers devenant maîtres de fixer leurs salaires à leur gré, ne manqueront pas de réduire le capital à l'impuissance et à la ruine ; or le capital est aussi indispensable à la production que le travail lui-même.

Il est également dangereux que le capital ou le travail se dominent. « 11 faut donc, dit M. de Molinari, « non pas conférer à l'un ou l'autre le pouvoir de fixer « le taux ou les conditions du salaire, mais le leur < enlever à tous deux. 11 faut par conséquent élargir le « marché du travail, que le syndicalisme tend au con-« traire à rétrécir pour le monopoliser à son profit. » Le vice radical des Bourses socialistes gérées par les syndicats ouvriers est dans la volonté de monopoliser le marché du travail (1).

Elles ont réclamé et obtenu par le vote de la loi du 14 mars 1904 la suppression des bureaux de placement pour y substituer au bénéfice exclusif des syndicats le monopole du placement d'ouvrage.

Or, les syndicats sont impropres à remplir le rôle d'intermédiaires entre les entrepreneurs et les ouvriers ; « car ils n'ont point l'indépendance nécessaire (2) pour inspirer une confiance égale aux uns et aux autres et ils ne présentent point les garanties indispensables pour attirer les capitaux, qu'exigent

(1) De VÉconomiste français, de mars Î902, Histoire des Bourses du Travail, de M. E. Payen : < Les Bourses du Travail avaient à remplir un rôle excellent et large, mais ce programme ne suffit pas à l'activité des chefs des groupements syndicaux, co qui les intéressa surtout ce fut l'action socialiste et révolutionnaire... »

(2) De M. G. Sorel dans l'introduction du livre cité de M. Pellou-tier : < Les Bourses pourront devenir facilement les administrateurs de la commune ouvrière en formation. >

1'excrcicc et le développement utile de toute branche de commerce ou d'industrie (1). »

Les unions et les syndicats sont sous la dépendance des ouvriers qui y sont affiliés, et dont les cotisations alimentent leur caisse. C'est le travail bon ou mauvais de ces syndiqués, qu'ils sont naturellement portés et même obligés d'offrir avant tout. Or, « ce que demandent les entrepreneurs, c'est le travail le meilleur et le moins cher possible syndiqué ou non (2). »

Il en serait autrement si le capital disposait d'un système d'intermédiaires analogue à celui dont disposent les capitaux et les produits. Si des sociétés puissantes se constituaient pour l'exercer, le marché du travail s'étendrait, comme l'ont fait les marchés des valeurs et des grains ; la valeur du travail ne se déterminerait que par la concurrence régulatrice sous l'influence de la loi de l'offre et de la demande; le prix du travail deviendrait impersonnel, et s'établirait sur un marché, général, comme s'établissent les prix des autres denrées et valeurs (3).

< L'ouvrier ne pourra plus se plaindre d'être exploité par l'entrepreneur, car le taux du salaire dépendra d'un fait sur lequel les entrepreneurs et les

(1) M. de Molinari, op. cit.

(2) M. de Molinari, op. cit.

(3) Du Congrès de la fédération des Bourses du Travail (Afonve-ment socialiste de novembro 1901), sous la signature de M. Yve-toi :«r... le camarade Niel, de Montpellier, terminant un discours très applaudi où il conclut à la fusion des Bourses et de la C. G. T...: « il faut une organisation militaire des forces sj'ndieales, mais elle n'aura plus sa raison d'être lorsque, par la grève générale révolutionnaire, elle aura détruit ce qui l'avait fait naître : la propriété individuelle et établi définitivement la société communiste libertaire. » ouvriers ne pourront plus exercer une influence appréciable en suspendant individuellement ou même collectivement leur offre ou leur demande, savoir l'état d'un marché devenu illimité (1). »

Dans cet état, les Bourses du Travail, ramenées à leur fonctionnement normal, selon la conception originelle, pourvoiraient à ce besoin de l'industrie des intermédiaires du placement du travail, comme les Bourses des valeurs le font pour les capitaux et les produits (2). Avec le développement de la production du commerce et de l'industrie, il y a eu développement des intermédiaires : c'est une évolution parallèle.

Le commerce du travail, auquel on a donné'la dénomination de « marchandage » est demeuré plus en retard que le commerce des autres produits, sous l'influence d'obstacles de toutes sortes, autant naturels qu'artificiels et constants, et c'est à l'insuffisance de son développement qu'il faut attribuer la plupart des maux et des désordres dont les socialistes rendent responsable le régime du salariat (3). >

« Le marchandage à tort impopulaire auprès des ouvriers est un germe de progrès. Le marchandeur achète le travail en détail aux ouvriers et le revend en bloc â l'entrepreneur. Faisant ainsi commerce de travail, il est intéressé à agrandir autant que possible

(1) M. de Molinari, op. cit.

(2) M. Millerand, ministre du Commerce, en 1900, répondant à une interpellation sur le chômage, abondait dans l'ancienne idée de M. de Molinari, quant à la modification de la loi de 1884 sur les Bourses du Travail et proposait de créer un office de renseignements pour la publicité du travail.

(3) Pacification des rapports du capital et du travail, M. de Molinari.

le débouché de sa marchandise. D'abord, il profite seul de ce progrès commercial, ensuite l'élévation de ses profits, en attirant la concurrence,l'oblige à y faire participer producteurs et consommateurs (1). »

Le remède est dans le marchandage généralisé (2) l'achat en bloc du travail. « Il faut traiter le travail comme une valeur. 11 faut qu'il ait des cours déterminés par la loi de l'offre et de la demande. Il faut commercialiser le travail (3). »

Et le moyen d'élargir ce marché de la main-d'œuvre, c'est de supprimer toutes les entraves à la liberté des offres et des demandes de travail, c'est de supprimer aussi bien les coalitions de capitalistes que les coalitions d'ouvriers» c'est de rendre aux Bourses du travail, créées jadis dans ce but, leur rôle rigoureusement économique, et de leur faire par contre abandonner leurs chimères politiques, car il est évident qu'aujourd'hui les Bourses du travail ne sont que des organes révolutionnaires, dont la C. G. T. est l'unité suprême.

(1) Cours d'économie politique, Xe leçon, M. de Molinari.

(2) « Le chef d'industrie ne peut-il pas admettre qu'il vaudrait mieux pour lui renoncer de plein gré au marchandage individuel de la main-d'œuvre et adopter le marchandage organisé et collectif ! » G. Hano-taux, Journal du 17 déc. 1907.

(3) Y. Guyot, op. cit.

CHAPITRE V

Les syndicats incapables de s'améliorer de par leur nature, incapables de rendre aux Bourses du travail leur rôle originel se détruiront d'eux-mêmes, et seront fatalement remplacés dans l'avenir par une forme plus parfaite : l'association contractuelle.

Mais pour y parvenir y aura-t-il évolution progressive ou révolution ?

L'état actuel des esprits peut faire redouter une catastrophe : le syndicalisme organisé politiquement, dominé par des meneurs audacieux et énergiques, glisse rapidement sur une pente, où il semble bien difficile de l'arrêter.

La révolution possible et même probable sera l'abîme d'une civilisation qui a dévié de son idéal.

La réaction inévitable qui s'ensuivra, résultat de toutes les révolutions violentes, retardera sans doute l'organisation économique dans le sens contractuel.

Les ouvriers seront les plus atteints évidemment.

En voulant trop obtenir, en rompant volontairement un équilibre déjà instable, ils auront contribué à empirer leur sort et à retarder l'avènement d'une ère de sagesse et de modération.

Les révolutions sont parfois nécessaires, elles sont souvent dangereuses pour ceux qui les font ; elles sont toujours suivies d'une régression.

En l'espèce on pourrait certainement éviter une crise aussi grave, en se dégageant à temps des chimères politiques, et en organisant rapidement le travail; mais il faudrait oser se débarrasser des conceptions a priori et des surenchères électorales, dont on a abusé les ouvriers.

Je ne me suis pas proposé de faire le procès du collectivisme. Il n'y a pas aujourd'hui un homme sensé et quelque peu cultivé, qui ne l'ait classé définitivement au rang des utopies.

On a démontré avec des arguments irréfutables les contradictions théoriques de la doctrine collectiviste ; il est encore plus évident, que pratiquement elle est impossible, et constitue un rêve aussi dangereux pour ceux qui chercheront sincèrement «à le réaliser, qu'utile d'autre part aux politiciens qui l'exploitent.

Et à ce propos je ne puis m'empêcher de mettre en garde contre une équivoque fréquemment employée. Il y a des gens doués certainement de plus d'habileté que de loyauté, qui se disent socialistes anti-collecti-vistes. Or, par collectivisme, il faut entendre toute doctrine basée sur la socialisation de la propriété privée, qu'elle soit désignée sous le terme de collectivisme, do socialisme ou de communisme, les trois termes ne pouvant désigner que la même doctrine. Soit que la classe ouvrière comprenne enfin son véritable intérêt ; soit qu'ayant essayé de la révolution, elle revienne, après l'erreur, à la raison, la société anonyme à forme commerciale, l'association contractuelle constituera l'organisation économique de l'avenir.

Dans un livre très documenté, récemment paru, M. Yves Guyot s'exprime en ces termes sur ce sujet : « La forme de l'association est d'autant plus perfec-« tionnée qu'elle établit mieux la distinction entre les « intérêts et les personnes ; la puissance de l'associa-« tion est en raison directe de la spécification des « intérêts, qu'elle met en commun, et du but, qu'elle « poursuit ; la plus haute expression du progrès éco-« nomique est la société anonyme, et jusqu'à présent, « ajoute-t-il, la législation a surtout eu pour but d'en « empêcher le fonctionnement (1). »

Je ne puis mieux terminer qu'en empruntant à MM. H. Lambert et Baudoux leur propre conclusion: « Le droit commun d'association, sans limites ni « restrictions, et quels qu'en soient les caractères et « les buts licites, sous forme de sociétés contractuelles « investies d'un état de droit que nous avons appelé « la délégation civile, est une conception incontesta-« blement libérale. Au contraire, les lois spéciales et « de circonstance en vigueur, particulièrement sur les « groupements professionnels, tant en France que dans « les autres pays, ne sont, avec leurs restrictions aux « droits collectifs et leur méconnaissance des droits indi-« viduels, que la négation de la liberté d'association.

« Ce nouveau droit commun, organisé par la loi gé-« nérale, nous apparaît comme le régime de l'avenir « et comme l'expression suprême et parfaite du droit « d'association. Il fournirait à la fois le couronne-« ment et les structures propres à consolider les bases « de l'édifice social fondé sur l'individualisme. »

(1) Le Commerce et les Commerçants, pur M. Yves Guyot, Paris, 1909, p. x.

CONCLUSION

Je n'ai pas eu l'ambition d'écrire quelque chose de nouveau ; j'ai tenu tout simplement à apporter la modeste contribution personnelle, qu'en conscience je devais à la cause de la justice et de la vérité.

Je manque certes d'autorité pour impressionner et convaincre,mais l'évidente bonne cause que je soutiens, d'accord avec des hommes, dont ni la science ni la vertu ne peuvent être soupçonnées, a suffisamment de force de persuasion en elle-même, pour que mon effort ne soit pas inutile.

Peut-être des politiciens me liront-ils l Je n'ai écrit tout ceci ni pour, ni contre eux ; j'ai agi en pleine indépendance d'esprit, sans autre préoccupation que de dire loyalement ce que je crois utile de faire connaître.

Si cependant ces politiciens susceptibles se froissent de certaines critiques, si, d'autre part, j'éveille à leur égard une méfiance salutaire, je n'aurai qu'à m'en féliciter ; car il faut avoir de la politique une conception plus haute. Loin de laissera quelques-uns le monopole du pouvoir, dont ils usent pour leur seul intérêt au mépris du bien général, il faut que tous les citoyens d'une démocratie, où le suffrage universel est sans limites, concourent à administrer ou tout au moins à contrôler efficacement l'administration de délégués librement choisis.

C'est Ja seule manière d'éviter l'exploitation intéressée d'une coterie aux dépens de tous et de réaliser pour le mieux le bien général.

TABLE DES MATIÈRES

Pages

Avant-propos.............. 5

Ghapitrb I. — Questions générales....... 7

Chapitkb II. — Critique des syndicats ; ce qu'il leur

faut préférer............10

Chapitre III. — La société anonyme de travail à forme

commerciale............35

Chapitre IV. — Le syndicat est une restauration de l'ancien régime des corporations. Il se concilie avec le protectionnisme qui est mauvais,

antiscientifique et antisocial......45

La liberté seule, dégagée des entraves protectionnistes, étatistes, peut, avec la réforme économique des Bourses du travail, organiser un régime pratique de la main-d'œuvre. ... 57 Ghapitrb V.— Le syndicalisme, restauration de la forme corporative est un recul ; le progrès, la forme de l'avenir est dans l'association contractuelle. Conclusion...............01

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